La sueur perlait doucement mon front. Je sentais ces billes salées virevolter le long de mon cou avant de continuer leur course folle le long de ma colonne vertébrale. Depuis à peu près une bonne heure, je m'acharnais à effacer toutes questions ou pensées qui m'obstruaient les esprits. Et la course demeurait alors un très bon moyen. A petite foulée, je tentais de reprendre mon souffle s'évaporant au fur et à mesure que j'intensifiais la course. J'entendais déjà les recommandations de mon médecin, me contraignant à faire attention, ne pas trop me dépenser et j'en passais et des pires. « Tu as subi un gros choc, il vous le temps que ton corps se remette » m'avait-elle gentiment indiqué la madame. Oui oui oui, il se remet, même très bien. Je m'arrêtai sur le bord du chemin quelques instants, me courbant, les mains sur les genoux, aspirant l'air qui me manquait tant. Puis je me relevai et une grimace de douleur se forma sur mon visage. Ma cicatrice dû à la balle que je m'étais prises deux semaines plus tôt, lors de la fusillade de l'université me tiraillait. Mais je décidai de passer outre la douleur et de continuer mon footing. Ma douleur psychologique quant à ma dernière discussion avec Nessa m'infligeait des maux bien plus douloureux qu'une vulgaire cicatrice de combat. Une énième dispute, une nouvelle qui s'était pointée sans crier gare. Nessa était enceinte. De moi, cela allait sans dire. Elle attendait mon bébé, mon enfant. Enfin notre enfant. Je ne savais pas vraiment s'il fallait que je m'en réjouisse ou non. Je ne savais déjà pas être un bon petit ami, alors un père. Qu'aurais-je à apporter à cet enfant, moi le fugitif du Mexique, l'ancienne racaille et braqueur. Mon passé, Nessa n'en savais toujours strictement rien. Et évidemment qu'elle allait me quitter ou ne plus vouloir entendre parler de moi si je lui disais tout. Je me trouvais dans une impasse. Si je ne lui disais rien, c'était lui mentir et j'allais finir par la perdre et si je lui disais, j'allais la perdre aussi. Dur dilemme. Pour éviter de trop me torturer l'esprit davantage, j'accélérais ma cadence d'un foulement de pied. Me dépenser, me surpasser, tout donner. Mes épaules suivaient le rythme que l'allure de mes pieds infligeaient. Et au bout de quelques mètres, une douleur insupportable me stoppa. Je m'arrêtai net. Tout semblait tourner autour de moi et je m'asseyais sur le premier banc que je rencontrais. Inspirer, expirer pour reprendre ses esprits. Puis je regardai mon épaule. Du sang s'était dessiné sur mon tee-shirt. Je soulevai mon vêtement pour constater les dégâts et je vis une cicatrice ouverte sous le coup de l'effort. Et merde, j'allais devoir retourner chez le médecin.

« Kurt, je t'avais prévenu, il faut te demander. Ce n'est pas une simple entaille que tu as là » me réprimanda une nouvelle fois la doctoresse. J’acquiesçais de la tête pour lui faire plaisir et j'espérais surtout qu'elle se taise et me foute la paix. Je n'étais plus un gamin de quatre ans qu'il fallait réprimander parce qu'il venait de commettre une bêtise. Elle me sutura à nouveau ma plaie, la pansa une nouvelle avant de sortir une attelle. Heu, pardon. « Tu ne me laisses pas le choix, il faut à tout prix reposer ton épaule pour que ça cicatrice bien et efficacement. Il faut que tu portes cette attelle quelques semaines. Et ce n'est pas négociable » ajouta-t-elle lorsqu'elle croisa mon regard. Je soupira d'agacement. Assis depuis une bonne vingtaine de minutes sur son lit auscultatoire, j'attendais bien patiemment qu'elle ait fini de ce mettre son truc pour que je puisse enfin partir d'ici. « Tu m'as écoutée Kurt, plus d'efforts jusqu'à nouvel ordre ». Oui oui oui, je ne suis pas con merci. Super, maintenant j'avais un vieux truc bleu qui me tenait le bras et l'épaule contre mon corps pour ne plus qu'il bouge. J'étais sex avec ça. Boh, toutes les filles raffolaient des grands guerriers aux cicatrices. Je payais le montant de la consultation avant de filer rapidement de ce cabinet de médecin. Il me fallut quelques minutes de trajet pour rejoindre l'université. Mon premier réflexe fut de monter sur le toit de l'université, histoire de me retrouver un moment pour réfléchir à mon attitude à adopter quant à la grossesse de mon ex petite amie. Ou petite amie. Je n'étais plus certain du terme à employer. J'avais beau tenter de trouver la meilleure solution à tout ça, retourner le problème dans tous les sens, je ne savais quelle posture adopter. Je n'avais guère eu des nouvelles de Nessa depuis la fusillade et je m'en inquiétais. Peut-être était-ce à moi d'aller voir comment allait la jeune femme ? Était-ce surement à moi de m'excuser pour les mots que j'avais pu avoir à son égard. Mais moi et les excuses ne faisaient généralement pas bon ménage. Mais là, à priori, je n'avais peut-être pas vraiment le choix après tout. Je m'apprêtais à redescendre quand al porte s'ouvrit. Immédiatement, je me retournai vers l'inconnu qui déboulait ici et je n'eus le temps de reconnaître son visage qu'il venait de se ruer sur moi, mains sur le col, me bousculant en arrière. Handicapé d'un bras et sous l'effet de la surprise, je vacillai avant de me rattraper à la barrière se trouvant derrière moi. « Tiens tiens, Jaïro, je t'ai retrouvé plus vite que prévu ». Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. On venait de m'appeler par mon vrai prénom. Celui que j'avais au Mexique. Dont personne n'était au courant ici. Vraiment personne. Et puis le temps de me remettre de mes émotions, je levai la tête et reconnut Tito. Ancien membre de notre gang. Mec qui ne pouvait pas me blairer. Mais moi à vrai dire, j'en avais juste eu jamais rien à carrer de lui. « T'as du te tromper de personne. Moi c'est Kurt » affirmai-je, plantant mon regard dans le sien. Feindre l'indifférence valait mieux que ce jeter dans la gueule du loup. M'enfin j'avais peu d'espoir pour qu'il croit vraiment que je n'étais pas le vrai Jairo. Il se retourna, fit mine de réfléchir et sortit le nom de Nessa, comme ça, au beau milieu de sa phrase. Quel fils de pute. Il s'était bien renseigné sur moi et sur mes fréquentations. La colère s'empara de moi et je me ruai sur lui, l'attrapant d'une main par le col, l'autre ne pouvant bouger. Certes j'étais en position inférieure et complètement à sa merci mais je prenais le risque. « Première chose, tu peux toujours le chercher ici Yan, tu ne le trouveras jamais, il est loin d'ici. Et deuxièmement, tu ne prononces plus jamais le nom de Nessa. Et si tu touches à un seule de ses cheveux, je te jure que je te fais la peau ». S'il pensait être en position de force avec moi, il avait tort. Une ancienne racaille restera toujours une ancienne racaille. Et les mauvaises habitudes peuvent ressurgir très vite.