Lisbeth && Ayane

La nuit était noire. Le ciel devait être couvert, car on ne voyait ni les étoiles, ni la lune. La ville était seulement éclairée par les divers lampadaires, et les lumières des maisons. La blonde venait de refermer sa porte. Elle avait fait l’acquisition, peu de temps après son arrivée, de cette petite maisonnette de ville. Rapidement après l’avoir achetée (même si ça lui coûtait un emprunt), elle avait commencé à l’aménager, et à l’organiser, et le résultat lui plaisait assez. Elle avait fait installer un coffre, où elle avait mis sa drogue et ses petites recettes de nuit. Elle n’avait pas intérêt qu’on tombe dessus, évidemment. Pour le planquer, elle avait fait l’acquisition d’une affiche de film vieille des années 50, bien protégée dans un cadre noir, sous vitre. Ce n’était pas grand-chose, certes, mais c’était déjà ça. Et puis pourquoi aurait-elle un coffre, mmh ? Elle referma à clef sa maisonnée, et tourna les talons, serrant son sac contre elle. Il n’était pas tard, et elle avait fini depuis quelques heures seulement ses cours. Elle avait dormi une petite heure, et avait préparé ses affaires pour la soirée. Rapidement, elle dévala les escaliers, et se dirigea vers l’arrêt de bus à quelques mètres de sa porte. Ayant un peu froid (elle avait eu le temps de s’habituer au climat local), elle referma sa veste, attendant sagement.

Elle devait se rendre à easthern San Francisco. Elle dansait dans plusieurs clubs, et ce soir c’était une boite hétéro. Enfin, à la base. Danser pour des hommes ne la gênait pas, même si généralement, elle refusait les danses privées. Pas qu’elle ne leur faisait pas confiance, mais ça ne l’amusait pas. Et puis être trop proche d’un homme, à moitié nue, ça ne lui plaisait pas. C’était d’ailleurs pour cela qu’elle préférait danser dans les boites gay. Mais il faut ce qu’il faut, et puis le club d’easthern était assez sympathique, il faut l’avouer. Sa perruque et ses lentilles dans son sac, elle était pour l’instant vêtue d’un t-shirt trop grand et d’un simple jogging, un sac de sport sur l’épaule. Arrangeant ses cheveux rapidement, elle grimpa finalement dans le bus, se sortant une cigarette. Elle la glissa entre ses lèvres, sans l’allumer, et regarda distraitement la ville par la fenêtre. Elle était fatiguée, et un peu cranky. Et puis surtout, elle était manque. Elle avait cependant préféré attendre avant de prendre son rail de coke, pour que l’effet dure pendant qu’elle dansait, et non pas pendant qu’elle se déplaçait vers la boite, ce qui n’avait aucun intérêt. Elle gardait donc ses mains plongées dans ses poches, pour cacher le fait qu’elle tremblait.

Distraite, elle faillit manquer son arrêt. Sortant du bus, elle fit la dizaine de mètres la séparant de l’entrée de la boite. Elle descendit les quelques marches, et poussa la porte, remontant le col de son manteau, cachant la moitié de son visage. Il ne fallait pas qu’on la reconnaisse, sait-on jamais. Elle se faufila rapidement dans le couloir menant aux loges, et déposant son sac sur son coin, enleva son manteau. Elle se dévêtit, et s’habilla pour son show. Ce qu’elle aimait bien ici, c’était qu’elle était sur la scène au début, pour un petit strip, et ensuite elle pouvait soit être en salle, et faire des shows privés, soit rester sur la scène et faire du pole. Elle en profita pour allumer sa cigarette, et s’asseyant devant la glace, commença à se préparer. Elle attacha ses cheveux et les tint par un filet, empêchant des mèches de s’échapper. Elle mit ensuite sa perruque rousse, arrangeant les mèches par la suite. Enfin, elle finit par mettre ses lentilles vertes. Presque méconnaissable. Posant sa clope dans le cendrier, elle s’habilla rapidement, passant un genre de collant intégral en bas résilles, avec un string noir et un soutien-gorge assorti, mettant par-dessus un petit haut noir ne cachant que sa poitrine, et un paréo très court de la même couleur. Et enfin, un chapeau.

Elle était fin prête. Elle attendit quelques instants, et finit sa cigarette, chaussant en même temps ses talons aiguilles. Elle se dirigea ensuite vers la scène, et attendit sagement sur le côté, que l’on l’annonce. Elle s’étira un peu, et échauffa ses muscles lentement. Il ne faut pas croire, c’est sportif, le strip-tease. Enfin, il l’annonça, et elle grimpa sur la scène, tandis que la chanson démarrait. Langoureusement, elle se déhancha donc avec lenteur ( Comme çaaa ). Puis se furent les applaudissements, quelques sifflets. Un sourire aux lèvres, la suédoise récupéra ses affaires, et s’éclipsa, se rhabillant rapidement, se glissant ensuite dans la salle, allant chercher un shooteur de vodka au bar.

