L'enfant abandonne bien vite son air catastrophé pour rejoindre la bonne humeur de son père.« Oups, pardon. J'oubliais à qui j'avais affaire. » Lou attrape la main tendue du paternel avant de lui tirer la langue en rigolant. Non mais, on ne se moque pas de sa fille chérie ! « Mais oui, on va y aller. Je te l'ai promis, non ?! Est-ce que je t'ai déjà fait une promesse que je n'ai pas tenu ? »  Elle pose un doigt sur son menton alors qu'il lui enfile sa veste, faisant mine de se remémorer un jour où il avait bien pu lui faire une promesse qu'il n'avait jamais tenu. Mais rien ne lui venait en mémoire. Et de toute façon, elle n'avait aucune envie de faire des reproches à son père, peu importe la raison. Son seul bonheur consistait à passer ces précieuses heures avec lui dans la joie la plus totale. « C'est vrai, vous marquez encore des points monsieur ! » La fillette a de plus en plus envie de faire le clown et il ne faudra pas longtemps pour qu'elle parte dans ses folies d'enfant. Surtout que l'air de la fête foraine a tendance à ne pas aider à canaliser son trop-plein d'énergie. « Tiens, enfile ta veste, il risque de faire froid, et je n'ai pas envie que mon petit ange se transforme en glaçon. » Elle se laisse faire avant de croiser les bras sur sa poitrine et d'afficher une moue boudeuse. « Je suis pas un petit ange ... » Mais bien vite, la moue boudeuse s'efface devant sa mine friponne. Elle place ses deux index au-dessus de sa tête en grimaçant. « Je suis un démoooon. » Et à peine les mots dits, elle tente de chatouiller son père aux côtes avant de s'enfuir en courant dans le jardin, direction la voiture. Un peu essoufflée, elle arrive quand même la première jusqu'au véhicule et pose une main sur le capot en signe de victoire. « J'ai gagné ! Comme ça, je peux te donner un gage. Tu devras m'acheter une barbe à papa grande comme ça ! » Avec ses petits bras, elle dessine un cercle aussi grand que possible. Vraiment, son Deidi a bien du courage de vouloir l'emmener à la fête foraine quand elle est surexcitée de la sorte ! Lou se laisse asseoir dans le siège auto de la voiture plus sagement qu'elle ne l'a été les dernières minutes. « On met un peu de musique ? Blues ? Rock ? Classique ? » Il n'en fallait pas plus pour relancer son excitation. « Du rock'n'roll Deidi ! » A peine les premières notes et la voilà en train de fredonner des paroles dont elle ignore le sens sur un rythme endiablé. Heureusement, après quelques minutes de voiture, la fillette se calme et se contente d'observer le paysage, accoudée à la portière, en continuant de fredonner d'un air absent.

Enfin nous y voici. La fête foraine. La petite fille pose seulement un pied à terre qu'elle en est déjà émerveillée. Ils ne sont pas encore rentrés à l'intérieur des allées colorés mais déjà son cœur s'emballe face à tant d'agitations. A son âge, ce genre de choses est perçu totalement différent qu'il ne le serait par un adulte. Les lumières vives dansent dans ses yeux bleus. Les odeurs de barbe à papa, de pommes d'amour et d'autres sucreries propres à ces fêtes lui parviennent aux narines, lui rappelant de ne pas oublier de demander un en-cas à son paternel quand la possibilité se présenterait. Au loin, les grandes montagnes russes dont on n'entendait que les cris à la fois terrifiés et joyeux des passagers des petits wagons. Et bien sûr, Lou oublia tout le reste pour se plonger dans la contemplation du manège qui entretenait sa fascination pour cet endroit : la grande roue. Elle n'avait encore jamais eu l'occasion d'y monter mais elle en était sûre, de là haut, on pouvait toucher les nuages. Mais pour l'instant, elle ne formule aucune demande, se contentant de passer sa petite main dans celle de son père. Face à eux, les allées sont pleines d'une foule compacte et mouvante assez effrayante quand on fait la moitié de la taille de la plupart des gens qui la compose.

