Il était deux heures du matin. Les vacances avaient beau être arrivées, ce n'était pas une heure pour venir frapper à la porte des gens. Malgré tout, me voilà qui me tenait devant la fenêtre de la chambre de Rafael, à la confrérie Sigma. J'avais une petite roche entre ma main, et je jouais avec elle entre mes doigts depuis quinze bonnes minutes. Les larmes coulaient le long de mes joues, je sanglotais comme une petite fille qui a peur du noir, je tremblotais légèrement aussi. J'hésitais encore à réveiller Rafael pour une raison aussi stupide que mes petites histoires de fantôme du passé. Mais en y pensant bien, je ne m'endormirais pas ce soir si ce n'était pas dans ses bras. Il me rassurait, il m'apaisait et me calmait. Nous allions parler pendant deux heures environ avant de s'endormir sur son lit, enlacés. C'était toujours comme ça, que ce soit lui ou moi qui passait une mauvaise nuit. Alors je levai le bras en l'air et lançai la roche sur sa fenêtre. Rien. J'en pris une autre, la lançai. « Rafael, je t'en prie. » Murmurais-je dans le silence de la nuit. Puis je vis les rideaux bouger légèrement, et la fenêtre s'ouvrir. Mon meilleur ami me regardait, probablement pas du tout surpris de me trouver là. Ce n'était pas une habitude, mais ce n'était pas rare non plus. J'étais une fille qui attirait les problèmes. Et je ne pleurais que devant lui, alors il écopait de tout. « Je peux entrer ? S'il-te-plaît ? » Le suppliais-je presque. Évidemment, Rafael ne me refusa pas son réconfort. Avec son aide, je me hissai jusque dans sa chambre, et je me laissai tomber sur le bout de son lit dès la première seconde. Je restai assise un moment, à fixer le vide, alors que Rafael lui me fixait moi, attendant une explication. Puis je me laissai tomber sur le dos et je fixai son plafond en respirant comme si j'étais en pleine méditation. « J'ai vu Lennon hier. » Rafael connaissait déjà l'histoire de Lennon en Australie. Il était le seul à savoir que Lennon, avant de m'abandonner au bout d'une histoire d'amour de longues semaines, m'avait mise enceinte. Rafael était le seul à savoir que je m'étais fait avorter dans une clinique peu hygiénique d'Afrique pendant mon tour du monde. Il était le seul à savoir à quel point j'avais souffert de cette rupture. À quel point je détestais et aimais Lennon à la fois. « De tous les endroits qui existent dans ce monde, il fallait qu'il soit ici. » Je reniflai peu gracieusement et me relevai pour regarder Rafael, les yeux plein d'eau. « Dis quelque chose. » Je voulais qu'il me pose des questions, parce que lorsqu'il me faisait parler, il me faisait réaliser tellement de choses. Puis je voulais qu'il me conseille, qu'il me donne son point de vue, parce que celui-ci était tellement important à mes yeux, et pesait tellement dans la balance aussi. J'attendais, en silence. Il pouvait aussi se rapprocher de moi et me prendre dans ses bras. Ça aussi, ça me faisait toujours du bien.

Du haut de ses 33 ans, il était bien dans son appartement en ville, mais il avait décidé de changer. Il devait prendre un autre appartement, mais pour le moment, il ne pouvait pas aller dans celui où il était depuis 4 ans, vu qu’il y avait des travaux. Il se retrouvait donc à la confrérie Sigma pendant quelques jours encore le temps de pouvoir déménager dans son nouvel appartement. Endormit tranquillement dans son lit, il dormait paisiblement, avant d’entendre un bruit. Ouvrant un œil, il pensait que c’était les autres membres de la confrérie qui faisait du bruit, mais il entendit quelque chose venant de sa fenêtre. Se levant, à moitié endormit, il alla voir et il ne reconnu pas tout de suite la personne qui se trouvait dehors. Mais quand il reconnue la jeune femme, il comprit que quelque chose n’allait pas et à l’écoute des ses propos, il hocha la tête. Faisant en sorte qu’elle rentre, il la regarda s’asseoir sur son lit. Fermant la fenêtre, il regarda la jeune femme, la laissant prendre le temps de parler. Il ne la forçait pas, il savait qu’ils étaient pareils à ce sujet. Il ne fallait pas les pousser, sans quoi ils se renfermaient. La voyant finalement s’allonger, il se tourna vers elle et l’écouta alors parler. Ah ce type encore ! Ici … ici ? Il était à Berkeley ? Alors ça c’était une nouvelle pour le Sigma. Il ne savait absolument pas que ce garçon dont elle lui avait parlé était dans cette université. Il pensa d’ailleurs à aller le voir. Il fallait qu’il voit sa tête au moins une fois et surtout qu’il aille lui parler un jour. Il en avait marre de voir Gensis dévasté à cause de ce type. Il voulait que pour une fois elle soit souriante, même si c’était pour parler de lui. Il irait donc le voir le plus tôt possible et il comptait bien lui faire comprendre qu’il devait arrêter de mettre sa meilleure amie dans de tels états. Entendant alors la jeune femme lui dire de parler, il soupira doucement.

