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don't look back in anger [EVAN]

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MessageSujet: don't look back in anger [EVAN] don't look back in anger [EVAN] EmptyVen 4 Mar - 1:06




DON'T LOOK BACK IN ANGER

EVAN P. CALLAWAY, CAMILLE DUPENHER



Cent jours. Ce nombre s’était imprimé dans les rétines de Camille dès son réveil, ce matin-là. Cent jours qu’elle était partie pour de bon, enterrée, congédiée, peut-être déjà oubliée par certains. Mais lui ne pourrait jamais l’oublier. Ces cent jours avaient été cent jours de souffrance, de deuil, pendant lesquels il n’avait pu penser à autre chose qu’au visage de sa disparue petite sœur. Camille ne savait pas quoi faire, comment agir, à quoi penser, pour aller mieux, pour pouvoir aller de l’avant. Paradoxalement, cela ne le dérangeait pas tant que ça. La perspective de passer à autre chose, comme s’il l’abandonnait ou l’oubliait, l’horrifiait et l’effrayait à la fois. Ce serait, à ses yeux, la pire chose qui pût arriver. Camille avait cette manie irrépressible de s’auto-flageller, de se forcer à souffrir en pensant en permanence à Claire. À son visage, à ses manies, à sa façon de parler et de bouger. À son odeur, au son de sa voix, à son regard. Sa petite sœur occupait encore chacune des fibres de son corps, et même si son cœur saignait, il se refusait le moindre changement, car elle ne méritait pas d’être mise sur le côté. Peu importaient les souffrances qu’aurait à endurer Camille. Il y était prêt, et l’avait été depuis le jour où sa sœur avait perdu la vie. Et il avait tenu la promesse qu’il s’était faite, et qui était de ne pas oublier, ne fût-ce qu’un instant, Claire, sous quelque prétexte que ce fût. Elle devait rester au centre de son esprit, car si elle en disparaissait, elle serait définitivement et irrévocablement partie.

Cela faisait quelques jours seulement que Camille était de retour à Berkeley. Étrangement, il ne fut que peu sensible à ses retrouvailles avec ce lieu qu’il avait tant chéri et apprécié l’année passée, lorsqu’il y avait été intégré dans le cadre d’un échange. Aujourd’hui, Berkeley avait un arrière-goût amer et plein d’ironie. Ironie du sort, ironie lorsqu’il se disait que, alors qu’il avait vécu ici des moments merveilleux, il ne venait à la rencontre que de souvenirs, et n’avait, en réalité, plus rien à trouver ici. Ironie, également, car ses parents l’avaient convaincu de retourner en Californie pour pouvoir se changer les idées et aller mieux, petit à petit, alors que lui s’était promis de ne pas se donner la moindre chance de tourner la page, et que Berkeley était sans doute le dernier endroit où il pourrait se sentir mieux. Berkeley, cela signifiait qu’il allait retrouver des personnes qui ne comprendraient jamais ce qu’il vivait, qui parleraient de lui sans savoir ce qui se passait en réalité, et surtout, parmi celles-ci, des amis qui n’avaient pas pris de ses nouvelles pendant des mois, alors qu’il était au plus bas de son moral. Certes, au cours des derniers mois, Camille n’avait pas décroché son téléphone, sauf lorsqu’il s’agissait de sa famille proche. Malgré cela, le jeune homme, entêté comme il était, restait persuadé que si ses amis avaient réellement voulu savoir comment il allait, ils auraient trouvé un moyen d’entrer en contact avec lui. Quelque part, Camille avait conscience que ce raisonnement était stupide et puéril. Mais cela ne l’intéressait que très moyennement. Il était tellement plus simple de blâmer les autres, sans prendre la peine de tout remettre en question et de réfléchir à la logique des événements. Camille préférait bouder dans son coin, même si, ça non plus, ce n’était pas vraiment à l’ordre d jour. Il n’y avait que peu de place pour Evan, Aymeric et les autres, dans son esprit occupé en permanence par sa douleur, sa tristesse et tous les autres sentiments que lui inspirait Claire. À plusieurs reprises, on lui avait dit qu’elle n’aurait pas voulu le voir dans cet état, qu’elle serait blessée et triste en voyant combien il était malheureux et désespéré. Mais Camille n’avait jamais prêté la moindre attention à ces remarques. Après tout, il n’y avait aucune chance que Claire puisse le voir. Et quand bien même ce fut le cas, il n’en saurait rien. Alors, il se contentait de se dire que tout irait mieux, que les choses finiraient par s’arranger avec le temps, et que d’ici-là, il aurait peut-être trouvé un moyen de mieux gérer sa tristesse et de ne plus culpabiliser lorsqu’il pensait pendant quelques instants à autre chose.

La vie de Camille n’était donc pas des plus joyeuses, et il s’attendait à ce que cela ne fasse que s’empirer. Après tout, il ne pourrait plus fuir bien longtemps ses amis, toutes les personnes sur qui il avait tant compté l’année passée et qu’il considérait à présent presque comme des étrangers. Cette pensée l’attristait profondément, car il n’avait rien oublié des merveilleux moments passés en leur compagnie. Comme toujours ces derniers temps, la mélancolie s’emparait de lui dès qu’il revoyait, dans ses pensées, les visages rieurs des personnes qui avaient partagé son quotidien lors de l’échange. Plus que tous les autres, c’était Evan qui l’avait marqué. Leur amitié avait été si extraordinaire, si forte et si sincère qu’il était impossible de concevoir qu’elle s’était arrêtée si brusquement, presque du jour au lendemain. Il n’avait plus communiqué avec elle depuis le jour de l’enterrement de sa sœur, jour où il lui avait écrit un e-mail – un e-mail qu’il ne lui avait d’ailleurs même pas envoyé, tant la rancœur et la tristesse l’avaient habité au moment où il l’avait rédigé. Evan avait donc dû faire face à l’absence de Camille sans explication ni indice sur la cause de celle-ci. Et pourtant… Il était impossible qu’elle ne fût toujours as au courant, pas vrai ? Après tout, elle avait été sa meilleure amie… C’était cette pensée qui permit à Camille de ne pas trop culpabiliser : il se disait qu’elle avait dû finir par apprendre, forcément, et que pourtant, elle n’avait jamais tenté de le contacter. Bien sûr, tout cela était stupide et totalement absurde, mais il ne s’en rendait pas compte. Il était bien trop occupé à pleurer son sort pour réaliser que jamais Evan n’aurait tourné ainsi le dos à leur relation.

Le jeune homme n’avait toujours pas pris ses aises dans la vaste maison des Alpha, sa confrérie. Ses affaires n’étaient qu’à moitié déballées, et lui-même n’était qu’une ombre. Il n’avait pris le temps ni le courage de discuter avec qui que ce soit, en-dehors de Catahleen, la meilleure amie d’Evan, avec qui il s’était toujours entendu à merveille. Depuis son retour, elle était la seule personne dont la compagnie ne le dérangeait pas, sans qu’il pût dire pourquoi. Et Camille, qui n’avait pas prononcé plus que quelques mots et phrases monosyllabiques depuis la perte de Claire, s’était confié à elle sans difficulté. Aujourd’hui était un de ces jours où, en son absence, il ne parvenait à se changer les idées. Hanté par le nombre cent qui dansait devant ses yeux en permanence, Camille s’était rendu dans la chambre de son amie pour y récupérer son ordinateur portable, qu’il avait oublié chez elle la veille. Il ne passa que peu de temps dans la pièce, pressé de retourner dans la sienne où il pourrait peut-être enfin trouver le calme.

Mais il semblait que le calme n’était pas au programme pour Camille. Et il en eut la confirmation lorsqu’il franchit le pas de la porte de la chambre pour en sortir.

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MessageSujet: Re: don't look back in anger [EVAN] don't look back in anger [EVAN] EmptyVen 4 Mar - 16:51

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DON'T LOOK BACK IN ANGER -Camille & Evan



    « Is there a chance you may change your mind, or are we ashes and wine ». Evan n’arrêtait pas de fredonner l’air de cette chanson, dont les paroles ne cessaient de lui rappeler des choses et d’autres. Elle se trouvait actuellement dans la chambre de Plastic, assise sur son lit, en tailleur, plus exactement. Elle lisait un magazine, le feuilletant sans réellement prêter attention à ce qui était écrit, ses pensées égarées ailleurs. Son petit ami – dieu que c’était étrange de l’appeler ainsi… - n’était pas présent et en réalité elle ne l’attendait même pas. Elle n’attendait personne, elle voulait juste profiter d’un moment de pause sans devoir retourner à son appartement à Mission District. C’était étrange, elle avait rarement été aussi entourée à Berkeley et elle ne s’était jamais sentie aussi seule. Même les sourires que lui adressaient Andréa n’arrivaient pas à éclairer son visage, même les moments passés avec Plastic ne lui faisaient pas oublier qu’elle s’était comportée telle une garce moyenne. Cela faisait plusieurs semaines qu’elle n’avait pas eu de nouvelles de William. Elle avait hésité un nombre incalculable de fois à lui envoyer un sms, pour s’excuser, d’abord, pour prendre de ses nouvelles ensuite mais quelque chose l’en avait empêché. La fierté, peut-être, la culpabilité plus vraisemblablement. Et vu la froideur avec laquelle s’était achevée leur dernière rencontre, il était peu probable qu’il ait envie de lui rappeler. Elle tentait d’arracher des informations au meilleur ami du jeune homme, parrain de son fils par ailleurs, mais lui non plus n’avait pas vraiment de nouvelles le concernant. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’il se trouvait à Santa Barbara, avec Seextine, parce que son père était mort. Hormis ça, elle nageait dans le vague. Et au souvenir de son comportement immature, Evan pouvait sentir les nœuds se créer dans son estomac. Il lui manquait. Comme à chaque fois. C’était l’évidence et pourtant eux seuls persistaient à le nier, ils étaient bien incapables de rester longtemps loin de l’autre. Alors oui, la Sigma se sentait seule, tristement seule, et n’avait rien envie de faire. Même ce magazine qu’elle avait acheté pour la distraire d’y parvenait pas. Elle avait l’habitude, des problèmes, des disputes, surtout ces derniers temps, mais au moins il était là, quelque part, près d’elle. Tout ce qu’elle avait pour l’instant c’était un trou béant dans son myocarde. Trou que Plastic ne réussissait pas à combler, et c’était encore plus révoltant de penser ça, et Evan finissait par culpabiliser pour les deux.

