Lorsque le réveil sonna, mon corps tout entier fit un bond. Les cheveux ébouriffés et collés contre mon visage, les marques de l’oreiller encore marquées sur mes joues, je mis un pied après l’autre sur le sol avant de m’étirer longuement. Quelques secondes plus tard je me trouvais dans la salle de bain. J’allumais l’eau de la douche pour la faire chauffer un peu avant de me glisser dessous. Je laissais mes vêtements trainer sur le sol, trop flemmarde pour me pencher et les mettre dans le panier à linge pourtant juste à côté. Lorsque l’eau chaude entra en contact avec ma peau, je fermais les yeux profitant de chaque goutte d’eau m’éclaboussant le visage. Il n’y avait que ça de vraiment capable de me réveiller, une bonne douche. Il ne me fallut pas beaucoup de temps pour me savonner et me rincer, m’attardant un peu sur mon ventre qui s’était un tout petit peu arrondi, mais ça donnait plus l’impression que j’avais trop mangé plutôt que j’étais enceinte ce qui n’était pas terrible mais sauvait tout de même la face. Avec les partiels à venir je n’avais pas entrainement jusqu’au retour des vacances de Noël, c’était parfait, mais malgré tout je continuais de me rendre à la piscine chaque matin comme si de rien n’était. Personne ne s’y trouvait à cette heure si matinale, pas même les entraineurs. C’était parfait, de cette manière personne ne pouvait m’observer en maillot de bain et donc personne ne pouvait voir les petits changements qui commençaient à s’opérer sur mon corps. Après en avoir fini avec ma douche, je pris encore le temps de me passer du lait sur les jambes, les bras et le ventre, avec l’eau et le chlore, ma peau devenait vite irritée et je préférais mettre de la crème à excès plutôt que d’avoir mal parce que ma peau me tire. En plus de cela j’ai entendu dire qu’il faut toujours hydrater sa peau pendant une grossesse sinon on attrape ces horribles marques sur les hanches et les cuisses… Quelle horreur! J’enfilais donc un vieux sweat-shirt et un jogging de chez Hollister Co. Avec une paire de converse noires et courtes.

Lorsque je sortis de ma chambre pour rejoindre le salon/salle à manger/ cuisine américaine/lobby, je ne pu m’empêcher de sourire à la vue d’un cadre photo contenant une image de Ryder et moi à Miami. Cette photo avait le don de me donner le sourire à chaque fois que je la voyais et c’était d’ailleurs l’une des raisons pour laquelle j’avais choisi de l’accrocher jusque à côté de la porte de ma chambre, ainsi c’était l’une des premières choses que je pouvais voir en me levant le matin et l’une des dernières en me couchant le soir. Je me dirigeais donc vers la cuisine pour manger mon habituel bol de céréales avec un litre de lait. J’adore le lait, je sais qu’on dit que ce n’est pas très bon d’en boire trop quand on est adulte et que les humains sont les seuls mammifères à continuer de boire du lait même à l’âge adulte, mais je m’en fiche, depuis toute petite c’est ma boisson préféré et je ne peux pas m’en passer. Surtout pas avec mes céréales… Quoi qu’il en soit, les gestes que j’effectue sont presque machinaux, tous les jours je fais la même chose à la même heure, si bien que je n’ai même plus besoin de réfléchir à mes actions pour les effectuer correctement. De la rigueur il y en a toujours eu dans ma vie, étant fille de militaire, mon père nous a toujours enseigné à respecter des emplois du temps très carrés et rigoureux. On ne devait jamais être en retard nulle part, ni en avance d’ailleurs, mais nous étions toujours pile à l’heure. Maintenant que je vivais dans mon propre chez moi j’avais gardé ces mêmes habitudes, en particulier lorsque je me retrouvais seule à la maison. En tant que sportive de haut niveau je ne peux pas me permettre de relâcher l’effort, même un instant, alors c’est pour ça que je suis réglée comme une horloge. Cela dit je dois bien avouer que quand Ryder est là, j’arrive plus souvent avec quelques minutes de retard, il connait les bons trucs pour me faire rester au lit un peu plus longtemps et dans ces cas là j’envois au diable tout mon emploi du temps et mon éducation par la même occasion.

