Pour Catahleen, le week-end n'avait pas la même signification que pour les autres étudiants de Berkeley. En effet, la jeune fille n'allait pas aller sortir voir quelques copains. Elle n'allait pas aller faire la fête et se bourrer jusqu'à ne plus pouvoir marcher. Elle n'allait pas non plus faire de ballade sur la plage. En fait .. Sa presque seule activité sociale allait surement de voir sa sœur jumelle, dont elle ne pouvait pas se passer, même si elle était bien différente d'elle. Non, en fait, pour Catahleen, Week-end rimait avec travail. Étonnant, non ? Travail, et nettoyage. Chaque week-end, la jeune fille se livrait à un petit « nettoyage de printemps » de sa chambre, et rangeait tout de fond en comble jusqu'à ce que les dernieres petites poussières qu'il restaient se sentent honteuses et nues d'être toutes seules de cette manière et déguerpissent aussi vite qu'une petite souris. Cette matinée là, du dimanche, Catahleen avait donc fait un grand rangement et était bien fière de sa chambre. Perfectionniste jusqu'au bout des doigts, elle avait passé des heures à faire ce que tous les objets soient parallèles, symétriques, ou perpendiculaires, et que tous les crayons à papier de la boite soient exactement de la même longueur. Il fallait également que le tapis soit placé à un nombre exact de centimètres de son lit, sinon la jeune fille partait dans une psychose qui pouvait durer assez longtemps. Fière de son travail, elle avait pu passer le reste de la journée à réviser ses leçons de littérature, ayant déjà fait tous ses devoirs en avance pour les semaines à venir. Prévisible, ça, elle l'était. Rien ne pouvait la prendre de cours, et elle s'énervait très vite si ce qu'elle avait prévu ne se passait pas comme elle l'avait imaginé.

Ce soir là, il fallait donc préparer tout pour le lendemain. Que les livres dont elle allait avoir besoin soient parfaitement empilés, que ses devoirs soient tous préparés, reliés et mis dans des pochettes de couleurs différentes pour les reconnaitre, et que ses stylos soient tous agencés de manière impeccable. Il ne pouvait y en avoir un qui ne marchait pas, ou qui avait un défaut, tout devait être dans un état parfait. La jeune fille se mit alors à chercher le devoir de littérature qu'elle devait rendre pour le lendemain et que, bien sûr, elle avait accompli, achevé, et réécrit deux fois depuis bien une semaine. Il était surement sur ses étagères mais .. Il n'y était pas. Sur sa table de chevet ? Non plus. Sur un coin de son bureau .. Non. C'était impossible, elle rangeait toujours ses affaires exactement au même endroit, et les feuilles n'étaient pas vivantes. De plus, elle n'avait pas ouvert la fenêtre et le vent ne soufflait pas si fort que ça, le devoir n'aurait donc pas pu s'envoler par la fenêtre. Et puis, ça n'arrivait que dans les films, ce genre de choses. La respiration de Catahleen se mit à s'accélérer et son cœur se mit à battre de plus en plus vite, bien vite, sa poitrine se serra ainsi que sa gorge. Pire encore, ses médicaments contre les crises d'angoisse n'étaient pas à sa portée, tout ce qu'elle pouvait faire, c'était appeler sa sœur. En urgence, Catahleen composa le numéro d'Aubrey et lui ordonna presque de venir immédiatement dans la maison des Alpha, il fallait absolument qu'elle ait de l'aide. Sans ce devoir, elle .. Elle .. N'oserait jamais reparaitre un jour dans les couloirs de l'université.

En enfonçant ses ongles dans sa peau jusqu'au sang, et assise sur son lit, Catahleen attendait sa sœur depuis quelques minutes. Quand enfin elle entendit un toc à sa porte, elle poussa un petit soupir à la fois soulagé et exaspéré et observa sa réplique parfaite entrer. « Qu'est ce qu'il se passe?? Tu vas bien?! Tout va bien?? Dis moi, qu'est ce que t'as? C'est la famille?! » La gorge de la jeune fille resta coincée. Elle fit un petit mouvement de tête indescriptible, surement pour dire que ça n'avait rien à voir avec la famille, et elle se sentit quelque peu coupable d'avoir autant fait paniquer sa sœur pour .. Non ! Pas pour rien ! Elle avait perdu son devoir, zut !! « Je .. Mon devoir de littérature .. Posé là .. Puis, pouf ! Disparu. Tu y crois, toi ? Est-ce que c'est possible ? Il faut que je le retrouve ! » La jeune fille se leva et se prit le visage entre les deux mains, au bord des larmes. Oui, c'était bien possible de se mettre dans un état pareil pour une simple dissertation, Catahleen en avait toujours été la preuve. « Aides moi je .. Je ne sais pas quoi faire. Je ne trouve même pas mes médicaments je .. Je ne me sens pas bien .. » Catahleen se dirigea vers la fenêtre pour l'entrouvrir, et donc un peu respirer. Mais l'air froid qui arriva directement dans sa gorge la fit tousser, et elle la referma alors aussitôt. « Ce n'est pas possible je .. Ma moyenne .. Je n'ai pas le temps de .. Aides moi .. »

