Le sydrôme Hedge. Le moins qu'on pouvait dire, c'était que ces mots étaient loin d'être rassurants, et Gemma ne pouvait s'empêcher de se sentir mal en y pensant. Aaron souffrait d'un mal étrange, et surtout dangereux. Ce besoin de chercher le risque et d'y prendre goût était absolument terrifiant. L'ancien militaire avait trouvé suffisamment de confiance dans leur relation pour lui en parler, et même si cette attitude l'avait touchée, la pédiatre se trouvait face à un problème dont elle ne connaissait rien et qu'elle devait apprendre à apprivoiser jour après jour. Mais où Suzan y voyait une raison de fuir et un argument supplémentaire pour s'assurer la garde exclusive de Zoé, Gemma ressentait le besoin de prendre soin d'Aaron et de l'aider à s'en sortir. De l'épauler, tout comme il l'épaulait à elle.

Comme un couple, en somme.

Derrière eux, les pizzas sur la table commençaient à refroidir mais elle ne s'en préoccupait pas, se concentrant sur les mots d'Aaron, luttant pour ne pas craquer. Deux choix s'offraient à elle. Fuir. Ou rester. En sentant la présence d'Aaron de nouveau près d'elle, elle se retourna pour lui faire face. Croiser son regard fut suffisant pour lui confirmer ce qu'elle avait toujours su.

- Je te veux dans ma vie aussi. Je ne veux pas choisir...C'est toi et Zoé, et le reste. J'avoue que j'aimerais que ça ne soit pas aussi compliqué, qu'on ait pas autant de problèmes...Je veux dire, parce que tu n'es plus seul maintenant. Ce sont nos problèmes. Je suis de ton côté et je te soutiendrai quoi qu'il arrive, face à Suzan, face aux avocats...Je veux faire mon possible pour tu ailles mieux...Si tu le veux bien... souffla-telle. L'émotion lui tenait la gorge. Jamais, au grand jamais, elle n'avait ouvert son cœur de cette façon. Et je tiens à Zoé comme je tiens à toi. Elle se mit à rire et porta les mains à ses yeux pour y essuyer les larmes naissantes. Non, d'ailleurs, je tiens à elle depuis plus longtemps qu'à toi.

C'était avant de le connaitre, avant de savoir qui il était. Avant de s'attacher au père, elle s'était attachée à l'enfant et à ses grands yeux curieux depuis le début. Curieusement, elle avait toujours éprouvé de l'affection pour elle.

Elle souffla un bon coup puis doucement, elle se rapprocha d'Aaron, lui caressa la joue et l'embrassa.

- Je ne veux pas partir. Excuse moi.

Gemma se pinça les lèvres pour ne pas rire à son tour, soudain débarrassée de la pression et du malaise qu'avait provoqué leur dispute. La colère passée, leur complicité revenait aussi vite qu'elle était partie, comme si aucun des mots regrettables n'avait franchi leurs lèvres, comme si aucun reproche n'avait été prononcé. Tout ça, c'était déjà de l'histoire ancienne, une simple divergence d'opinion qui n'en était même pas une...Bref, un fâcheux épisode, une simple dispute de couple, déjà oubliée. Aaron l'aimait, elle aimait. Pour Gemma, c'était plus que suffisant.

- Surtout, ne termine pas ta phrase! Elle afficha un large sourire et se sentit rougir, malgré tout. D'accord, elle craquait devant les yeux d'un gamin. D'accord, elle avait craqué devant les yeux bleus et le regard franc d'Aaron. D'accord, elle se disait qu'elle pourrait passer sa vie à les admirer, qu'ils pourraient être la première chose qu’elle verrait le matin en se réveillant et ceux avec qui elle s'endormirait le soir, et surtout qu'elle ne s'en lasserait jamais. Mais il était hors de question qu'elle avoue qu'elle était une de ces femmes prêtes à se laisser séduire juste parce qu'elles avaient craqué si facilement sur une bouille d'ange! Certes, il y avait sûrement là une part de vérité, mais de là à le reconnaitre, il y avait quand même une différence. Quelque soit l'intensité de l'amour qu'elle éprouvait pour Aaron, il pouvait bien se brosser pour qu'elle lui donne raison!

Il lui proposa de reprendre des forces. Elle hocha simplement la tête et se laissa conduire sans résister jusqu’à la table, appréciant le contact de sa main dans la sienne. Puis, du bout des doigts de sa main libre, elle vérifia la chaleur de la pizza.

- Pas besoin, si on attend pas plus, c'est parfait. Et je nettoierai plus tard, ne t'inquiète pas.

S'installant à ses côtés, son genou frottant sans retenue contre le sien, elle se saisit de sa quatre fromages et commença à la découper, avant de mordre à pleines dents dans la pâte et de savourer le fromage fondant. Certes, cela ne valait pas les pizzas maison de sa mère mais c’était mieux que ce qu'elle pouvait faire, elle. Avec ses horaires impossibles, Gemma n’avait jamais trop eu le temps de se consacrer à la cuisine et il en résultait qu’elle était une cuisinière plutôt médiocre. La base et peut-être un ou deux plats un peu plus compliqués, mais il ne fallait pas trop lui en demander.

