Son père avait l’esprit de contradiction, ou ce besoin incessant de continuellement avoir le dernier mot. Un truc de chef d’entreprise, ou d’adulte, Sacha ne savait pas trop. En tout cas, s’il tentait de faire de l’humour, il n’était absolument pas drôle. Rien de plus agaçant d’entendre quelques rabâcher des choses sur une peur que l’on tentait de contrôler et refreiner. Peut être est-ce une forme de vengeance pour l’ascenseur ou autre petite chose dans ce genre. Peut être…  Dans un sourire forcé, Sacha desserra les doigts de l’accoudoir. Evitons d’abimer un avion qui coûte probablement bien plus cher que l’ensemble des frais qu’il avait pu causer à sa mère durant toute sa vie. Il ne saurait comment rembourser. James insistait lourdement autour de cette crainte de l’avion jusqu’à pousser le vice. Sacha avait l’habitude d’utiliser l’humour pour se sortir de ce genre de situation complexe et préférait voir dans l’attitude de son paternel une forme maladroite d’attention et d’intérêt. D’ailleurs, Sacha n’écoutait déjà plus personne. Concentré sur le hublot et les nuages au alentour, la sigma se perdait en contemplation utile à calmer ses inquiétudes.  

« Ouais, ouais… » Laissa passer Sacha en secouant la tête alors qu’il semblait tourner frénétiquement les pages d’un guide touristique.  « M’man et moi, on s’occupera pendant que vous bossez. A ce qui paraît il y a des fantômes dans les vieilles maisons là bas. Ils font même des nocturnes pour visiter certains monuments. Et puis ça tombe bien c’est pile les dates du festival de rue. Je suis sûr que tu vas adorer ça M’man. Pleins d’artiste dans les rues : des clowns, des chanteurs, des comédiens, des peintres, des danseurs et même des … traves…tis. »

L’enthousiasme semblait avoir fait une chute pharamineuse en deux secondes à peine pour laisser tomber le dernier mot avec un air décontenancé. Le nez froncé, Sacha avait l’air de s’interroger sur la réalité du fait. Est-ce que le bouquin lui faisait une blague ? Il le retourna même pour voir le nom de l’auteur et examiner la petite photo à l’arrière. Oh Mon dieu !!! L’auteur était sérieux ! C’était comme tomber à la gaypride à Paris ! Sacha allait suivre sa mère de près, très près ou il risquait de finir encore au mauvais endroit au mauvais moment !

Rendez vous à l’hôtel. Une conversation complexe entre James et un homme dont Sacha ignorait le nom se déroula non loin. Ils parlaient une langue étrange que le brave petit s’imagina être un dialecte local. La suite avait tout pour plaire et plus encore. Sacha admira un instant les lieux, s’interrogeant sur divers points que nous passerons sous silence : mécanique, densité et autre réjouissances que seul un intello geek pouvait imaginer !

« Wouah… C’est immense ! »

Les yeux pétillent et quoi de plus normal. En revanche, il allait se poser un moment. L’avion, le taxi et autre transport l’avaient retourné.

***

La veille Sacha avait eut une discussion animée avec sa mère. L’ensemble avait particulièrement mal commencé. Les explications autour du divorce de Kitty avaient agacé Sacha, qui, rapidement, s’était mis en colère. Déboussolé, le garçon n’appréciait plus grands choses de cette bulle irlandaise, comme si on l’avait coupé du monde pour lui jeter à la figure le surplus de choses qui avaient été retenues durant trop de temps. Aussi, tout tournait dans son esprit. Parfois des bribes de conversation lui revenaient en tête.

« Et biien . . tu sais . .  tu penses aimer une personne et au final . .  même des années après tu te rends compte que tu ne l'aimes plus . . » avait elle osé prétendre dans un murmure.

« Non mais j'ai plus 2 ans là... les explications de ce genre c'est dépassé! » S’était il agacé, loin de son ton plaisantin dont il avait l’habitude.

« Tu t'attends à ce que je te réponde quoi ? Ton beau père je ne l'ai jamais réellement aimé . . j'aimais juste ne pas me sentir seule . .  mais tu ne peux pas comprendre ça Sacha . . t'es encore trop jeune .. » Avait elle fini par se justifier.