Tu lui as parlé ?

Elle l’avait apparemment croisé, mais est-ce qu’elle avait été plus vers lui, ça il ne le savait pas et justement s’il allait voir ce Lennon, il fallait qu’ils aient toutes les cartes en main pour pouvoir mettre les choses aux claires avec lui et voir s’il comptait jouer avec la jeune femme ou s’il pouvait être sérieux avec elle. Rafael n’était pas du genre à être sérieux de son côté, mais quand il s’agissait de ses amis, il n’avait pas envie que ça leur porte préjudices et que ça les blessent. Finalement, il vint s’adosser à la tête de lit, avant de tendre la main vers la jeune femme pour qu’elle vienne contre lui. L’entourant ensuite de ses bras, quand elle trouva une position qui lui convenait, il caressa doucement son bras.

Tu arriveras à supporter le fait qu’il soit ici ?

Autant savoir tout de suite si elle arriverait à surmonter son passé avec lui ou si elle risquait plutôt de changer de chemin à chaque fois qu’elle le verrait.

Je fixais toujours le plafond, couchée sur le dos, dans le lit temporaire de Rafael. Je savais qu'il ne resterait pas chez les Sigma bien longtemps. Après tout, il avait trente-trois ans, il avait commencé sa vraie vie avant son retour aux études. Il avait les moyens de se trouver un appartement ou une maison dans la ville. En attendant la fin des réparations dans son appartement actuel ou en attendant le déménagement, il s'était pris une chambre ici. Ça faisait bien mon affaire, à moi. Je n'avais pas besoin de prendre le taxi au beau milieu de la nuit pour aller jeter des pierres à sa fenêtre. Je n'avais qu'à marcher quelques minutes sur le campus. Quand je prononçai le prénom de Lennon, Rafael soupira. Je me sentis alors extrêmement coupable et mal à l'aise. Peut-être en avait-il marre que je lui parle de ce fantôme du passé ? Je savais que mon meilleur ami voulait mon bien, et pour cela il faudrait que je tourne la page. Cependant, cette-fois ci, c'était loin d'être ma faute. Lennon était bien là, ici, à San Francisco. Difficile de tourner la page dans ce temps-là. Mais je savais aussi que Rafael était bien plus vieux que moi, de treize ans mon aîné même, et que des enfantillages du genre étaient peut-être trop immatures pour lui. Toutefois j'avais besoin de lui en parler, encore un peu, alors il devrait endurer. « Tu lui as parlé ? » J'hochai la tête en silence, avalant difficilement ma salive. Je repensais à notre conversation. À toutes ces belles paroles qui m'avaient tellement fait hésité sur sa sincérité. « On a parlé, oui. Longtemps ... Je ne sais plus quoi penser. Je ne sais pas si je dois le croire, je ne sais pas si je dois encore le détester ... » J'étais tellement confuse dans mes sentiments. Revoir Lennon avait réveillé tellement d'émotions situées aux pôles extrêmes que je sentais mon corps et mon esprit en plein déséquilibre. À ces derniers mots, Rafael vint s'adosser à la tête du lit et il me tendit la main pour que je vienne vers lui. Je m'appuyai donc sur son torse et enfouit ma tête dans le creux de son épaule, posant ma main sur son ventre. « Tu arriveras à supporter le fait qu’il soit ici ? » Ce fut à mon tour de soupirer. J'essuyai quelques larmes sous mes yeux, réfléchissant à cette question bien trouvée. « J'ai peur ... Parce que juste le fait de le revoir ça m'a ... tellement déboussolée. Je ne sais pas ... pouvoir le croiser à tout moment je ... j'ai peur de ne jamais pouvoir l'oublier alors. » Avouais-je à mon meilleur ami, réalisant alors qu'effectivement, avec Lennon dans les parages, je ne pourrais jamais avancer dans la vie. Du moins, pas comme je l'aurais voulu.