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Lou est un peu impressionnée par toute cette foule qui menace de les engloutir. Bon disons le clairement, elle est carrément apeurée et se cramponne à la main de son père comme si il s'agissait d'une bouée de secours. « Donne-moi la main, chérie. Il y a tellement de monde, il ne faut pas qu’on se perde. » Pour une fois, elle ne se fait pas prier pour obéir et ne compte pas désobéir tant que le flux des personnes sera toujours aussi important. Mais vraiment, cette situation ne la rassure pas du tout. Tout le monde est bien plus grand qu'elle et elle a l'impression qu'à chaque pas, n'importe lequel d'entre eux pourrait la broyer sous sa chaussure. A peine après quelques pas, la fillette apeurée tire sur la manche de son père pour réclamer son attention, ses grands yeux bleus emplis d'inquiétude. « Deidi, tu peux me porte s'il-te-plaît ? » Sa petite voix sonne bien comme un appel à l'aide. Pas facile d'être si petite quand on est encerclé d'adultes qui n'ont pas dans leurs projets de faire attention à vous et de ne pas vous blesser par un coup de coude ou un sac porté trop bas. Elle sera bien mieux perchée sur les épaules de son père. Au moins là, elle a une vue imprenable sur toute la fête foraine et ne risque pas d'être blessée. « Alors, par quoi veux-tu que l’on commence ? » Elle pointe le doigt vers un stand un peu plus loin. De là où ils sont, on en aperçoit que l'ombre lumineuse mais la petite fille en rêve depuis que son Deidi lui a proposé de se rendre à la fête foraine aujourd'hui. Grande, majestueuse, toute colorée, ses petites nacelles multicolores tournent lentement avant de s'immobiliser au plus haut de la Grande Roue. Oui la Grande Roue. Un rêve pour une enfant si petite qui a pour seul souhait celui de s'élever dans les airs. « Dis Deidi, ce sera comme quand on a pris l'avion avec tatie Kitty pour aller en vacances à la mer ? Est-ce qu'on peut toucher les nuages de là-haut ? » Eh oui, quelle frustration quand l'avion avait survolé l'étendue molletonneuse des nuages. Impossible de tendre la main pour les toucher comme elle l'aurait souhaité. Mais là, il n'y avait pas de vitres qui la séparait du ciel alors peut-être que c'était tout à fait possible et qu'elle pourrait plonger la main dans ce qui lui apparaissait comme de la crème chantilly du ciel.

Le manège se met en route et la fillette s'assoit confortablement sur la banquette, juste à côté de son père. La hauteur est d'autant plus impressionnante vu la taille de la petite mais à côté du paternel, elle n'a aucune raison d'avoir peur. Enfin leur nacelle décolle du sol et aussitôt, elle s'accroche à la rambarde pour observer avec attention le paysage qui s'étendait peu à peu devant elle. Elle n'avait jamais l'occasion de voir le monde de ce point de vue, à part quand elle prenait l'avion et ça n'arrivait pas tous les jours non plus. Elle soupire en souriant alors que leur nacelle continue à monter haut. Bientôt ils seront immobilisés au sommet de la Grande Roue. « Et la Lune aussi. Tu vois là-bas, tu vois comme elle est ronde ce soir. » Elle suit la direction que lui montre son père du doigt et pose son regard sur la lune, majestueuse et ronde comme un ballon. D'ici, on croirait presque qu'il suffit de tendre la main pour l'attraper. Ce que la fillette s'empresse de faire avant de se rendre compte que l'astre est bien plus loin qu'elle ne se l'imagine et hors d'atteinte. Un peu déçue, elle se rassoit au fond de la banquette. A vrai dire, elle espérait vraiment se retrouver proche de ce monde céleste qui la fascine pour une raison toute simple. Les grandes personnes n'ont de cesse de lui répéter que sa mère est partie dans le ciel quand elle est née, pour rejoindre les étoiles. Comment ne pas se prendre au jeu d'y croire littéralement et de vraiment imaginer que sa mère avait trouvé la vie sur Terre trop quelconque et avait décidé de s'installer dans un château fait uniquement de nuages pour voir de plus près les étoiles une fois la nuit tombée ? Peut-être même qu'ils pourraient la voir entre deux boules de lumière ? « Lou, regarde… une étoile filante. Ferme les yeux et fais un vœu, chérie. » La fillette a juste le temps d'apercevoir la trainée lumineuse laissée par l'astre filant et aussitôt, elle ferme les yeux aussi forts qu'elle peut pour faire son vœu. Peut-être qu'il se réalisera, en tout cas son âme d'enfant l'espère plus que tout. Peut-être que oui, elle apercevra ce soir le nuage dans lequel vit sa maman et qu'elle pourra même lui faire un signe. Bien sûr, au fond d'elle-même, elle sait bien que c'est impossible. Si elle ne peut même pas toucher la lune d'ici, il n'y a aucune chance pour qu'elle soit assez haut pour voir le château de nuages qu'elle a construit dans son esprit. Une fois son vœu formulé clairement dans sa tête, elle passe ses petits doigts dans la large paume de son père en continuant de fixer les étoiles. « Tu crois que maman peut nous voir d'ici ? » Une question toute simple, posée sur un ton de parfaite innocence, chose normale quand elle est posée par une si petite fille.