Cette réplique tournait en boucle dans son esprit. La goutte d’eau qui avait fait déborder le vase. Il avait supporté Kyle parce que sa mère l’aimait, parce qu’il savait qu’elle n’aurait pas fait venir n’importe quel inconnu dans leur vie. Aujourd’hui, elle prétendait ne pas  éprouver de sentiments pour cet homme, du moins pas les bons. Pourtant, c’était lui, Sacha, qui avait passé plus de temps avec Kyle que Kitty. Alors il avait reproché à sa mère son absence, lui avait conseillé de se prendre un jouet au lieu d’humain et le ton était  monté jusqu’à devenir trop amer. Il en avait assez des sourires hypocrites que James et Kitty se balançaient à longueur de journée, des pics doucereux qu’ils se jetaient à la figure comme si c’était les meilleurs compliments au monde. Il avait besoin d’authenticité.
« Non mais tu t'entends parler !? Tu sais à qui tu t'adresses ? Je suis ta mère Sacha, et tant que je serais en vie jamais tu hausseras le ton contre moi tu m'entends?! Nan mais je te reconnais plus ! Tu fugues de la maison, je viens te chercher et c'est ainsi que tu me remercies ?! mais tu te vois là ? on dirait ton père !» Le débat avait été relancé par Kitty.

«  Me connaître? Mais est-ce qu'on se connait, hum? Au milieu de tous tes mensonges, est-ce qu'on se connaît vraiment? C'est pas une soirée pizza une fois par semaine et une rencontre programmé dans le mois qui créent des liens vois-tu et à la maison, c'était Kyle qui m'éduquait. Alors vois-tu, s'il y a un air de ressemblance, il ne faut pas se demander pourquoi. »

Malheureusement, il n’avait pas reconnu James comme père à l’énonciation de ce statut, mais Kyle. Cet homme l’avait élevé, durement, presque trop méchamment, mais Sacha ne pouvait faire autrement. Après tout, sa vie avait dépendu de lui à de nombreuses reprises et une forme de lien avait fini par se tisser, un lien qui effrayait Sacha autant qu’il le rassurait. Finalement, mère et fils ne semblaient plus se reconnaître. Peut être que cette fugue avait changé trop de choses en eux. Sacha avait grandi et s’assumait maintenant seul : étude, frais scolaire et hobbies. Kitty reprenait une nouvelle vie. Chacun avait commencé à faire son nid.

« dis le moi . . si tu veux que je reparte à new york . . ? » Avait-elle annoncé sur le pas de la porte.
Emmitouflée dans son châle noir, elle avait semblé presque fragile. Pourtant, Sacha ne s’était pas laissé attendrir.

« Quoiqu'il advienne tu restes ma mère et je n'ai pas l'intention de t'imposer quoique se soit. Tu as toujours été où tu voulais, pourquoi est-ce que ca changerait maintenant? Mais je n'ai pas l'intention de vivre comme tu le faisais: caché. Et ça, si ca ne te plait pas, alors oui, je veux que tu rentres à New York »

« bonne nuit, je t'aime poussin . . . » Avait elle terminée en s’approchant de sa joue pour un baiser.

S’il n’avait pas rejeté sa main, il avait néanmoins refusé le contact de ses lèvres sur sa peau. Non, il avait besoin de respirer et de distance.

« Ouais, moi aussi. »

La conversation s’était terminée ainsi : mal. Sacha n’avait pas pu dormir de la nuit, bercé par trop de questionnements, de colère et d’émotions en pagaille. Il supposait que sa mère n’avait pas fait mieux. Au matin, les retrouvailles ne furent guère mieux. Le matin le poussa hors de sa chambre. Nez à nez dans le couloir, Sacha  salua Kitty pour un silence pesant en retour. L’ascenseur serait peut être plus propice à un échange ?