Genesis était une personne importante aux yeux de l’australien. Elle était la seul personne à connaître tout de lui. Elle savait même pourquoi il avait décidé de démissionné de son emploi de médecine quatre ans plus tôt. Il aimait cette relation qu’il avait avec elle, mais il savait aussi que ce Lennon lui avait fait beaucoup de mal et il n’aimait clairement pas ça. Il comptait bien aller parler avec ce garçon et lui faire comprendre sa façon de penser. Mais pour le moment, il restait aux côtés de sa meilleure amie, voulant savoir si ça pouvait quand même aller ou pas du tout. Lui demandant en premier lieu si elle avait vu le jeune homme, il la vit hocher la tête et il fronça doucement les sourcils, tout en l’écoutant parler. Elle semblait vraiment retournée et elle doutait même de tout ce qu’elle avait pû penser avant avoir revu ce garçon. Raf alla s’installer mieux dans le lit, pour faire venir la jeune femme contre lui. La laissant s’installer contre lui, il l’entoura de ses bras et il lui demanda si elle arriverait à surmonter le fait qu’ils soient dans la même université. A l’entente de ses propos, il la serra un peu plus contre lui.

On ne peut jamais oublier un évènement ou une personne qui nous a fait du mal.

Il en savait quelque chose. Entre sa démission et la perte de ses parents.

On peut tenter de passer au-dessus, d’avancer avec, mais ça fera toujours partit de nous.

Baissant les yeux vers la jeune femme, il caressa doucement son bras qui était contre lui. Soupirant à nouveau, il n’aimait pas la voir si mal. Tout ça à cause d’un garçon. Bon, il devait avouer qu’il ne comprendrait jamais ce genre de choses. Il n’avait jamais été amoureux au point d’aller mal à cause d’une fille. Seulement, il ne voulait pas non plus que la jeune blonde rester dans cet état d’esprit.

Quand tu dis que tu ne sais pas si tu le croire, ça veut dire quoi ? Qu’est-ce qu’il ta dit pour que tu doutes sur ce point ?

Fronçant à nouveau les sourcils, il se demandait ce que Lennon avait bien pû lui dire pour qu’elle soit si dévasté et qu’elle en perde le fait qu’elle ne sache pas comment se comporter et commencer penser loin des propos qu’il avait tenus. Continuant de caresser le bras de la jeune femme, il espérait que Lennon ne lui avait pas promit monts et merveilles, voire même de reprendre une quelconque relation, parce qu’il n’avait pas envie que son amie, soit encore plus brisée que par le passé.