Après avoir mangé, je retourne me laver les dents dans ma salle de bain, puis remplis un sac de sport avec un maillot de bain, un bonnet en plastique (le genre qui fait mal à mettre quand on a des longs cheveux, mais qui est quand même bien pratique), une paire de lunettes et une énorme serviette. Un coup de mascara waterproof extra résistant, un dernier coup d’œil dans le miroir et je suis prête à décoller. Enfin sans compter sur le fait que je pers sans cesse mes clés de voiture, en général elles ne jouent pas longtemps à cache-cache, seulement trois minutes et quarante six secondes aujourd’hui, pas mal mais peu mieux faire… Une fois le véhicule en marche j’en ai pour une bonne quinzaine de minutes si le trafic est bon, plus si comme toujours il traine. Même à six heure du matin les gens sont de sortis, enfin c’est tout de même plus homogène qu’en journée, la circulation est dix fois plus fluide à six heure qu’elle ne le sera dans à peine une heure de plus. Sur le chemin j’écoute toujours les informations du matin, j’aime bien me tenir informé de ce qui s’est passé dans le monde pendant que moi je dormais à poings fermés. Si les nouvelles sont bonnes je risque de passer une bonne journée, en tous cas de partir du bon pied, mais si au contraire elle son mauvaise, ça peut très largement jouer sur mon moral, surtout en ce moment, j’ai les hormones en ébullition. La moindre petite blague et j’éclate de rire aux éclats, la moindre nouvelle triste et je me mets à pleurer. S’en est pathétique… Moi qui ne pleure jamais, ou pas pour rien en tous cas, moi qui refuse de m’afficher devant tout le monde, me voilà incapable de contenir mes émotions. Je déteste cela! Vraiment.

Lorsque j’arrive sur le parking du gymnase universitaire, je m’empresse de quitter ma voiture et de prendre mes affaires pour rejoindre les vestiaires. La piscine est inoccupée mais ce n’est pas le cas du gymnase tout entier. Les bassins se trouvent à l’arrière, sous une grande véranda qui s’ouvre en été, mais il y a aussi des terrains de basket et de volley, au sous-sol il y aussi des tapis de course et plusieurs machine de musculation. Je les utilise parfois mais comme c’est souvent très utilisé je préfère me rendre à la salle de sport où je suis abonnée pour profiter pleinement de toutes les fonctions offertes (y compris du spa…). Quoi qu’il en soit aujourd’hui il y a un groupe de quatre garçons en train de shooter des paniers et ils semblent plutôt concentrés sur leur petit entrainement personnalisé. Ils ne me voient même pas passer, ou du moins ils ne laissent rien paraitre. Je file aux vestiaires où je me change en vitesse. Dix minutes plus tard je suis dans l’eau. J’enchaine les allers-retours, du crawl au papillon en passant par la brasse, tout y passe. Je n’y vais pas aussi durement que si j’étais au top de ma forme. J’essaye de ralentir la cadence dû au bébé, mais je n’ai pas non plus envie de trop me relâcher. Je fais attention à ne pas trop forcer voilà tout et si je sens que je suis fatiguée, je m’arrête. Heureusement aujourd’hui je semble en forme. Je suis capable de supporter les deux heures d’entrainement, certes tranquilles mais quand même épuisantes. En sortant de l’eau j’aperçois quelqu’un m’observer par l’une des portes, une tête s’échappant seulement de l’entrebâillement. Je m’enroule dans ma serviette et jette un coup d’œil pour tenter de voir de qui il s’agit mais la personne a déjà disparut que je n’ai pas eu le temps de la voir plus en détail. De retour aux vestiaires, je me sèche et me rhabille rapidement avec un bon jean et un pull cette fois, histoire de ne pas faire débraillée, avant d’utiliser le sèche-cheveux pour remettre ma coupe en place. Mon mascara n’a pas coulé ce qui est une bonne chose. Je me passe un peu de poudre et le tour est joué. Je reprends mes affaires et me dirige vers la sortie. Je me sens vraiment bien, comme toujours d’ailleurs après un bon entrainement. L’eau c’est vraiment mon élément, enfin sauf si on parle de l’océan, là c’est une autre histoire… Lorsque je pénètre de nouveau dehors le soleil brille et bien qu’il y ait un peu de vent, il ne fait pas vraiment froid, dans les quatorze degrés je dirais ce qui est plutôt pas mal pour moi et surtout en décembre. Il faut dire qu’à San Francisco il ne fait jamais une chaleur exceptionnelle parce que le vent y souffle toujours, de ce fait même l’été il m’arrive d’être frileuse, heureusement que je viens d’Angleterre et pas d’Afrique. Je n’ai pas trop de mal à me faire au vent, aussi fort soit-il.

