.SOAN & SID.. MONEY FOR NOTHING.
En ce moment c'est là merde. Vraiment la merde même. Je ne sais pas trop ce qu'il ce passe. Peut-être un mauvais sort ou une connerie de ce genre là. Peut-être que le soir où Idris et moi avons dépassé les limites du raisonnable - que personnellement je m'étais fixée – nous avions déclenché une malédiction. Ou alors Idris est un sorcier et a fait une poupée vaudou à mon image, ce qui a des répercutions sur mon entourage. Il m'en voulait à mort pour je ne sais trop quelle raison alors il avait brutalement décidé de se venger en m'en faisant voir de toutes les couleurs et en me rendant malheureuse. Ce qu'il avait d'ailleurs plutot réussi puisque tout va de travers. Ca fait déjà un bon bout de temps que je me suis rendue compte que je n'étais pas faite pour l'amour, les couples et tout le tralala. Ou alors ce sont eux qui ne sont pas fait pour moi je n'en sais trop rien. Peu importe, à la limite je m'en tape royalement que mes relations ne soient qu'un enchainement d'échec sur échec. Mais ce qui m'emmerde le plus c'est de voir que les personnes auxquelles je tiens le plus, partent à la dérive. Comme par exemple Soan mon meilleur ami et son copain. Bien évidemment je savais depuis un moment qu'il y avait des hauts et des bas entre eux. Que ce n'était pas toujours rose, mais pour le coup je crois que leur relation a atteint un stade assez critique. Même si cette fois le contexte est différent, j'ai l'impression de retrouver mon meilleur ami comme il y a de cela quelques mois. Lorsque Andreas l'avait trompé. Mon pauvre Soan, complètement anéanti, prêt à faire tout et n'importe quoi pour tenter de l'oublier. Déjà qu'à l'époque je l'avais trouvé dans un sale état, me demandant si il faisait tout de même attention à lui, je crois bien que là c'est pire que tout. Jamais je n'ai vu Soan aussi mal, aussi faible et fatigué qu'aujourd'hui. Et ca me fait vraiment mal de le voir comme ca parce que je me sens inutile. Je ne sais pas quoi faire pour l'aider à aller mieux et ca me tue.

Ne sachant pas quelles paroles prononcer pour tenter de lui remonter le moral, je préférais agir. Lui proposer de venir à mon appartement afin qu'il ne reste pas tout seul. Après le coup de pute que m'avait fait Idris, Soan avait toujours été là pour moi. A n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Il avait passé des jours entiers à me consoler et je crois que maintenant c'était à mon tour de lui rendre la pareille. A la limite je préfère encore avoir vécut l'humiliation que j'ai eu devant les casiers, je pense que je m'en remettrai plus rapidement, plutot que de vivre ce que vit mon meilleur ami. Cette sensation de vide. Comme si il vous manquez quelque chose de vital. Soan n'est plus que l'ombre de lui-même pour le coup. Et c'est ca qui me fait peur. J'ai l'impression d'avoir affaire à un automate. Moi aussi j'étais mal à cause d'Idris parce que je l'aimais autant que je le détestais. Mais c'était parfaitement incomparable face à la situation que vivait Soan. D'ailleurs, si j'avais été à sa place, je ne sais même pas si j'aurai supporté tout ca. Remarquez, je ne suis même pas certaine qu'il supporte vraiment la chose. Ou alors tant bien que mal. Mais quelle situation à la con bordel. Etant étudiante en première année de médecine, nous avions vu le cas des drogués en psychologie et je dois reconnaître que c'est assez flippant. D'autant plus que les chances d'une guérison complète ne sont pas vraiment élevées...Il suffit d'une toute petite chose pour retomber rapidement dans toutes ces merdes. Mais bon, j'ai évité de balancer ce genre de truc à Soan. Ca aurait été un coup à ce qu'il tente de se suicider sous mes yeux. Et puis chaque personne est différente donc on ne sait pas comment Andreas réagira à cette cure de désintoxication. Peut-être qu'il s'en sortira. Ou peut-être que non. Seul l'avenir nous le dira. Je me penche vers la table basse et attrape mon paquet de cigarettes pour m'en allumer une. Ca va me détendre. Balançant d'un geste las le briquet, je replie mes jambes afin d'être assise en tailleurs sur le canapé. Tirant une latte, je fixe mon meilleur ami de coin de l'oeil tout en le détaillant. « T'es sûr que tu ne veux rien manger ? » Demandais-je afin de briser le silence qui habite la pièce depuis quelques minutes. On ne peut pas dire que Soan soit très gros à la base, mais pour le coup c'est un véritable squelette. Le teint pâle et les joues creuses. Face à son air pensif, je pose ma main sur son épaule et affiche un sourire rassurant. « Ca va s'arranger tu verras. » Lui soufflais-je. « Mais promet moi de faire attention à toi. J'pense pas qu'il voudrait te voir comme ca... »