Lou écoute avec attention le discours de son père sur la Lune. Elle ne saurait même pas dire depuis quand elle prend plaisir à ce genre de contes. Peut-être depuis toujours après tout. L'astre l'a toujours fasciné et souvent, elle la contemple de sa fenêtre, au château, en oubliant presque de dormir. Elle se blottit un peu plus contre le paternel alors que la Grande Roue se remet en marche. « T'as vu, Lune c'est un peu comme Louna ! » Voilà une réflexion qu'elle ne s'était jamais encore faite, ce qui est bien étonnant. Pourquoi l'avoir appelé Louna ? Est-ce qu'elle avait un rapport direct avec l'astre lumineux qui suscitait la création de tant de légendes ? Mais déjà, ils sont passés à un autre sujet, un qui lui tient à cœur, celui de sa mère.

La fillette semble réfléchir un instant … Qu'est-ce qu'elle pourrait lui dire ? Elle devrait sûrement pouvoir lui parler pendant des heures et des heures si elle pouvait enfin faire la connaissance de cette mère qu'elle n'avait jamais connu. Il faudrait qu'elle lui raconte tout ce qu'elle avait vécu, tous ses souvenirs. Peut-être qu'il faudrait lui faire un film pour que sa mère défunte se rende compte de tout ce qu'elle a loupé pendant son absence dans les étoiles. Mais vraiment, trouver une seule phrase pour résumer tout ce qu'elle aimerait dire est bien difficile. « Je lui amènerais un album photo grand comme ça pour qu'elle voit toute notre vie. » Elle mime le geste en écartant les bras et en souriant à son père. « On mettrait des photos de toi, de moi, d'Alfred, de la maison, et de Pantoufle aussi ! » La gamine est soudainement bien enthousiaste par son nouveau projet et note mentalement qu'il serait bon de fabriquer un tel album pour retracer le film de sa vie, que ce soit pour elle ou pour Deidi d'ailleurs. Il est toujours bon d'avoir une trace de ses souvenirs pour ne pas les égarer en cours de route.

La Grande Roue continue à descendre lentement, dévoilant au fur et à mesure l'étendue de la fête foraine et du reste des attractions qui la composent. Soudain, les yeux de la fillette s'illuminent. Là-bas, dans le fond de la fête, un manège vient de retenir toute son attention. Le wagon monte puis descend à toute allure avant de foncer dans un virage serré, le tout entouré de lumières vives et joyeuses. Sensations fortes et manège haut en couleur, il n'en fallait pas plus pour la séduire complètement. Elle agite la main de son père en lui montrant de son index tendu la montagne russe. « Deidi, deidi !! On peut faire ça ? S'il-te-plaît, s'il-te-plaît, s'il-te-plaît !! Dis oui, dis oui ! » Elle trépigne d'impatience alors que leur nacelle touche enfin la plate-forme de la Grande Roue et s'immobilise pour leur laisser le temps de descendre. A peine un pied sur la terre ferme que déjà elle tire son père de toutes ses forces vers le manège en question, peu décidée à accepter un refus. C'est que la demoiselle est têtue comme une mule et l'argument du « tu es trop petite pour faire ça » est loin de prendre, peu importe ce qu'on lui dit.