Je repris ma voiture pour me rendre vers les bâtiments où mes cours de la matinée devaient avoir lieu. Ils ne commençaient pas avant dix heures pour moi mais je n’avais pas envie de rentrer à la maison pour deux petites heures, je préférais aller réviser dans un endroit tranquille, que ce soit la bibliothèque ou le parc. Je devais donc aller garer ma voiture sur un autre parking. Coup de chance une place était libre dès l’entrée ce qui était un véritable bonheur pour moi qui détestait sincèrement devoir chercher où me garer pendant cent sept ans. Je pris mon sac de cours et sortis de la voiture sans oublier d’afficher mon pass étudiant sur le par brise pour bien prouver que j’ai le droit de stationner ici. J’avançais enfin entre les voitures garée pour me diriger vers les bâtiments. Soudain je vis une tête blonde qui ne m’était pas inconnue. C’était Arizona, une étudiante en médecine. Je l’avais rencontré lors de mon premier rendez-vous chez le docteur pour être sûre que j’étais bien enceinte et l’avais ensuite revue lors de ma première échographie qui avait eu lieu il y a de cela quelques semaines. Elle me vit à son tour et me fis signe de la main, je lui répondis par un sourire et vis qu’elle venait droit vers moi.

En voyant la jeune femme s’approcher de moi, je compris rapidement qu’elle allait me parler. Je ne m’attendais cela dit pas à plus qu’un simple «Bonjour, comment ça va ?». Au lieu de cela, j’eus droit à un engagement d’une véritable conversation. Je ne connaissais pas son nom de famille, mais lors de ma première échographie, lorsque je l’avais rencontré, le docteur l’avait appelé Arizona à plusieurs reprises et je m’en souvenais plutôt bien car j’avais trouvé qu’il s’agissait là d’un adorable prénom. Je ne suis pas allée si souvent que ça en Arizona, mais j’ai toujours adoré Phoenix! L’aéroport de Phoenix est sans doute l’un des meilleurs d’ailleurs, j’adore l’énorme avion qui est suspendu au dessus des escalators lorsqu’on arrive. La chaleur écrasante de la ville est sans doute ce que je déteste le plus, cela dit il y a ce super magasin de frozen yogurt juste à côté du centre commercial, après une bonne glace, la chaleur s’oublie vite je dois bien l’avouer. Quoi qu’il en soit je trouve que c’est sympa comme prénom, surtout s’il a un lien direct avec l’état. J’adore les prénoms qui ont signification particulière. Pour le bébé j’ai déjà quelques idées mais Ryder et moi n’avons pas encore eu le temps d’y réfléchir à cent pour cent. Si c’est un garçon j’aimerai un prénom court, j’adore Noah, Levi ou encore Emmett, et pour les filles je suis folle d’Isla, Olivia et Jessie. Je sens que choisir va être un véritable casse-tête et Ryder et moi risquons de ne pas être d’accord. Mais il est hors de question d’appeler notre enfant Ryder Junior! Ca c’est clair et net, même pas besoin de discussion là dessus. Je veux que mon enfant se sente unique et pas un pâle copie de son père, même si son père est un être extraordinaire et que son fils, si c’est un fils, aurait bien de la chance d’être comme lui. Quoi qu’il en soit j’ai bien retenu le prénom d’Arizona et apparemment elle se souvient aussi du mien. « Oui c’est bien ça.» Je lui fis un sourire amicale et la laissa continuer. Elle disait vouloir me parler de l’échographie que j’avais faite et sur le coup mon cœur fit un bon. Que se passait-il? Y avait-il un problème? Quelque chose que le docteur m’aurait caché et qu’Arizona voulait me révéler? Mais très vite elle enchaina et me rassura aussitôt. Il n’y avait rien de grave, elle disait même que tout était parfait chez mon enfant. Je mis une main au niveau de mon cœur et souffla de soulagement. J’ai eu un petit coup de chaud pendant quelques secondes mais finalement ce n’était rien. «Mon Dieu, le temps d’un instant j’ai bien cru que quelque chose n’allais pas!» Je me rappelais encore, assise sur la table du docteur, le gel pour l’échographie super froid sur mon ventre et l’espèce de truc qu’on passe sur mon ventre pour détecter les battements de cœur du bébé et ses mouvements. Lorsque la machine s’est mise en route et que j’ai entendu ce bruit tellement puissant, c’est comme si je m’étais prise une énorme claque dans la tête ce jour-là. Si je n’avais pas encore réalisé que j’étais enceinte pour de vrai et qu’un petit être grandissait vraiment à l’intérieur de moi, ce jour là j’ai pu comprendre tout l’ampleur de la chose. J’allais bel et bien devenir mère d’ici quelques mois et j’allais bel et bien mettre au monde un enfant qui serait issue de moi et de l’homme que j’aime. C’était tellement fou que rien que d’y repenser j’en avais le tournis. C’était un trop plein de bonheur qui me faisait voler à des mètres du sol, mon bonheur était incalculable et indéfini, j’avais l’impression que jamais plus je ne toucherai terre.