Jensen était connu pour être un des dealers les plus influent de la zone Est de San Francisco. Le type qui était parti de pas grand chose, et qui c'était construit son petit empire pas à pas, qui avait réussi à se créer un petit groupe plus ou moins fidèle autour de lui, pour écraser les quelques autres dealers aussi influent de sa zone. Le type réglo, le genre à te faire une promesse et la tenir ensuite ; mais aussi le genre de type qu'il ne fallait surtout pas avoir à dos. Ce milieu est à chier, faut pas jouer à doubler les autres si on ne veut pas se retrouver entre deux poubelles la gueule et les jambes simplement cassées quand on avait de la chance. J'avais connu quelques types qui avaient essayé de faire des coups de putes à Jensen, qui lui avaient volé de l'argent, qui avait consommé sa came sans la payer, qui lui avaient volé des clients … ces mecs je les avais jamais revu. Comment et où avaient ils fini ? Ça je ne tenais pas franchement à la savoir. Tant que ça ne m'arrivait pas à moi, et ça ne m'arrivera pas d'ailleurs, tout irait bien, on me laissera tranquille, à gagner un peu de thunes en leur en faisant gagner aussi, et le tour était joué. Jensen, je le connaissais maintenant depuis un bail. Sa famille avait emménage dans mon quartier à peu près au même moment que mes parents. Nos mères se connaissaient bien, bonnes amies qui se voyaient assez souvent devant l'école quand elles venaient nous chercher, puis ensuite de plus en plus souvent à parler de tout et de rien : résultat, j'avais gardé de bons contacts avec lui. Ce qui pouvait servir. Pendant notre adolescence, on avait commencé à dealer ensemble ; mais Jensen avait vite passé le cap, amassant plus d'argent que moi, quittant d'ailleurs le lycée pour faire son business. On avait un peu coupé les ponts. Pas qu'on ne s'entendait plus, au contraire, mais trop occupés chacun de notre côté. Lui à se construire un avenir dans l'illégal, vie qu'il finirait tôt ou en taule, pendant que de mon côté, j'essayais de faire ça un peu plus honnêtement. Ce qui au fond : ne me rapportait absolument pas. Pour le moment du moins. Alors quand Andy était rentré en cure, que j'avais eu besoin de thunes, j'avais directement repris contact avec lui, pour qu'il me trouve de petits deals à faire. Ce qu'il faut savoir, c'est que quand il y a question de business, l'amitié ne tient plus. Je vole de l'argent à Jensen, il me plante, c'est aussi simple.

Ce soir, j'avais donc rendez vous chez lui, dans son appartement à l'autre bout de San Francisco, pour aller chercher la came que j'aurais à écouler dans les prochains jours. Arrivage de C la veille, par plusieurs contacts. Quelque chose comme trois kilos, qui, et c'est triste à dire, partirait assez vite. Il en avait pour des milliers, j'aurais donc de quoi bien vivre avec la vingtaine de grammes qu'il me filerait. Un petit millier en trois jours, c'était pas mal, j'allais pas cracher dessus. Seulement pour le moment, j'avais un problème, qui n'en était pas vraiment un non plus : j'étais venu voir Sid, ma meilleure amie. Et l'heure commençait à tourner, je ne tenais pas vraiment à être en retard là bas. Parano comme ils sont, ils penseraient que je prépare un vieux coup de pute. S'il y a bien une chose que je ne souhaitais pas : avoir des problèmes avec des types comme ça. J'essayais de limiter le truc en m'en tenant quand même éloigné, en dealant peu, juste ce qu'il me fallait pour en sortir rapidement si Andy sortait de l'hôpital. Ça me faisait du bien de voir Sid, d'un autre côté. C'était sûrement la seule personne que je fréquentais en ce moment : et encore, largement moins qu'avant où je la voyais tous les jours ou presque. Là c'était plus de l'ordre d'une fois ou deux par semaines, pendant une demie après midi, ou un début de soirée comme maintenant. Je ne restais plus assez longtemps pour qu'on se