« Alors? Comment est-ce que tu comptes t'organiser à présent?» Demanda Sacha sans arrière pensée.  «  Même si la propreté des hôtels te tiens à cœur, vivre au sein de l'une d'elle ne semble pas agréable. »

Première tentative pour briser la glace… De toute façon, une nouvelle dispute ne serait pas la bienvenue et la nuit ne lui avait en rien portée conseil. Peut être lui en faudrait il une de plus. Malheureusement, il n'avait pas envie de passer une journée à éviter de parler et à tirer la tronche alors qu'ils se trouvaient en Irlande et que James n'avait rien à voir dans l'histoire. Enfin presque. Inutile de lui en faire payer les pots cassés.

« J'emménage chez Daniel, un ex d'avant James que j'ai revu il y a peu de temps. .  2 jours si je me souviens bien . . il m'a proposé de loger chez lui quelques temps » Déclara Kitty avait décidé de parler à son fils comme à un adulte depuis que Sacha l’avait exigé.

Le gamin ne su que dire. Il n’aimait déjà pas de ce Daniel qui avait probablement fait tourner la tête à sa mère. Il n’aimait pas plus l’idée qu’elle dorme chez lui. Il se sentait de plus en plus mal.

« C'est toujours plus agréable que l'hôtel. » Finit-il par accorder afin de ne créer aucun conflit.

Mais ses yeux s’écarquillèrent lorsqu’elle appuya sur le bouton arrêt de l’ascenseur.

« je sais que tu m'en voudras toute ta vie Sacha . . J'ai pas été une mère présente, et une mère absente c'est pas une mère . . en plus de ça je t'ai caché ton père biologique et maintenant je t'annonce tout ça alors que tu dois avoir d'autres choses à penser que les problèmes d'une femme capricieuse . . Tu peux m'en vouloir, me faire la gueule, mais je t'en prie Sacha, ne deviens pas un petit con »

Il avait écouté, ou presque. Une boule d’angoisse venait de se loger dans sa poitrine pour mieux lui serrer les tripes. Il allait étouffer. Il se sentait à l’étroit, comme si les parois se resserraient. Inspirant profondément pour prendre sur lui, il débloqua l’ascenseur.

« Qui sait ce que l'avenir nous réserve? Gardons un drame pour les prochaines 24 heures. J'ai eu mon compte pour le moment. »

Mais Kitty s’entêtait et bloquait à nouveau l’appareil. Elle voulait sa mort ou quoi ? Elle allait finir par réellement bloquer ce putain d’appareil !

« j'ai pas finis ! Je change d'avis ! non tu peux pas me faire la tête ! j'aime pas quand tu me parles plus ! j'aime pas quand tu m'en veux Sacha  ! »

La sensation d’oppression reprit si rapidement que Sacha s’interrogea sur les raisons de cette peur grandissante. Il avait déjà été coincé, avec James, dans un ascenseur et rien ne l’avait inquiété. Pourquoi, maintenant, l’idée que l’appareil se bloque le perturbait ? Peut être est-ce parce que Kitty, elle-même, l’avait bloqué ? Qu’importe, il allait mourir si ce truc ne s’ouvrait pas.

« M'man, faut vraiment que j'aille déjeuner là...  Je te parle, tu le vois bien.»

Il préférait mettre son mal être sur le compte de la faim et de sa petite nuit. Kitty fini par céder et laissa l’ascenseur arriver à destination, suivant son fils, la tête basse. Ils devaient retrouver James en bas pour aller dans un endroit que Sacha particulier. Alors ainsi soit-il.

« Je me demandais si Boulix allait supporter le voyage. » Répondit Sacha en déposant son jouet au sol.

