venia & lizbeth ღ

C'est dans un des parcs de San Francisco que j’ai vu Venia pour la première fois. J’avais passé la majeure partie de mes vacances enfermée chez moi, ce que je regrettais beaucoup. Alors ce jour-là, j’avais décidé de sortir pour profiter des derniers jours de vacances –et de beaux temps. Je n’étais pas partie chargée : une petite couverture, de quoi grignoter et un bon bouquin me suffisaient amplement. Je relevais de temps en temps la tête pour observer du coin de l’œil les gens qui m’entouraient. J’ai toujours bien aimé observer les autres et me poser des questions sur eux, faire des hypothèses, voir si j’avais raison ou non. J’aurai sûrement pu continuer ce petit jeu des heures si mon regard n’avait pas été attiré par des couleurs vives. Une jeune fille était en train de marcher sur un fil tendu entre deux arbres, à seulement quelques centimètres du sol. Avec les couleurs qu’elle portait, c’était impossible de ne pas la voir. A la place de retourner à ma lecture, je continuai à la regarder, intriguée. Elle avait l’air très jeune, bien plus jeune que les étudiants de Berkeley alors je supposai que c’était une adolescente de San Francisco qui profitait également des derniers moments avant la rentrée scolaire. Mais ce que je trouvais bizarre, c’est qu’elle n’était pas sortie avec ses amis, elle ne bronzait pas, ne lisait pas, elle n’écoutait pas de la musique en feuilletant des magasines...bref, elle ne faisait rien d’habituel. Elle marchait sur un fil, très concentrée et l’air de s’amuser beaucoup. Et de temps en temps, elle s’arrêtait pour faire des roues, poiriers et autres acrobaties. On aurait pu la croire tout droit sortie d’un cirque et je me demandai même si elle ne faisait pas partie d’une troupe d’acrobates. Si elle n’en faisait pas elle-même partie, peut-être était-elle la fille de gens du cirque. Ce ne serait pas étonnant. J’étais là, à me poser des questions sur elle et je me rendis compte que je voulais des réponses, de vraies réponses je veux dire, pas des suppositions à peu près certaines. Alors je remballai mes affaires, je pris mon temps pour le faire puisque la jeune fille ne semblait pas prête de partir. J’espérais que je n’allais pas trop la déranger, d’habitude j’ai le contact assez facile avec les autres mais on ne sait jamais. Je me faisais du souci pour rien, elle eut l’air ravi de voir que quelqu’un s’intéressait à ce qu’elle faisait. Au fil de la discussion, j’appris qu’elle n’avait que seize ans et qu’elle allait étudier à Berkeley à la rentrée. Elle était vraiment jeune, toujours une ado, et je ressentis presque immédiatement l’envie de la prendre sous mon aile. Elle allait sûrement avoir un peu de mal au début, non seulement pour prendre ses points de repère mais aussi pour s’intégrer. Les étudiants allaient la voir comme une enfant et j’avais un peu peur qu’elle se retrouve toute seule. Alors je lui proposai de lui faire visiter la ville et peut-être que je pourrai lui donner quelques conseils par la même occasion. On s’était séparée sur un sourire, je la trouvais vraiment adorable. Comme une petite sœur.