Catahleen avait le don de faire des situations apparemment anodines, de vraies catastrophes. Et alors ? Dans sa tête, perdre un petit devoir n'était vraiment, vraiment pas anodin. Peut-être que certaines filles de l'université, qui ne se souciaient absolument pas de leurs notes, pouvaient se permettre d'oublier une fois ou deux de rendre un travail important dans l'année, mais pas elle. Catahleen devait absolument garder un niveau irréprochable, quoi qu'il arrive ! Calme, calme. La jeune fille remerciait mentalement sa sœur d'être venue à sa rescousse, même si sa panique l'empêchait de l'exprimer à l'oral. Aussi différentes les deux jumelles soient-elles, elles étaient profondément liées et étaient toujours là l'une pour l'autre. Si Aubrey avait des problèmes, Catahleen accourait alors pour l'écouter et servir d'épaule sur laquelle pleurer. Même si ces temps-ci, c'était plutôt notre petite brune qui se reposait sur sa sœur .. Malheureusement, ou pas. Bien que Cat' ne ressentait pas un quelconque ennui de la part de sa sœur lorsqu'elle l'appelait pour des cas « catastrophiques » de cette manière, elle craignait qu'à la longue, elle se lasse et qu'un jour, elle ne veuille plus du tout lui parler. Surement qu'elle ferait une dépression, imaginez vous, votre propre sœur jumelle, celle avec qui vous aviez passé toute votre vie, qui coupe les ponts. Catahleen s'était juré, et avait fait jurer à Aubrey, que jamais elles ne se disputeraient sur une durée longue, parce que des petites disputes entre sœurs il en fallait bien, et que toujours elles resteraient en contact. Et si une des deux brisait la promesse ? Cela faisait peur à imaginer.

La jeune fille se sentit coupable que sa sœur pense même à ce que la famille était un problème. Étant issues d'une famille nombreuse, il était sur qu'il pouvait arriver quasiment n'importe quoi et que les deux filles étaient toujours en alerte, surtout vivant dans leur fraternité au lieu de leur maison. Catahleen adorait voir ses frères, aussi énervants soient-ils, et elle déplorait le fait d'être avec sa sœur, la plus jeune. Ils avaient leur vie, et à part Terrence qui était à l'université en même temps qu'elles, les autres étaient trop occupés pour faire beaucoup de petites visites vers Berkeley. La brunette sursauta en sentant la main froide de sa sœur se poser sur son bras, et esquissa un petit sourire entrecoupé de grandes inspirations en voyant le cachet qu'elle ne connaissait que trop bien. « Tiens prend ça.. Ne t'inquiète pas ma puce, calme toi, on va le retrouver ton devoir, je vais t'aider à le chercher.. Et si on le trouve pas, j'irais personnellement voir le prof' pour qu'il te donne un délais en lui expliquant les raisons.. Je ferais ce que tu veux, mais s'il te plait ma chérie calme toi, je suis là.. » Inspiration, expiration, elle se calmait petit à petit. Sa sœur était vraiment trop gentille, vraiment, elle ne la méritait surement pas. La jeune fille essuya quelques larmes qui s'étaient frayés un chemin sur ses joues lisses, tandis que sa sœur entreprenait de la serrer dans ses bras. Cela calmait le système nerveux sympathique et permettait de calmer les crises, comme Catahleen l'avait lu dans quelques bouquins de médecine. Ce n'était pas parce qu'elle était littéraire qu'elle ne s'informait pas sur la science, voyons ! « Merci, je .. Je dois vraiment t'ennuyer. Mais ce devoir compte pour beaucoup dans ma note et .. Je ne fais qu'étudier, tu comprends je .. Je ne pourrai supporter d'avoir un 0 à cause d'une erreur de cette sorte ! Surtout avec le temps que j'ai passé à l'écrire. Mon dieu, il faut que je le retrouve .. » Catahleen se libéra des bras de'Aubrey pour attraper un verre d'eau sur son bureau et avaler le cachet, pour stopper définitivement son état. Bien sûr, ça prendrait un peu de temps, mais c'était mieux que rien.

« Désolée, je sais que tu n'aimes pas .. » Catahleen entreprit d'essuyer complètement son visage. Comme elle même détestait, haïssait voir Aubrey dans un état de tristesse ou d'angoisse, elle imaginait bien que ce devait être la même chose pour sa sœur jumelle. Elle n'aurait surement pas du la déranger pour ça, mais .. Quand elle avait besoin d'aide, le premier nom qui lui arrivait à l'esprit était sa sœur jumelle. « Peut-être que .. si je me calme .. Je me souviendrai, sans paniquer .. » Elle entreprit d'esquisser un petit sourire, bien faux je dois l'avouer, en direction de sa sœurette et entreprit de trouver un sujet de conversation. « Alors, tu as quelque chose de nouveau à me raconter ? »

