Début juin deux mille quinze ;; New-York. Journée cocooning pour la Grimaldi. Confortablement installée dans sa chambre d'hôtel, elle sort à peine d'une bonne douche revivifiante. Les cheveux emmêlés dans une serviette de bain, elle vient se choir sur son lit, afin d'hydrater sa peau. Aujourd'hui, le temps n'est pas au beau fixe. Ni dehors, ni dans la tête de la jeune femme. Venant à peine de se séparer d'Adriel – si on peut appeler cela une séparation – la déception a du mal à ne pas se peindre sur le visage timoré de la jolie brune. Il faut croire qu'elle n'est pas prête à avoir une relation sérieuse ou que l'amour n'est pas fait pour elle. Evidemment, elle était consciente que son amourette avec le Eynsford-Baxter ne serait que éphémère. Il n'était pas du couple et relation sérieuse et puis surtout ils n'avaient pas tissé de liens assez solides pour que cela dure. Et il fallait bien se rendre à l'évidence, la vie d'Ellie n'était pas ici à New-York, mais bel et bien à San Francisco. Auprès de Maxim, son meilleur ami. N'étant pas une adepte des relations à distance – persuadée que cela ne peut fonctionner – son aventure avec Adriel finirait bien par s'épuiser. Et autant souffrir le moins possible en se séparant avant qu'Ellie ne s'entiche de trop. Alors la voilà célibataire, seule à New-York. Elle pourrait repartir de suite, mais depuis quelques jours qu'elle est officiellement seule, elle ne se sent pas de rentrer à San Francisco. Elle appréhende son retour à la réalité. Et son face à face avec Maxim. Elle ne sait pas du tout ce qu'il a fait ces derniers mois. Sans elle. A-t-il rencontré quelqu'un ? Elle n'est pas certaine de pouvoir le supporter. Rien que d'y penser, des frissons la parcourent. Elle espère secrètement qu'elle lui a manqué et qu'il attend son retour. A moins qu'il soit bien mieux sans elle. Il l'a sûrement déjà remplacé. C'est bien possible mais Ellie préfère ne pas y penser. Elle soupire avant de se vêtir d'un pantalon de jogging noir moulant et d'un tee-shirt ample. Ses cheveux sont relevés en chignon. La Grimaldi se pose tranquillement devant une série. Elle se décide à envoyer un message à son frère qui lui répond dans la foulée. Elle est occupée à discuter avec lui par textos lorsque le téléphone de sa chambre d'hôtel retentit. La jeune femme fronce les sourcils, c'est bien la première fois qu'on l'appelle ici. Elle s'empresse de décrocher et la voix du monsieur de la réception résonne. « Mademoiselle Ellie, je suis désolé de vous déranger mais un jeune homme souhaite vous voir ». La surprise est grande. Ellie pense immédiatement à Adriel mais cela lui semble peu probable. En même temps, quel autre homme viendrait lui rendre visite, ici, dans sa chambre d'hôtel en plein New-York ? Maxim ? Impossible. Elle n'y croit pas une seconde. « Très bien Damian, j'arrive immédiatement ». Ellie s'entend très bien avec Damian de la réception. Il lui a été d'une grande aide les premiers jours où elle est arrivé. Il lui a fourni les meilleurs endroits à visiter, lui dessinant tous les plans pour ne pas qu'elle se perde. Dès qu'elle avait besoin de quelque chose, il était le premier à s'en occuper. Au fur et à mesure des semaines qui ont défilé, il est presque devenu un ami. Il leur est déjà arrivé d'aller boire un verre dans le bar de l'hôtel après les heures de travail du jeune homme. Il est un peu plus âgé qu'elle – la trentaine – mais d'une gentillesse hors norme. Ellie ne prend pas le temps de se changer ni rien et descend directement dans le hall d'entrée de l'hôtel. Ses yeux s'arrondissent comme des soucoupes lorsqu'elle aperçoit celui qui l'attend. Ce n'est pas… possible. Est-elle entrain de rêver ? Sûrement. « Maxim ? » l'apostrophe-t-elle, complètement ébahie de le voir ici. Ils s'envoient régulièrement des mails pour ne pas complètement couper le lien qui les unit, mais rien que de simples civilités sont échangées. Mais jamais, jamais elle n'aurait pu imaginer qu'il fasse le voyage jusqu'ici. Juste pour la voir. Elle. Et personne d'autre. Son coeur se réchauffe en pensant qu'il ne l'a peut-être pas complètement oublié. Et qu'elle a toujours sa place dans son coeur. « Mais qu'est-ce que tu fais ici ? » quémande-t-elle, légèrement intimidée. Si elle avait su que c'était lui qui l'attendait, elle aurait fait un effort vestimentaire. Ou se serait au moins coiffé. Des semaines qu'ils ne se sont pas vu et elle l'accueille en vulgaire jogging. Great, bien joué Ellie. « Je ne m'attendais pas du tout à te voir ». Comme si il ne le savait pas. Ellie a du mal à savoir comment se comporter. Elle a envie de lui courir dans les bras, de l'enlacer, de sentir à nouveau son parfum mais une certaine pudeur la retient. Elle n'ose pas. Elle n'ose plus. Depuis qu'il l'a rejeté au mariage de son frère, Ellie est complètement perdue à son égard. « Comment tu vas ? ». La monégasque lève le regard vers son meilleur ami en lui offrant un sourire timide. Elle avait oublié à quel point il était beau. Son Maxim.