La fête foraine. Qu’on soit vieux, jeunes, très vieux ou très jeunes, la fête foraine plaira toujours. J’en étais fan depuis mon plus jeune âge et c’était toujours un vrai plaisir d’y retourner. J’avais de suite pensé à cet endroit en proposant une sortie à Venia. Je savais qu’elle n’était plus un bébé mais elle était encore une enfant pour moi et je savais qu’elle se sentirait bien dans un endroit comme celui-là. Et puisque le but était de l’aider à prendre ses marques, j’étais assez fière de mon choix. « Non mais les auto-tamponneuses, c’est l’incontournable. On ne peut pas passer à côté ! » J’avais beau la considérer comme une gosse, la petite sœur que je n’avais jamais eu, à cet-instant précis, j’étais sûrement la plus gamine des deux. « Les auto-tamponneuses, la maison hantée, les petits chevaux…» J’étais en train d’énumérer tout haut les attractions que je comptais faire. « Oh ! Et je veux faire le tir à la carabine aussi ! Tu vois, l’ours en peluche géant que tout le monde veut ? Et ben j’arrive toujours à l’avoir. » J’étais réellement fière de moi et je me fichais bien d’avoir l’air bête. « Du coup, j’ai des dizaines de peluches géantes qui trainent un peu partout chez moi…» Sur le moment, c’est toujours chouette d’attraper ces conneries mais par après, c’est l’enfer pour leur trouver une place. L’enfer. J’étais toujours en train de réfléchir aux attractions qui me tenteraient bien quand la voix de Venia me tira de mes pensées. « J’étais SÛRE que ça te plairait ! » Je lui fis un grand sourire. « Mais ouuuuui ! Comment est-ce qu’on a pu oublier la barbapapa ! » Je la suivis jusqu’au marchant et lui achetai sa pomme d’amour. « Tiens. Je sais que c’est honteux mais j’ai jamais aimé ce truc-là. » Je préférais, et de loin, ce petit bonheur de nuage rose. En mordant dedans, je m’en mis évidemment jusqu’au front. Tant que mes cheveux étaient épargnés, ça m’était égal. J’entrainai Venia avec moi pour qu’on aille s’assoir sur un banc. Je soupirai et mon sourire s’effaça lentement de mon visage. « Ce sera bientôt la reprise des cours…C’est complètement fou, j’ai pas vu passer mon été. » En mon fort intérieur, je me promis que mes prochaines vacances seront inoubliables. « Ça va, t’appréhendes pas trop la rentrée ? » Si j’étais à sa place, je serai en train d’angoisser comme une folle. Mais quelque chose me disait que Venia n’en était pas arrivée là pour rien, elle avait les épaules solides.

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J'ai toujours regretté d'être enfant unique. Si j'avais eu la chance d'avoir un frère ou une soeur, je sais que ma vie aurait été complètement différente – et j'imagine qu'elle aurait aussi été meilleure. Je n'aurais pas passé toute mon enfance cachée dans un coin, je ne me serais pas ennuyée à mourir chaque après-midi et surtout, je n'aurais pas eu à endurer seule mes parents. Je n'aurais sûrement pas non plus été la même; moins discrète, moins calme, plus sûre de moi. Enfin, c'est l'idéal que je me suis toujours imaginé mais peut-être que je me trompais sur toute la ligne. En y réfléchissant bien, quand je vois ma famille, avoir un frère ou une soeur ne m'aurait peut-être pas été d'une si grande aide. C'est ce que j'aimais croire, mais je savais depuis longtemps que j'étais une belle rêveuse. Et dans l'immédiat, il valait mieux que je ne me soucie pas de cela. Mais j'avoue que depuis que je traînais avec la petite Vénia, je me posais pas mal de questions sur ce qui aurait été ma vie si j'avais eu une petite soeur. Je commençais d'ailleurs à la voir comme telle même si elle était très mature pour son âge. A son âge, je faisais bien plus gamine qu'elle. J'avais même un peu honte en y repensant et priai intérieurement pour qu'elle ne me pose pas de questions sur mon adolescence. Je ne savais pas de son côté comment elle me voyait mais je me disais que je pourrais peut-être la rassurer quant à ses premiers jours de cours. C'est pour cette raison qu'aussitôt après avoir acheté ma barbapapa et sa pomme d'amour, je l'avais entraînée avec moi jusqu'à un banc. Nous étions à la Fête Foraine pour nous amuser, je le savais bien, mais j'avais aussi envie de lui parler un peu plus sérieusement pour apprendre à nous connaître. J'essayais aussi de me mettre à sa place, et à sa place je pense que j'aurais vraiment eu besoin de parler posément avant de me prendre pour James Bond dans mon auto-tamponneuse. Je l'écoutai attentivement et lui souris avant de répondre.