Lizbeth&Olivia

Février est loin à présent. Mars est passé, puis Avril et maintenant Mai. Ces derniers n’ont pas été les plus joyeux de ma vie, au contraire. Depuis la fusillade quelque chose en moi a changé, je ne suis plus aussi innocente, aussi douce et joyeuse. Je me suis quelque peu renfermée sur moi-même, je ne souris plus que pour des choses qui en valent véritablement la peine, je ne fais plus confiance à grand monde et je garde mes distances avec la plupart des gens. Jusqu’à présent ça marchait assez bien comme technique, sauf que voilà, ce n’est pas moi. Je ne suis pas faite pour vivre seule et je me surprends à retrouver, malgré moi, l’envie de communiquer. L’envie de sortir de mon cocon et de reprendre goût à la vie. J’en suis encore au stade où je culpabilise de temps à autres de vouloir vivre ma vie quand d’autres n’ont plus cette chance depuis qu’ils sont morts durant la fusillade, mais peu à peu je me relève. L’autre fois, j’ai souris en voyant le soleil taper sur un parterre de fleur dans le parc. Alors quand grand père m’a envoyé ces deux places dans la zone VIP du stade AT&T pour voir un match de baseball entre les Giants de San Francisco et les Reds de Cincinnati j’ai accepté. Au départ j’ai vu ça comme un challenge, deux places signifiaient donc que je devais inviter quelqu’un, moi qui avait évité tout contact avec le reste des étudiants depuis plus de deux mois, je devais recommencer à aller vers les autres. Je me suis sentie motivée, jusqu’à ce que je réalise que je n’avais vraiment aucune idée de qui je pourrais inviter. Et puis un matin, alors que je venais de me lever, j’ai rejoins la salle commune de la maison Sampis et j’ai vu Liz en train de lire un journal tout en déjeunant. Elle et moi nous connaissons depuis toujours, nos parents sont particulièrement proches, c’est drôle qu’elle et moi n’ayons en fait jamais vraiment pris la peine de connaitre plus en profondeur. Elle est plus âgée que moi, du coup elle était surtout proche de ma sœur lorsque nous étions enfants. J’ai un tas de souvenirs avec elle mais en réalité je ne sais que très peu de choses à son sujet. Je connais sa famille, certes, mais sur elle en particulier, je ne sais que le minimum. En la voyant assise là, quelque chose à fait tilt et je me suis avancée vers elle. Au début je crois qu’elle était surtout surprise de me voir lui adresser la parole alors que jusqu’à présent, depuis que nous nous étions retrouvées dans la même maison à Berkeley, je n’avais fait qu’échanger des banalités avec elle et ce seulement si je n’avais d’autres choix. Ce n’est pas que je ne l’aime pas, au contraire je l’ai toujours trouvé plutôt sympa, mais je trouvais ça un peu étrange de prétendre être son amie alors qu’on ne l’était pas vraiment. On se connaissait mais ça s’arrêtait là. Et puis elle est en troisième année, je ne voulais pas m’imposer entre elle et ses amis. Mais ce matin là j’ai changé d’avis, c’est une chose que j’ai compris avec la fusillade : la vie est trop courte pour attendre que les choses se passent. Si je voulais vraiment sympathiser avec elle et apprendre à la connaitre je devais me bouger et non attendre qu’elle vienne à moi. Etonnamment, Liz a accepté ma proposition et pour la première fois depuis des semaines, je me suis sentie heureuse.

Après ça, nous nous sommes un peu plus parlé, et au final j’ai finis par passer pas mal de mon temps libre avec elle. Et enfin, l’heure du match était arrivée. Aujourd’hui à vingt heures tapantes. Nous avions quittées la maison Sampis ensemble, et étions à présent prêtes à rejoindre nos places. Une foule conséquente était déjà présente dans les gradins. En toute honnêteté ? Je n’y connais pas grand-chose au baseball. J’ai vu quelques matchs, mais je n’ai jamais porté un grand intérêt pour ce sport pourtant si populaire dans notre cher beau pays. Je préfère voir des matchs de basketball ou de football américain, là non plus je n’y comprends rien mais j’adore l’ambiance. Cela dit au baseball aussi il y a une ambiance du tonnerre. J’ai deux choses préférées : les hot dog que les vendeurs distribuent en se baladant à travers les gradins, un peu comme à la plage ou dans les cinémas d’autrefois. Et le bruit que fait la balle lorsqu’elle est frappée par la batte de baseball… mon Dieu ! Ce bruit me donne des frissons à chaque fois tant il est intense. J’en raffole. Autrement je passe la plupart de mon temps à parler durant le match, alors j’espère que Liz n’est pas du genre à vouloir être hyper attentive non plus.

Une fois assise, je me tourne vers elle. «Bon ! Et bien que les meilleurs gagnent ! Allez les Giants !» Je ne sais pas trop comment lui dire que je suis ravie de la voir ici avec moi. On n’est pas encore très proche mais depuis que nous nous parlons je l’ai découverte plutôt similaire à moi. Je n’aurais jamais cru qu’une fille qui puisse s’entendre avec ma sœur soit aussi capable de s’entendre avec moi, mais apparemment il y a un début à tout… Je cherche un vendeur de hot dog du regard, il n’y en a aucun autour de nous. Je suis un peu déçue. «Est-ce que tu as déjà vu un match de baseball ? Parce que moi oui, et j’ai mon petit rituel… Il me faut un hot dog pour regarder le début du match sinon c’est « bad luck » pour l’équipe que je supporte !». Et voilà, une fois de plus je me surprends à sourire. Ces derniers temps, c'est de plus en plus fréquent et je crois... que ça me fait du bien.

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