Je connaissais bien Rafael, je savais qu'il voulait à tout prix me défendre et qu'il détestait que quelqu'un puisse me blesser autant que Lennon l'avait fait. Alors en lui révélant la présence de ce dernier à San Francisco, j'imaginais bien qu'il allait essayer de le retrouver. Il voulait lui parler, et sans devenir violent ou quoi que ce soit, il allait lui faire savoir sa façon de pensée, et ça risquait de ne pas être un très beau moment. Je ne voulais pas que Lennon pense que j'allais salir son image auprès de tout le monde mais en même temps, il ne méritait que ça : que quelqu'un le remette à sa place. Puis, Rafael était plus vieux, il était donc assez mature pour savoir comment gérer ces situations. Je lui faisais confiance. J'allai donc me blottir dans ses bras et collai mon nez dans son cou, où je pu sentir son doux parfum qui me réconforta déjà. Ses bras chauds autour de moi m'apaisèrent. Rafael était l'un des seuls hommes qui m'accordait de l'attention et de l'affection de la sorte, alors évidemment j'en profitais à chaque fois, avec mon petit coeur qui battait un peu plus vite. C'était juste normal, quand on était tout le temps loin du sentiment amoureux. « On ne peut jamais oublier un évènement ou une personne qui nous a fait du mal. » Je le laissai continuer, sachant que ses sages conseils n'étaient pas terminés. «On peut tenter de passer au-dessus, d’avancer avec, mais ça fera toujours parti de nous. » Il avait raison. J'avais beau avoir essayé d'oublier Lennon, même avant nos retrouvailles j'y pensais presque à chaque jour. « Je sais. Et c'est de la merde, si tu veux mon avis. » Rafael me caressa le bras. En amour, j'étais facilement dévastée. À chaque rupture j'avais eu une peine d'amour presque aussi longue que la relation elle-même. Je m'attachais tellement facilement aux autres. Je me donnais à cent pour cent dans mes relations et quand on me faisait tomber de mon nuage, je me relevais difficilement. « Quand tu dis que tu ne sais pas si tu le croire, ça veut dire quoi ? Qu’est-ce qu’il ta dit pour que tu doutes sur ce point ? » Je me remémorai alors ses paroles charmantes, que j'aurais tellement voulu croire. « Il m'a dit qu'il ferait tout pour changer ce qui s'est passé, qu'il ne m'a jamais oubliée ... il ... il porte encore le bracelet que je lui avais donné il y a sept ans. » Et ce n'était pas comme s'il avait pu mentir sur ce coup-là. Nous ne savions ni l'un ni l'autre que nous nous trouvions dans la même ville et pourtant, il portait ce bracelet, en mémoire de notre amour. Je me relevai finalement un peu, afin de pouvoir regarder Rafael dans les yeux. « Et Raf' ... j'ai fait une grosse gaffe. » J'avalai difficilement devant le regard interrogateur de mon meilleur ami. « Il m'a demandé si j'étais ici toute seule. J'ai pas voulu perdre la face alors ... j'lui ai dit que toi et moi ... on était ensemble. » Il allait être fâché. Je le sentais venir.

Je suis tout à fait d’accord.

Oui, l’amour était de la merde. Rafael n’avait été véritablement amoureux. Il avait eu un béguin quand il était plus jeune avec une fille de son âge, il n’avait que huit ans, mais il n’était jamais tombé fou amoureux d’une femme. Il n’avait pas encore connu ça et il devait avouer qu’il aimerait bien ressentir cela un jour. On lui en parlait souvent, alors pourquoi pas le vivre au moins une fois dans toute sa vie. Malgré tout, il n’avait pas envie de souffrir comme son amie à cet instant. Genesis pouvait se montrer forte et il n’avait aucun doute à ce sujet, mais Lennon lui faisait perdre tous ses moyens et toutes ses pensées cohérentes. Il préféra alors lui demander ce que ce garçon lui avait dit exactement. Apparemment elle ne savait plus trop que penser et il était curieux de savoir ce que Lennon avait bien pû lui dire pour qu’elle parle ainsi de lui. Elle qui avait longtemps voulu l’oublier et faire une croix sur lui, se retrouvait à être chamboulée et il n’aimait pas ça, surtout si ce jeune homme venait à la faire souffrir encore une fois. L’écoutant avec attention, toujours près d’elle et l’entourant de ses bras, il fronça un peu plus les sourcils. Une ruse ou la vérité ? A vrai dire il ne savait pas. Les paroles s’étaient bien beau, on pouvait dire ce qu’on voulait, ça ne changerait pas grand-chose, mais des actes changeaient vraiment la donne. Apparemment, il portait un bracelet qu’elle lui avait offert des années plus tôt. Ce détail avait donc fait penser à la jeune blonde qu’elle avait encore une place importante dans la vie de Lennon. Rafael voulait bien le croire et il pouvait le comprendre, mais il espérait que ce garçon n’avait pas gardé le bracelet, juste au cas ou un jour il la croise. Finalement, il regarda la jeune femme se redresser et il l’écouta toujours avec attention, avant d’ouvrir la bouche et de la refermer. Haussant les sourcils, il devait avouer qu’il ne savait pas du tout ce qu’il devait faire sur ce coup là. Elle l’avait prévenue en parlant de gaffe, mais de cette ampleur, il ne l’avait pas imaginé et il fixa la jeune femme.

Ensemble … ensemble ?

Ah bah bravo, tu as beaucoup de vocabulaire Rafael. Mais sur ce coup là il restait vraiment surprit, ne s’attendant pas du tout au fait qu’elle l’ait impliqué dans cette histoire. En même temps, il était impliqué depuis qu’il connaissait tout cela, mais de là à dire qu’ils étaient en couple. Quoi que d’un côté, ça pourrait lui permettre d’aller voir Lennon et mettre les choses aux claires, sans avoir l’air louche. Si le garçon savait ou en tout cas pensait qu’ils étaient en couple, ça réglerait certains points étranges sur le pourquoi de la venue de Raf vers lui.