« Tu ne devrais pas avoir peur de rater des cours importants ou d'arriver en retard parce que ça arrive assez rarement en fait. Le tout est d'avoir une bonne organisation et si tu es ici aujourd'hui, c'est que tu dois te débrouiller assez bien de ce côté-là. Et même si ça t'arrivait, et ça t'arrivera sûrement une ou deux fois, ce n'est vraiment pas grave. Il y a toujours bien quelqu'un pour te prêter ses notes et la plupart des profs ne font pas attention aux retards. Tu sais, il m'est arrivé de rater pas mal de lundis à cause de week-end trop...festifs et ça ne m'a pas empêché d'avoir une moyenne excellente. Le seul conseil que je peux te donner, c'est de rester zen. » Je m'interrompis quelques instants pour engloutir la fin de ma barbapapa qui était absolument délicieuse. « Il faudra vraiment qu'on aille en rechercher tout à l'heure, Vénia... » Je regradai tristement le pauvre bâton qui me restait dans les mains puis le mis à la poubelle. Puis je reportai mon attention sur mon amie. « Pour ce qui est des autres étudiants, c'est plus délicat évidemment. Mais de nouveau, il faut essayer de partir confiante si tu veux que les choses se passent bien. Je suppose qu'au début, certains te verront un peu comme un bébé et te traiteront comme tel mais ça leur passera. Pas besoin de traîner avec toi des heures pour comprendre que tu as parfaitement ta place ici et je ne dis pas ça en l'air donc perso, je suis plutôt confiante quant à ton intégration. Et pour ce qui est des plus mauvais de l'université, ne t'inquiètes pas, la plupart du temps ils préfèrent t'ignorer complètement que de prendre sur leur précieux temps pour te pourrir la vie... » Je levai les yeux au ciel, quelques noms me venant soudainement en tête. « Mais on n'en est pas encore là, tu as encore quelques jours devant toi et de toute façon, ça se passe toujours mieux que ce qu'on croyait! » J'étais contente de voir que Vénia me faisait déjà suffisamment confiance pour se confier à moi. Le silence s'installa quelques minutes entre nous deux, chacune plongée dans ses propres pensées. Des jeunes de l'âge de mon amie passèrent devant nous et je la vis les regarder avec insistance. Je souris intérieurement, me demandant si elle ne préférerait pas être avec eux. Mais je n'osai pas lui poser la question, de toute façon c'est elle qui venait de m'en poser une. « Je sens plutôt bien cette année. Je regrette juste de ne pas avoir fait plus de chose pendant mes vacances, tu sais, maintenant j'ai un goût de trop peu. » Je retins un soupir, je ne voulais pas gâcher l'ambiance. « Oui, San Francisco est une ville magnifique et il s’y passe pas mal de choses toute l’année. Je trouve ça super que tu t’y sentes déjà bien. Je me souviens qu’à mon arrivée, j’avais énormément de mal à m’habituer à cette ville. Heureusement, ça a changé et maintenant, je m’y sens comme chez moi. » Je regardai tout autour de moi, comme si je pouvais voir la ville dans son ensemble. « Arrête, tu ne seras le souffre-douleur de personne ! Et si jamais quelqu’un t’embête, je m'occuperai personnellement de son cas. » Je dis cela en rigolant même s'il y avait un fond de vérité. Mais de toute façon, j'étais à peu près certaine que je n'allais pas être la seule étudiante à prendre Vénia sous mon aile : elle risquait plus d'avoir tout un groupe de protecteurs plutôt que d'être la risée du Campus. Je n'eus pas le temps d'y réfléchir plus longtemps parce que Vénia se tourna vers moi, les yeux brillants, impatiente de commencer les attractions. « T'es vraiment sûre de vouloir te prendre une raclée au stand de carabine ? » Je me mis à rire en me levant à mon tour. On se dirigea ensemble vers le stand en question et sur le chemin, on passa devant les auto-tamponneuses où il y avait une file assez longue. « Punaaaaaise, quand on ira aux auto, y a intérêt à ce qu'il n'y ait pas autant de monde. On n'est pas à disneyland avec ses trois heures de files, merci! » Je poussai un soupir sans être réellement énervée, juste légèrement ennuyée. « Aaaaah! » Je m'exclamai en arrivant au stand, le regard cherchant déjà après ces immenses peluches qui donnent toujours envie. Je repérai un gros panda qui était vraiment adorable. « Il me le faut... » murmurai-je pour moi-même. Puis je repris mon sérieux et demandai une partie au gars. « Qui commence ? » demandai-je à Venia, la mine légèrement narquoise.