Boulix. Kitty ne pouvait que connaître la boule métallique en forme de chien qui servait de robot à Sacha. La machine se présentait en deux formes. Celle d’intérieure qui arrivait facilement à mi-mollet, et celle actuelle, d’extérieure, qui faisait un peu plus que la taille d’un poing. La chose avait été conçue par Sacha alors qu’il avait onze ans. Depuis, elle avait subit de nombreux changements et Kitty avait supporté les expériences ratées de la chose.  Au départ totalement stupide, proche d’un tamagotchi, Boulix avait commençé à développer des aptitudes plus complexes, comme rapporter le journal, émettre des ondes sonores intenables en cas d’intrusion et électrocuter tel un taser toutes personnes tentant de faire du mal à Kitty, appeler les pompiers en cas d’incendie ou d’accidents (très nombreux quand on connaissait Sacha) et autres réjouissances. A présent, il ressemblait à une boule avec quatre roues, deux oreilles, une truffe et une petite queue. A savoir que parler de sa machine permettait toujours de relancer la discussion avec le rouquin. Même fâché, il adorait s’occuper de sa boule métallique, même si, pour l’instant, le garçon semblait encore à moitié endormi. Son cerveau devait être en pilote automatique depuis la sorti de l’ascenseur. Il lui fallait du sucre et peu importe ce que pouvait faire sa machine. Actuellement, la chose tournait autour du pied de table, pile à l’endroit où James avait déposé le journal. Boulix avait été programmé pour rapporter le journal. Il l’avait détecté et tentait à présent de l’attraper. Inutile de préciser que la table demeurait trop haute pour l’engin. Aussi, elle s’arrêta à côté de James pour réfléchir tout en ronronnant comme un chat devant une pelote de laine.

A la question de James, Sacha laissa tomber la malheureuse tartine qu’il avait commencé à tremper dans il ne savait quoi d’ailleurs.  De l’eau chaude ? James venait de lui couper l’appétit.

« Ouais, Boulix fait sa crise d’adolescence. Ce n’est pas facile tous les jours. » Ironisa Sacha alors qu’à l’évocation de son nom, la boule tournait les roues pour partir en direction de Sacha. « Je vais le promener avant qu’il tombe en rade. Si vous le cherchez, je suis 150 mètres Nord, Nord Est plus loin. »

Et Sacha se redressait pour quitter la table, suivi de près par son engin. La chose attrapa, à l’aide d’une pince présente dans sa truffe, le journal abandonné sur le bord de la table avant de s’enfuir à toute vitesse en direction de Sacha. Un programme, restait un programme.

** Deux heures plus tard**

Sacha avait poussé le mode veille sur son robot afin qu’il supporte mieux le trajet. Le garçon supposait que l’engin ne tiendrait pas le choc de trop de monde et de rencontre familiale. La machine risquait d’appeler la police pour agression si Kitty avait le malheur d’être prise dans les bras de quelqu’un d’inconnu pour le chien. Aussi, en sortant de la voiture, Sacha tenta de faire passer la boule de stress présente dans son estomac. Mais cette dernière sembla muter pour envahir sa gorge et son bas ventre. En posant pied à terre, il se contenta d’un sourire puis d’une main dans le dos de sa mère, comme pour la rassurer, lui rappeler qu’il était là malgré tout.

Ainsi, c’est vous.

Sacha se raidi légèrement, prêt à mordre si quelqu’un venait à toucher sa mère. Mais les choses tournèrent plus agréablement que l’interpellation n’avait laissé deviner. Maigrelet ? Sacha était un joueur de cross. Il avait la masse musculaire nécessaire à ce sport. Evidemment, on ne pouvait pas le comparer à un homme d’âge plus avancé. C’était injuste. Le corps n’est pas facile à modeler à son âge, qu’importe les efforts fournis. Alors qu’après les politesses d’usages, une petite plaisanterie bien sentie naissait entre ses lèvres un hurlement fit sursauter Sacha. La tête pivota aussitôt en direction de sa grand –mère.

Ohh mon fils, comme tu es devenu grand et fort.

Aussitôt, Sacha pensa au conte. Oh, mère grand, comme tu as de grandes dents. Un sourire idiot passa sur ses lèvres à cette évocation. Ramené sur terre par une poigne forte sur ses épaules, Sacha sourit, mal à l’aise. Les contacts physiques subjuguaient le garçon, trop maladroit pour ce genre de démonstration. Seule Kitty avait ce droit et pouvait obtenir des marques d’affections de son fils. Il était grand maintenant, et surtout trop peu coutumier de l’affection père et fils ou grand-père et fils. Son beau père restait un homme froid et distant, même s’il avait fourni le nécessaire à Sacha pour vivre : soin médicaux, nourriture, logement… Bien sûr, Sacha appréciait les contacts et l’affection mais il ne savait pas la gérer. Affamés ? Toujours maintenu par son grand père, Sacha osa une plaisanterie.