Tu lui as dit quoi exactement ?

Après tout, autant savoir ce qu’elle lui avait dit. Avait-elle brodé une histoire sur leur soit disant couple, où avait-elle laissé du vague autour d’eux.

Rafael ne m'avait effectivement jamais parlé de ses histoires d'amour, anciennes ou présentes. Je me disais qu'elles étaient peut-être trop intimes ou douloureuses pour lui, mais jamais je n'aurais pensé qu'elles étaient tout simplement inexistantes. Après tout, Raf' était un homme franchement charmant, beau et gentil. Plus que beau, même. Il était carrément canon. Intelligent, en plus de cela. Tout ce qu'une femme mature recherche. Pourtant, mon meilleur ami était célibataire. C'était à s'en demander s'il ne me cachait pas quelque chose concernant son orientation sexuelle. Et pourtant je savais bien que non. Rafael me racontait tout, ou presque. Puis, il savait bien que je n'avais aucun préjugé là-dessus, ni aucun opinion à ce propos. Il n'aurait pas eu peur de m'en parler. C'était donc autre chose, mais je ne savais quoi. Ce devait être lui le problème, parce que j'imaginais bien que n'importe quelle femme pouvait tomber sous son charme. Comme moi. Bref, au cours de la discussion concernant Lennon, j'avouai alors à Rafael que j'avais menti au sujet de ma situation amoureuse ... et qu'il était impliqué dans celle-ci. « Ensemble … ensemble ? » Je soupirai de honte en fermant les yeux, les sourcils relevés. « Ensemble … ensemble. » Lui avouais-je en plantant mes grands yeux bleus dans son regard tout aussi beau. Il semblait plus surpris que fâché, mais c'était peut-être l'incompréhension qui facilitait la réception. Quand il réaliserait tout ce que cela impliquait, il allait certainement me traiter d'immature et m'ordonner de dire la vérité à Lennon pour ne pas être impliqué dans mes enfantillages. « Tu lui as dit quoi exactement ? » Je me positionnai face à Rafael, mes jambes ramenées contre moi-même, mes bras les entourant. Je baissai les yeux et jouai avec mes orteils. « J'ai dit que ... qu'on s'était rencontrés en Russie, qu'on a fait l'Amérique du Sud ensemble et qu'en arrivant ici, on avait décidé de se poser ... Que ça fait un an qu'on habite ensemble en appartement, en ville .. » Sortie comme ça, cette histoire était ridicule. Je me frappai la tête de ma paume droite. « Je suis désolée Rafael, j'ai perdu tous mes moyens. T'es la première personne qui m'est venue en tête quand il m'a demandé le prénom de ce petit ami. » Et ce n'était pas un hasard : qu'il avait été le premier à me venir en tête. Rafael comptait beaucoup plus pour moi que ce que je me laissais croire.

Etre en couple n’avait jamais été sa priorité. Quand il était plus jeune, il passait son temps entre l’école, sa famille et la musique. Puis, à la mort de ses parents, il s’était renfermé, ne laissant personne approcher, du coup il n’avait jamais eu de filles qui avaient osées l’approcher. C’est seulement plus tard, qu’il avait commencé à profiter des plaisirs de la chaire avec les femmes. C’était très agréable d’ailleurs et il préférait en profiter pour le moment plutôt que se caser. Quoi qu’il n’avait pas encore rencontré la bonne personne pour ça. Mais s’il devait choisir là aujourd’hui, il devait avouer que ça serait la jeune blonde qu’il pourrait choisir. Elle savait beaucoup de choses à son sujet, y comprit la perte de ses parents et pourquoi il avait dû démissionner quatre ans auparavant. C’était les deux sujets les plus sensibles pour lui et elle restait malgré tout. Physiquement, elle était très attirante, il ne pouvait pas dire le contraire. Elle avait tout pour plaire et il n’avait pas été indifférent la première fois qu’il l’avait vu. Mais tout cela était de l’amitié et il doutait du fait que ça pourrait changer un jour. Genesis était trop attaché à Lennon pour le voir lui. En tout cas c’était ce qu’il pensait. Seulement, il en revint à la conversation et demanda à la jeune femme si elle parlait bien du fait d’être en couple dont elle parlait et apparemment oui. A l’écoute de ses propos, il hocha doucement la tête se faisant à cette idée. Seulement, il préféra lui demander ce qu’elle avait dit exactement pour qu’il sache à quoi s’en tenir et il haussa les sourcils tout en l’écoutant.