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Je monopolisais totalement la conversation mais ça n'avait pas l'air de déranger Venia. Elle m'écoutait patiemment, attentivement. J'essayais de répondre du mieux que je pouvais à ses questions, sans atténuer la vérité mais en prenant soin de rester rassurante. En vérité, j'essayais de jongler entre la bonne pote et la grande soeur. Quand elle se releva rapidement, je compris que le moment sérieux de la soirée était bel et bien terminé et qu'il était temps de passer au côté amusant. Elle avait raison : après tout, nous étions à la fête foraine! Je pensai en premier lieu à l'attraction que je réussissais toujours le mieux ; le tir à la carabine. Pourtant, la première fois que j'ai mis les pieds à la fête foraine, c'était une des attractions que j'aimais le moins. D'abord, parce que tirer sur les cibles me stressait énormément et ensuite, parce que j'avais toujours peur de rater et de ne pas gagner la peluche que je voulais tant. A cette époque-là, je préférais –et de loin– la pêche aux canards ou bien manger ma barbapapa tranquillement sur un banc. J'étais très jeune évidemment, et j'ai beaucoup changé depuis (heureusement d'ailleurs). Des canards fluo, je suis passée aux auto-tamponneuses et à tous ces manèges qui tournent à 10000 km/h pour finir par me lancer au tir à la carabine. Alors non seulement, c'est hyper facile et ça défoule mais en plus de ça, on a droit à une immense peluche qui fait baver d'envie tous les morveux qu'on croise. La classe. « Vraiment ? » J'haussai un sourcil tout en souriant. Je ne savais pas si Venia était sérieuse ou si elle bluffait mais je ne m'étais pas attendue à ce genre de réponse. « Je suppose qu'il n'y a qu'un moyen de le vérifier... » Je souriais toujours. Nous étions là pour nous amuser, pas pour nous disputer sur qui est la meilleure. Mais au fond de moi, j'espérais quand même qu'elle ne soit pas aussi douée que ce qu'elle prétendait : j'aurais l'air bien bête si je perdais comme une grosse nulle après m'être vantée. « En tout cas, j'ai hâte de voir ça ! » Sans plus attendre, nous marchâmes vers le stand en question. Venia et moi, on ne se connaissait pas vraiment très bien mais une complicité s'était rapidement installée entre nous deux. La preuve, à notre deuxième rencontre, nous étions déjà capables de nous taquiner. Même si nous ne parlions plus, je continuai à sourire. Je me sentais de tellement bonne humeur! Ce devait être toutes ces lumières, ces couleurs, l'odeur du sucre...La bonne humeur régnait tout autour de nous. Cependant, mon sourire se fana quelques instants lorsqu'on passa devant les auto-tamponneuses...et l'immense file de gens attendant à l'entrée. « On aura qu'à faire autre chose s'il y a vraiment trop de monde, en attendant que la foule se disperse, comme par exemple la pêche à la ligne, ça serait même parfait pour te consoler quand je t'aurai battue à plate couture à la carabine! Ou alors je reprendrai peut-être une pomme d'amour. » Venia avait vu mon air contrarié et l'avait évidemment pris avec humour. Je me déridai aussitôt. « On ne t'a jamais dit que c'était mal d'être trop sûr de soi ? Qui sait, c'est peut-être toi qui aura besoin d'être consolée...» Je lui lançai un petit regard provocateur mais ne la laissa pas répondre puisque j'enchaînai directement, le début de sa phrase m'étant revenue en mémoire. « D'un autre côté, c'est une attraction qui va plutôt vite...d'ici là, ça devrait s'être arrangé. » C'est du moins ce que j'espérais. Nous arrivâmes enfin au stand où le gars nous donna les carabines. Venia proposa de commencer. « Bonne chance...» J'avais toujours une petite mine moqueuse, mais pas méchante. Venia n'avait pas l'air de s'en soucier, au contraire, elle avait vraiment confiance en elle. Je me plaçai près d'elle, en faisant attention à ne pas la gêner, et observai attentivement ses gestes. Il était clair qu'elle avait l'habitude; il lui fallut moins de dix secondes pour viser et tirer...dans le mille. Ma mine narquoise se transforma en étonnement puis en admiration. « Ouah, je dois avouer que c'était bien joué. Mais t'as pas encore fini donc la raclée est toujours possible...» Je ne me décourageai pas, je savais que j'étais très douée aussi. Mon amie se concentra de nouveau et tira facilement sur les deux ballons restants. « Je dois reconnaître que tu es meilleure joueuse que ce