    Lassée, elle poussa un soupir, s’étirant lentement, épuisée. Elle dormait mal ces derniers temps, et Andréa ne lui laissait de toute façon aucun répit, excepté en journée, comme à présent, où il était avec la nourrice, permettant à la jeune femme de suivre ses cours presque normalement. Elle jeta un coup d’œil à son portable et comme toujours fut déçue en ne voyant pas la petite icône lui indiquant un nouveau message. Ses yeux s’attardèrent sur la chambre de Plastic, mais quiconque lui aurait prêté attention aurait réalisé qu’elle ne regardait rien de précis. Il y avait bien une personne qui aurait éventuellement pu la distraire. Et puis du temps à tuer, elle en avait à revendre. Et en plus, Catahleen répondait toujours présente dès lors qu’il s’agissait d’écouter les complaintes franchement superficielles et les considérations de la vie sentimentale d’Evan. Elle-même se savait ridicule, à vrai dire, de s’attarder sur des problèmes aussi peu dignes d’intérêts tandis qu’il arrivait des choses bien plus graves à d’autres gens mais au final, ça ne lui faisait pas moins mal. La jeune femme se leva du lit, rangeant avec soin ses affaires et quitta la chambre Oméga.

    Quelques minutes plus tard, Evan arriva devant l’entrée du majestueux bâtiment Alpha, dont elle franchit la porte en priant pour que son amie soit là. Elle ne l’avait pas prévenue, pas de texto ni d’appel, de toutes les façons l’Alpha avait rarement son portable sur elle et avec un peu de chance, n’aurait vu l’info que le lendemain. Evan sourit intérieurement, en se disant que oui, c’était vraiment du Catahleen tout craché de ne pas se préoccuper de la technologie. Evan gravit les escaliers conduisant à sa chambre, saluant deux trois personnes qu’elle reconnaissait et quelques autres qui visiblement semblaient l’avoir confondue avec une autre étudiante. Elle leur adressa un vague signe de main et un léger sourire tout en poursuivant son chemin. Elle approchait de la porte lorsque celle-ci s’ouvrit brutalement, l’arrêtant net. Elle s’attendait à beaucoup de choses, en allant voir Catahleen, mais celle-ci, elle ne l’avait vraiment pas vu venir. « Camille ? » fit-elle, surprise – encore que ce mot fût assez loin de son étonnement réel. Elle l’observa, perplexe, haussant un sourcil. Au début, elle aurait pu penser qu’elle avait halluciné, car de ce qu’elle en savait, son ancien correspondant se trouvait à Paris et non pas à des milliers de kilomètres de la capitale française, devant la chambre d’Hammersmith. Mais non, il était aussi réel et aussi présent qu’elle pouvait l’être, face à elle, visiblement en train de sortir de la chambre de la jeune femme. Merde, elle avait du manqué un épisode quelque part. Un tas de questions lui vinrent à l’esprit, des questions qu’elle n’aurait même pas su trier par ordre de priorité tant elles étaient nombreuses. Elle lui posa la première, la plus simple, la question la plus évidente et posée de façon particulièrement abrupte, dans le plus pur style d’une Evan tombant des nues. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Ce n’était pas agressif comme question, mais le ton employé aurait tout à fait pu laisser penser le contraire. « Enfin je veux dire… t’étais pas censé être à Paris ? ». La Sigma avait du oublier les politesses d’usage en chemin.

    Camille avait l’air un tout petit moins surpris qu’elle, encore que son expression était assez semblable à la sienne, mais d’un côté, il était moins surprenant de trouver Evan de Berkeley à Berkeley, que Camille de Paris à Berkeley. La jeune femme continuait de le regarder, ne se donnant certainement pas la peine de marquer son étonnement. Il avait l’air plus morose, plus fatigué, aussi, que la dernière fois qu’elle l’avait vu. Il était le même que toujours, n’avait pas soudainement pris du poids, ni grandis, ou quoi que ce soit d’autre, mais quelque chose en lui avait l’air différent, moins rieur, moins joyeux, un visage moins heureux, simplement. Peu à peu, la stupéfaction de le voir pile en face d’elle laissa place à un autre sentiment, tout aussi puissant mais bien différent : la joie. De le revoir après tout ce temps où elle n’avait eu aucune nouvelle de lui et de peut-être penser qu’il était définitivement de retour, avec un peu de chance. Elle se fendit d’une immense sourire, plus contente de le voir qu’elle n’avait été contente ces derniers jours. Mais en même temps que ce sentiment, un autre l’envahissait également, beaucoup moins heureux : la culpabilité, qu’elle avait mis de côté l’espace de quelques minutes et qui venait l’assaillir à nouveau, plus fortement que jamais.

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MessageSujet: Re: don't look back in anger [EVAN] don't look back in anger [EVAN] EmptyLun 7 Mar - 3:05



Il avait été stupide. Oui, c’était exactement le bon mot. Camille avait été stupide de ne pas penser à Evan. Oh, pas dans le sens où il était en train de regretter de ne pas avoir pensé en permanence à son ancienne meilleure amie – bien que ce sentiment ne serait sans aucun doute pas de trop, au contraire – mais bien dans celui où, Evan étant la meilleure amie de Catahleen, il aurait dû se douter qu’il finirait par tomber sur elle un jour ou l’autre. Non pas que cette perspective le désenchantât, au contraire, cela restait toujours un plaisir de retrouver un visage familier et apprécié. Mais malgré leur relation qui avait toujours été forte et positive au possible, Camille ressentait une rancœur à l’égard de la jeune femme, une rancœur dont l’origine aurait été difficile, voire impossible à définir. De ce fait, lorsqu’il faillit percuter de plein fouet Evan sur le pas de cette porte, ce ne fut pas le ravissement qui s’empara de lui mais bien un mot, un seul, qui fusa dans son esprit : « Merde ». Et pourtant, il devait s’avouer que quelque part, cela lui faisait du bien de la revoir. Pour être tout à fait sincère, Camille ne savait pas du tout quoi en penser. Mais son esprit paniqua dès lors qu’il eut croisé le regard d’Evan, qui, elle, semblait encore bien plus surprise que lui de le croiser ici – et avec raison. Car s’il ne l’avait pas prévenue de sa décision de rester à Paris à la fin de l’échange, il était logique que, ne le voyant pas revenir à Berkeley après plusieurs semaines, elle en ait conclu qu’il ne viendrait plus. Elle devait donc se dire qu’elle ne reverrait plus Camille avant longtemps, et c’était d’ailleurs le plan initial du jeune homme, qui n’avait, en réalité, aucune envie de se retrouver ici alors qu’il avait une famille qui, bien qu’elle tentât de le convaincre du convaincre, avait besoin de lui pour aller mieux et pour se faire à la dure réalité : une réalité où il manquait définitivement Claire. Camille se sentait coupable à chaque fois qu’il pensait à ses parents et à ses frères, dont le deuil n’était toujours pas fait, tout comme c’était le cas pour lui. Il se sentait également coupable en regardant l’air surpris d’Evan, et en se disant qu’il aurait dû la prévenir. Mais, curieusement, cette culpabilité là n’était que très secondaire, car aussitôt, un sentiment d’agacement, de courroux mais aussi de rancœur enfla en lui. Un sentiment qu’il éprouvait, d’ailleurs, à tort : Evan n’avait rien fait de mal, jamais. Camille était le seul fautif. Et pourtant… il n’était pas aussi heureux de la revoir qu’il aurait dû l’être. « Camille ? » fut le premier mot à briser le silence lourd et épais qui s’était installé entre eux depuis quelques instants. Entendre le son de la voix d’Evan fit exploser un million d’émotions en Camille, qui eut l’impression de retourner dans le passé, à l’époque où ils étaient encore amis, où tout allait bien, où il était heureux et où il ne se doutait pas du tournant dramatique que prendrait sa vie, quelques mois plus tard. À l’époque où Evan était sa meilleure amie et qu’elle lui confiait tout. À l’époque où ils passaient des moments innombrables ensemble, que ce soit pour rire, parler, s’amuser ou, parfois, se chamailler. Malgré son amertume, Camille ne gardait quasiment que de bons souvenirs des mois passés auprès d’Evan. La regarder, l’entendre, rendait ces souvenirs plus réels, plus douloureux aussi. La pensée que tout cela était parti, avait disparu pour de bon, n’était pas facile à assimiler. Pourtant, Camille savait que c’était vrai. Même s’ils redevenaient amis, rien ne serait plus comme avant. Et le pire, c’était qu’il n’était même pas sûr de vouloir retrouver leur relation d’antan. Car elle n’avait pas pris de ses nouvelles depuis la mort de sa sœur. Elle n’était probablement toujours pas au courant, alors qu’ils étaient censés êtres meilleurs amis. Elle s’imaginait sans doute qu’il avait décidé spontanément, de son plein gré et sans raison particulière de ne pas retourner à Berkeley et d’être resté à Paris. Cette perspective était des plus absurde pour quiconque connaissait un tant soit peu Camille Dupenher. Mais Evan n’avait pas dû s’interroger longuement à ce sujet, et avait dû prendre les choses comme elles venaient. Camille lui en voulait pour cela. Il se disait, absurdement, c’est vrai, et puérilement, surtout, qu’elle aurait dû déceler quelque chose qui clochait, qu’elle aurait dû, comme toute meilleure amie digne de ce nom, se douter qu’il n’allait pas bien et qu’il avait besoin d’elle. Mais non, Evan avait été trop occupée par ses histoires de cœur et toutes les conséquences de celles-ci, et bien qu’il ne pût réellement l’en blâmer, il ne pouvait s’empêcher de lui en vouloir. Elle aurait dû, elle aurait pu, c’est tout. Comment ? Peu importe. L’esprit humain ne se soucie que très peu de ce genre de détails, lorsqu’il est en proie à une crise quelconque.

Réalisant soudain qu’il n’avait pas bougé d’un poil depuis sa presque collision avec Evan, Camille esquissa un léger mouvement de la tête, comme pour acquiescer à l’énonciation de son nom, bien que ce fût, de toute évidence, inutile. C’était bien lui, sans aucun doute. Camille voulut sourire, mais n’y parvint pas, pas même pour faire plaisir à Evan. Son visage était las, et surtout, il était fatigué. Fatigué de toutes les épreuves qu’il avait endurées depuis quelques mois. « Evan. » Sa voix était plus calme que celle d’Evan, où la surprise avait été nettement audible. Mais elle était également lasse et dépourvue de la joie évidente que semblait éprouver Evan en le revoyant. « Qu’est-ce que tu fais ici ? Enfin je veux dire… t’étais pas censé être à Paris ? » Callaway commençait déjà avec ses questions, comme il aurait pu s’en douter. Il savait qu’il n’y échapperait pas, surtout pas de la part de la jeune femme, à qui il avait autrefois eu l’habitude de tout raconter, sans gêne ni scrupules. Après tout, les amis étaient faits pour cela. Mais était-elle encore son amie ? Avait-il réellement envie d’en parler. La réponse est non. Mais il lui devait une explication, pas vrai ? Il avait coupé les ponts sans rien lui dire, et cela restait un détail dont il n’était pas vraiment fier. Camille se sentit à nouveau coupable en y repensant, et ce sentiment grandit lorsqu’il vit Evan sourire d’un air heureux. Apparemment, elle était contente de le revoir et ne lui en voulait nullement. Il devait être anormal, à être le seul mécontent dans l’histoire, alors qu’il était fautif. En regardant le visage fin d’Evan, Camille eut envie de la serrer contre lui. Mais, une fois de plus, il n’y parvint pas. Cette barrière d’amertume semblait toujours se dresser entre lui et la jeune femme, qu’il le voulût ou non – car Camille était désormais, comme souvent ces derniers temps, tiraillé entre son cœur et son esprit. Alors, il se contenta de la regarder longuement dans les yeux, toujours incapable d’esquisser le moindre signe de joie extérieure. Cette fatigue se ressentit, une voix de plus, dans la voix du jeune homme, qui choisit soigneusement ses mots avant de finir par lancer : « Ma famille pensait que je ferais mieux de revenir… histoire me changer les idées. » C’était on ne peut plus vague et imprécis, mais il ne voulait pas trop s’attarder sur le sujet. Penser à Claire était suffisamment douloureux, sans avoir, en plus, en parler à voix haute. Aussi espérait-il qu’Evan se contente de cette explication, même si cette perspective était plus qu’improbable.