Perchée sur le tabouret du bar, elle regardait d’un œil distrait l’autre danseuse, qui était arrivée après elle. Maintenant qu’elle y repensait, elle n’avait pas l’habitude de les regarder danser. Elle n’aimait pas vraiment ça. Si danser … ainsi pour les gens l’amusait – et l’excitait, parfois – le regarder ne lui plaisait pas vraiment. Ca ne l’excitait pas. C’était beau à voir, certes, voir les muscles se tendre sous la musique, le corps onduler, les formes se mettre en valeur. Certes, c’était sexy, mais hormis dans un film, elle n’aimait pas tellement. Elle détourna alors le regard, et plongea ses yeux dans le fond du verre. Elle était vraiment, vraiment fatiguée. C’était à peine si elle arrivait à garder les yeux ouverts. Problématique, elle ne pouvait plus tenir son verre. Les mains accrochées au comptoir, pour éviter qu’elles tremblent, elle se redressa un peu. Il lui fallait sa dose. A tout prix, et maintenant. Elle baissa la tête, camouflant son visage du mieux qu’elle pouvait derrière les mèches rousses. Elle évitait de se frotter – elle n’était pas habituée aux lentilles, et ça lui faisait un peu mal – les yeux, même si elle en crevait d’envie. Il fallait qu’elle se réveille. Elle attrapa son verre maladroitement, et le but d’une traite, prête à s’en aller. C’était sans compter la personne à sa droite qui venait de lui adresser la parole.

Tournant lentement la tête, en mode robot, elle la fixa d’abord sans comprendre, et sans la reconnaître. Et puis ça la frappa. Elle. Celle qui avait osé déranger son cours, celle qui avait montré si peu d’intérêt pour ce qu’elle disait, celle qui l’avait, entre autres termes, insultée. Elle se retint de lui sauter à la gorge, et sentit seulement une vague de haine l’envahir. Qu’est-ce qu’elle foutait là ? Les japonais, c’était pas censé rester au Japon ? Non ? Pourquoi elle était là, pourquoi ? Son bug pouvant paraître bizarre, elle sourit soudainement, et inclina légèrement la tête. C’était marrant en fait. C’était même très très drôle. Elle ne savait pas qui elle était, mais Lisbeth, elle, savait à qui elle avait à faire. Whore. Elle aurait rêvé lui dire, mais elle se serait grillée tout de suite ; et ça, c’était hors de question. Non, elle comptait bien s’amuser à ses dépends. Et peut-être même lui siphonner du fric, pourquoi pas ! La suédoise s’amusa de son regard, qui glissait allègrement sur sa poitrine. Il fallait qu’elle arrive à la piéger, jouer avec elle, pour pouvoir l’humilier encore plus.

« Depuis un moment, oui. Mais je suis plus douée pour les shows privés … »

Elle avait prononcé cela avec un accent british parfait. Avec le temps, elle avait réussi à maîtriser l’accent, et arrivait à passer de l’un à l’autre (son véritable accent, où pointait souvent des traces d’accent nordique, et le british, donc). Elle glissa alors ses doigts sur le poignet de la demoiselle, et se pencha allègrement vers elle, lui laissant une vue plongeante sur sa poitrine.

« Suis moi. »

Elle lui décocha un sourire dévastateur, et sans attendre sa réaction, tira sur son poignet pour l’entraîner derrière le lourd rideau. Elle la fit s’asseoir sur le canapé, et se recula un peu, lui faisant un clin d’œil.

« Je vais te chercher un verre, ne bouge pas. »

A nouveau, sans attendre, elle s’éclipsa. Le verre, oui, mais surtout, et d’abord, la drogue. Elle se glissa dans sa loge, le temps de tracer les deux rails et de les absorber. Se frottant le nez, elle repartit rapidement, passa par le bar pour prendre une coupe de champagne, et revient dans la salle, déjà un peu plus réveillée. Tant qu’elle perdait son air endormi, ça irait. Ca n’attire pas, une femme à l’air fatigué.

Elle s’était figée à quelques pas de la porte, la coupe entre les doigts. Elle déglutit silencieusement, alors qu’elle braquait son regard sur elle. Elle la détailla une seconde, et à nouveau, une bouffée de haine l’envahie, si bien qu’elle faillit faire demi-tour. Mais non. Elle voulait l’allumer, la séduire, la faire miroiter, et finalement la laisser en plan, emplie de frustration. L’argent, elle s’en fichait, elle en avait assez comme cela. Non il fallait qu’elle l’humilie, qu’elle la ridiculise comme elle pouvait. Elle ne reculerait pas. Et puis elle avait envie de danser, et le club était à moitié vide ; et surtout rempli d’hommes : elle n’était pas d’humeur pour danser pour eux. Elle finit par s’approcher d’elle, déposant son chapeau sur la petite table à côté. Elle chevaucha alors la japonaise, faisant pour le moment attention à ne pas la toucher. Pour le moment, évidemment. Car si la demoiselle n’avait pas le droit la toucher, règle du strip, Lisbeth, elle, pouvait. Elle lui glissa la coupe dans les doigts, et lui offrit un petit sourire, alors qu’elle approchait ses lèvres de son oreille.