foute devant un Disney à rêver, parler de tout et de rien, et critiquer quelques trucs. Sid allume une clope, j'en attrape également une, son briquet ensuite pour embraser le bout de la marlboro, tirant une longue latte en me penchant un peu vers l'arrière. Cul posé par terre, nuque qui vient se poser contre le canapé. « T'es sûr que tu ne veux rien manger ? » Je tourne les yeux vers elle, recrachant la fumée en direction du plafond. Je secoue doucement la tête en signe négatif. « J'ai pas vraiment faim ; je mangerai chez moi t'inquiètes. » Sid semblait se faire du soucis en ce moment, ce que je ne voulais pas. Avec ce qui lui était arrivé récemment, l'autre enfoiré de frisé, elle avait d'autres choses à penser qu'à mes soucis. La main de ma meilleure amie se pose sur mon épaule, et je pose la mienne dessus quelques secondes. « Ca va s'arranger tu verras. » Petit soupir lâché, je tire une nouvelle latte. « C'est toi qui le dit. » Pessimiste ? Absolument pas, plus réaliste. Je sais pertinemment que Sid doute de ce qu'elle dit, je commence à la connaître là dessus. Enfin. « Mais promet moi de faire attention à toi. J'pense pas qu'il voudrait te voir comme ca... » En ce moment, je n'étais pas de la meilleure humeur qu'il soit, et c'était sûrement une des raisons qui me poussait à ne pas venir voir Sid. Je ne tenais pas à m'en prendre à elle pour un rien, à gueuler ou à rester dans un coin sans parler. Mais j'avais les nerfs à fleur de peau comme on dit, de mauvais poil H vingt quatre. « Le fait est qu'il ne peut pas me voir pour l'instant. » Je cale la clope au coin de mes lèvres, m'aidant de mes avants bras pour me redresser. Je décroche un léger sourire à ma meilleure amie, tirant ensuite une latte et recrachant la fumée vers le plafond. « Écoute, je dois y aller. On se revoit bientôt, t'as qu'à m'appeler. » Et faudra que je réponde aussi, ce qui serait un miracle. Bref, je me baisse pour poser mes lèvres sur le haut de sa tête, et m'approche de la porte, l'ouvrant et la claquant derrière moi sans un autre regard pour Sid.

Quelque chose ne tourne pas rond depuis quelques temps. Que ce soit moi ou bien Soan. Mon meilleur ami était différent comparé à d'habitude. J'avais comme l'impression d'avoir à faire à un zombie. C'était comme si Idris et Andreas étaient les grains de sable qui avaient fait dérouiller la machine que Soan et moi formions. Tout était hors de contrôle. Moi qui en général faisait preuve de calme et de réflexion, voilà que je faisais absolument tout et n'importe quoi. A commencer par aller à des soirée de confrérie – enfin surtout une chez les Sampi en fait – et me taper le premier mec qui passe dans ma chambre. Bien évidemment je vais mettre ca sur le dos d'une mini dépression qui m'habite depuis quelques temps déjà. D'ailleurs lorsque je repense à cette fameuse soirée, un sentiment de culpabilité ne fait qu'augmenter en moi. J'ai la vague impression d'être devenue comme toutes ces pétasses qui couchent avec n'importe qui dès qu'elles en ont un petit coup dans le nez. Quoi que certaines n'ont pas besoin de ca pour se glisser dans les draps du premier garçon qu'elles croisent. Bordel, je me dégoute. En général je réfléchis toujours avant d'agir, mais pour le coup j'ai agis sous l'effet de je ne sais trop quelle pulsion. La pulsion du verre – des verres en fait - de vodka. D'ailleurs je constate que les deux fois où j'ai couché avec un garçon, j'étais complètement raide. Bien ma fille. Moi qui m'étais toujours dit que je ferais ca comme il faut et consciente. Mon cul ouais. La tête que Soan avait fait lorsque je lui avais raconté mes exploits de la soirée des Sampi. De toute façon, il fallait bien que j'en parle à quelqu'un. J'en avais bien trop gros sur le coeur pour cacher ca. Et puis Hayden allait surement en parler à d'autres lui aussi. Donc dans tous les cas, Soan aurait fini par être au courant de ma folle nuit. Mais quitte à ce qu'il l'apprenne, je préférais que ce soit de ma propre bouche. J'en ai marre de faire la conne depuis quelques semaines. Les emmerdes s'enchainent les uns après les autres et j'ai l'impression que je n'arriverai jamais à remonter la pente. Et l'état dans lequel se trouve mon meilleur ami n'arrange rien à la situation merdique dans laquelle nous sommes.