Je me demandais tout de même de quoi la jeune femme voulait me parler, si tout allait bien avec le bébé que pouvait-elle bien me vouloir? En plus de ça je me mis à regarder autour, j’avais beau être extrêmement heureuse, je n’avais pas encore partagé la nouvelle avec grand monde. Les seuls au courant été ma famille, mon mari, Dylan et Jodie. Oh et Niveane aussi, mais elle je ne lui ai pas dit, elle l’a deviné … enfin il faut dire qu’elle eu pas mal d’indice en fait. Quoi qu’il en soit ce n’est pas énorme, et j’aimerai que ça reste ainsi encore quelque temps. Mon ventre ne ressort même pas encore, bon j’avoue que lorsque je prends ma douche j’ai déjà remarqué que j’avais un petit peu grossi mais franchement rien de visible à l’œil d’une personne n’ayant pas l’habitude de me côtoyer régulièrement. J’étais simplement effrayée de la réaction de mes entraineurs, et puis je n’avais pas encore pris de décision concernant les championnats, et surtout concernant les Jeux Olympiques. J’en ai tellement rêvé de Londres deux mille douze, je ne peux pas me résoudre à simplement supprimer cette idée de ma tête. C’est un rêve pour moi, ce sera la deuxième fois que je participerai au Jeux Olympiques et je suis vraiment prête à gagner cette fois, je suis au mieux de ma forme, et j’ai tellement travaillé ces dernières années que voir tous mes efforts et tout mon travail s’envoler comme ça, en un claquement de doigts…Ca me dérange et ça me fait de la peine. Mais d’un autre côté je ne compte pas mettre en danger mon bébé, ça jamais! JAMAIS. Je fixais Arizona, toujours d’un air interrogateur. Finalement je me décidais à faire le premier pas. «Alors? De quoi est-ce qu’on doit parler? S’il n’y a pas de problème avec le bébé, que ce passe-t-il?» Je remis une mèche de cheveux derrière mon oreille et me tourna entièrement vers la jeune femme. Je pris une voix très douce et silencieuse, je ne voulais être audible pour personne d’autre qu’elle. «Hum… Ca m’arrangerait qu’on ne parle pas trop fort, je ne veux pas que trop de monde soit au courant, je n’ai pas encore prévenu mes entraineurs, ni ma confrérie, ni personne d’autres vraiment. Je préfère faire profil bas pour le moment. Tu comprends?» Je lui fis un sourire gênée, je ne voulais pas qu’elle pense que j’ai honte de ma grossesse, mais je ne savais pas trop comment lui expliquer la situation, soit que je suis pétée de trouille à l’idée de devoir déclarer forfait. En plus je ne veux pas qu’elle pense que je veux faire passer le sport avant mon enfant. Encore une fois, ce n’est pas le cas. Je l’aime déjà ce bébé et je ne pourrais pas mettre sa santé, ni la mienne d’ailleurs, en péril.

Le ton rassurant et chaleureux employé par mon interlocutrice me mit en confiance. Cette discussion m’intriguait beaucoup mais au moins je savais qu’il ne s’agissait de rien de bien grave. Lorsqu’elle me promit de ne pas parler trop fort, je lui offris mon plus beau sourire, reconnaissante qu’elle comprenne mon cas et qu’elle respecte mon choix. Après tout, c’est vrai qu’elle est aussi tenue par le secret médicale, mais bon, je suis persuadée que de nos jours certaines personnes n’hésitent plus à braver n’importe quelles règles. C’est dommage, mais c’est la réalité. Certains sont près à tout pour faire du mal aux autres. Heureusement Arizona n’a vraiment pas l’air d’être une méchante fille, en fait elle me donne même l’image d’une fille avec qui j’aurai pu être amie. Son sourire et sa voix me mettent en confiance, j’ai envie de croire tout ce qu’elle va me dire et je sais que quoi qu’elle puisse me raconter ce ne sera rien capable de me blesser. Alors que je l’interrogeais sur le pourquoi de sa venue vers moi, elle semblait chercher ses mots, comme si elle voulait me dire quelque chose d’important et qui méritait une explication, une mise en forme, comme pour ne pas me brusquer. Visiblement elle me paraissait un peu gênée… Elle entreprit après quelques secondes de pause, d’enfin ouvrir la bouche. Elle me demanda si j’étais bien l’une des nageuses participant aux Jeux Olympique de Londres qui auront lieu durant l’été deux mille douze, soit quelques mois seulement après la naissance du bébé, prévu pour début Juin. Comme elle m’avait affirmé quelques instants plus tôt que ce qu’elle avait à me dire avait un rapport avec ma grossesse et que maintenant elle abordait les JO, je cru comprendre où elle voulait en venir et si c’était bien ce à quoi je pensais, je sentais que celle qui allait être mal à l’aise à présent, c’était moi. «Hum oui en effet… Je suis supposée y participer. Du moins pour