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MessageSujet: Re: don't look back in anger [EVAN] don't look back in anger [EVAN] EmptyLun 7 Mar - 21:51

    Evan avait du mal à croire que Camille était réellement là, devant elle. Elle avait l’impression qu’une éternité s’était écoulée depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Ca ne faisait que quelques mois, quatre, tout au plus, mais il lui était arrivé pas mal de choses dernièrement, des choses qui faisaient que son séjour à Paris dans le cadre de l’échange entre Berkeley et La Sorbonne semblait à des années lumière de sa situation à présent. A le voir, comme ça, si proche d’elle et en même temps si loin, elle se sentit assaillie par le remord, autant que par la joie de le revoir. Ils avaient été tellement proches, durant de longs mois, qu’elle trouvait étrange de le considérer presque comme un inconnu à présent. Elle culpabilisait de ne pas avoir pris de ses nouvelles. La vérité s’imposait à elle, assez rapidement, comme si elle l’avait toujours su mais qu’elle ne voulait pas y penser tant qu’elle n’aurait pas besoin de le faire. C’est vrai, tant que Camille n’était pas là, elle n’avait pas besoin de se reprocher de ne pas prendre de ses nouvelles, mais à présent… Et il le lui fit bien comprendre. Il semblait ne pas partager la même joie qu’elle à l’idée de la revoir. Il n’était même pas furieux contre elle, encore qu’il aurait eu toutes les raisons de l’être, il était juste indifférent. Ce qui était encore pire que s’il s’était contenté de tirer une tête de quinze kilomètres de long. Elle se sentait donc coupable, comme bien souvent ces derniers temps, même si elle estimait qu’elle n’était pas forcément la seule à blâmer. Après tout, lui aussi savait où et comment la joindre, il aurait pu lui-même lui donner de ses nouvelles, en prendre des siennes. Mais si elle commençait à remettre la faute à chaque fois sur quelqu’un d’autre, ce qu’elle avait la nette tendance à faire ces derniers jours, elle finirait par se faire haïr de tout son entourage.

    C’était triste à dire, mais elle avait été tellement préoccupée par sa vie et a fortiori sa vie sentimentale qu’elle avait laissé tout le reste de côté. Et ce dès son retour de Berkeley, qui avait été aussi marqué par le retour de William. Ajouté à la masse monstrueuse de travail qu’elle devait gérer, notamment car elle avait eu à prouver qu’elle méritait de rester à l’université en faisant remonter sa moyenne, elle avait été un peu self-centered ces derniers temps. Un peu ? Ok, complètement, totalement, carrément absorbée par elle-même. Et il lui fallait en avoir la preuve devant les autres pour qu’elle s’en rende vraiment compte. Mais quand même, elle se doutait bien sûr qu’il ne sauterait pas non plus au plafond en la retrouvant, mais un petit sourire, même minime, n’aurait pas été trop lui demander. Et bien il fallait croire que si, car elle n’y eut même pas le droit. « Ma famille pensait que je ferais mieux de revenir… histoire de me changer les idées. » Ses paroles étaient à peine plus chaleureuses que son visage. Douche froide pour Evan. Deux inconnus auraient été plus joyeux qu’eux à l’idée de tomber l’un sur l’autre. Etait-il réellement possible que leur amitié soit à ce point différente ? Plus exactement, était-il réellement possible qu’elle ait, comme un peu trop souvent, tout gâché ? Apparemment. La Sigma eut du mal à interpréter ses paroles. Et elle s’en voulut de n’être même pas au courant de la vie de son ami, qui à en juger par le ton morose avec lequel il venait de parler, ne devait pas être particulièrement joyeuse. Elle aurait tout à fait pu demander de but en blanc ce qu’il se passait, mais il ne semblait pas vraiment enclin à lui déballer toute sa vie, surtout pas alors que pendant plusieurs mois elle n’y avait pas prêté attention. Fair enough. Elle l’observa de ses grands yeux bleus, les sourcils froncés. « Je suis contente que tu sois de retour ». Elle lui adressa un vague sourire, bien plus timide que ceux auxquels il avait habituellement le droit. Evan pensait chacun des mots qu’elle venait de prononcer mais ils semblaient étrangement déplacés dans ce contexte. Pourtant, elle ne tentait même pas de rattraper les pots cassés, elle voulait juste… qu’il le sache. Maintenant qu’elle y pensait, il lui avait réellement manqué, mais il était atroce de se dire qu’elle ne s’en était pas rendue compte jusqu’à ce qu’il soit en face d’elle.

    La jeune femme sentit qu’elle ne pourrait pas arranger les choses si elle ne lui offrait pas des excuses réelles, qui, si elles n’amélioreraient probablement pas leur relation, serait déjà un bon départ, une base de laquelle partir, même si quelque chose semblait brisé dans leur amitié, quelque chose qui avait le goût amer de l’irréparable. « J’ai été une amie particulièrement nulle ces derniers mois, je m’en veux… ». Il ferait ce qu’il voudrait de ses excuses, pour l’instant elle ne pouvait pas vraiment lui offrir grand-chose de mieux. Ce qui l’intéressait surtout, c’était de savoir ce qui s’était passé dans sa vie durant toute son absence. Il aurait du revenir, il le lui avait dit, il lui en avait fait la promesse, à Paris, qu’il reviendrait à Berkeley, qu’il étudierait à Berkeley, même, et qu’ils seraient dans le même bateau dans les prochaines années à venir. Et elle avait attendu, mais il n’avait pas tenu sa parole. Il n’était pas revenu, jamais. Et lui non plus n’avait pas essayé de reprendre contact avec elle, ou au moins de se justifier, de lui donner une réponse valable, un semblant d’explications, même, ce qui lui aurait suffit. Mais elle n’avait rien eu, pas un seul mot de sa part, et à force, elle avait arrêté d’attendre et elle s’était laissée embarquée par sa propre vie, plutôt mouvementée. C’était comme pour tout, on s’y habituait, aux absences des gens qu’on aimait. Elle en avait fait l’amère expérience avec William, plusieurs fois dans le passé. Et elle avait honte de dire qu’elle s’y était faite, à l’idée de ne plus le voir tous les jours, et de ne plus faire tous ces trucs qu’ils avaient l’habitude de faire avant, comme aller chercher leur café ensemble le matin, déjeuner au moins trois midis ensemble par semaine, traîner dans la chambre de l’un ou l’autre, se raconter leur vie pendant des heures. Sauf que maintenant qu’elle avait l’occasion de rattraper le temps perdu, elle avait la sensation qu’il était déjà beaucoup trop tard et que lui de son côté n’avait pas vraiment envie de retrouver ces moments là avec elle. Elle se sentit le besoin d’ajouter quelque chose à son semblant d’excuses, comme pour se justifier. « J’aurai du prendre de tes nouvelles, mais… » mais quoi ? Elle avait été trop égoïste pour se soucier de quelqu’un d’autre que de sa petite personne et de ses soucis minables ? Ouais, exactement, c’était précisément ce qui s’était passé, mais les mots ne parvinrent pas à se frayer un chemin hors de sa bouche et ils restèrent coincés dans sa gorge. « Toi aussi, t’aurais pu en prendre, des miennes. J’ai attendu que tu reviennes… et t’es jamais revenu ». Elle avait dit cela d’un ton triste et n’osait pas le regarder dans les yeux. Essayer de se justifier en remettant la faute sur lui était probablement tout sauf la bonne solution à adopter. Mais c’est bien connu, Evan n’était malheureusement pas du genre à réfléchir avant de parler.

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MessageSujet: Re: don't look back in anger [EVAN] don't look back in anger [EVAN] EmptyMar 8 Mar - 20:25



