Peut-être qu’en fin de compte, c’était elle, la fautive, dans cette histoire. Au fond, elle était consciente qu’elle avait sa part de responsabilité dans ce fossé qui s’était rapidement creusé entre elles ; elle avait, finalement, contribué à leur éloignement. Bien qu’elle ignorait le lien qui unissait Lia et Keven, elle savait qu’elle ne pouvait utiliser cet argument en sa faveur. Cela n’excuserait en aucun cas son comportement envers le jeune homme, qu’elle avait désormais depuis plusieurs mois. Tout ça à cause d’un cellulaire perdue, chaussure dorée de Cendrillon perdue qu’il lui avait gentiment rapportée ; et, en échange, au lieu d’un baiser, elle l’avait immédiatement utilisé, en bonne version moderne et pétasse de la blondinette de conte de fées qu’elle était. A première vue, elle semblait coincée, prise la main dans le sac, sans aucun échappatoire; Pourtant, elle ne semblait pas s’en soucier, s’amusant même de cette situation. Après tout, ce n’était pas la première fois qu’on lui reprochait une chose de ce genre. Le seul argument plausible qu’elle avait en tête pour défendre son attitude était simple et en même temps complexe…elle était ce qu’elle était, simplement. Elle ne pouvait pas, n’allait pas changer pour les autres. Autumn, c’est l’une de ces personnes impossible à comprendre, toujours à la recherche de quelque chose d’inconnu, toujours cette étincelle dans ces yeux, tantôt maligne, tantôt mystérieuse. Si son amie, enfin, peu importe ce que soit Lia désormais pour elle, lui demandait de changer, elle lui demandait d’être une personne qu’elle n’était pas. Cela peut paraître horrible à dire, mais pourtant, c’était la triste vérité.

De plus, Autumn pensait réellement que Lia la jugeait un peu trop. Les amis n’étaient-ils pas censés écouter nos problèmes, compatir, et surtout, jamais au grand jamais juger ? Sourcils froncés, écoutant parler Lia, chacun de ses mots emprunts d’une sorte de jugement insupportable, Autumn commença réellement à se demander si, toutes les deux, elles avaient déjà été amies. Vraiment, dans le vrai sens du terme, comme lorsque l’on partage beaucoup, on passe ses soirées à feuilleter des magazines en se moquant des formes des mannequins, on pleure ensemble devant des épisodes de séries des plus niaises, on se prête des vêtements, et surtout, on n’hésite pas une seconde à appeler l’autre et à se confier à elle lorsque ça ne va pas, ou simplement lorsqu’une furieuse envie de parler nous prend. Toutes les deux, elles n’avaient jamais été amies, en fin de compte. Elles n’avaient jamais partagé toutes ces choses, elles se contentaient d’aller à quelques soirées, leurs discussions étaient très limités, car un fossé de départ les séparait déjà. Autumn avait espéré que, par un quelconque miracle, ce petit fossé se couvrirait d’une enjambée. Cependant, il n’avait fait que s’élargir depuis qu’elles se connaissaient. Et, maintenant que la raison lui apparaissait devant les yeux, elle ne savait que dire, que faire. La retenir, essayer de sauver cette amitié de toute façon vouée à l’échec, ou les regarder tomber toutes les deux, sans faire le moindre geste ? Elle ne faisait que tomber, ces derniers temps. Une chute de plus ne représentait rien, pour elle. Et son amitié avec Lia, apparemment, ne comptait pas, ou plus vraiment.