Tu ne lui as pas dit que j’étais russe au moins ?

Il n’était pas si fâché que ça, il était plutôt surprit qu’elle s’en soit sortie avec une histoire comme celle là. Et il espérait qu’elle n’avait pas dit qu’il était russe. Déjà qu’en temps qu’australien avec son accent, ça ne serait pas crédible une seule seconde. Après lui pourrait broder en disant qu’il a des origines russes et qu’il a rencontré Genesis là-bas, mais qu’il était russe pure souche, ça, ça risquait de ne pas passer.

Il va falloir que tu me parles de l’Amérique du Sud, parce que je ne connais pas du tout et s’il vient à m’en parler, il faut que je sois crédible.

En effet si Lennon finissait par croiser son chemin autant qu’il soit crédible, surtout si la jeune femme n’était pas prête à lui dire la vérité.

Je peux jouer le jeu sans problème, mais il faut que je sois un minimum crédible.

Il était vrai qu'avec Rafael, je m'étais toujours montrée très attachée à Lennon, comme si j'étais encore éperdument amoureuse de lui. Pourtant, depuis les sept années qui me séparaient de lui, mon coeur avait porté bien d'autres hommes. Un Africain, un Turque, un Espagnol puis un Colombien. Rien qui aurait pu me briser le coeur comme Lennon auparavant, mais assez pour me faire comprendre que je ne lui appartenais pas. Que j'étais capable d'aimer, encore, quelqu'un d'autre que lui. En rencontrant Rafael, d'ailleurs, j'avais d'abord vu un potentiel amoureux. Je pensais à lui avant de m'endormir, je souriais bêtement en le voyant. Toutefois, j'avais vite senti qu'il ne cherchait qu'une amie, une confidente, et j'avais étouffé ce que mon coeur me disait pour finalement devenir sa meilleure amie. Aujourd'hui, cela m'allait parfaitement. Il était toujours là pour moi alors que si au départ j'avais mis toutes mes cartes sur table, nous n'en serions pas là aujourd'hui. Nous ne nous adresserions même plus la parole, j'imagine, étant donné que mes histoires amoureuses se terminaient toujours en déchirants adieux. « Tu ne lui as pas dit que j'étais russe au moins ? » Je ne pu m'empêcher de rigoler joyeusement. Imaginer Rafael, avec son bel accent australien, essayer d'imiter l'accent dur des russes, c'était plus que drôle. Je secouai alors la tête, ma main devant ma bouche. « Non, non, je te rassure. Tu étais un voyageur, comme moi. » C'était bizarre, de lui enseigner ce rôle que j'avais construit en cinq secondes pour lui. Je m'en voulais, mais en même temps, en le voyant tout de même assez réceptif, je devais avouer que c'était assez excitant. J'avais presque hâte de jouer le couple parfait devant Lennon. Certes, c'était méchant et la vengeance ne faisait pas parti de mes valeurs, mais quand il était question de Lennon, je me perdais totalement. « Il va falloir que tu me parles de l’Amérique du Sud, parce que je ne connais pas du tout et s’il vient à m’en parler, il faut que je sois crédible. » J'hochai la tête, retrouvant mon sérieux. « Oui, ne t'en fais pas, je vais te montrer mon itinéraire, te montrer mes photos, te raconter des anecdotes. Ce sera comme si tu avais vraiment été là, avec moi. » Et je me surpris à penser que j'aurais vraiment aimé visiter l'Amérique du Sud avec Rafael. Je souriais bêtement dans le vide. « Je peux jouer le jeu sans problème, mais il faut que je sois un minimum crédible. » Je pris alors sa main dans la mienne et la caressai de mon pouce. « Merci Rafael. Ça me prouve vraiment que tu seras toujours là pour moi. » Et je me blottis de nouveau dans ses bras après lui avoir donné un baiser dans le cou. « Demain soir, je viendrai te voir avec tous mes souvenirs de voyage. Si ça te va, bien sûr ... » Tout d'un coup, j'allais vraiment mieux. Je ne pleurais plus à cause de Lennon, j'étais juste bien avec Rafael.