❝Now we are safe together, right ?❞ If I didn't care more than words can say, if I didn't care would I feel this way? If this isn't love then why do I thrill? And what makes my head go 'round and 'round while my heart stands still? If I didn't care would it be the same? Would my ev'ry prayer begin and end with just your name and would I be sure that this is love beyond compare? Would all this be true if I didn't care for you? ◂ agnès&juno.

Depuis plusieurs nuits, Agnès était sujette à de terribles insomnies. Elle s'endormait vers vingt-trois heures et se réveillait systématiquement à trois heures dix-sept du matin. Il y avait de quoi devenir dingue avec ces réveils anormaux. Les trois premières insomnies, elle avait fait quelques postures de yoga, qu'elle pratiquait depuis dix années à présent, et aussitôt le sommeil la gagnait. Mais cette nuit-là, Agnès décida de travailler, elle avait négligé son business, et il était temps de rattraper tout cela. Elle alluma son iPad et envoya des e-mails à plusieurs conservateurs en Russie et en Irlande pour leur faire part de ses recherches sur les oeuvres de de Max Ernst, qui restaient vaines. Elle passa des coups de téléphones, envoya des mails et navigua sur des sites d'art jusqu'à six heures du matin. Ce n'est seulement qu'à cette heure-ci qu'elle trouva le sommeil. Elle décida de s'octroyer une petite heure de sommeil, puisqu'il en était ainsi.

Une heure plus tard, son abominable réveil à l'alerte simplement insupportable, se déclencha. Agnès poussa un soupir, si seulement elle pouvait rester au lit. Elle se retira avec regret de sous sa couette et se traina sous la douche. Elle enfila ensuite des sous-vêtements, avant de passer son jean slim gris The Kooples et son chemisier "boy friend", Comptoir des cotonniers. Elle laissa sa tignasse blonde tomber sur ses épaules, et se percha sur ses escarpins Prada, qu'elle affectionnait tant. L'italienne n'était pas extrêmement superficielle, du moins, elle tenait tout de même à sa manière de s'habiller, mais cela s'arrêtait là. Et cela avait toujours été ainsi. Elle jeta un coup d'oeil à sa montre Ice blanche, qui indiquait à peine sept heures et demi. Parfait, pour une fois, elle serait plus qu'en avance à Berkeley. Habituellement, elle arrivait pile à l'heure. À vrai dire, Agnès ne supportait pas d'être en retard, quand elle se rendait quelque part. Elle n'appréciait pas non plus les retardataires. En chemin, elle s'arrêtait au Starbucks habituel, et commanda un Caffè con latte, comme à son habitude. Elle défila enfin sur le campus, sa veste en cuir sur les épaules et ses Ray-ban sur le nez, nulle envie que l'on remarque la tête monstrueuse qu'elle avait ce matin. Il est vrai, qu'elle exagérait, et que les poches qu'elle avait sous les yeux n'étaient pas aussi marquées qu'elle ne le pensait, mais Agnès avait toujours eu tendance à dramatise pour ce qui était de son physique, qu'elle n'appréciait que courtoisement. Une fois dans les couloirs de l'établissement, direction la salle des professeurs. Étonnant, il y avait déjà pas mal de personnes qui rôdaient dans les couloirs. Une fois entrée dans la pièce, elle constata avec soulagement qu'elle était vide. Elle pourrait être tranquille pour se réveiller à son rythme. En effet, l'italienne avait fait la rencontre de la plupart des professeurs de l'université, et sur la quasi-totalité à l'exception prêt, ils l'exaspéraient.