« Tant que c’est pas nous que l’on cuisine ! »

Cuisiner autant dans le sens se faire manger au sens strict du terme, manger du regard, manger pour une agression, mais aussi cuisiner pour les questions qui risquaient de lui tomber sur le coin de la figure. Allaient-ils passer un interrogatoire en règle ?

« C’est aujourd’hui que ma tante et mon oncle nous attendent. Ils habitent à Belfast. On en a à peu près pour deux heures de route. Mac va rester ici, il reste deux trois petites affaires à régler. » Le malaise. C'était pas les vacances de mes rêves, la famille de James. Je les imaginais tous comme lui, et j'avais bien peur d'en baver. Je n'arrive pas à terminer mon petit déjeuner, je me prépare psychologiquement au choc.

***Deux heures après***

La campagne ! A perte de vue, des champs, des arbres, des vaches ! Je ne pensais pas qu'il venait d'une famille de paysans, j'avais les idées arrêtées, ou je semblais  les avoir, mais c'était toujours en ce qui concernait James, je cherchais toujours des points faibles ou des vacheries à lui balancer. Mais je dois dire quand ce moment, j'étais plutôt stressée que joueuse, c'était à son avantage, lui paraissait serein, voir bien heureux. Ce stress, je le sentais aussi chez Sacha, mon pauvre, après tout il était largement plus concernée que moi. Devant la famille O'Malley il était le fils de James, moi j'étais juste la génitrice. J'espère juste ne pas recevoir leurs foudres. Après tout, si on était venu dans ma famille, James ne serait jamais revenu, mon père l'aurait tué dès la sortie de la voiture.

En parlant de sortie de véhicule, mes talons s'enfoncent grossièrement dans la terre boueuse. Et merde. Il aurait pu me prévenir, ou alors c'était justement pour m'embêter encore un peu. Je le maudis en tentant d'adopter une démarche plus pratique à ce type de terrain, la famille sort et c'est l'heure des embrassades. Je sens la main de Sacha dans mon dos, ça me soulage. Il devient grand mon petit, avant il se cachait dans mes jambes devant l'inconnu, et aujourd'hui c'est une main d'homme que je sens dans mon dos. Ca me réchauffe le coeur. Puis je sors de mes pensées, on m'observe. « Ainsi, c’est vous. » Aie. Mon regard fait des aller-retour entre l'oncle, Sacha et James qui doit jubiler de cet instant. Puis contre toute attente, le voici qui me tire brusquement vers lui pour m'embrasser les joues, je ris doucement, nerveusement même. « Haha oui, c'est moi, haha » Coincée, oui c'est le terme. Je le laisse rencontrer Sacha. Je trouve le moment touchant, mais je ne mettais pas méfiée, derrière, la tante ! Elle me toise sans aucune gêne, je lui souris poliment, plutôt forcée pour faire bonne impression, mais elle ne loupe pas de remarquer mes talons et de me lancer une petite blague.

Haha oui enchantée   . .  Je sais de qui James tient maintenant

Je l'observe, je le maudis de ce séjour dans sa famille, j'étais prête à encaisser toutes les blagues et piques, et puis j'avais Boulix dans mon camp !

On entre dans la demeure, je ne peux m'empêcher d'observer la décoration, un peu kitsch, mais réellement plaisant à observer, les yeux ne peuvent s'arrêter sur un élément, l'ambiance est chaleureuse, tout ce que je pouvais attendre d'un foyer irlandais en somme. Et puis la fibre artistique dans les veines, je ne pouvais m'empêcher de remarquer la décoration typique du pays, curieuse et impressionnée par l'endroit. Je les suis derrière, ne voulant pas déranger ce séjour davantage. Je serais silencieuse et me ferait toute petite s'il le fallait. Je m'arrête devant les photographies cadrées sur un meuble dans le grand salon, et là je bloque sur une en particulier. James, quand il était encore adolescent, au moment où je l'ai rencontré, le revoir comme ça me perturbe un peu, nostalgie et j'affiche un petit sourire en me redressant.