que j'avais pensé, mais je me débrouille pas mal moi aussi. » Je mis à rire doucement puis le gars lui montra les cadeaux auxquels elle avait droit. Son choix se porta sur un immense dinosaure. « Allez, Liz! A ton tour de décrocher ton panda! » Je ramassai ma carabine, pris la place que Venia avait occupée quelques minutes plus tôt et me concentra à mon tour. Comme elle, il ne me fallut pas plus de quelques secondes pour tirer. Je chopai trois ballons. « Hmm. » Sans attendre, je me remis en place. Les ballons tournaient assez vite et je mis plus de temps que mon amie pour tirer mais je réussis à tous les avoir aussi. Je souris en me tournant vers elle. « Ok j'avoue, je suis loin de te mettre une raclée...mais on a super bien joué toutes les deux. » Ne pas se la péter, ne pas admettre une défaite pour autant. Je crois que nous avions plus ou moins le même niveau. « Le panda, s'il vous plaît! » Quand le gars me donna l'immense peluche, j'étais certaine d'avoir des yeux brillants. Je retombai vraiment en enfance. « On essaie les Autos ? » Elle n'avait aucune raison de refuser, aussi je fis demi-tour pour retourner devant l'attraction. Tous les enfants qui nous voyaient passer avec nos belles et grandes peluches nous lançaient des regards d'envie en tirant leurs parents par la manche. « Je me sens à peine dévisagée, ahah! Je suis sûre que mon panda leur donne plus envie que le dino... » Je la taquinai toujours. Nous arrivâmes enfin à l'attraction et la file s'était considérablement raccourcie. « Supeeeer! On va pouvoir passer de suite! » Je trottinai presque jusque l'entrée, comme une vraie gamine. Je n'oubliai pas cependant que c'était moi qui avais invité Venia et lui payai son ticket. On put ensuite s'installer dans une auto-tamponneuse rose fluo, la plus voyante. « Avec les peluches en plus, on est sûre que personne ne pourra nous rater! » Je fus interrompue par l'annonce au micro du départ. « Ouuui! » Au début ça se passait assez bien, j'avais laissé Venia conduire et à part les quelques collisions inévitables, il n'y avait pas de soucis. Jusqu'à ce qu'un couple décide de nous prendre pour cible. Pour je-ne-sais quelle raison, ils se mirent à nous coller, foncer dessus et bloquer dès qu'ils en avaient l'occasion. « Punaise Venia, on peut pas laisser passer ça! » Puis, en prenant une fausse voix de reine des Enfers : « On va leur montrer ce dont on est capable. »

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« Bien joué! Bien joué! » Je me dépêchai d'attraper mon immense panda puis me retournai vers mon amie. « Je te retourne le compliment, d'ordinaire les gens ne sont pas très doués à cette attraction. » Nous décidâmes ensuite d'aller voir si la file des autos-tamponneuses étaient toujours aussi longue. En traversant la fête foraine, je remarquai qu'on nous dévisageait beaucoup, Venia et moi, et compris directement que c'était à cause des peluches. « En effet… à peine observées, hein?! » Je rigolai de la remarque de Venia. « Oh tu sais, ça ne rate jamais! Les gens ne peuvent pas s'en empêcher! » Je rebondis sur ma propre remarque en disant que ma peluche donnait sûrement plus envie que la sienne. Après tout, les pandas sont comme de gros nounours alors que les dinosaures sont des reptiles géants...« Tant mieux alors s'ils préfèrent le panda! Ils auront moins envie de me voler le mien… En plus, moi j'ai pas passé l'âge des peluches depuis si longtemps que ça, alors hein! » Je tiquai quelques secondes, parce que je ne m'attendais pas à ce qu'elle fasse elle-même une plaisanterie sur son âge. C'était une fois de plus la preuve que Venia est très mature pour son âge. Je sais bien que moi par exemple, à seize ans, je n'aurais jamais pu admettre être toujours un peu une enfant et en rire. Au contraire, à seize ans, j'avais l'impression d'avoir le monde à mes pieds et c'était à peine si je ne méprisais pas le monde de l'enfance. Je repris rapidement mes esprits et répondis à Venia sur le même ton de plaisanterie. « Parce que tu crois vraiment que je laisserais quelqu'un me le voler ?! Et puis, Venia, tout le monde sait que les peluches sont pour tous les âges. A septante ans, j'aurais toujours mes immenses peluches de la fête foraine avec moi! » Je terminai ma phrase avec un ton presque nostalgique, comme si je m'imaginais déjà vieille et entourée de peluches. C'est toujours mieux que folle et entourée de chats.