La jeune femme prit place à une des tables au centre de la salle. Elle sortit son iPad de son sac Gucci, et jeta sa veste en cuir sur la table à côté d'elle. Il était temps qu'elle se remette à ses recherches. Hélas, sa tranquillité fut de court instant. Apparemment, quelqu'un avait envie de jouer avec ses nerfs. Elle soupira et fit mine de ne pas avoir entendu l'arrivée impromptue de l'inconnu. C'est alors que l'inconnu se mit à parler. À nouveau hélas ? Tout bien réfléchi, Agnès aurait reconnu cette voix entre mille. Ce ton cynique que cette personne employait, et cette façon de se déplacer qui ne pouvait appartenir qu'à elle. Juno... Quelle surprise de la voir ici. Elle n'avait pas changé. Toujours aussi belle, et même, encore plus belle. Sa petite frimousse était toujours la même, de grands yeux magnifiques et un petit sourire presque imperceptible dessiné sur son visage aux traits fins. Cela faisait bien plus de six ans qu'elle n'avait pas eu de nouvelles de la brunette. Quelle plaisir de la revoir après tout ce temps. Agnès avait été plutôt affectée, le jour où sa "fille" lui avait annoncé qu'elle ne voulait plus la voir car, elle détestait Hectorio. Elle avait accepté son choix, mais à contre-coeur... Finalement, l'italienne s'était habituée à l'absence de sa petite protégée. Elle avait toujours gardé une place dans son coeur, et ne lui en avait jamais voulu de lui avoir tourné le dos. D'ailleurs, pendant plusieurs années, Agnès avait pris des nouvelles de Juno, de part des amis d'amis, plus simplement, les contacts... Autrefois les jeunes femmes étaient extrêmement liées, leur relation était basée sur une relation mère/fille fusionnelle. Elles aimaient se chamailler et se défier en se lançant des petites remarques cinglantes. Elles pouvaient passer des heures à parler de tout et de rien, Agnès aimait quand Juno se confiait à elle. Elle la conseillait et ne pouvait s'empêcher, la plupart de temps, de se conduire en vraie mère poule avec elle.

La jeune femme était face à Agnès, fidèle à elle-même, quelque peu négligée, mais cela ne changeait pas avec la dernière fois qu'elle l'avait vue. En tout cas, elle n'avait pas l'air aussi étonnée qu'elle de la trouver ici. La jeune femme ne put contenir un sourire suites aux paroles de la jeune femme. Toujours aussi ironiques et cyniques. Sa répartie lui avait manquée. De plus, Juno était une des rares personnes à se mesurer à Agnès dans ce domaine.

▬ Juno ? Quelle surprise de te voir ici ! Il a un prénom, je te rappelle... Mais rassure-toi, il ne va pas surgir du placard derrière moi. On a divorcé... Et toi, alors ? Tu fais tes études ici ?... Ou tu ramones les cheminées de l'établissement ?

En effet l'accoutrement de Juno paraissait usagé, et Agnès ne la manquerait pas après ce qu'elle venait de lui dire. Bien évidemment, ces phrases cyniques étaient lancées sur le même ton complice qu'autrefois. Du moins, de la part d'Agnès étant donné qu'elle n'avait aucune rancoeur envers la brunette. Cependant, elle ne savait absolument pas dans quel état d'esprit, elle se trouvait à ce moment-même. Peut-être lui en avait-elle voulu d'avoir "choisi" son mari plutôt qu'elle...

▬ Tu m'as manquée, ma chérie...

Agnès restait émerveillée face à la belle Juno. Elle avait tellement grandi. Elle était encore plus belle qu'autrefois. Soudain, l'italienne s'en voulait d'avoir laissé si facilement partir la brune. Elles avaient perdu tellement de temps. Agnès avait considéré la jeune femme comme sa propre fille, elle l'avait tellement aimé et adoré. Les souvenirs de leurs moments passés à deux re-jaissaient brusquement, comment avait-elle pu oublier tout cela ? Comment avait-elle pu ne plus se rappeler du jour où pour la première fois, Juno avait mis un vrai décolleté et qu'elle lui avait ordonné de se changer rapidement. La petite brunette, qui avait un aussi fort caractère qu'Agnès, s'était amusée à la provoquer avec ce tee-shirt pendant toute la soirée. En effet, au marqueur noir, Juno avait écrit : "100% vrai !". Il leur arrivait souvent de se prendre la tête, les répliques sarcastiques fusaient, et se serait celle qui frapperait le plus fort. En réalité, le but de ces réflexions cyniques était plus de faire rire l'autre pour oublier le sujet de mésentente. Agnès aimait par dessus tout quand Juno lui racontait ses journées à l'école, quand elle lui parlait des garçons et de ses histoires d'amour. La petite brune lui posait souvent des questions et n'avait de cesses de lui demander des conseils. Quelle époque... Aujourd'hui, Juno devait être entrée dans le vingtaine, leur relation évoluerait sûrement, elle espérait que leur complicité, quant à elle, resterait intacte.