Puis sans aviser, elle vola une part de la pizza d’Aaron qu’il s’était efforcé de couper quelques secondes plus tôt, et eut tôt fait d'y goûter.

- Wuoi ? demanda-t-elle le plus innocemment du monde, la bouche pleine. Ché moi qui ait payé, che te 'appelle ! ajouta-t-elle avec un sourire mutin.

Elle avala tant bien que mal, manqua de peu de s'étouffer puis éclata de rire, de ce rire si joyeux qu'elle lui réservait quand tout allait bien. Ce soir, après les larmes, elle se sentait heureuse. Un peu plus tard, une fois le repas fini, elle repoussa son assiette et se leva. Puis, posant ses lèvres sur sa joue, elle murmura:

- Va t'installer sur le canapé, je m'en occupe d'amener ça à la cuisine et j'arrive tout de suite...

Elle pinça de nouveau les lèvres, cette fois-ci dans une moue mi-boudeuse mi-amusée. Monsieur venait de faire son difficile et surtout son délicat à exiger d'elle une haleine mentol. Où était passé le temps où elle l'embrassait et lui dévorait la bouche à la sortie d'un bar après avoir mangé et bu n'importe quoi, et au diable ce qui pouvait arriver? Quelques mois avaient suffit pour le mettre dans une certaine routine... Cela devait être son petit côté militaire où tout devait être au poil qui ressortait. Et de l'avis de Gemma, c'était peut-être encore un peu trop tôt pour s'encroûter, non?

Qu'à cela ne tienne. Lui saisissant la mâchoire avec sa main, elle lui lui colla la langue jusqu'au fond de la gorge, mélangeant sans la moindre finesse les délicats arômes de pizza, puis elle s'éloigna de lui avec un grand clin d’œil.

- A tes ordres...

Demi vengeance, vu qu'il ne s'était pas encore réuni avec sa brosse à dents. Puis elle s'éloigna dans la cuisine, le sourire aux lèvres, et se dépêcha de ramasser les bouts de verre, plus par peur de se faire mal ou de mettre Zoé en danger, et par volonté d'aider, que par réelle passion pour le ménage. Si elle avait de la patience avec les enfants, en revanche, Gemma était encore loin d'être la parfait maitresse de maison. Non, dans d'autres circonstances, elle se serait contentée de donner le balai et la pelle à son homme, et elle l'aurait maté en train de balayer...Ah, ces fesses magnifiquement musclées en train de se démener dans la cuisine, ses bras tenant le balai, quelle femme y aurait pu résister?

Quand elle revint dans le salon et que la main d'Aaron claqua contre ses fesses, Gemma roucoula stupidement et se fit la réflexion qu'entre ses pensées peu catholiques et la subtilité sans faille de son compagnon, la soirée allait finir de n'importe quelle façon, sauf de la plus sage possible. Et pourtant, avec ce qu'avait subit le policier aujourd'hui, il était préférable de garder le repos. Soupirant, elle rejoignit tout de même la salle de bains, pièce qu'elle avait totalement investie depuis quelques temps. En bon militaire, Aaron gardait à tout casser trois trucs, le minimum vital pour être propre, plus le petit extra, les paquets de capote. Ainsi, elle n'avait eu aucun mal à trouver de l'espace pour ses propres produits, remplissant les armoires avec ses crèmes et autres produits de beauté. Et encore, elle n'avait apporté qu'une partie de ses produits...Bref, elle s'affaira à son tour, se brossa les dents, s'arrangea les cheveux, ôtant ses lentilles et choppant elle aussi un préservatif des fois que...Puis enleva son soutien-gorge pour être plus à l'aise. De toute façon, il aurait été peu probable qu'elle le garde très longtemps.

Elle ressortit une longue demi-heure plus tard de la salle de bains -elle même aurait bien été incapable d’expliquer ce qu'elle avait réellement fait à l’intérieur- et revint dans le salon.

- Comment va le monde?

Mal, évidemment. Sans attendre la réponse, elle se pencha, l'embrassa.

- Alors, ais-je passé l'inspection sanitaire, monsieur?

Puis, échappant facilement aux mains d'Aaron, handicapé par ses blessures, elle parvint à se glisser derrière lui.

- Il me semble qu'on a parlé de massages non?

Lentement, elle l'aida à retirer le t-shirt sans manches qu'il portait toujours sous sa chemise, laissant la peau du policier et ses bandages à nu. Aussitôt, ses mains glissèrent le long de nuque et commencèrent à masser doucement.

- C'est quoi ça...Tu t'en mets souvent?