Avant la mort de Claire, Camille n’aurait jamais cru pouvoir un jour se trouver dans une telle situation avec Evan. D’accord, il aurait pu envisager une dispute ou un différend, peut-être un malentendu qui aurait mené à une crise passagère dans leur amitié. Après tout, ces choses-là arrivent et font partie inhérente des relations amicales. Mais qu’ils en viennent à s’éloigner ainsi et à se toiser comme deux inconnus… ça, jamais. Camille aurait éclaté de rire ou esquissé une grimace sceptique à cette idée. Et pourtant, aujourd’hui, difficile de le nier : leur relation semblait s’être évaporée au profit d’une simple courtoisie, et d’amis proches, ils étaient passés au stade de connaissances. Camille vit que cela blessait clairement Evan, mais il ne parvint à esquisser le moindre geste réconfortant. Au contraire, il se contenta de la regarder, incapable de faire mieux. Dans son esprit, les souvenirs d’instants heureux passés ensemble continuèrent de fuser. Il ne pouvait le nier, elle lui avait manqué. Elle lui manquait toujours. La voir ainsi et ne pas se sentir capable de la serrer dans ses bras n’était-il pas la preuve que tout était gâché, que leur amitié s’était sérieusement affaiblie ? Camille détestait cette réalité, bien qu’il n’eût jamais rien fait, au cours des derniers mois, pour y remédier. Il s’était contenté de se dire que si elle le voulait vraiment, Evan parviendrait à sauver leur amitié, et que lui avait l’excuse idéale pour ne pas avoir à s’en soucier. Camille, d’ordinaire altruiste et généreux, avait agi avec égoïsme pour une des premières fois de sa vie, persuadé qu’il en avait le droit, sous prétexte qu’il était malheureux et déchiré par la perte de Claire. Mais cette excuse restait-elle valable aujourd’hui, alors que, pour la première fois depuis l’enterrement, Evan semblait plus réelle et plus concrète que Claire ? C’était elle qui se tenait face à lui, c’était à elle qu’il allait devoir des explications. Elle voudrait savoir pourquoi il n’avait pas appelé, pourquoi il n’était jamais entré en contact avec elle. Parce qu’au fond, il était aussi fautif qu’elle, même si elle en avait sans doute plus conscience que lui. Camille continua à toiser Evan, se demandant vaguement à quoi elle pensait, et si elle éprouvait la même chose que lui en le revoyant après tant de temps et une destruction aussi évidente de leur amitié. Il vit ses sourcils fins se froncer légèrement, la joie quitter son visage de porcelaine. Une nouvelle pique de culpabilité lui assaillit le cœur, mais Camille tenta de l’ignorer. Pourquoi culpabilisait-il autant alors qu’il s’était toujours persuadé qu’elle était fautive, et non pas lui ? Toutes les certitudes qu’il s’était efforcé de construire depuis quelques temps semblaient s’effondrer une par une. Et Evan ne faisait clairement rien pour arranger les choses. « Je suis contente que tu sois de retour » Comment ne pas culpabiliser en entendant cela ? Comment ne pas se détester et se considérer comme un monstre en réalisant que pendant tout le temps où il lui en avait voulu, elle n’avait aspiré qu’à le revoir ? Qu’elle semblait prête à passer l’éponge sur le silence radio qui les avait séparés pendant si longtemps, pour lui témoigner sa joie de le voir ici, alors que c’était le dernier endroit où elle s’attendait à le trouver ? Une joie qu’il s’était empressé de détruire parce qu’il avait été incapable de témoigner un sentiment similaire, préférant tirer la tête, ou, du moins, afficher une mine stoïque et indifférente. Toutes ces observations fusèrent en même temps dans la tête de Camille – en vain. Car même s’il s’en voulait – et il s’en voulait énormément – il ne parvenait pas à faire autrement, à se ressaisir pour rassurer Evan, pour lui faire comprendre que lui aussi était heureux de la retrouver. L’était-il vraiment ? Rien n’est moins sûr. Logiquement, la joie aurait dû être la première émotion à s’emparer de lui en revoyant ces traits familiers, parce qu’elle restait l’une de ses plus proches, et de ses plus chères amies. Mais depuis quelques temps, aussi surprenant cela puisse-t-il paraître, la logique ne faisait plus vraiment partie du comportement du jeune homme, qui se laissait aller à ses moindres pulsions sous prétexte qu’il n’état pas dans l’état d’agir de manière réfléchie et objective. C’était facile et bas, comme optique de vie, mais c’était ce qu’il avait trouvé de moins douloureux – du moins, pour lui-même, car les conséquences que son comportement avait sur les autres n’étaient pas des plus positives. Alors, au lieu de lui réciproquer sa phrase avec un grand sourire comme l’aurait fait n’importe quel type un tant soit peu normal, il se contenta de hausser les épaules et de lancer : « Ouais. » avant de détourner brièvement le regard, comme s’il n’avait pas le courage d’affronter la douleur, sans doute grandissante, d’Evan. Il savait qu’il la blessait et se haïssait d’agir ainsi. Mais il ne pouvait pas faire autrement. Il n’en avait pas la force. Feindre le bonheur alors que chaque partie de son âme pleurait n’était pas une chose dont il était capable, surtout pas avec Evan qui le connaissait suffisamment bien que pour savoir s’il était sincère ou non.

« J’ai été une amie particulièrement nulle ces derniers mois, je m’en veux… ». Evan agissait exactement de la manière qu’il avait redoutée, et il s’était douté qu’elle ferait cela. Le prendre par les sentiments, jouer sur ses points faibles. Cela marchait à tous les coups, qu’elle l’ait fait volontairement ou non. Camille ne se posa d’ailleurs même pas la question : il préférait partir du principe qu’elle avait été sincère. Bien sûr, ses excuses le touchèrent, car il fut soulagé de constater qu’elle était affectée par ce qui s’était passé et qu’elle avait autant conscience que lui de l’ampleur du changement qu’avait subi leur relation. Camille ouvrit la bouche pour répondre, mais ne trouva rien à dire. Que devait-il répondre, après tout ? Que lui aussi avait été le pire des amis ? Elle le savait. Et il n’avait pas le courage de revenir là-dessus. Alors il se contenta de baisser les yeux, détournant le regard de la frimousse familière d’Evan. « J’aurai du prendre de tes nouvelles, mais… » Camille releva les yeux en entendant Evan reprendre la parole, comme si cette dernière tentait à tout prix de renouer le contact, de relancer ce qui semblait être mort entre eux. Même s’il ne pouvait l’avouer, il appréciait énormément les efforts qu’elle faisait, car ceux-ci avaient quelque chose de réconfortant et de rassurant à ses yeux : ils étaient la preuve qu’elle lui accordait encore de l’importance, ainsi qu’à leur amitié, si amoindrie fût-elle. « Toi aussi, t’aurais pu en prendre, des miennes. J’ai attendu que tu reviennes… et t’es jamais revenu » Cette fois-ci, ce fut au tour d’Evan de détourner le regard, mais sans doute pas pour les mêmes raisons que Camille, quelques instants auparavant. Au moins, elle avait pris la peine d’exprimer ce qu’elle avait sur le cœur, alors que lui se contentait de rester là, planté devant elle, sans rien dire de surcroît. Il avait perçu le ton triste de sa voix mais, sans pouvoir expliquer pourquoi, il se sentit accusé, attaqué. Il esquissa un bref geste agacé, comme s’il tentait de chasser une mouche, visiblement piqué au vif. Il ne parvenait pas à agir avec le tact qu’il avait habituellement, à tel point qu’en général, celui-ci le caractérisait. Tout le monde connaissait Camille pour sa douceur et sa gentillesse, non pas pour son côté abrupt ou son manque de considération. Pourtant, c’était bel et bien cette facette qui semblait prendre le dessus alors qu’il faisait face aux reproches d’Evan. Il n’avait aucunement envie d’en parler. Pourtant, il savait que ce sujet finirait par faire surface et il décida de s’en débarrasser pour de bon, histoire de ne plus avoir à revenir sur le sujet. Alors, à peine eut-elle terminé sa phrase qu’il répliqua, d’un ton plus abrupt qu’il ne l’aurait voulu : « Claire est morte. » C’était dit. Non, cela avait été lancé comme une bombe. Dans son cœur, la plaie qui peinait tant à se cicatriser s’ouvrit brusquement et se remit à saigner, tandis que dans son esprit, l’image du corps de sa sœur, dépourvu de vie, revint, plus nette que jamais. Implacable, Camille poursuivit, fusillant presque Evan du regard : « Elle est morte et je suis resté en France pour aider ma famille. Je n’avais pas spécialement envie d’en parler, ni à toi, ni à qui que ce soit. Voilà, c’est tout. Désolé si je t’ai fait du mal. » Ses intonations, d’ordinaires douces et chaleureuses, avaient été étonnamment froides. Camille semblait être un autre homme, alors qu’il balançait toute ces informations destructrices au visage d’Evan. Il n’eut pas la force de soutenir son regard une seconde de plus, alors il détourna les yeux et, quelques instants plus tard, s’écarta d’Evan pour la contourner et la planter là. Alors qu’il n’était qu’à quelques pas d’elle, il sentit ses yeux se remplir des larmes qu’il tentait, en permanence, de refouler, de crainte que quiconque puisse les voir. Son cœur saignait et ses yeux coulaient, et Camille avait l’impression de retourner au point de départ, à l’annonce de la mort de Claire. Il eut le sentiment qu’il n’aurait pas dû en parler, que cela n’avait servi à rien d’autre qu’attiser sa colère, sa frustration et sa douleur. Mais au moins, maintenant, elle ne pourrait plus lui reprocher de ne rien avoir dit. Quelque part, Camille s’en voulait d’avoir été aussi dur avec elle – mais au moins, maintenant, elle savait pourquoi il agissait de la sorte.

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MessageSujet: Re: don't look back in anger [EVAN] don't look back in anger [EVAN] EmptyMer 9 Mar - 23:19

    Loin des yeux, loin du cœur, disait un célèbre adage. Et, c’était bien malheureux à dire, mais il arrivait qu’Evan fonctionne comme cela. Un peu trop souvent, même. Mais ce n’était pas tant dans ses pensées que cela se traduisait, plutôt dans ses gestes. Toutes ces personnes qui l’entouraient, qui faisaient partie de son quotidien, qu’elle côtoyait jour après jour, elle restait en permanence en contact avec, ne manquant pas d’envoyer des messages, ou de les appeler. Mais dès que celles-ci s’éloignaient, qu’elle les perdait de vue littéralement parlant, les petits gestes automatiques qui allaient avec disparaissaient. Elle n’essayait pas de se chercher des excuses – quoiqu’en fait si, c’était exactement ce qu’elle faisait – mais avec Camille resté à Paris, sa vie quotidienne avait peu à peu éloigné de sa mémoire le jeune homme, de façon cruelle, même. Mais cela ne voulait pas dire qu’elle n’avait pas pensé à lui. Loin de là, même. Elle n’avait rien oublié de ces moments qu’ils avaient passé ensemble, de leur première rencontre en chair & en os, à l’aéroport de San Francisco, jusqu’à leur dernier au revoir, à l’aéroport Charles-De-Gaulle, lorsqu’elle rentrait à Berkeley et que lui devait l’y retrouver quelques jours plus tard. Elle n’avait pas pensé que ce serait la dernière fois qu’ils se verraient avant un long moment, pour elle, ils se retrouveraient naturellement à Berkeley, et continueraient leur amitié comme avant, partageant toujours plus de choses, sur leurs vies, sur leur histoire, sur leur passé, leur présent et leur avenir. Et son absence avait laissé un manque cruel dans le cœur d’Evan qui, mine de rien, malgré un tas de connaissances, de gens qu’elle considérait comme des copains, avait peu de véritables amis, sur lesquels elle pouvait réellement compter. Camille, lui, avait fait partie de ce groupe de personnes si précieuses pour elle et ce dès le début de l’échange. Pour une fille qui avait du mal à accorder sa confiance aux autres, il lui avait prouvé dès le début qu’il ne serait pas juste son correspondant, mais qu’il serait définitivement plus, bien plus que cela. Mais voilà, comme bien souvent, elle s’était laissée emporter par sa vie quotidienne et ses aléas, ses problèmes qui au final lui laissaient bien peu de temps pour penser à autre chose que ce qu’elle voyait autour d’elle chaque jour et elle en avait mis de côté le reste, y compris des amitiés qui comptaient énormément à ses yeux. Elle y avait bien songé, à prendre de ses nouvelles, à savoir pourquoi il n’était jamais revenu, à comprendre ce qui s’était passé, mais elle avait eu la sensation qu’il était déjà trop tard, et qu’à présent quelque chose s’était brisé entre eux.