Le silence règne dans le salon, ce qui a le dont de m'angoisser. En général mon meilleur ami et moi, trouvons des tas de trucs sur lesquels discuter pendant des heures sans jamais s'arrêter. Même sur des sujets complètement débiles tels que les couples des Walt Disney en passant par la provenance du bout de shit que j'avais acheté la veille. Oui, lorsque tout allait bien dans nos vies respectives, nous étions de vrais moulins à paroles. Mais pour le coup, c'est à peine si nous enchainons plus de trois mots d'affilés. Dans les moments difficiles comme ce soir, notre truc à nous c'est la clope. Quoi de mieux que pour se calmer les nerfs et réfléchir tranquillement, qu'une bonne cigarette ? Hum, enfin ces quelques semaines j'ai du beaucoup réfléchir vu le nombre de paquets que je me suis enfilée. Je réfléchis tellement que je dis tout et n'importe quoi. A commencer par savoir si il ne veut pas manger un truc. Bon en même temps avec sa carrure d'anorexique, Soan commence un peu à me faire flipper c'est vrai. « J'ai pas vraiment faim ; je mangerai chez moi t'inquiètes. » Face à cette réponse je me contente d'afficher une moue boudeuse. Si il croit que je vais gober ca...J'enchaine rapidement en lui affirmant que tout ses problèmes vont bientôt s'arranger et que son mec ne voudrait pas le voir se faire du mal comme ca. Après tout, ce n'était pas la première fois qu'ils touchaient le fond. Ils arriveraient forcément à s'en remettre. Avec plus ou mois de temps. « Le fait est qu'il ne peut pas me voir pour l'instant. » Allez prends toi ca dans la gueule la rouquine. Je me contente de pousser un soupire tout en me frottant le haut de crâne. Cette situation craint. Dans la foulée, Soan se redresse sur ses deux jambes et se poste en face de moi. Je me lève à mon tour du canapé et reste plantée devant lui, le fixant droit dans les yeux. « Écoute, je dois y aller. On se revoit bientôt, t'as qu'à m'appeler. » Dans la seconde, ses lèvres viennent trouver place contre ma chevelure flamboyante et le voilà qui file sans que je n'ai le temps de dire quoi que ce soit. Je reste quelques secondes plantée comme une courge en plein milieux du salon avant de réagir enfin. Si j'ai bien un vilain défaut, c'est d'être curieuse. Beaucoup trop curieuse même. Sans perdre de temps j'enfile une paire de chaussures et un blouson avant de quitter à mon tour mon appartement, afin de suivre mon meilleur ami de loin.

C'est bête à dire, mais je suis doué pour les affaires. D'où ça me vient, je ne sais pas franchement, mais le fait est que je me débrouille toujours comme un chef là dessus. La bonne idée d'avoir choisis des études de droit à Berkeley. Certes, ce que je faisais en ce moment, était plutôt contraire à la constitution, au code civil, du travail, et tout ce que je pouvais apprendre par cœur en cours. Je faisais, ce qu'on me disait de ne surtout pas faire génial. A mon niveau, le risque de se faire chopper pendant un deal n'était pas vraiment élevé et tant mieux. Surtout vu la façon dont je m'y prenais pour éviter qu'on me balance etc en cas de problème. Je faisais mon petit business de la façon la plus réglo possible. Une des clés dans ce milieu, c'est d'être fidèle, et d'obéir bêtement aux autres et commandes qu'on pouvait nous passer. En faire un peu plus ou un peu moins, c'était toujours mauvais pour nous. Et honnêtement, je préférais me faire chopper par la police, que par les types qui me refilaient la came à vendre. Puis je risquais quoi ? Amende et un tout petit peu de taule. Un ou deux ans max vu mon casier et ma situation actuelle. Si c'était eux qui venaient me trouver parce que je faisais mal les choses, essayait de les doubles ou autre, ça serait sensiblement différent. J'ai toujours baigné dans cette ambiance, et j'ai déjà entendu, et même vu une fois, ce qui arrivait aux mecs qui se la jouait super héros, en balançant, ou en essayant de se construire leur marché en parallèle à celui du dealer principal. C'est toute une société, un truc hiérarchique et bien organisé. Forcément, quand un élément est mauvais on le supprime. Qu'on lui pète les deux jambes ou le fasse disparaître, la leçon était beaucoup plus violente qu'une nuit au poste des quelques milliers à dépenser. Comme ce n'était pas mon cas pour le moment, j'étais en sécurité. Mais voilà, j'étais passé chez Sid ce soir, et j'étais un brin en retard. Ça c'était mauvais. Pas un truc dramatique non plus, mais vu la paranoïa des mecs, on sait jamais.