La jeune femme du se mordre l’intérieur de la joue pour se retenir de hurler, de cracher le venin qu’elle tenait en elle depuis trop longtemps, bien destiné à quelqu’un d’autre que Lia. Elle venait bien de la traiter d’idiote, là ? Autumn aurait parié tout ce qu’elle possédait, elle aurait même juré sur sa vie qu’elle l’était beaucoup moins que cette étrangère, ancienne amie qui se mettait à l’insulter sans raison aucune. D’accord, elle avait un peu utilisé son ami, mais ce n’était pas une raison. Si c’était justement Keven qui en venait à l’insulter, elle aurait compris, et accusé le coup ; mais là, venant le Lia, elle le supportait à peine. Essayant de maîtriser le tremblement de ses mains, elle fixa sans ciller le tableau au-dessus de la tête du petit garçon, qui ne représentait absolument rien. Couleurs sombres et claires à la fois, mélange de noir et de rouge pétant. Collant parfaitement à son humeur. Massacrante. Elle leva les yeux, avant que Lia ne reprenne son discours. « T’es qui, pour me traiter d’idiote ? Tu ne me connais même pas ! C’était vrai, en fin de compte, Lia ne la connaissait pas tant que ça. Elle n’avaient pas passé tellement de temps ensemble, c’était limite si elles étaient des étrangères l’une pour l’autre. Elles savaient quelques « bases » disons, mais ça n’allait pas plus loin. Et c’était ça, leur « amitié » ? Sa voix s’était transformé en hurlement, résonnant dans toute la pièce, se répercutant sur tous les murs, effrayant Shown. Reprenant un ton normal, elle poursuivit. Ça te sers à quoi, de me dire tout ça, tu m’expliques ? Merci, merci d’avoir constaté que j’utilisais habilement ton ami, si cher à ton cœur, mais ça, je le savais très bien. Je suis consciente de ce que je fais, je ne vais pas changer mon attitude pour toi, si c’est-ce que tu attends. » Poussant un soupir, elle la laissa poursuivre. Qu’aurait-elle fait, dans son cas ? En voilà, une bonne question. Prise de court, Autumn resta muette comme une carpe, laissant les questions en suspension dans l’air, le calme envahissant encore d’interminables secondes la salle. Levant les yeux vers Lia, elle essaya de calmer la lave brûlante qui montait en elle, signe de l’éruption éminente, qui n’allait pas être jolie-jolie. « J’apprécie ton honnêteté, Lia, et je suis contente de pouvoir mettre enfin une explication sur ton comportement de ces derniers temps. J’aurais explosé bien avant toi, à ta place, »ajouta-t-elle, laissant échapper un rire plus léger, essayant de calmer l’atmosphère. Que diable lui arrivait-elle ? Était-elle en train de laisser tomber, d’accepter les paroles que lui avaient violemment assenées Lia ? Rendait-elle les armes ? Autumn ne savait pas si elle serait capable d’arrêter son petit jeu avec Keven, juste pour sauver une amitié, qui, dès le départ, tenait sur le fil du rasoir. Cependant, la dernière réplique de Lia prouvait bien qu’elle tenait un minimum à elle. Qu’elle ne souhaitait pas tout détruire, du moins pas tout de suite. Autumn cligna des paupières, en proie à un profond dilemme. La partie d’elle-même qu’elle connaissait par cœur, mourrait d’envie de l’envoyer se faire voir sur-le-champ. Après tout, perdre l’amitié de Lia n’était pas la chose la plus grave qui pouvait arriver, c’était loin d’être un drame pour lequel elle passerait trois heures à pleurer, allongée sur son duvet. Mais une autre partie d’elle-même qu’elle n’imaginait pas exister lui disait de tenir le coup. Que, si ça se trouve, elles termineraient de très bonnes amies, après avoir mis cette dispute entre parenthèses. De plus, ces derniers temps, utiliser Keven ne ressemblait plus à une « corvée », elle ne l’appelait plus uniquement lorsqu’elle n’avait personne avec qui sortir, ou pour échapper à un lousy date. Elle s’était rendu compte qu’elle appréciait de plus en plus passer du temps avec lui. Il était passé de « celui que j’appelle en dernier recours » à « celui que j’appelle en dernier recours mais qu’en fait j’apprécie bien, plus que je ne veux l’admettre ». Alors qu’elle s’apprêtait à ouvrir la bouche, des paroles de Lia lui revirent en mémoire. « je n’arrive pas à être amie avec une personne qui fait du mal ou qui peut faire du mal à un ami encore plus important. » Qu’était-elle, donc, une personne qui ne signifiait donc rien ? Avait-elle donc déjà décidé que tout était terminé ? Bien que, au fond, elle ressente la même chose, elle ne put s’empêcher d’ouvrir la bouche. Un peu dégueulasse de sa part, mais c’était Autumn. On ne la change pas. « Apparemment, tu as déjà choisi les amis les « plus importants » dit-elle, agitant ses doigts en l’air pour signaler les guillemets. Autumn fut prise de l’horrible impression que Lia n’attendait que cela. Qu’elle fasse une erreur, pour qu’elle n’aie plus à passer du temps avec elle, à la rayer définitivement de sa liste. Elle la surveillait depuis un bout de temps, apparemment ; elle regardait l’évolution de sa relation avec Keven, attendant sans doute le moment où tout s’arrangerait avec anxiété, n’ayant pas la moindre envie que tout s’arrange. De toute manière, t’as pas l’air d’être dévastée par cette perte, tu ne devais attendre que cela. Tu me traites comme une moins que rien, tu me juges sans doute depuis le début. Je ne changerais pas, pas pour toi. Je ne fais rien de mal, plus maintenant. Mais ça ne sers à rien, que je te dise cela. Tu m’as déjà jetée dans une boite dans laquelle j’entre tellement bien, non ? Elle haussa les épaules. Peu importe. Si t’étais incapable de te confier à moi plus tôt, incapable de répondre à la moindre de mes invitations, je ne vois pas à quoi cette amitié était vouée. » Saisissant son sac, elle se leva du banc, prête à partir, et à mettre un terme définitif à cette amitié. Elle ignorait si elle faisait le bon choix ; si elle aurait dû s’excuser, changer son comportement, elle-même ne savait même plus qui elle était ces derniers temps. Alors, savoir qui étaient ses véritables amis dans tout ce fouillis…en tout cas, elle estimait que Lia ne faisait pas, ou plus, partie de ces personnes. Puisqu’elle semblait faire tout le contraire de ce que, pour elle, les véritables amis font.

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