J'étais en train de chercher des photos de toi embarrassante en fait - m'adressai-je vers James, amusée, un clin d'oeil vers sa tante qui, je l'espère, complice.

Un bras s’attachait à lui pour le transporter vers l’inconnu. Qui possédait ce membre embarrassant ? Un inconnu… Pour changer.

« C’est Jarvis. » Et oui, cher papounet, CA avait un vrai nom. « Enfin tout le monde l’appelle Boulix alors… »
Il lui fallait verre ou la bouteille entière. Sacha se sentait totalement perdu. L’affaire du divorce le perturbait encore. Il n’avait pas eu le temps d’apprendre à connaître son père, retrouver sa mère ou se faire une place dans son nouveau monde qu’il se trouvait déjà perdu dans un pays étranger avec des personnes étranges. S’il comptait bien seulement trois discussions avec son père avaient été nécessaires pour finir dans un avion en partance pour l’Irlande. Il était fou.

Adressant un maigre sourire à son grand-père qui ne semblait pas réellement être son grand père mais plutôt un grand oncle, Sacha se sentait un peu plus perdu en entendant James appeler ceux qui devaient être ses parents, oncle et tante. Cette famille devait réellement penser à faire un recadrage. D’abord, son père c’était fait sa mère, puis sa tante et maintenant il avait été élevé par son oncle et sa tante… Est-ce que ca signifiait que son grand-père avait aussi couché avec la sœur de sa femme ? Attendez est-ce que c’était une tradition ou un truc de famille ? Il devait vérifier si Catalina avait une sœur !!! Heureusement, internet pouvait répondre à tout ! Il allait squatter le profil facebook de sa précieuse Violette pour savoir.

Mais il fut stopper dans sa conversation avec son grand père alors qu’une discussion autour d’une chambre ce fit entendre. Aussitôt, Sacha jeta un coup d’œil à sa mère. Dès qu’elle sera sous la douche, il irait fouiner dans les affaires de jeunesse de son paternel. Il avait déjà fouillé tout internet, une chambre ne l’effrayait en rien. Mais l’évocation des photos firent sourire Sacha en douce. Voilà qui pourrait lui apprendre qui était son père lorsqu’il était plus jeune. Tout ça pourrait être intéressant. Est-ce qu’il y en avait avec le reste de la famille ? Est-ce qu’il pouvait voir des vidéos ? Mais alors qu’il allait se lever pour suivre les traces de sa mère, James posa son fessier sur le canapé à côté de lui. Il n’avait pas l’air ravi.

«On la visite, cette maison ? » Proposa Sacha en se redressant avec enthousiasme.

Oui, dites-lui donc où est la chambre ! Ce serait toujours mieux que de se regarder dans le blanc des yeux… ou réaliser que même après 17 ans, ils n’avaient rien à se dire. Ou pire, qu’après 17 ans d’absence, son père d’imagine pouvoir s’improviser dans ce rôle dans un claquement de doigts. SI Sacha était en colère, ce n’était pas uniquement contre sa mère. James aurait très pu réaliser que la sœur de sa femme avait un gamin, que cet enfant coïncidait avec leur nuit d’amour et plus encore ne pas laisser sa mère dans son coin après lui avoir piqué sa sœur !

« Ca vous laissera l’occasion de cacher les autres potentiels objets compromettant avant le retour de maman. » Taquina Sacha en s’avançant vers les escaliers sans attendre son père.