    Et elle ne s’était pas trompée, à son grand regret. Elle avait l’impression qu’elle aurait beau dire quoique ce soit pour essayer de rattraper les choses, elle ne ferait qu’empirer la situation et l’empêcher d’avoir la possibilité d’améliorer un tant soit peu les choses, si tant est que cela lui était encore possible. Elle avait incroyablement, stupidement merdé, et elle savait à quel point Camille pouvait se montrer rancunier quand il était blessé. Autant dire que les chances que leur amitié reparte comme avant étaient minces, voire, plus exactement, inexistantes. Son « ouais », balancé un peu trop négligemment, lui fit mal. Elle n’en montra rien, ça n’aurait pas servi à grand-chose de toute façon, mais elle aurait au moins espéré que la réciproque soit vraie, qu’il soit lui aussi content de la revoir. Mais même ça, ça ne semblait pas être le cas. Et elle savait qu’il ne mentait pas, aucun signe sur son visage ne trahissait la moindre expression, à part cette impression de malaise, qui grandissait aussi chez elle. Non, il ne mentait pas, il n’avait tout simplement pas l’air de partager la même joie qu’elle à l’idée de le revoir. Pourtant, elle aussi était rancunière, mais le retrouver ici, même de façon aussi inattendue, avait balayé toute trace d’amertume qu’elle aurait pu ressentir. Elle était juste heureuse de retrouver l’un de ses meilleurs amis. Qu’il ne partage pas ce sentiment là était un coup dur à encaisser. Même sa pathétique tentative d’excuse n’apporte rien de plus, rien de mieux. Elle aurait tout aussi bien pu ne rien dire du tout, l’effet aurait été en tout point identique. Il avait l’air de s’en moquer éperdument, de ses excuses. Si même ça ne suffisait pas à retrouver le Camille d’avant, elle n’était pas sûre que quoi que ce soit d’autre fonctionnerait. Il semblait tellement… différent. Tellement plus amer, en colère, triste aussi, une tristesse qu’elle ne pouvait pas expliquer. Lui qui avait d’habitude un visage joyeux et rieur semblait au moins aussi mal qu’elle pouvait l’être, quoique pour des raisons bien différentes, du moins le supposait-elle.

    Elle ne demanda rien, pas d’explications, d’excuses ou quoi que ce soit d’autre, mais elle n’en eut même pas besoin. Il le fit de lui-même, mais même ça semblait incroyablement difficile à dire pour lui. Elle eut l’impression qu’à peine les mots sortis de sa bouche, il regrettait déjà de les avoir prononcé. « Claire est morte. ». « Oh » fut la première réaction qui lui vint en tête, suivie immédiatement par « merde ». Qu’est-ce que vous vouliez qu’elle dise d’autre, lorsqu’on apprenait ce genre de nouvelles, on avait rarement une réaction censée et des paroles adéquates. Elle ne prononça toutefois pas un mot, par peur de ne faire qu’aggraver les choses. Elle finit par déclarer, d’un murmure « Toutes mes condoléances ». C’était bien ce que l’on était supposé répondre dans ce genre d’occasions, non ? Mais même ces mots-là paraissaient déplacés, tellement superficiels. Elle connaissait Claire. Du moins, connaître, c’était vite dit. Elle l’avait rencontrée à plusieurs reprises, lorsqu’elle se trouvait à Paris. Camille lui avait présenté l’ensemble de sa famille assez naturellement dès les premiers jours de cette deuxième partie de l’échange. Alors oui, elle la connaissait, dans le sens où elle était capable de placer un visage sur un nom. Mais c’était l’évidence même que de dire qu’elle ne pouvait pas être aussi affectée que le jeune homme par sa mort. Elle savait à quel point sa famille comptait pour lui, elle savait les sacrifices qu’il avait du faire pour les aider et elle savait combien perdre l’une de ses membres devait être insupportable pour lui. Qu’il en parle nonchalamment, de façon dure et froide, était probablement la seule défense qu’il avait trouvée pour se protéger. « Elle est morte et je suis resté en France pour aider ma famille. Je n’avais pas spécialement envie d’en parler, ni à toi, ni à qui que ce soit. Voilà, c’est tout. Désolé si je t’ai fait du mal. » Evan eut encore plus l’impression d’être ce monstre d’égoïsme qu’elle avait été ces derniers temps. Dire qu’elle se plaignait de problèmes aussi superficiels que ses histoires de couple, qui, bien qu’étant incroyablement compliquées, n’avaient bien entendu rien de comparable avec la perte d’un être cher. Elle était mortifiée, mortifiée de ne pas avoir été là quand elle aurait du l’être, quand elle aurait du jouer son rôle d’amie véritable et qu’au final, elle s’était complu dans son propre malheur, sans se soucier des autres. Elle était égoïste. La vérité faisait mal à entendre, plus mal à admettre, mais elle ne pouvait pas le nier. Camille se détourna, passant à côté d’elle, la fuyant, plus exactement. Elle cherchait quelque chose à dire, n’importe quoi de pas trop stupide qui lui passerait par l’esprit. Elle avait cette horrible sensation que s’il tournait au coin du couloir et disparaissait de sa vue, leur amitié serait irrémédiablement perdue. Elle se retourna pour l’interpeller. « Camille, je suis tellement désolée, je ne savais pas, je n’en avais aucune idée. C’est pas une excuse, je le sais pertinemment, mais je peux rien trouver de mieux à dire. » Elle attendit quelques secondes, espérant qu’il se retourne. S’il s’arrêta, il ne lui fit cependant pas cet honneur et elle continua à s’adresser à son dos. « Je m’en veux de pas avoir été là, de ne pas avoir deviné qu’il y avait une raison pour que tu ne reviennes pas, et de ne pas avoir accordé autant d’importance à notre amitié que j'aurais du. » Sa voix se brisa et le silence retomba. Parce qu’elle aurait du deviner. Elle le connaissait, elle avait eu le temps de le connaître, il n’était pas du genre à ne pas tenir sa parole. Elle aurait du savoir. Evan se sentit plus minable que jamais et les paroles qu’elle venait de prononcer lui semblaient dérisoires comparées à la peine qu’il pouvait ressentir. Elle pouvait aisément comprendre, maintenant, son visage fermé, son amertume, pourquoi il se comportait de manière aussi froide avec elle. Elle l’avait mérité. Pourtant, dieu seul savait qu’elle n’était pas du genre à jouer les martyres et à s’apitoyer sur elle et ses faiblesses plus longtemps que de raison, mais elle savait qu’elle avait merdé. Et c’était ça qui était difficile à admettre, elle avait simplement merdé, pas géré, été nulle, les qualificatifs de son comportement ne manquaient pas. Et elle pouvait bien se rendre à l’évidence, à présent, les chances qu’il lui pardonne d’avoir été une amie aussi pitoyable étaient très faibles. Et si elle voulait qu'il pardonne un tant soit peu, il allait bien falloir qu'elle mette de côté ses problèmes ridicules et redevienne l'amie dévouée qu'elle avait longtemps été.
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MessageSujet: Re: don't look back in anger [EVAN] don't look back in anger [EVAN] EmptyMar 15 Mar - 3:10



Quelques mois plus tôt, alors que Camille était rentré dans sa ville natale en compagnie de tous les étudiants de l’université qui participaient à l’échange, le jeune homme n’avait qu’une idée en tête : faire découvrir à Evan les moindres recoins de la capitale française et partager des moments aussi extraordinaires que ceux qu’ils avaient vécus à Berkeley. D’un naturel enthousiaste, Camille avait vu la seconde partie de l’échange comme l’occasion idéale de sceller définitivement leur amitié quasi miraculeuse, tant elle avait été rapide à se former et à se consolider, l’occasion de la rendre inébranlable en passant du temps ensemble. Mais sur place, les choses avaient pris une tournure différente – évidemment, car les choses ne se déroulent jamais comme on l’espère. Camille le savait d’expérience et n’avait pas trop laissé de place à la déception en réalisant qu’au final, il ne passerait pas autant de temps avec Evan que prévu. Et pour cause : leurs études, bien sûr, dont le niveau et la difficulté allaient croissants, mais aussi leurs histoires de cœurs respectives, celles d’Evan étant bien plus compliquées et tumultueuses que celles, plus calmes et normales, de son ami. Mais Camille avait toujours été élevé dans le respect, voire l’idolâtrie de la loyauté et de la fidélité, et il s’était toujours efforcé de maintenir leur amitié intacte malgré ses autres relations et ses études pour le moins accaparantes. Il tenait bien trop à Evan pour laisser un emploi du temps chambouler cette amitié à laquelle il tenait tant, et avait donc décidé d’agir dans cette optique de se fouler un peu plus en attendant que les choses se calment et reviennent à la normale. Patient et conscient qu’il était sans doute plus impliqué que la plupart des personnes en ce qui concerne les relations, précisément à cause de son éducation, Camille n’avait jamais tenu rigueur à Evan de leur différence de disponibilité. Il ne lui avait jamais demandé de prendre du temps pour lui comme il le faisait pour elle – cela lui semblait tout simplement naturel et la pensée de lui faire un quelconque reproche ne lui avait même pas traversé l’esprit. Camille avait donc passé des semaines à entretenir leur amitié, se réjouissant à chaque fois qu’Evan faisait de même et s’efforçant de ne pas se faire de souci lorsqu’elle lui témoignait un manque de temps quelconque qui les poussait parfois à ne plus se voir, ou même ne plus se parler, pendant plusieurs jours. Puis, peu à peu, leur amitié avait finie occultée par les histoires de cœur d’Evan. Camille avait, au début, été au courant de tous les soucis que traversait son amie, et dont la plupart étaient liées à William, l’amour de sa vie. Mais peu à peu, Evan s’était laissée entrainer à tel point dans ces histoires qu’elle finit par en oublier Camille. Lorsque les efforts du jeune homme ne fournirent plus aucun résultat et qu’il dut se rendre à l’évidence qu’il n’avaient plus lieu d’être, Camille n’eut d’autre choix que d’accepter avec tristesse l’éloignement dont Evan et lui étaient victimes. Parfois, la rancœur, la déception et l’animosité s’étaient emparées de lui lorsqu’il y repensait. Mais dans l’ensemble, le sentiment principal, en plus de la mélancolie et de la tristesse, qui l’envahissait lorsqu’il revoyait le visage d’Evan dans ses pensées, était la résignation. Résigné, Camille avait laissé tomber ses efforts, et résigné, il avait décidé de voir comment évolueraient les choses et si un jour, ils redeviendraient amis comme avant.