l’instant je suis encore en course, mais comme je te l’ai dit personne n’est encore au courant et surtout pas mes entraineurs, une fois qu’ils seront mis au goût du jour peut-être bien que mes plans vont changer, disons qu’avec ma grossesse les choses risques de se compliquer.» Arizona voulait bel et bien aborder ce sujet avec moi, j’avais déjà vaguement abordé le sujet avec le médecin mais personne ne m’avait encore dit clairement quelles étaient mes possibilités, tous avaient semblés perplexes mais pas complètement contre alors j’étais plutôt dans le flou en ce moment concernant ce sujet. La jeune femme m’interrogea sur mes plans et je ne su que répondre sur le moment. Je sentis mes joues s’enflammer, lorsque je suis mise devant un fait accompli ou lorsque je dois répondre à une question à laquelle je n’ai pas la réponse, que ce soit en mathématiques ou dans la vie de tous les jours, je deviens tout de suite embarrassée et je tourne très vite au rouge pivoine. C’est ridicule et peut-être puéril aussi mais c’est comme cela. Je suis timide et devoir expliquer quelque chose à quelqu’un lorsque je ne suis pas sûre de moi, c’est difficile à faire pour moi. «Je comptais arrêter de m’entrainer trop intensément dès le cinquième mois, mais le médecin m’a dit qu’il n’y avait pas de problème pour que je pratique le jogging et le yoga… Je compte simplement garder mon corps en forme. Je ne veux pas mettre la vie de mon enfant en danger…» je pris une profonde inspiration, j’avais envie de m’asseoir, rester debout trop longtemps me donnait mal au dos, à quatre mois de grossesse j’étais déjà servie. «Je me disais que si j’arrivais à maintenir mon corps bien en forme sans pour autant forcer, je pourrais réussir à perdre le poids pris durant ces neuf mois rapidement, et si le bébé né comme prévu vers le six juin, il me restera un tout petit peu moins de deux mois pour être sur pied. Est-ce irréaliste de croire que c’est faisable? Si je travaille dur je suis sûre de pouvoir y arriver… Les Jeux Olympiques c’est un rêve pour moi, je les ai déjà faits une fois mais je n’ai rien remporté, cette année je sais que je suis au niveau, je suis au top de ma forme et sans vouloir paraitre prétentieuse je suis prête à ramener une médaille. J’ai travaillé tellement dur pour arriver là où je suis aujourd’hui, je ne peux pas me résoudre à abandonner mon rêve. Je suis si proche du but…» Arizona se demandait comment j’allais faire pour m’occuper du bébé et m’entrainer en même, et quand bien même j’étais prête à partir pour Londres cet été, comment allais-je gérer la compétition et un nouveau né en même temps? Je comprenais ses inquiètes, elles faisaient d’ailleurs partie de moi depuis le jour où j’avais fait le test de grossesse. Je m’inquiétais de tout ceci, même si ces derniers jours j’essayais surtout de penser à autre chose. «Mon mari sera rentré, il rentre d’ici quelques jours. Au début ce n’était pas prévu mais si tu as vu les informations je suis sûre que tu as entendu que les retraits des troupes et achevé, il reste en Caroline du Sud pour une petite semaine mais après cela il sera présent pour moi. Il m’a toujours encouragé et il est probablement me meilleur supporter dont quiconque puisse rêver. Il va venir à Londres avec moi et le bébé sera en sécurité avec son père. D’autres athlètes ont des enfants, je ne serai pas toute seule. Je suis sûre qu’on pourra s’arranger…» Et encore, ça c’était si j’arrivais à être prête à temps. Imaginez que le bébé naisse après terme, je serai bien embêtée. Je sais que le plus responsable serait de tout dire à mes entraineurs et d’annuler ma participation, mais je me sens tellement coupable de les abandonner et de ne pas faire honneur à tout leur investissement dans mes entrainements et dans ma carrière. Le choix est difficile. « Tu sais… Je crois que je n’arrive pas encore à faire mon choix parce que je ne réalise pas encore ce qu’il va m’arriver. Enfin, je sais que je vais devenir mère, j’en suis comblée, mais je ne réalise pas ce que cet évènement engendre comme conséquences. Mais si tu me demandais là tout de suite maintenant, de choisir entre mon enfant et ma carrière, le choix sera vite fait.» En fait j’avais même déjà l’impression d’avoir fait une partie de ce choix lorsque j’avais décidé de garder l’enfant. «Je suis en dernière année d’étude et mon plan pour l’année prochaine était de faire les Jeux Olympiques, rentrer à San Francisco, annoncer la fin officielle de ma carrière de nageuse et débuter ma toute nouvelle carrière dans le cinéma. Je veux être scénariste… Mon bébé ne fera