« Tu pourras me payer autrement … »

Elle se retient de lui mordiller l’oreille et posant sa main sur son épaule, se pencha en arrière pour attraper la télécommande et démarrer la musique (ICI). Elle jeta la télécommande sur un fauteuil un peu plus loin, et un sourire flottant sur ses lèvres, commençant à se déhancher contre elle, ne la lâchant pas des yeux. Elle s’accrochait doucement à son épaule, enlevant de sa main libre son petit haut noir, découvrant sa poitrine encore couverte par le soutien-gorge. Elle frottait lentement son bassin contre le sien, avant de se relever et de s’écarter rapidement, sans cesser de se déhancher, et lui tourna le dos, tournant seulement la tête vers elle pour ne pas rompre le contact visuel. Elle secoua légèrement ses cheveux, et remonta ses doigts langoureusement le long de son corps, caressant sa peau, jusqu’à l’agrafe de son soutien-gorge, qu’elle détacha d’un geste habile. Le laissant tomber par terre, elle se tourna vers elle à nouveau, exposant sa poitrine nue sous sa tenue en filet. Elle continuait à danser, et ferma finalement les yeux, prise par une vague d’extase bien caractéristique : elle était high ; et maintenant bien requinquée par la drogue.

Rouvrant les yeux, elle braqua son regard sur elle, et s’avança vers elle sous le rythme de la musique. Arrivée entre ses cuisses, elle se tourna à nouveau, et se retenant en s’appuyant sur ses genoux, remua son séant contre son bassin, toujours aussi langoureusement. Elle ne cessait de la fixer, et se redressa, venant passer un bras autour de ses épaules. Elle colla presque son dos à sa poitrine, se remuant toujours en suivant la musique, papillonnant presque des paupières. Elle en profita pour enlever son mini-paréo, et le jeta un peu plus loin, se retrouvant en string. Elle ne savait pas encore si elle allait l’enlever ou pas, elle hésitait. En même temps, si elle voulait son effet total, il faudrait l’enlever. Mais elle avait le temps, la chanson n’était pas encore finie, il lui restait bien une ou deux minutes. Elle frôla ses lèvres, taquine, et se redressa à nouveau, reculant cette fois-ci en lui faisant face, son bassin ondulant très lentement, tandis que ses doigts glissaient à nouveau sur sa peau recouverte.

Elle sourit légèrement. Elle était totalement high, et était, en fait, surexcitée. Mais ayant l’habitude, elle arrivait à canaliser son énergie ; elle avait l’air calme. Et puis elle était un peu en transe, si bien qu’elle en arrivait même à oublier pour qui elle dansait. Ca n’avait plus d’intérêt. Lentement, elle remuait son bassin, frottant son fessier contre ses hanches. Elle sourit légèrement en l’entendant, et la fixa avec un petit sourire, se léchant les lèvres. Si elle s’attendait à des compliments, par contre, elle ne s’attendait pas du tout à se faire repousser. D’ailleurs, surprise, elle faillit en tomber par terre. Elle se rattrapa maladroitement, et se redressa, se tournant vers elle. Elle avait les sourcils froncés, et un instant, sa haine la regagna. Pourquoi l’arrêtait-elle ? La chanson n’était même pas terminée ! Elle aurait bien pu attendre que la chanson se finisse, non ? La suédoise lâcha un soupir, et détourna le regard. Elle croisa également ses bras sous sa poitrine, un peu gênée. Elle l’écouta sans rien dire, ramassant le peu de vêtements qu’elle avait. Elle riva son regard vert au sien alors qu’elle ragrafait son soutien-gorge, penchant légèrement la tête.

« Laisse moi le temps de me changer. »

Elle tourna les talons, et avant qu’elle n’eût le temps de lui répondre, s’éclipsa. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait dit oui. Elle avait répondu en un quart de seconde, sur un coup de tête. Et elle savait qu’elle allait le regretter. Soit parce que l’autre saleté allait découvrir qui elle était – éventuellement – soit simplement parce qu’il allait se passer quelque chose. Il se passait toujours quelque chose au mauvais moment. Enfin, elle était prête à prendre le risque, même si ça pouvait foutre sa carrière en l’air, si elle la découvrait. Mais c’était de bonne guerre, après tout, Lisbeth était assez peau de vache avec la japonaise – elle l’avait cherché, quand même. En tous les cas, elle venait de se glisser dans les loges. Rapidement, elle se changea, remettant son jogging en tissu, son t-shirt trop grand et son sweat. Evidemment, c’était bien moins érotique, mais elle n’allait pas se trimbaler à moitié à poil dehors non plus. Elle attrapa son sac, arrangea ses mèches rousses rapidement, et rangea ses talons pour mettre des baskets. Fin prête, elle salua une dernière fois le patron, et sortit de l’établissement. Elle s’arrêta non loin de la porte, et s’adossa finalement contre le mur, non loin de la japonaise.

« Tu m’offres un verre ? »

Elle la fixa, haussant un sourcil, et en profita pour s’allumer une cigarette, tirant lentement dessus. Elle releva ensuite la tête, et recracha la fumée, regardant le ciel.