Mais il n’avait guère eu l’occasion de s’en soucier à partir du moment où Claire était morte. Evan quitta, à son tour, l’esprit de Camille, et il rompit tout contact avec ses amis, se réfugiant dans sa tristesse et dans son désespoir. Effondré, Camille était cependant parvenu à se recomposer l’espace de quelques heures, lorsqu’une première fournée d’étudiants, parmi lesquels se trouvait Evan, prirent l’avion du retour vers Berkeley. Camille avait fait comme si de rien n’était, désirant profiter comme il le pouvait de ce qu’il savait être le dernier moment passé avec Evan avant un bon bout de temps. Car Camille avait pris sa décision, même s’il ne l’avait annoncée à personne : il resterait à Paris et ne retournerait donc pas à Berkeley. Ce qu’il fit donc, conforté dans son choix par l’absence de contact avec ses amis américains et français. Evan n’avait pas cherché à prendre de ses nouvelles, et dans ce contexte-là, même si c’était douloureux, c’était en fin de compte plutôt bénéfique car elle aurait sans doute été une des seules personnes pour lesquelles il aurait pu changer d’avis. Si Evan l’avait oublié, il n’avait plus rien à chercher à Berkeley. Le soir de l’enterrement, Camille lui écrivit un e-mail, dans lequel il la prévenait qu’il ne reviendrait pas et lui disait qu’il ne lui en voulait pas, mais qu’il regrettait leur éloignement. Au final, il n’avait pas eu la force de l’envoyer, car il n’en voyait même plus l’intérêt.

Repenser à tout cela suffit à Camille à éveiller à nouveau sa colère et son amertume, deux sentiments qui effacèrent la culpabilité qu’il avait ressentie devant la tristesse d’Evan. Son énervement grandit assez vite et les stupides condoléances que lui adressa la jeune femme ne firent qu’attiser son agacement. Camille n’avait qu’une envie, c’était de ne plus voir Evan. Car être face à elle et être confronté à cet éloignement qui avait marqué la fin de leur grande amitié, mais aussi à tout ce que cet éloignement évoquait – l’époque où il l’avait perdue, avant de perdre Claire –, tout cela était bien trop douloureux pour le jeune homme qui avait déjà dégusté suffisamment en matière de peine. Camille n’avait donc qu’une idée en tête : tourner au bout du couloir, passer ce coin, et tourner ainsi le dos à toute leur amitié qui, de toute façon, n’était plus rien d’autre qu’un souvenir devenu amer. Camille n’avait plus rien à chercher ici et il l’avait clairement compris en revoyant Evan. Mais une fois de plus, elle le prit de court, car elle parvint à bousculer une nouvelle fois ses sentiments, parmi lesquels la colère désenfla rapidement lorsqu’il entendit les mots qu’elle prononça de façon presque désespérée. De toute évidence, Evan aussi sentait que leur amitié était en train de s’envoler définitivement. « Camille, je suis tellement désolée, je ne savais pas, je n’en avais aucune idée. C’est pas une excuse, je le sais pertinemment, mais je peux rien trouver de mieux à dire. » Ces paroles auraient, en temps normal, eu tendance à énerver davantage Camille. Mais c’était le ton de la voix d’Evan, plus qu’autre chose, qui le poussa à s’arrêter. Quelque chose dans les intonations de la jeune femme semblait lui indiquer que tout n’était peut-être pas perdu. Elle semblait se raccrocher à la faible relation qui existait encore entre eux, et, malgré tous les sentiments négatifs et peu familiers qu’elle lui inspirait depuis quelques temps, Camille ne pouvait tout simplement pas être insensible à cette volonté. Mais il n’eut pas le courage de se retourner, de lui faire face. Non seulement il n’en avait pas envie, car il n’en était pas moins amer et en colère, mais il ne voulait surtout pas qu’elle voie les larmes qui perlaient au coin de ses yeux avant de tracer un sillon sur ses joues devenues pâles et creuses. Camille avait conscience de l’état lamentable dans lequel il était, et qui était accru par ces larmes ô combien détestées. Il s’obstina donc à tourner le dos à la jeune femme, qui semblait encouragée par le peu de réaction qu’il avait témoigné. « Je m’en veux de pas avoir été là, de ne pas avoir deviné qu’il y avait une raison pour que tu ne reviennes pas, et de ne pas avoir accordé autant d’importance à notre amitié que j'aurais du. » Rien de ce qu’elle pouvait dire ne pourrait excuser ce qu’elle avait fait. Mais pour la première fois depuis qu’ils s’étaient éloignés, elle semblait en prendre pleinement conscience et l’accepter avec la volonté d’y changer quelque chose et de se rattraper. Camille aurait presque ressenti de la joie si elle avait dit tout cela dans d’autres circonstances, et, pourquoi pas, un peu plus tôt, mais là, il ne ressentit qu’un faible soubresaut, comme une petite vague de soulagement qui peinait à se frayer un chemin parmi toute la peine et la douleur qui ne cessaient de le tourmenter. Le jeune homme se rendait toutefois bien compte de l’effort que cela avait dû coûter à Evan de formuler tout cela à voix haute, et de la tristesse qu’elle devait éprouver, elle aussi. Il avait beau être en colère, il n’était pas insensible. Et il ne pouvait pas non plus faire preuve de tant de mauvaise foi : la regarder faire des efforts sans bouger le petit doigt mais quand même toujours exiger qu’elle fasse plus, ce n’était pas juste. Après tout, et il avait tendance à l’oublier, elle méritait autant d’entendre des excuses que lui. Il avait gardé le silence autant qu’elle, et n’avait fait aucun effort pour se faire pardonner. Au contraire, ce qu’il avait dit avait eu pour seul effet de faire culpabiliser davantage Evan.

Camille leva les yeux au ciel, non d’agacement, cette fois-ci, mais dans l’espoir de voir ses yeux devenir secs ou, du moins, arrêter de couler. Lorsqu’il jugea la situation suffisamment sûr que pour se retourner, il s’exécuta, toisant Evan avec moins de dureté qu’auparavant. Le visage clairement affecté de la jeune femme ne le laissait pas de marbre, et il fut touché par sa tristesse. Une tristesse qu’il ressentait, lui aussi – mais cette fois-ci, elle n’était pas liée uniquement à Claire, davantage à la perte d’Evan. Camille prit une brève inspiration, renonçant à répondre aux propos d’Evan mais tenant toutefois à s’exprimer. Il ne savait trop où il voulait en venir, mais il fallait que ça sorte. « Je t’ai écrit pour te prévenir que je ne comptais pas revenir. Le jour de l’enterrement, je t’ai écrit un mail pour t’expliquer, et pour te dire que je regrettais qu’on se soit éloignés comme ça, mais que je ne t’en voulais pas… parce que ce sont des choses qui arrivent. » Il s’interrompit quelques instants, comme s’il cherchait ses mots. « Je n’ai pas réussi à te l’envoyer. J’ai hésité, et puis, j’ai laissé tomber. Parce que je ne savais même pas si t’en avais encore quelque chose à faire. J’avais presque l’impression de te déranger. Alors, je me suis dit que ça n’en valait pas la peine. » Camille avait conscience que ces mots n’étaient pas vraiment des mots de réconfort, et que ça n’allait que faire culpabiliser Evan, mais il voulait qu’elle sache. Il voulait qu’elle sache qu’à la base, il avait prévu de la tenir au courant, de la prévenir. Et il voulait qu’elle sache combien il était triste et affecté de l’avoir perdue. Ce qu’il ne manqua pas de souligner, en concluant d’une voix étranglée par la tristesse : « Où t’étais, Evan ? Où t’étais, quand j’avais besoin de toi et que j’avais personne à mes côtés ? Je sais que tu ne pouvais pas savoir, que tu ne voulais pas me blesser, que moi aussi, j’ai ma part de torts… Mais la seule fois où j’avais vraiment, vraiment besoin que tu sois là pour moi… T’y étais pas. » Camille avait laissé tomber le ton accusateur, et seule la tristesse et la résignation teintaient encore son discours. Il n’était plus fâché, seulement blessé et attristé.

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MessageSujet: Re: don't look back in anger [EVAN] don't look back in anger [EVAN] EmptyVen 18 Mar - 0:21

    Les mois passés à Paris avaient été incroyables. L’espace de quelques semaines, elle avait eu l’impression que tous ses soucis pourraient s’envoler en un clin d’œil, que ceux-ci n’étaient que la petite tâche d’encre au milieu de sa feuille blanche, des choses auxquelles elle ne devait pas prêter autant d’attention. Elle avait fini par croire que les choses iraient mieux, avec tout le monde, tout le temps. Pourtant, elle n’était pas optimiste de nature, plutôt l’inverse, à vrai dire, du genre à voir le verre à moitié vide et cela, même s’il était encore plein. Mais ce temps passé dans la capitale française, la ville lumière, comme on l’appelait, lui avait fait l’effet d’une soupape de pression, alors qu’elle était prête à tout laisser tomber. Mais non, cet interlude dans cette ville si incroyable avait balayé tous ses problèmes. Avait tout balayé en fait. Elle avait pris les choses au jour le jour, fait exceptionnel puisqu’elle était atteinte de control freakism, entendez par là qu’elle avait un besoin irrépressible de toujours tout contrôler autour d’elle. Elle vivait sa vie au petit bonheur la chance, ne se souciant que de l’instant présent. Plus de William qui ne donnait pas de nouvelles, de William à qui l’on prêtait une relation avec une autre qu’elle, plus de rupture par sms, plus de sms du tout, en fait. Plus rien qui aurait pu la rattacher d’une manière ou d’une autre à cette personne à laquelle elle avait tout donné, pendant bien trop longtemps, pour au final se retrouver avec un cœur réduit en miettes. Paris avait été son échappatoire, sa façon bien à elle de tourner la page, elle s’était contentée de découvrir les coins et recoins de la capitale, toujours bien accompagnée. Le temps avait filé à une vitesse incroyable, et les quatre mois s’étaient évaporés avant même qu’elle n’ait eu le temps de s’habituer à sa vie d’étudiante à la Sorbonne. Ici, le temps semblait ne pas avoir la même emprise sur elle que chez elle, aux Etats-Unis. Et elle s’était retrouvée du jour de son arrivée, au jour de son départ en n’ayant même pas fait le quart du tiers de ce qu’elle voulait. Ce qui incluait passer du temps avec tous ses amis, tout en sortant, s’occupant d’Andrea et accessoirement suivre ses cours de journalisme qui l’accaparaient beaucoup, la difficulté du français n’aidant pas vraiment. Alors elle avait pris les choses comme elles venaient, on lui proposait telle chose, elle la faisait, et ainsi de suite, sans rarement prendre d’initiative par elle-même. C’est ainsi que sa relation avec certains de ses amis en avait pâti. Car à bien y songer, encore que cela ne lui ait pas traversé l’esprit pendant sa vie parisienne, elle n’avait pas passé tant de temps que cela avec Camille. Ou Matthew. Ou Catahleen. Qui comptaient tous les trois parmi ses meilleurs amis et par conséquent avec lesquels elle aurait du passer l’essentiel de son temps. Au lieu de cela elle avait papillonné, de ci de là, flirtant occasionnellement avec des Français, étudiant, prenant soin d’Andréa, se contentant de quelques heures passées avec chacun, sans que cela ne la choque outre mesure. C’était bien là le problème, elle ne s’était rendue compte de rien. Et comme personne ne lui en avait fait la remarque, elle aurait été bien incapable de le voir.