peut-être qu’avancer ce qui était déjà prévu… Je sais que cela peut paraitre égoïste ou immature, mais c’est tout de même difficile de laisser tomber un rêve avant de l’avoir accompli à cent pour cent, même si on a déjà accompli près de quatre-vingt dix pourcent de celui-ci. Je n’aime pas abandonner, ou perdre…» je fis un sourire plutôt timide à Arizona. J’espérais qu’elle ne verrait pas en moi une future mauvaise mère. Malgré tout ce que je pouvais vouloir ou penser, cet enfant était ma priorité et à partir du moment où il sera mis au monde, il deviendra tout mon monde. C’est une certitude. «J’apprécie que tu viennes m’en parler. J’avoue que toute cette histoire me trotte dans la tête depuis plusieurs semaines et que je n’ose jamais en parler à cœur ouvert de peur d’être jugée…»

Je sentis une sorte de bouffée de chaleur monter en moi. Si au début cette conversation m’apaisait, elle commençait maintenant à sérieusement m’inquiéter. J’avais du mal à suivre le fil, Arizona parlait d’organes à remettre en place, de césarienne, du footing qui secoue bien le bébé et de médaille. Il me fallait quelques instants pour revenir à moi-même et reprendre les idées claires et ordonnées. Je respirais donc un bon coup. «Excuse moi, il faut que je m’assois.» Je fis quelque pas vers une sorte de poteau en béton assez court pour que je puisse m’y poser. Ce n’était pas la chose la plus confortable mais si je restais debout une seconde de plus je sentais que non seulement mon dos allait craquer mais en plus de cela je risquais de vraiment faire un malaise, une chute de tension ou un truc dans ce genre là. J’essayais donc de trouver la position la plus agréable possible et tenta de m’éclaircir les idées en secouant la tête, ridicule puisque je doute que cela change quoi que ce soit à mon esprit embrouillé. Je devais prendre les choses qu’Arizona venait de me dire une par une. Pas de précipitation, il ne faut pas s’énerver avant d’avoir tout bien compris. «Je ne comprends pas… le docteur ne m’a jamais parlé d’organes à remettre en place, enfin je me doutais que on ne retrouve pas son corps d’avant la grossesse du jour au lendemain, mais tout de même… je veux dire, les célébrités elles retrouvent bien leur silhouette en quelques semaines alors pourquoi je ne pourrais pas? Je suis une sportive, je sais comment me remettre en forme rapidement après un coup de moue…». Cette histoire me laissait totalement perplexe, il devait y avoir encore un tas d’autres choses que j’ignorais à propos d’attendre un bébé. L’idée que je ne sache pas tout me paniqua d’autant plus. J’aurai dû me mettre à lire des livres, pourquoi n’y avais-je pas déjà pensé ?! Quatre mois et demi de grossesse, encore un peu moins cinq à tenir donc, je devrai m’y mettre dès demain, et puis appeler mon médecin pour lui poser des questions aussi. Mon Dieu ! Je ne suis pas prête à être mère si je ne sais même pas comment se déroule la grossesse. Cette période n’est-elle pas supposée être la partie la plus simple lorsqu’on devient parent? Je croyais que les choses se compliquées après…Et encore, j’espérais être déjà au courant du principal. Je n’ai pas de doute sur le fait que mon enfant sera bien avec Ryder, après tout c’est lui le père et vu comment il était heureux lorsque je lui ai annoncé ma grossesse, je sais qu’il sera un papa merveilleux. Qui plus est, je ne veux pas allaiter. Je sais qu’on dit souvent que c’est mieux pour le bébé et que les femmes qui ne le font pas sont jugées comme de mauvaises mères, surtout si c’est un choix, mais moi je sais que je ne veux pas le faire. Déjà parce que cela implique soit de se faire tirer le lait telle une vache soit d’être constamment auprès de son enfant lorsque celui-ci a faim, ensuite parce que je sais et qu’il a été prouvé qu’il existe d’autres solutions toutes aussi efficaces et enfin parce que cela fait tomber les seins et qu’en plus ça peut faire mal. Je suis peut-être chochotte, mais je n’aime pas endurer la douleur, surtout à ce niveau là, c’est un endroit très…sensible. Ma mère ne m’a pas allaité, ni mon frère, ni mes sœurs et franchement on s’en porte tous très biens, je dirai même aussi bien que les enfants qui ont été allaités alors franchement je n’ai pas honte de le dire, je n’allaiterai pas mes enfants. Pour en revenir à nos moutons, Arizona m’avait dit que le footing pouvait secouer le bébé et la manière dont elle le disait ne me plaisait pas trop. «Le médecin m’a dit que ce n’était pas dangereux de courir, même au delà des six mois. Il a dit que si j’allais a un rythme pas trop rapide et surtout