Je me réveillais ce matin avec un mal de tête à se taper le front contre un mur. Les rayons du soleil m’avaient sorti de mon sommeil avec une brutalité dont je me serais volontiers passé. Il me fallu cependant un moment avant de comprendre pourquoi mes jambes étaient entrelacées avec d’autres, plus fuselées et surtout imberbes. A contrecœur, j’ouvrais les yeux. Aïe ! Fichu soleil ! Il fallait pourtant que je m’y fasse. Nous ne sommes plus en Angleterre, mais bel et bien en Californie. Finalement ma vue devient plus nette. C’est là qu’une charmante rousse entra dans mon champ de vision. Elle m’observait, la tignasse ébouriffée, signe d’une longue nuit torride. Elle esquissa un sourire en coin, la rendant toujours plus belle.
- Tu es réveillée depuis longtemps ?
- Mh… disons une bonne demie heure. Les étudiants font un boucan pas possible dans le couloir.Ou comment me renvoyer toute la vérité en face. Depuis mon arrivée à Berkeley, j’avais décidé de louer une chambre universitaire dans la partie internat. Inutile de s’embêter avec des papiers administratifs pour un appartement que je ne garderais que le temps de l’échange. Ainsi, la directrice de l’université, une prénommée Maria O’Berkeley – que je tentais par tous les moyens de séduire, avouons-le – m’avait réservé un petit studio. Plus spacieux donc, que la petite chambre qu’on avait pu distribuer aux étudiants anglais. Seulement, je me trouvais dans le même couloir qu’eux, au même étage. Heureusement, j’avais ma salle de bain privée et même un petit coin salon.
- Je suis en retard…En effet, mon premier cours de la journée devait commencer dans dix minutes. Le temps de prendre un cachet d’aspirine et de filer sous la douche pour retirer cette odeur de sueur, d’alcool et de tabac froid. Un trio perdant en somme. Quand je ressortais de la salle de bain, ma conquête n’était plus là. Elle m’avait cependant laissé un mot avec son numéro de téléphone inscrit au feutre noir. J’esquissais un sourire en coin, assez fier. Je m’habillais avec une rapidité déconcertante, enfilant une chemise blanche, un pantalon de costume noir et une cravate de la même couleur. Et déjà, je filais, toujours avec ce mal de tête, jusqu’à l’amphithéâtre où je devais donner cours.
- Excusez-moi pour le retard.
- Vu la belle rousse qui est sortie de votre chambre, vous êtes tout pardon… AÎE !Le temps de saisir un feutre pour le tableau blanc, me retourner et connaître l’identité de celui qui a osé ouvrir la bouche, et voilà qu’il se mangea le Stabilo en pleine figure. Entre les rires et les mines surprises, je poursuivais.
- Donc comme je le disais, excusez-moi pour le retard.Sans grande surprise, je ne voyais pas Olivia Deakin dans cet amphithéâtre. Depuis que nous avions couché ensemble, dés le début de notre séjour à l’université de Berkeley, elle m’évitait comme la peste. Elle refusait de mettre un seul pied dans mes cours, que ce soit dans les magistraux que dans les TDs. Cependant, je ne la notais jamais absente, ne souhaitant pas qu’elle se fasse renvoyer. Elle possédait un réel potentiel pour réussir ses études et décrocher un travail qu’elle aime particulièrement. Cependant, il faudrait que j’aie tout de même une discussion avec elle. Chose difficile donc, puisqu’elle changeait également de route lorsque nous étions sur le point de nous croiser au détour d’un couloir.
La raison pour laquelle Olivia avait attiré mon attention résidait dans le fait qu’elle soit différente. Elle n’était pas cette gosse pourrie-gâtée, fille à papa et pourtant garce jusqu’au bout des ongles, qui ne pensent qu’à se contempler dans un miroir et à sortir avec les garçons les plus populaires de l’université. Elle, elle restait simple – dans le bon sens du terme –, brillante, charmante et intéressante. Je n’avais pourtant jamais envisagé de passer la nuit avec elle. Disons que nous avions été pris de cours, avec un taux d’alcool certainement trop élevé dans le sang.
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- William.Je me retournais pour croiser, à ma grande surprise, le regard de mon petit frère. Nous nous étions retrouvés après vingt ans d’absence. Certes, j’imaginais sans aucun doute qu’il préférait ne pas me voir une seule seconde tant il pouvait me haïr, mais il restait l’un des médecins de l’université. Et visiblement, la discussion que nous allions échanger – aussi brève soit elle – restera professionnelle. Il m’expliqua qu’Olivia Deakin avait fait un malaise. En effet, l’étudiante avait des problèmes cardiaques. En tant qu’enseignant de l’université d’Oxford et accompagnateur pour l’échange avec Berkeley, je devais être prévenu de chaque problème de santé de la jeune femme, quitte à devoir prendre la décision de la renvoyer en Angleterre pour qu’elle subisse des soins habituels.
Peu de temps après, je décidais de me rendre dans l’amphithéâtre où je devais donner un cours dans une bonne demie heure. Cependant, j’avais encore quelques petites choses à régler concernant le déroulement. Voilà pourquoi j’avais poussé en avance la grande porte de l’amphithéâtre vide. Enfin, presque vide. En effet, mon regard croisa celui d’Olivia. Mes sourcils se haussèrent sous la surprise. Et je compris face à l’expression de son visage qu’elle ne semblait pas emballée de me voir aussi proche d’elle. Je levais donc les mains, comme un hors-la-loi qui vient de se faire coincer par les policiers. Une façon de lui faire comprendre que je ne lui voulais aucun mal, donc inutile d’avoir un rythme cardiaque aussi élevé.
- Calme-toi, j’entends les battements de ton cœur jusqu’ici.Je laissais la grande porte se refermer et allais poser mon sac sur le bureau. Bureau sur lequel je m’asseyais d’ailleurs.
- Outre le fait que nous devrions parler de ce qu’il s’est passé et de tes absences répétées à mes cours, permets-moi de déjà te demander comment tu te sens. J’ai appris que tu étais sur le bord du malaise tout à l’heure.