    Ce n’était pas tant qu’Evan refusait d’admettre ses torts. Ok, peut-être un peu, peut-être beaucoup même, ce qui expliquait une fierté parfois handicapante et une rancune tenace toute aussi handicapante, dès lors qu’elle devait se réconcilier avec quelqu’un. Mais dans ce cas précis, elle n’avait aucun problème à reconnaître qu’elle avait fait les mauvais choix, au mauvais moment et que Camille avait absolument tous les droits de lui en vouloir. Car oui, elle aurait du être là pour lui. Elle avait souvent entendu dire que l’on avait toujours beaucoup d’amis lorsque tout allait bien, et plus personne lorsqu’on en avait besoin. Elle ne voulait pas être ce genre de personnes qu’elle avait toujours exécré. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait été à la place de Camille, à avoir désespérément besoin d’amis, et pour des problèmes bien plus graves que la simple perspective d’avoir quelques problèmes de couple. Et elle avait décrié un par un chacune des personnes qui n’avaient pas été là pour elle, ça ce moment-là. Et voilà qu’à présent elle reproduisait exactement le même schéma, avec elle dans le rôle de l’amie indigne. Mais reconnaître qu’elle avait été nulle n’était pas la partie la plus compliquée, c’était seulement la base, le point de départ. Maintenant, deux solutions s’offraient à elle, face à ses excuses qui bien que lamentables étaient plus que sincères. Soit Camille se retournait, dans ce couloir, lui faisait face, écoutait ce qu’elle avait à dire et acceptait de recommencer tout à zéro, ou au moins d’accepter ses excuses. Soit, il ne se retournait pas et fuyait, ce qu’il avait toutes les raisons de faire, mais en sachant pertinemment que leur amitié serait définitivement perdue.

    Evan attendit, patiemment. Le fait qu’il se soit arrêté, même s’il lui tournait toujours le dos, était un début en soi. Pas tout à fait ce qu’elle espérait, mais au moins elle savait qu’il l’écoutait attentivement. Ses paroles étaient déterminantes, un seul mot mal placé et il partirait, elle en avait la certitude. Elle finit toutefois par penser que c’était trop tard, bien trop tard. Elle ne s’était rendue compte de rien, préférant se focaliser sur des problèmes somme toute minimes, plutôt que sur les personnes sur lesquelles elle était censée pouvoir compter, et vice versa. Les secondes s’égrenèrent lentement, prenant un malin plaisir à la torturer, jusqu’à ce qu’enfin, il finisse par se retourner pour l’observer. Son regard était différent, il semblait moins en colère, plus triste, en témoignaient ses yeux rougis. « Je t’ai écrit pour te prévenir que je ne comptais pas revenir. Le jour de l’enterrement, je t’ai écrit un mail pour t’expliquer, et pour te dire que je regrettais qu’on se soit éloignés comme ça, mais que je ne t’en voulais pas… parce que ce sont des choses qui arrivent. Je n’ai pas réussi à te l’envoyer. J’ai hésité, et puis, j’ai laissé tomber. Parce que je ne savais même pas si t’en avais encore quelque chose à faire. J’avais presque l’impression de te déranger. Alors, je me suis dit que ça n’en valait pas la peine. » Elle l’écoutait attentivement, à ses yeux, cela ressemblait à un pas en avant, pour retrouver leur amitié. Elle sentait son estomac se tordre par la culpabilité, surtout lorsqu’il expliqua que ça n’en valait pas la peine. Etait-elle réellement devenue ce genre de personnes, tellement nombriliste et tellement méprisable, au point que même Camille pense qu’il ne valait pas la peine de lui raconter l’enfer qu’il devait vivre ? Apparemment. Il semblait n’avoir pas terminé son discours toutefois, et elle l’écouta attentivement une fois de plus, en se mordant la lèvre de gêne. « Où t’étais, Evan ? Où t’étais, quand j’avais besoin de toi et que j’avais personne à mes côtés ? Je sais que tu ne pouvais pas savoir, que tu ne voulais pas me blesser, que moi aussi, j’ai ma part de torts… Mais la seule fois où j’avais vraiment, vraiment besoin que tu sois là pour moi… T’y étais pas. » Que vouliez-vous répondre à ça ? Comment vouliez-vous justifier le fait que vous aviez été une amie indigne ? La moindre excuse aurait semblé complètement dérisoire comparé au reste. Elle resta silencieuse pendant quelques instants, détournant son regard, incapable de supporter ses remarques certes accusatrices, mais surtout incroyablement vraies. Elle ne savait pas quoi répondre. Oui, où était-elle, quand il avait eu besoin d’avoir son amie auprès de lui ? Elle était à Berkeley et ne se souciait plus vraiment de ce qui pouvait se passer ailleurs. Elle aurait pu l’admettre à haute voix, mais ça n’en aurait rendu les choses que plus concrètes, et plus à son désavantage grandissant. Au lieu de cela, elle tenta de nouvelles excuses, des explications encore plus minables que les précédentes qu’elle regrettait d’avoir prononcé à peine sortis de sa bouche. « Je suis vraiment, vraiment désolée. Je sais bien que j’aurai du être là, pour toi, pour te soutenir, pour te montrer que t’étais pas tout seul. Je suis devenue exactement le genre de personne que je déteste, égoïste, égocentrique, incapable d’être une amie décente. Je m’en veux terriblement, et je sais que c’est facile de dire ça après coup, parce que oui, c’est facile, mais je le pense sincèrement. J’ai honte. » Elle fit une pause de quelques secondes. Elle sentait ses yeux embués par les larmes mais se força à ne pas les laisser couler. Elle ne voulait pas qu’il ait pitié d’elle, parce qu’elle ne le méritait certainement pas. « J’ai conscience que ça ne sera pas suffisant pour me faire pardonner, mais je ne peux rien trouver d’autre, rien qui soit à la hauteur, parce qu’au final je n’ai pas de véritable excuse pour me justifier. J’ai juste été… trop obnubilée par ma vie pour me soucier de celle des autres, et j’ai eu tort. » Elle s’arrêta une nouvelle fois, plus longuement. Elle voulait voir les traits sur le visage du Français changer, elle voulait qu’il arrête d’avoir cet air triste en la regardant, elle voulait arrêter de culpabiliser parce qu’elle s’y prenait mal, faisait tout de travers, elle voulait juste… que les choses redeviennent comme avant. Si seulement ça avait pu être aussi simple que ça. Quelques mots d’excuses et tout repartait. Mais ça n’était pas près d’arriver, elle le savait rancunier et la déception était à la hauteur de leur amitié. Quelques mots prononcés dans un couloir n’y changeraient rien, elle le savait, mais elle ne pouvait pas rester là sans rien dire, aussi pathétiques soient ses justifications. « Je veux juste te dire que tu ne m’aurais jamais dérangé. Un mail m’aurait fait du bien, peut-être que ça m’aurait ramenée à la réalité et m’aurait fait sortir de mon délire d’égocentrique. Ca en valait la peine. TU en valais la peine. » Elle se tut, n’ayant rien de plus à ajouter. Elle avait tout dit, le reste, ce n’était plus vraiment sa décision ou ses choix. Finalement, une larme finit par se frayer un chemin sur sa joue, laissant une trace nette et humide. Elle l’essuya d’un geste rageur. Elle avait été suffisamment faible et pathétique ces derniers temps et elle était persuadée que la voir comme ça ne ferait qu’agacer encore plus Camille. Elle tenta de reprendre contenance, déterminée à ce qu’il en arrive à la conclusion qu’elle était suffisamment forte pour deux et pour leur amitié, et cela, même si ce n’était pas vraiment le cas.
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MessageSujet: Re: don't look back in anger [EVAN] don't look back in anger [EVAN] EmptyLun 21 Mar - 0:18



Les sentiments les plus confus et les plus contradictoires affluaient sans laisser une seconde de répit à Camille, qui avait l’impression de ne plus se reconnaître. D’ordinaire, le jeune homme était le premier à vouloir apaiser les tensions, malgré son orgueil parfois surdéveloppé, et il était extrêmement rare, voire impossible de le voir indifférent à une situation de crise comme celle-ci, d’autant plus qu’Evan avait été, pendant de longs mois, une des personnes les plus importantes aux yeux du jeune homme. Tout son corps et son esprit lui criaient de s’approcher d’elle, de la serrer contre lui et de lui murmurer que tout irait bien. Que les derniers mois avaient été difficiles à vivre mais qu’il tenterait de faire de son mieux pour que tout redevienne comme avant. Pour qu’ils redeviennent ces deux amis inséparables qu’on avait vu sillonner tant de fois les terres de Berkeley, riant à tue-tête aux plaisanteries qu’ils se lançaient, se taquinant parfois, ou passant tout simplement un moment de sérénité ensemble. Camille et Evan avaient été inséparables. Et Camille, dévoué et attaché comme il l’était, aurait été le premier à tout mettre en œuvre pour récupérer cette relation dont il n’avait quasi que de bons souvenirs. Mais son cœur semblait réticent à abandonner cette stupide bataille dans laquelle il s’était lancé, et Camille, bien que tout à fait conscient de sa bêtise, ne parvenait à se résoudre à faire comme si tout allait bien. Comme si tout le ressentiment éprouvé au cours des derniers mois pouvait passer à la trappe sans qu’il y repense une seule fois par après. Même si c’était puéril et capricieux, Camille n’y arrivait pas. Il ne désirait pourtant qu’une chose : revivre la vie de rêve qu’il avait connue en arrivant à Berkeley, une vie qui oscillait entre amitiés merveilleuses, études intéressantes, et amours bienheureuses. Les personnes qu’il avait apprises à connaître avaient rapidement gagné une place de choix dans son cœur pourtant plus que sélectif. Et Evan avait toujours été en tête de file, parmi celles et ceux auxquels il s’était attaché. Repenser à tous les moments qu’il avait passés à Berkeley, même si c’était quelque chose de douloureux car cela ne faisait que souligner combien il était malheureux aujourd’hui, était une source de réconfort. Et ce réconfort, il pourrait le retrouver en mettant son orgueil de côté, l’espace de quelques secondes, et en se dirigeant vers Evan, dont la tristesse se ressentait à des kilomètres. Mais lorsque Camille commença à sérieusement envisager cette alternative, il comprit que ce n’était pas qu’une question d’orgueil. Car même s’il mourait d’envie de voir les choses reprendre le cours qu’elles avaient à l’époque de l’échange, il comprit qu’il était encore bien trop affecté, triste et blessé que pour faire comme si de rien n’était. Comme s’il pouvait passer outre, alors que c’était tout le contraire. Ce n’était pas un manque de volonté, mais tout simplement un manque de force, de courage. Tel un personnage de Shakespeare, il se complaisait dans sa misère et, après tant de semaines passées à déprimer, il ne pouvait plus concevoir de laisser tout cela, comme ça, sans préambule, derrière lui. Camille ne se reconnut plus lorsqu’il parvint à cette conclusion. Où était passé son optimisme ? Où étaient passés sa joie de vivre, son courage et sa dévotion ? Où était passée sa compassion, qui faisait cruellement défaut alors qu’il se contentait d’observer l’expression quasiment dévastée d’Evan, et faisait de son mieux pour retenir ses larmes à lui ? Des larmes qui n’avaient aucun rapport avec elle, en plus. Non, comme toujours depuis quelques mois, Camille pleurait sa sœur. Et si Evan lui avait semblé bien plus réelle que Claire, quelques instants plus tôt, ce n’était pourtant pas elle qui lui arrachait presque les larmes qui se pressaient derrière ses yeux.