La fillette fronce les sourcils. Comment ça son Deidi ne connaît pas le mot pour désigner les manèges qu'elle adore ? Il faut vraiment qu'il sorte de son bureau plus souvent, ça ne va pas du tout ça !
« Mais Deidi, c'est les montagnes russes ! »
Ben oui, pas les « trucs qui montent et qui descendent ». Mais peu importe, elle ne peut pas détacher ses yeux du wagon qui n'a de cesse de prendre de la vitesse à chaque descente. Ses yeux pétillent en imaginant déjà la boule d'adrénaline qui ne tardera pas à naître dans son ventre, dès que les rails attraperont le petit train avant de les propulser à toute vitesse dans une pente ardue. C'est sûr que les enfants de son âge préférait la pêche aux canards ou les petites voitures qui tournaient en rond sur une musique entraînante mais très peu pour elle. Elle voulait connaître l'adrénaline et les montagnes russes étaient un excellent moyen d'en faire la connaissance. A peine sortie de la Grande Roue que déjà, elle veut courir vers l'attraction suivante, uniquement ralentie par la main de son père qui la tient toujours. Mais son entrain s'arrête d'un coup quand elle entend la remarque de Deidi. Alors comme ça ce manège n'est pas pour elle et en plus, il vient de dire qu'elle était petite ? Elle fronce à nouveau les sourcils avant de croiser les bras sur sa poitrine.
« Je suis pas petite ! »
Lou pas contente ! Non mais oh ! Et rien que pour prouver à son paternel qu'elle n'a rien de la « petite puce » qu'il pense connaître, elle fera le manège sans montrer sa peur. Et toc ! Arrivée devant l'attraction, sa confiance en elle défaille un peu. Elle n'avait pas prévu qu'une fois aussi prêt, tout lui semble tellement … grand. C'était assez effrayant de devoir se tordre le coup pour voir le haut de la montagne russe mais elle ne dira pas un mot. Elle n'est pas petite et est bien déterminée à en mettre plein les yeux à Deidi. Dans la file d'attente, elle continue à bouder gentiment jusqu'à finir par éclater de rire à la remarque de son père. Aussitôt la fillette se retourne vers lui en affichant un grand sourire.
« C'est toi qui va avoir envie de vomir à la fin mon petit Deidi ! »
Et bien oui, pourquoi ce ne serait pas lui qui finirait malade ? Les grandes personnes sont toujours trop confiantes, jusqu'à ce que ce trop plein de confiance finisse par leur jouer des tours, comme aujourd'hui peut-être.

Assez rapidement, ils embarquent dans le train du manège. Heureusement ils ne sont ni devant ni derrière ce qui limite quand même les sensations trop fortes. Leurs sécurités respectives se referment sur eux, les empêchant de chuter dans les descentes et déjà, l'attraction se met en route. Le train s'accroche dans les rails et les fait grimper bien haut. Un coup d'oeil à Deidi et elle tente de lui parler en couvrant le bruit des mécanismes.
« Ca va Deidi ? Si t'as peur, tiens toi bien ! »
De son côté, elle est aux anges et n'attend que le moment où le train va basculer en avant … ce qui arrive enfin ! A toute allure, il dévale la descente avant de remonter et de redescendre et de prendre un virage, les mettant à 90° du sol. Si dans un premier temps la fillette reste muette, surprise par toutes les sensations du manège, mais dès la deuxième descente, elle se met à crier de joie, lâchant même ses mains par moment. Eh oui, les sensations fortes font partie des choses qu'elle affectionne tout particulièrement ce qui laisse à promettre pour l'avenir. A peine le train ralentit que la fillette éclate de rire, totalement euphorique de ce tour de manège.
« On recommence ! »
Un tour ne lui suffit visiblement pas pour apprécier suffisamment les sensations de la montagne russe on dirait.