Alors je me lève, pose mes lèvres dans ses cheveux pour lui dire au revoir. J'essaye de faire comme d'habitude avec elle, histoire qu'elle ne se pose pas de questions et ne sa fasse pas de soucis, même si c'est plus compliqué que d'habitude. Déjà : rester posé par terre sans parler, à fumer clopes sur clopes, ce n'est pas dans nos habitudes à tous les deux. Au moins, ma meilleure amie ne me retient pas pour me forcer à manger ou je ne sais quoi. Une fois sorti de son appartement, je glisse une de mes marlboro entre mes lèvres, pause de quelques secondes pour tirer une longue latte dessus, et c'est parti. Direction l'arrêt de bus pour regagner l'Est de San Francisco. Coup d'œil rapide à ma montre, qui m'indique qu'on approche des vingt trois heures. Quinze minutes de retard, c'était acceptable. Au pire, je dirai que je me suis pris la tête avec un mec dans le bus, vu qu'à cette heure ci, ça arrivait vraiment souvent, surtout plus on s'approchait des banlieues. Au moins, l'avantage a toujours avoir vécu ici, c'est qu'on ne vient pas m'emmerder. On se connait sans se connaître. En fait ça marche au : je connais un type, qui connait un type qui te connait. Le résultat est là : on te prend pas la tête quand t'as toujours vécu ici. Ceux qui venaient de l'extérieur par contre, ce n'était pas rare qu'ils se fassent tirer leur sac, portable, argent et autres. Pour ça que j'avais peur à chaque fois qu'Andy venait me voir, qu'il arrivait comme une fleur avec sa belle voiture juste en bas de chez moi. La rue de Jensen, était juste à côté de celle de mes parents. Une fois sorti du bus, je trace devant, jetant quand même un coup d'œil à mon ancien chez moi, la lumière de la cuisine étant encore allumée. A cette heure là, c'est même pas la peine que je monte pour dire bonsoir à ma mère, l'autre devait être devant sa télé. Je me plante enfin en bas de l'immeuble de Jensen, sortant une nouvelle clope de mon paquet pour l'allumer. Un mec vient directement à moi, me donnant un coup sur l'épaule. Badger, un pote d'enfance également, qui devait venir pour la même chose que moi, ou venait de récupérer ce qu'il avait à vende. Badger par contre, c'est exactement le genre de mec avec lequel je n'irai pas vendre. Ce type est con, d'ailleurs ça tient du miracle qu'il ne se soit pas déjà fait prendre. Enfin, je l'aime bien, c'était sûrement un de mes meilleurs amis avant … mais il réfléchit pas très loin. « T'es venu voir Jen ? Il a quelqu'un là, faut attendre. » je hoche la tête, me décale ensuite pour venir poser mon dos sur le mur de l'immeuble, ma clope faisant nerveusement des allez et venues entre mes lèvres. Badger commence à me parler de sa vie, sa nouvelle nana qui semblait encore plus conne que lui. La belle affaire. Je l'écoute sans vraiment l'entendre, lâchant des hmm, et quelques rires par intervalle histoire qu'il pense avoir un auditoire. Si Jensen pouvait se magner, ça m'arrangerait. Pas envie de passer toute ma nuit à l'attendre devant son immeuble.