« A propos Kitty, ça ne vous dérange pas de dormir dans la chambre de James ? »
La chambre de James ? Sérieusement ? Je n'ai pas eu le temps de répondre quoique ce soit que le propriétaire se mit à râler à l'improvisation de cette idée. Je ris déjà, encore occupée à faire aller mon regard sur toute les photos de la maison. Je ne sais plus où donner de l'oeil, les époques sont mélangées, les familles également, des bébés, des enfants, des couples et des jeunes hommes posant sagement devant l'objectif, un léger sourire presque forcé aux lèvres. J'attrape le cadre de la photo de James en me re-mémorant ce furtif passé. Quelques jours proche de ce mystérieux garçon, quelques jours de découverte de mes premiers amours. La nostalgie n'est pas de longue durée, je sors de mes pensées quand le petit monde s'agite autour de moi. Et davantage à ma question taquine au sujet de photos compromettantes. « Oh non, nous n’avons pas ce genre de photos ici ! »   Je repose le cadre un peu déçue avant de regagner mon sourire : « Tout est au grenier. Venez, je vous conduis !»
Toute mère en avait de son enfant. Sacha n'y échappera pas non plus quand il invitera sa douce à la maison, quand maison il y aura. Je dois avoir un carton rempli de photos de lui, plus celles sur mon disque dur personnel. Fesses à l'air, visage recouvert de chocolat, dans le bain, chez le médecin, aux anniversaires, à la rentrée... Je n'étais pas réellement toujours absente, j'étais là sans vraiment l'être. J'étais une maman poule à distance, je savais qu'il était en sécurité avec Kyle, il était beau papa au foyer, et moi j'étais le parent qui fait venir de l'argent dans le foyer. Sacha comprendra en grandissant, je l'espère. Mais aujourd'hui une page à tourner, Sacha est beau et grand, mais on pourrait penser que depuis ma séparation avec Kyle je dois maintenant l'élever ET le nourrir, et bien non, James joue son rôle comme il le faut en fait. Au fond de moi, et ça j'espère bien que personne ne l'entendra, je souhaite que James et Sacha se rapprochent, qu'il devienne père et fils comme il le faut, et qu'ils s'aiment.

« Oui, et elles y resteront ! » Quel râleur celui-là ! C'est bien lui qui a voulu nous emmener dans sa famille, et surtout m'emmener moi ! A ces risques et périls maintenant. Je me sens diabolique, presque complice de sa mère qui marche enjouée dans mon jeu, celui d'un parent.  
« Voyons fiston, c’est juste des photos ! Vous l’avez vu tout nu quand il était bébé ? Et son premier bisou à quatre ans ? C’était tordant, il a voulu l’embrasser mais elle l’a frappé si fort avec son gâteau d’anniversaire que j’ai cru qu’il allait se transformer en marmelade … Oh, et la fois où il a eu la rougeole !! Ses fesses étaient tellement … »  Je ne peux m'empêcher de rire, suivant cette belle troupe vers l'étage en direction du grenier. J'imagine déjà ce week-end à parler des petites fesses de bébé de James, et à  passer le reste de ma vie à le lui rappeler !
«On la visite, cette maison ? »  Sacha était également impatient, pas que c'était inhabituel, ma petit boule hyperactive a toujours été ainsi. Rester 5 minutes sur un canapé à ne faire que discuter, n'était pas réellement une de ses plus grandes passions. Il devait toujours bouger. De qui tenait-il ça ?

« Non je ne l'ai pas encore vu tout nu quand il était bébé non … » Je lui lance un regard bien amusé avant d'arriver à un autre escalier plus étroit, je retire mes talons pour l'ascension, les laissant aux pieds des marches. J'y grimpe avec l'oncle et Sacha, et durant plusieurs minutes, je dirais même une bonne heure, on passe notre temps à rire, et à s'attendrir sur des dizaines de photos. L'oncle enjoué de tout nous montrer, et Sacha à la recherche d'une perle rare.

***

Vers 21heures, tout le monde se rejoint et s'installe sur cette table joliment décorée. Au centre un large plat, entouré d'assiettes d'époques. J'observe la famille, m'y sentant presque intégrée, je déplie ma serviette sur mes genoux. Sacha est en face de moi, à coté de son père. C'est pour moi une première ce repas en famille. D'ailleurs ca remonte à mon enfance les repas en famille, depuis que je travaille, en général je dîne seul ou avec Kyle quand il ne dormait pas encore, ou alors au restaurant avec des collègues. Cette ambiance me changeait, et me plaisait, autant qu'elle me stressait. En général c'était ce genre de scènes dans les films où telle personne dévoile un lourd secret comme ça

Je suis heureuse de vous rencontrer, c'est pour moi un réel plaisir … -serrant dans ma main celle de l'hôtesse qui était juste à mes côtés, lui adressant ma fin de phrase – Merci pour ce repas …