L'enseigne lumineuse des auto-tamponneuses me sortit de ma rêverie. Un immense sourire s'étala sur mon visage et c'est à peine si je ne sautillais pas sur place. «Venia, je suis sûre qu'à la fin de la soirée, tu me prendras pour une vraie gamine mais je suis trop contente qu'on n'ait pas besoin d'attendre! » Puis je l'entraînai rapidement avec moi jusque la caisse, payai les tickets puis l'attraction débuta. J'avais laissé Venia conduire, d'abord parce que je voulais vraiment qu'elle s'amuse et ensuite, parce que je ne voulais pas qu'elle se moque de moi en voyant que je n'étais capable de rien d'autre que de foncer dans les murs. Un couple se mit à nous prendre pour cible, comme souvent dans ces jeux, et j'encourageai Venia à le leur faire payer. On ne déclenche pas la colère des deux meilleures tireuses à la carabine sans en subir les conséquences. Comme je l'avais prévu, mon amie se débrouilla comme une chef pendant que je m'écoulai de rire à ses côtés. « Non mais regarde leur tête Venia, regarde leur tête de déçu c'est magnifique! » Leur air triomphant c'était petit à petit transformé en amer déception...De l'art, c'était de l'art. J'étais toujours morte pliée quand on quitta notre petit auto. On dépassa le couple en question et l'air triomphant que Venia leur lança m'acheva. « Je crois qu'ils n'ont pas trop aimé qu'on leur botte les fesses, enfin surtout qu'ils doivent penser que j'ai quatorze ans à tout casser… Ils doivent le vivre comme un drame! » Au fur et à mesure que la soirée avançait, j'oubliais de plus en plus que Venia avait six ans de moins que moi et j'avais de plus en plus l'impression d'avoir à faire à une étudiante de mon âge. Du coup, je n'avais même pas pensé que le couple avait du la prendre pour une vraie gamine. Je souris de plus belle, imaginant que leur déception devait être encore plus grande que ce que j'avais cru. « Tu parles, ils l'ont bien cherché...Et ne t'en fais pas pour eux, ils vont vite passer leur frustration sur les prochains joueurs, les pauvres! » Puis Venia ajouta que de toute façon, elle détestait les couples et cette phrase m'interpella. « Moooh, faut pas dire ça! Qu'est ce qu'ils ont de si déplaisant les couples, à part leur regard de babapapa...» Venia était encore très jeune cependant, elle ne devait pas avoir beaucoup d'expérience. « Bon et maintenant ? » Je m'apprêtai à lui répondre quand je fus coupée par Venia elle-même. Elle avait poussé un petit cri en voyant un type courir pour voler le sac d'une femme. « Oh merde. » Ça non plus ça ne ratait jamais; les fêtes foraines, les concerts, les marchés et tout évènement public avait son lot de pickpocket. Instinctivement, je vérifiai mon sac et mon portefeuille. Venia me conseilla ensuite de bien faire attention à mon panda et je m'esclaffai avec elle. « Veille bien sur ton dino aussi...sait-on jamais qu'un dingue des reptiles traîne dans le coin... » Je n'avais pas envie que ce petit incident freine notre bonne humeur, alors j'entraînai Venia avec moi dans l'autre sens. « Qu'est ce qu'il nous reste à faire ? » Je fis mine de réfléchir puis m'écria aussitôt : « Les manèges! Oui, ces trucs qui tournent à mille km/h!» J'en cherchai du regard, il y en avait un à seulement quelques mètres de nous. Il restait tout juste deux places et c'est avec joie que je m'assis et mis ma ceinture. Le manège commença alors à tourner, d'abord lentement puis il accéléra de plus en plus. Seulement, j'avais oublié qu'avant de venir, j'avais engloutis un mcdo absolument monstrueux. Très vite, ma tête commença à tourner et je fermai les yeux pour me concentrer sur ma respiration. Est-ce que j'allais vraiment me prendre une honte monumentale devant tous ces gosses de neuf ans ? Malgré le fait que je me sentais malade, cette pensée me fit sourire. Enfin, le manège s'arrêta. « Mon dieu. » Il me fallu une bonne minute de plus que tout le monde avant d'arriver à me relever. « Excuse-moi Venia, j'avais oublié que dans ces cas-là, le Macdo est à proscrire...» Boulet, j'étais un boulet. J'allai m’asseoir quelques secondes sur un petit muret et relevai la tête vers mon amie. « Si tu veux une deuxième pomme d'amour, c'est peut-être le moment. Je vais prendre quelques minutes pour me remettre. C'est vraiment con en plus, d'habitude je fais trois tours d'affilée quoi. » J'affichai une mine un peu boudeuse, exactement comme une enfant.