Le contraste qui pouvait exister entre les deux jumelles était incroyable. Elles étaient censées être identiques, avoir grandi dans les mêmes conditions de vie, et pourtant, elles se retrouvaient aujourd'hui avec des caractères singuliers. Alors que Catahleen avait tendance à stresser pour un rien, s'angoisser tout le temps, à être tout sauf sociable, à avoir un très petit cercle d'amis, et avec des tendances pessimistes, Aubrey respirait la joie de vivre, était très sociable et marrante. Dans un sens, elles se complétaient parfaitement, ayant chacune des défauts et des qualités bien différentes. Si les deux jumelles n'avaient formé qu'une seule personne, surement qu'elle aurait été parfaites. Même si elles pouvaient avoir des divergences d'opinion sur certains sujets, elles arrivaient toujours à un commun accord et faisaient tout pour ne pas amener de conflits. Les disputes, elles gardaient ça pour leurs frères ainés. Même en ayant vécu tellement d'années avec la même personne, il semblait qu'elles n'arrivaient pas à se lasser l'une de l'autre. L'université les avait quand même pas mal séparées, ayant différentes matières et de nouveaux amis, mais elles ne perdaient jamais une minute pour se voir l'une et l'autre. Lorsque Catahleen voyait le visage de sa sœur, même s'il était identique au sien, son cœur faisait un bond dans sa poitrine et elle se sentait immédiatement protégée et heureuse. La façon dont Aubrey se comportait par rapport à sa crise, et à toutes ses crises en général, ne faisait que rendre plus fort encore l'amour qu'elle pouvait lui porter, et elle se rendait compte de la chance qu'elle avait d'avoir une sœur pareille. Dans certaines familles, les frères et sœurs ne pouvaient pas se supporter et ne se voyaient plus une fois déménagé de leur maison. Cat' mourrait rien que de penser à une telle chose.

« Tu ne m'ennuies jamais, sache le.. » Catahleen souriait tristement à ses paroles, comme si elles n'arrivaient pas vraiment à se faire entendre dans son cerveau. Néanmoins, elle ne trouvait pas la force de dire qu'Aubrey pouvait mentir et acceptait la vérité comme elle le disait. Certainement qu'elle devait quand même l'ennuyer, quelques fois, après tout, qui savait ce qu'était en train de faire sa jumelle lorsqu'elle l'avait appelé. Elle était peut-être en train de fricoter avec un gars que Catahleen ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam, ou peut-être en train, elle même, de travailler pour le jour qui allait arriver le lendemain. « Et t'inquiète pas je comprend que ce devoir doit être important pour toi.. . » Parfois, la jeune fille regrettait d'accorder autant d'apparence à des choses aussi futiles que les devoirs, mais, elle ne pouvait pas s'en empêcher. Surement que sa sœur la comprenait, car parfois, Catahleen avait l'impression que sa jumelle pouvait savoir absolument tout ce qui pouvait bien se passer dans son cerveau compliqué. « Tu n'y peux rien puce.. » « Je n'y peux rien, je n'y peux rien .. J'aurais pu arrêter d'être aussi tête en l'air ! J'aurais pu .. poser le devoir quelque part où je l'aurai retrouvé ! J'aurais pu .. Grr. Je m'énerve ! » Catahleen soupirait d'énervement, et n'écoutait même pas ce qu'Aubrey répliqua juste après.

Elle attendait avec impatience que la jeune fille se décide à lui raconter quelques nouvelles dans sa vie, car elle était bien sûre qu'il y en avait, mais au lieu de repartir sur un sujet qui la concernait, elle, elle prenait un sujet qui concernait Catahleen. Mauvaise idée, sauf pour la faire paniquer encore plus. « Je viens d'apprendre que Jacob t'avais demander de l'accompagner au bal..p'tite cachotière! » Zut, ce n'était pas comme si ça allait pouvoir rester secret bien longtemps. Ce n'était pas comme s'ils y allaient en tant que couple, non, en fait, Catahleen avait juste accepté ça comme un défi. Car elle était persuadée que Jacob était persuadé qu'elle n'aurait pas le cran de lui faire l'honneur de son humble présence. Par contre, sur le fait de s'amuser avec lui .. Elle n'était pas bien sûre. Il en restait quand même quelqu'un qui l'impressionnait beaucoup. Plus qu'impressionnait, il l'attirait énormément .. Et elle ne pouvait pas le regarder dans les yeux une minute. Brr ! Elle ne voulait plus penser à cette histoire. « Oui, hm .. Ce n'est pas une si grande affaire. Après tout, ce n'est pas comme si c'était un vrai rendez vous ou .. quoi que ce soit » Quoi qu'elle devait avouer que se rendre avec un bal avec lui, elle l'avait pensé et repensé dans sa tête. Un nombre incalculable de fois. Zut ! Peut-être qu'elle craquait vraiment, vraiment pour Jacob. Mais l'avouer ferait bien trop plaisir à Aubrey. « C'est juste .. Un défi, tu vois ? Rien de sérieux. » Cat' poussa un petit soupir, et s'assit sur son lit. « Et toi, tu y vas avec … ? » C'est vrai qu'elle ne posait jamais de questions à sa sœur à propos de sa vie amoureuse, de peur de toucher un point sensible, ou que la question soit retournée à elle même.