La curiosité est un très vilain défaut je le sais. C'est d'ailleurs le pire défaut que j'ai. Peut-être que j'ai manqué ma vocation. Peut-être que je n'étais pas du tout destinée à une brillante carrière en médecine, mais plutot à un excellent avenir dans le domaine de la police. Comme inspecteur par exemple. Ouais, je suis presque certaine que j'aurai été parfaite. Non pas que mon égo soit surdimensionné, mais il faut dire que j'ai le nez pour résoudre les affaires suspectes. De toute façon je le sens lorsque l'on me cache quelque chose. Souvent le comportement d'une personne la trahit et voilà que je commence à mener mes petites enquêtes. A vrai dire je ne sais pas comment je me débrouille, mais j'arrive toujours à être mêlée dans des histoires folles. Comme la fois ou j'avais décidé d'espionner mon voisin parce que j'avais le pré-sentiment qu'il trompait sa petite-copine. Il faut dire qu'il n'était pas très discret et moi non plus d'ailleurs. Surtout vu ma couleur de cheveux repérable a quinze kilomètres à la ronde. Ce type là je l'ai choppé entrain de se faire tripoter par un autre homme. Mon Dieu, je crois que je ne me suis jamais sentie aussi mal à l'aise de toute ma vie – hormis l'épisode des casier à l'université bien entendu. C'est d'ailleurs pour cela que je suis partie en courant en fait. Bon, il faut dire que ma curiosité – qui est beaucoup trop grande, voir même maladive – m'attire souvent des ennuies. Oui, j'aime être au courant de tout. Le mystère n'est absolument pas ma tasse de thé. Mais bon, vu que je suis le genre de fille qui a une poisse phénoménale, je pense qu'il était mieux pour ma survie que je m'oriente vers la médecine. Et puis de toute façon ma mère se serait fait de gros films, pensant que j'allais me faire assassiner au premier coin de rue par un psychopathe. Non vraiment, je crois que je serai beaucoup mieux à m'occuper des nouveaux nés dans un hopital.

Mais ce soir je crois que je suis plus l'âme d'une detective privée. Une James Bond Girl en fait. Avouez que c'est tout de même plus classe. Même si je n'en ai absolument pas le physique je le reconnais. Bref, le comportement de mon meilleur ami m'a l'air des plus suspects ce soir. Et pas seulement depuis ce soir en fait. Cela faisait deja un petit moment que je trouvais que Soan agissait d'une façon étrange. Je ne saurai vraiment l'expliquer mais je connais mon meilleur ami et pour le coup, il y a quelque chose qui cloche. A peine a t-il passé le pas de ma porte que j'enfile le premier vêtement qui me passe sous la main afin de quitter à mon tour mon domicile. Une fois à l'extérieur, je le cherche rapidement du regard avant de le repérer un peu plus loin. La mission du jour : rester la plus discrète possible. Je lâche un putain de circonstance lorsqu'il se décide à prendre le bus. Evidemment je monte à l'arrière, capuche baissée et écharpe autour du cou afin de me cacher au maximum. Par moment je me demande pourquoi j'ai eu la merveilleuse idée de me teindre les cheveux en orange. Pour la discrétion on repassera. Heureusement pour moi, il n'y a pas que deux personnes dans le bus. Sinon j'aurai été grillée immédiatement. Mon meilleur ami est devant et n'a pas franchement l'air de faire gaffe aux autres personnes présentes. A vrai dire il ne reste pas très longtemps dans le bus. Deux ou trois stations de bus en fait. Bref, il descend du bus alors je fais de même, prenant le soin de rester toujours à une distance convenable afin qu'il ne me remarque pas. Plus nous avançons et plus je me rends compte de l'endroit dans lequel nous arrivons. Le fameux quartier dans lequel il vivait avant. Sur le coup je me dis que je me suis peut-être plantée. Qu'il allait tout simplement rendre visite à sa famille qui habitait toujours ici. Pendant une fraction de seconde je songe même à rebrousser chemin. Mais le mec qui vient lui parler à une drole de gueule je trouve. J'sais pas il fait suspect. Mais bon, dans le quartier ce n'est pas franchement ca qui manque. Etant planquée derrière un conteneur à poubelles, je les observe quelques minutes avant de penser qu'ils ne sont simplement qu'amis. Je lâche un soupire avant de me faire une raison : je suis parano. Alors que je m'apprête à me sortir une clope, une main se pose sur mon épaule, me forçant à me retourner. Il fait sombre alors je ne distingue pas clairement le visage du type. Seulement un gros fracas se fait entendre vu la façon dont il me claque contre le conteneur. Je laisse pousser un cris à la fois de peur et de douleur avant de grimacer. Le mec en question continue de me secouer comme un vulgaire prunier avant de me balancer sur un ton froid « Tu vas regretter d'être venue ici ma jolie. »