C'était tout de même si bête que Juno n'ai pas supporté Hectorio. Elles auraient pu continuer à se voir, à s'organiser des restos, ou des promenades toutes les deux. Si Agnès ne l'avait pas retenue, c'est qu'elle avait pensé qu'elle était grande, et qu'elle trouvait peut-être juste une raison pour s'éloigner d'elle. L'italienne était quelque peu perdue quand elle essayait de se remémorer la disparition de Juno dans sa vie. À présent, elle se demandait, comment pendant un seul instant lui avait-elle préféré son ex-mari. Elle espérait tellement qu'elle ne lui en veuille pas pour cela. À son plus grand soulagement, Juno lui annonça qu'elle lui avait manqué aussi. La jeune femme se leva de sa chaise pour serrer Agnès dans ses bras. La blonde se rappelait que Juno avait toujours était très affective, réclamant des bisous et des câlins à tout va. Agnès était loin d'être tactile et démonstrative, pour ne pas dire qu'elle détestait toutes les marques d'affection quelles qu'elles soient. Mais avec Juno, c'était différent, à vrai dire, avec la demoiselle, tout était différent. On dit souvent, que pour ses enfants, on est prêt à tout. Pour l'italienne, il en valait de soit pour Juno, sa fille.

▬ Comment ça une bouteille de champagne ? Tu fais déjà la fête à ton âge ? Tu ne serais pas un peu jeune ?

Agnès avait lancé cela sur le ton de plaisanterie, d'un autre côté, elle n'avait pas vu Juno devenir une femme. Elle était encore petite quand elles avaient arrêté de se voir. Sept années s'étaient écoulées, tout de même. Elle avait loupé tellement de choses et elle s'en voulait de les avoir ratées pour un homme qui n'en valait pas la peine face à Juno. En même temps, personne n'en valait la peine face à elle. L'italienne fixait la petite brune, les yeux illuminés. Elle n'avait pas changé. Elle était toujours aussi pétillante et vive d'esprit. Elle déblatérait à une allure folle sur ce qu'il lui était arrivé ces dernières années. Juno était agenouillée face à Agnès, un grand sourire aux lèvres. Cette dernière se pencha pour lui déposer un baiser sur le front, elle passa une main dans ses cheveux bruns. Ah, combien de temps avait-elle passé à démêler la crinière de la demoiselle, autrefois ? Combien de fois Juno avait fondu en larmes, en la traitant de sorcière ? Qu'y pouvait-elle, ses cheveux s'emmêlaient si facilement.

▬ Et bien... J'ai divorcé d'Hectorio, comme tu le sais. Je suis dans le business maintenant. J'ai trois galeries d'arts, une à Rome, une à Paris et une à Athènes. J'ai décidé de gérer tout ça à distance et me pencher vers l'enseignement. J'avais envie de changer d'air, à vrai dire. Après le décès de mon père, j'ai eu un petit coup de blues, je me suis sentie si seule, il fallait que je réagisse rapidement avant de tomber en dépression.

Agnès ne se confiait jamais à personne sur ce qu'elle ressentait, mais Juno était la seule en qui elle avait confiance. Et puis, Agnès n'aimait pas se confier à des personnes qu'elle ne connaissait pas. Après, combien de personnes connaissons-nous vraiment dans une vie ? Pour ce qui était de l'italienne, trois personnes la connaissaient parfaitement bien. Et Juno en faisait partie.

▬ Dis-moi, chérie. Je sais que tu détestes faire les magasins... Mais tu voudrais pas que je rattrape tous tes anniversaires que j'ai loupés en te refaisant ta garde-robe ?

L'italienne attachait une grande importance au style vestimentaire. Elle devait le reconnaître, elle était superficielle quand cela touchait la mode. Juno n'était pas sans le savoir. Agnès avait tendance, quand Juno était petite, à toujours s'assurer que sa tenue était parfaite et dans le courant de la mode. D'ailleurs, elle détestait cela et n'hésitait pas à revenir le soir avec les vêtements déchirés. Quel caractère, n'est-ce pas ?