Camille avait conscience de l’impact que ses paroles avaient eu sur Evan. Elle semblait désespérée, anéantie et honteuse. Jamais il n’aurait prononcé quoi que ce soit pour inspirer de tels sentiments à un être cher. Alors, pourquoi le faisait-il ? Pourquoi ne faisait-il au moins pas l’effort de faire savoir à Evan qu’il avait l’impression d’être un monstre en agissant ainsi ? Il proférait des accusations voilées que la demoiselle prenait bien trop à cœur. Il pouvait lire la culpabilité et le remords dans son regard. Sans doute pensait-elle qu’elle était la seule fautive, peu importait la part de fautes de Camille dans l’histoire. En quelques phrases, il était parvenu à faire passer l’ensemble du fardeau sur les frêles épaules de la jeune femme. Un exploit. Mais un exploit dont il se serait volontiers passé. Son estomac se tordait légèrement alors que ses yeux ne pouvaient, à présent, plus lâcher Evan. Evan, qui, elle, semblait absolument vouloir se justifier, tout faire pour le récupérer avant qu’il ne soit trop tard. Si seulement elle savait combien, rien qu’à cause de cela, Camille se sentit un monstre de cruauté et d’indifférence… « Je suis vraiment, vraiment désolée. Je sais bien que j’aurai du être là, pour toi, pour te soutenir, pour te montrer que t’étais pas tout seul. Je suis devenue exactement le genre de personne que je déteste, égoïste, égocentrique, incapable d’être une amie décente. Je m’en veux terriblement, et je sais que c’est facile de dire ça après coup, parce que oui, c’est facile, mais je le pense sincèrement. J’ai honte. » Mais, une fois de plus, les paroles d’Evan furent vaines, car elles suscitèrent un énième retournement de situation. Ses justifications embrouillées, son ton désespéré et les dizaines d’excuses qui se mélangeaient dans ces quelques phrases attisèrent une nouvelle fois la partie sombre et colérique de Camille, qui ne pipa mot. L’expression qu’il arborait désormais semblait confirmer les dires d’Evan, comme s’il voulait lui faire savoir qu’il y avait de quoi avoir honte. Tout comme les paroles de Camille étaient parvenues à faire grandir la culpabilité d’Evan, celles de la jeune fille confortaient Camille dans sa rancœur et son amertume. Et cela, alors que quelques secondes plus tôt, il avait eu envie de la serrer contre lui et se haïssait de n’avoir pu s’y résoudre. « J’ai conscience que ça ne sera pas suffisant pour me faire pardonner, mais je ne peux rien trouver d’autre, rien qui soit à la hauteur, parce qu’au final je n’ai pas de véritable excuse pour me justifier. J’ai juste été… trop obnubilée par ma vie pour me soucier de celle des autres, et j’ai eu tort. » Une nouvelle fois, s’il s’abstint de répondre, il ne manqua pas d’afficher une expression plus qu’en accord avec les paroles d’Evan. Oui, elle avait eu tort. Plus qu’elle ne pouvait l’imaginer. Lui aussi avait mal agi. Mais la différence cruciale, aujourd’hui, était qu’elle faisait des efforts considérables pour tout réparer, alors que lui se contentait de la blâmer et de regretter de n’être capable de fournir le moindre effort pour la rassurer. L’égoïsme, qui n’avait pourtant jamais fait partie du tempérament du jeune homme, s’était répandu en lui comme un venin puissant et omniprésent. Cet égoïsme l’empêcha de penser à autre chose que les paroles de la jeune femme, et de prêter attention à son expression triste et désemparée. Elle se disait qu’elle l’avait déjà perdu. Alors que Camille mourait d’envie de la retrouver, mais semblait chercher n’importe quel prétexte pour ne pas le faire.

« Je veux juste te dire que tu ne m’aurais jamais dérangé. Un mail m’aurait fait du bien, peut-être que ça m’aurait ramenée à la réalité et m’aurait fait sortir de mon délire d’égocentrique. Ca en valait la peine. TU en valais la peine. » Ces dernières paroles vinrent frapper Camille avec une force dont avaient été dépourvues toutes les autres phrases qu’avait proférées Evan. Camille la regarda longuement, avec bien plus d’émotion qu’auparavant. Toute sa colère s’évanouit lorsqu’il perçut une larme, solitaire mais bien visible, couler de son œil le long de sa joue. Elle avait craqué, alors que lui, à force de se retenir, ne ressentait plus aucun besoin de pleurer. Cependant, loin de l’énerver, cette larme aussitôt essuyée avec une fureur bien perceptible toucha Camille. Il sentit son estomac se retourner, alors que ses yeux se plissaient, non pas de colère ou de scepticisme, mais de tristesse et de culpabilité. Jamais il n’avait voulu pousser Evan aux larmes. La voir dans cet état le fit brusquement redescendre sur terre. Il redevint aussitôt Camille, tel qu’il l’avait toujours été. Ce jeune homme incapable de rester indifférent au malheur d’autrui, et qui préférerait mourir que de blesser les personnes qu’il aimait. Car c’était bien de l’amour, fraternel mais pas moins fort, qui avait animé son cœur à l’égard d’Evan au cours des mois pendant lesquels ils avaient été amis. Jamais la moindre ambiguïté n’avait existé entre les deux jeunes, tout simplement parce que la perspective même de sentiments autres qu’amicaux ou fraternels leur avait semblé absurde et manquer de naturel. Evan avait été comme une seconde famille pour lui à Berkeley, elle avait partagé toutes ses joies et ses peines lorsqu’il était en Californie. Ils s’étaient peut-être éloignés, mais peu importait le responsable de cet éloignement. Camille le savait, il n’avait qu’une chose à faire, et c’était tout mettre en œuvre pour réparer les dégâts qui avaient été causés entre eux, peu importaient les efforts et la patience qui seraient nécessaires à cela. Camille n’avait encore jamais renoncé à une amitié parce qu’il y avait une étape difficile à franchir, et ce n’était pas maintenant que cela changerait, surtout pas s’il s’agissait de sa meilleure amie. Evan comptait bien trop pour être effacée de sa vie comme ça, sans autre cérémonie. Elle avait toujours bien trop compté pour cela. Camille se haït d’être aussi égoïste et insensible. Il eut envie de se gifler tant il était répugné par le comportement qu’il avait adopté au cours des dernières minutes. Il ne savait pas ce qui l’avait pris d’agir ainsi. Il était peut-être triste et avait été anéanti par un événement qui aurait changé n’importe qui. Mais ce n’était en aucun cas une excuse, du moins, une excuse valable. Evan méritait bien mieux que cela, et Camille le réalisa en voyant cette larme, témoin de toute la tristesse qu’il avait suscitée en elle, rouler le long de la joue de son amie. Il s’approcha alors d’elle, l’air bien plus doux et lui-même, tout simplement, qu’il y a quelques instants seulement. « Oh, non, non, non, Evan, ne pleure pas… » Sa voix aussi s’était considérablement adoucie, abandonnant ce ton dur avec lequel il s’était exprimé auparavant. Camille regarda son ami, l’air désemparé. Il chercha ses mots, pour ne pas minimaliser l’histoire mais pour faire cependant le nécessaire pour rassurer Evan. « Moi aussi, j’étais préoccupé par mes problèmes. Je voulais qu’on prenne de mes nouvelles… je voulais que vous vous doutiez que quelque chose n’allait pas. Mais logiquement, je n’ai pas à vous en vouloir, ni à toi, ni aux autres. » Ca, c’était pour la partie rassurante. Mais Camille poursuivit aussitôt, histoire de ne pas paraître trop contradictoire et de clairement exprimer ce qu’il avait sur le cœur. « Mais je ne peux pas m’empêcher d’être triste, d’avoir eu l’impression d’être enfoncé en voyant que personne ne semblait s’en soucier. J’avais vraiment besoin de toi, Evan… C’est uniquement parce que tu comptais tellement pour moi que je t’en ai voulu, parce que je t’ai toujours vue comme la dernière personne au monde qui pourrait me faire du mal… » Il soupira, baissant les yeux, un petit sourire triste et résigné dessiné sur les lèvres. « Je n’avais pas le droit de te blâmer sans me mettre dans le même plat. Mais je… je sais pas. Je pensais que tout le monde capterait mon appel à l’aide, je pensais que tu le capterais. Mais c’est moi qui me suis trompé… et je me suis emporté. Je n’ai jamais voulu te contrarier ou te blesser – j’avais juste besoin d’exprimer toute la frustration et la tristesse que ces mois de silence ont créées. » Il avait conscience qu’une fois de plus, il était en train de tout ruiner, et que ce qu’il disait, loin de rassurer Evan, n’allait sans doute rien faire d’autre qu’empirer les choses. Mais il ne pouvait pas lui mentir. Il ne pouvait pas se contenter de lui révéler une partie de la vérité sans y ajouter le reste. Il voulait être sincère, il voulait qu’elle sache tout. Même si c’était douloureux, cela ne pourrait être que mieux digéré par la suite. Alors, il s’était décidé à tout lui dire, du début à la fin. Mais il avait adopté un ton bien plus doux, exempt de tout reproche, contrairement aux autres remarques qu’il avait adressées à Evan, qui, bien qu’accusatrices uniquement de manière implicite, n’avaient laissé aucun doute quant à la rancœur du jeune homme. Mais celle-ci s’était envolée. Camille n’allait sans aucun doute pas bien, mais à la vue de cette larme sur la joue d’Evan, il s’était décidé à ne pas s’entêter dans sa colère. Les choses n’étaient pas arrangées entre eux, mais pour la première fois, il venait de faire un pas un avant – même si celui-ci était plus que bien déguisé.

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