régulier, tout irait bien et que ce n’était pas dangereux pour le bébé. Je… je ne veux pas lui faire de mal.». Je me sentais terriblement mal maintenant. Depuis que j’étais enceinte, mes émotions étaient devenues incontrôlables et j’avais envie de pleurer pour un rien. Imaginer que je puisse blesser mon enfant me brisait littéralement le cœur, je sentis une boule se former dans ma gorge. Je ne souriais plus du coup… «Je réalise un rêve en devenant mère, c’est l’une des plus belles choses qui m’est jamais arrivée… Je suis très, très, très heureuse! Vraiment. Je pensais simplement que célébrer les deux n’était pas incompatible… Je suis une personne horrible et égoïste…Tellement égoïste.» J’était vraiment stupide d’avoir cru pouvoir réussir à tout en faire en même temps. Le réaliser maintenant me faisait un sacré coup. En m’entrainent ce matin j’avais remarqué que j’avais eu plus de mal à me mettre dedans, à aller vite et faire les choses biens. J’avais été essoufflée rapidement et j’avais eu besoin de faire plusieurs petites pauses. Cet entrainement était probablement le début de la fin et si je ne le voyais pas entièrement c’est que j’essayais seulement de me voiler la face et de reculer l’inévitable, j’essayais presque malgré moi de ne pas voir la vérité en face par peur je suppose. Qu’elle genre de mère puis-je être si je ne pense pas d’abord à mon enfant avant de penser à moi? Il faut que je fasse un choix, c’est obligé et Arizona m’ouvre les yeux comme personne ne l’a fait auparavant au cours de ces deux derniers mois. Même ma mère ne m’a jamais rien dit. Je me demande si elle n’avait pas peur de me décevoir, ou peut-être qu’elle trouvait cela tellement normal que j’abandonne les Jeux Olympiques, qu’elle n’avait même pas posé la question tant la réponse lui paraissait évidente. «Mon Dieu! Tu as complètement raison…Je ne sais pas ce que j’ai dans le crâne!» Ma respiration s’accélérait de plus en plus et je sentis le stress monter en moi. Je devais à tout prix me calmer. Un Mississippi, deux Mississippi, trois Mississippi, quatre…. «Arizona… je ne me sens pas très bien.» Mon visage était blanc comme un linge et je sentais mon cœur battre fort dans ma poitrine. J’étais en train de faire une sorte de crise de panique, cela m’arrivait souvent lorsque j’étais plus jeune et que je devais nager dans de grands concours. Sans y penser, je pris la main d’Arizona et la serra un peu plus fort que je ne l’aurai voulu. «Ca va passer… je dois juste… me calmer.» Tout en parlant je prenais de longue bouffée d’air. Quelle cruche! Vraiment!

Je me sentais mal, mal d’avoir été bête et tellement de choses venaient se bousculer dans ma tête… Qu’allais-je faire ? Qu’allais-je dire à mes entraineurs si je ne pouvais plus rien faire pendant neuf mois ? D’ailleurs qu’allais-je devenir si je ne pouvais absolument rien faire durant toute la période de ma grossesse, pas une seule seconde de sport ? Pas un peu d’adrénaline ? Rien ?! Je ne pouvais pas… Le sport c’est ma vie, c’est plus qu’une passion… Mais cet enfant qui grandissait en moi était encore plus non ? Il était encore plus que ma vie, il était plus que le sport, il était le fruit justement de ma passion pour mon mari et cet enfant était un peu comme une médaille d’or. Il était la consécration ultime de l’amour entre Ryder et moi, il était tout et il n’existait même pas encore, ou du moins il n’existait pas encore en dehors de moi. Si je devais renoncer à l’un ou l’autre, je choisirais le sport c’est évident, pas besoin de réfléchir pour répondre à cette question. Mon enfant envers et contre tous. A la vie à la mort. Tout ce que vous voulais. Mais ma carrière? Que vais-je faire une fois cet enfant né, que vais-je devenir après? Je n’y ai jamais songé, je n’ai jamais pris la peine de me demander ce qu’il y avait après ma carrière de sportive, enfin si, ma carrière dans le cinéma mais celle-là n’est pas garantie, j’ai encore tout à construire dans ce milieu-là alors que dans la natation, je suis une princesse. Une princesse des bassins qui n’a besoin que d’une chose pour devenir reine, une médaille olympique. Et c’est ce titre là que j’ai du mal à laisser partir. Je l’ai tellement voulu, j’ai travaillé si dur pour y arriver… Comment ne puis-je pas y accéder ? Comment puis-je échapper à mon propre rêve aussi facilement ? Comment ? Trop de choses se bousculèrent dans ma tête, mon corps tout entier s’en trouvait affaiblie, mes jambes se transformées peu à peu en marshmallow et je n’étais plus capable de tenir debout. Assise sur un poteau, je ne comprenais plus rien.