Réponse: oui, évidemment, vu la gueule du tube, mais la question était purement rhétorique. Gemma fixait d'un air suspicieux le tube de crème qu'Aaron venait de lui refiler. Chieuse, même-surtout- quand la situation ne s'y prêtait pas. Méfiante, elle s'attarda à en lire le contenu d'un œil critique. Ce n'est pas qu'elle n'avait pas confiance en lui, mais...si quand même. Le connaissant, elle ne doutait absolument pas qu'il était capable de s'auto-médiquer et d'abuser de n'importe quel anti douleur, et surtout des doses, et pour un médecin professionnel comme elle, ce comportement était tout sauf acceptable.

Finalement, elle décida que c'était sans risque pour son homme et décida de l'appliquer, alors qu'Aaron attrapait ses jambes et se laissait prendre dans l'étau. Inconsciemment, elle accentua la pression contre ses cuisses, et apprécia le fait d'être soudain le chef à bord. Posant le tube de crème sur le côté, elle se concentra sur les bandages qu'elle se mit à défaire de gestes doux et précis. Et attention, tout cela dans l'espace réduit où elle s'était réfugiée, entre Aaron et le dossier du salon, qui avouons-le, ne lui permettait pas vraiment de quoi bouger tout ce qu'elle aurait voulu. Puis elle laissa glisser ses mains sur ses flancs, l'une s'agrippant à l'épaule de son homme, l'autre venant vint caresser doucement son ventre, évitant à dessein la partie du torse qui avait pris le plus cher pendant la bagarre. Sous ses doigts, le contact de la peau d'Aaron était agréable....Un peu de bide, c'était ce qui arrivait quand on laissait l'armée au profit d'un boulot de chargé de sécurité sur le campus, mais Gemma appréciait tout aussi bien, bien plus qu'une montagne de muscles. Lentement, sa main descendit pour une caresse plus intime, alors qu'elle posait ses lèvres contre sa nuque. Et la crème...? Oh bah, elle pouvait bien attendre cinq minutes non?

C'était pas mal, mais ça manquait un peu de marge de manœuvre, tout ça. Elle avait beau tenir Aaron sous son emprise, elle ne pouvait finalement pas faire grand chose. En se penchant, elle aperçut l'emballage plastifié du préservatif qui dépassait de la poche du policier et sourit. Transmission de pensées...

- Vraiment...? Elle se mit à sourire et attrapa le préservatif qu'elle fit tourner entre ses doigts devant le visage du policier. Peut-être qu'on serait mieux dans la chambre, tu ne penses pas?

Grillée. D'abord le préservatif, puis le soutien-gorge manquant. Elle se mit à rire et afficha un air innocent, vite remplacée par une moue sensuelle. La langue passant lascivement sur ses lèvres, ses dents les mordant sensuellement, elle lui sortit le grand jeu.

- Tu n'as qu'à débarquer la prochaine fois au boulot pour le savoir...

D'ici quelques heures, et avec une bonne nuit de sommeil et d'entretien avec son oreiller, il était peu probable qu'elle continue à penser ainsi, mais à ce moment-là, cette idée lui parut être un fantasme tout à fait approprié...Aaron débarquant dans son uniforme et lui faisant l'amour sur le bureau, avec le frisson qu'engendrait la peur d'être découverte, la prohibition totale de ce genre de pratique déplacée sur un lieu de travail. Pendant ce temps, les caresses de son compagnon faisaient déjà effet et, très vite toute aussi excitée que lui, elle ne tarda pas à l'enlacer pour un baiser passionné. Ses mains posées sur ses joues glissèrent sur son cou, avant de descendre sur ses épaules, de suivre les courbes de ses bras musclés, et d'enlacer finalement leurs doigts.

Puis elle le déshabilla à son tour, le laissant nu comme un ver. Avant de le faire reculer, jusqu'au lit, et là elle l'obligea à se coucher sur le dos. Normalement, leurs ébats étaient beaucoup plus violents et fiévreux, mais aujourd'hui, les circonstances ne s'y prêtaient pas, et deux anti-douleur tout juste ingurgités n'y changeraient pas grand-chose. Grimpant au dessus de lui, emprisonnant de nouveau ses cuisses de ses jambes, encore vêtue de sa petite culotte et le préservatif entre les dents, elle le dominait de nouveau. Balançant le tube de crème qu'elle avait amené sur le côté du lit, elle lui lança un clin d’œil.

- Pour plus tard...

Massage elle lui avait promis, massage elle lui donnerait. Pour l'instant, elle se déhanchait juste sur lui, doucement. Penchée sur son torse, elle l'embrassait. Jeu doux de caresses et de baisers, elle parcourait son corps de sa bouche et de ses mains, s'amusant à faire frémir la peau de son compagnon sous son toucher, là où il n'avait pas mal. Plus tard, d'un coup de dents, elle arrachait l'emballage du préservatif et en faisait bon usage, unissant finalement leurs deux corps. La tête rejetée en arrière, les yeux fermés, elle laissait les minutes défiler au son du plaisir et des gémissements qui s'échappaient d'entre ses lèvres. Au son des gémissements qu'elle lui arrachait à lui. C'était lent, ce soir-là, ils n'attendraient pas l'extase, mais c'était tout de même bon.