Gamine déjà, j’étais souvent sujette aux crises de panique, ces moments horribles où l’on a l’impression que notre esprit se fige dans notre corps, que quelque chose d’indépendant de notre volonté s’empare de notre corps pour en faire ce qu’il en veut. Notre cœur bat plus vite, et plus vite encore, on a des sueurs froides, on sent qu’on perd pied. On voudrait que tout s’arrête, que tout s’arrête mais plus on lutte pour s’empêcher de paniquer, plus on panique. C’est un cercle vicieux, et c’est horrible parce que ça ne dure jamais bien longtemps, deux minutes, grand maximum, et pourtant j’ai toujours eu l’impression que mes crises duraient des heures. En tous cas pour m’en remettre il me fallait toujours un certain temps, j’étais comme vidée de tout, fatiguée, épuisée même… Là je devais me calmer, respirer doucement, reprendre contrôle de mon corps. Un Mississippi, deux Mississippi, trois Mississippi. Je respire. Je vais bien. Je ne pas encore parler, l’adrénaline est encore là, prête à remonter si jamais je vais trop vite, prête à me faire subir une nouvelle crise si je m’emballe. Alors je reste calme, je ne fais même pas attention à Arizona, je ne peux pas. Dans ces moments là, les seuls qui peuvent me parler ou me toucher sans aggraver mon cas ce sont mes parents et Ryder. Les seuls qui sont au courant de ces crises… Et maintenant Arizona. Elle va penser que je suis folle, que je ne serais jamais capable d’être une bonne mère. Et pourtant, je sais que je le serais ! Je le sais parce que je suis prête à tout pour l’être. J’aime déjà tellement cet enfant. D’ailleurs pendant quelques secondes je n’y pensais plus, je pose ma main sur mon ventre, j’espère que cette crise de panique ne peut pas se répertorier sur lui. J’espère qu’en m’emportant, je ne lui fait pas de mal. Non ! Je ne dois pas y penser, pas maintenant…

Après quelque instant, je relève doucement la tête, toujours en train de caresser mon ventre. Je me sens mieux. Presque calme à nouveau. Aussi je m’empresse de m’expliquer auprès d’Arizona. «Crise de panique. J’y suis sujette depuis des années. Un peu trop de stresse et je pars en vrille. Désolée …» Je me sentais toujours honteuse, honteuse de ne pas contrôler cela, l’une des rares choses en moi que je ne contrôle pas. Mais j’y étais habituée. Je savais que ce n’était pas ma faute. Tout ce que je pouvais faire maintenant c’était respirer calmement et me laisser aller sans énervement. J’entrepris de me lever, Arizona tenta de m’aider. Elle était vraiment adorable. Une fois de retour sur mes deux pieds, je passais une main dans mes cheveux et ramassais mon sac de cours que j’avais laissé tomber au sol. Hésitante, je repris la parole. «Ecoute, je sais que tu veux m’aider, tu es vraiment adorable et c’est très sympa de ta part… mais j’ai besoin d’un peu de temps pour réfléchir. S’il te plait, laisse-moi tranquille quelque temps.» J’essayais de me montrer la plus gentille possible car je n’avais sincèrement rien contre elle, je voulais juste qu’elle comprenne que ce qu’elle m’avait dit et que cette conversation était un choc pour moi et que j’avais besoin qu’elle ne revienne pas m’en parler de si tôt. «Je ne dirai rien au docteur, ne t’inquiète pas pour ça, c’est gentil d’être venu me parler.». Baissant la tête pour regarder mes pieds, je ne savais que trop dire… «J’espère que tu comprends.». Lui jetant un dernier regard, accompagné d’un léger sourire, je me retournais et me mis à trottiner doucement vers ma voiture, je n’étais plus en état d’aller en cours. Je n’avais envie que d’une chose, retourné me coucher.