Ellie n'aurait jamais imaginé que Maxim fasse le déplacement jusqu'à New-York. Qu'il prenne cet avion pour venir la rejoindre. Même dans ses rêves les plus fous, ça ne serait pas arrivé. Parce que Maxiù a sans doute mieux à faire que de venir la voir. Parce que c'est lui qui l'a repoussé, à Monaco. Parce qu'il n'a aucune raison de venir jusqu'ici. Ellie ne peut cacher sa surprise. Son coeur lui rappelle alors à quel point se trouver devant lui peut la déboussoler. A quel point elle tient à lui et que ces semaines loin de lui ont été dévastatrices. Son absence s'est ressentie au plus profond d'elle-même. Elle a bien tenté d'occulter ce qu'elle ressentait, la nuit tout lui revenait en pleine face. Elle n'avait pris avec elle aucunes photos de lui, d'eux. Mais il y avait encore les souvenirs, bien frais, dans sa mémoire, qu'elle se remémorait souvent, au détour d'un couloir de solitude. Elle est heureuse qu'il soit là, devant elle et en même temps, une certaine tristesse l'envahit. Il ne doit pas être là par hasard. Peut-être a-t-il fait tout ce chemin pour lui rendre sa clé, celle de leur appartement, qu'ils partagent ensemble depuis tant de temps ? Peut-être a-t-il rencontré une autre fille qui a pris sa place ? Maxim ne fait jamais rien par pure spontanéité. Et si elle lui manquait vraiment, il n'aurait pas attendu tant de semaines avant de débarquer. Mais elle a un peu peur de savoir, alors pour commencer elle joue la banalité. Elle prend des chemins détournés. Elle voudrait profiter un peu de son Maxim avant qu'il ne dégoupille la bombe qu'il compte lui lancer. « Bien sur que non. Tu ne me déranges absolument pas » assure-t-elle, d'un petit sourire. Bien au contraire voulut-elle ajouter, sans y trouver le courage. Elle a du mal à réaliser cet image. Elle le détaille, comme si elle venait de le rencontrer. Il a les traits tirés, fatigués et son sourire n'est plus celui d'avant. Son sourire est triste. Et Ellie se demande bien ce qu'il peut se passer dans la vie de son meilleur ami. Avant, elle était au courant de tout. Elle savait tout de lui. Ils discutaient des heures, se confiaient des nuits entières. Mais c'était avant. Avant qu'ils gâchent, avant qu'ils ruinent tout pour une histoire de sentiments. Ça fait mal à Ellie d'être devant lui et de ne rien savoir. Ça lui fait mal de passer pour une simple étrangère, de n'être que de passage dans sa vie. Ça lui fait mal de s'apercevoir qu'elle n'est rien de plus qu'une parmi tant d'autres. « C'est pas grave. Ça me fait plaisir de te voir Maxim ». La Grimaldi n'a pas d'autres mots. Elle ne peut pas être plus sincère et est incapable de nier que son coeur ne s'accélère pas face à lui. Même si ces derniers temps, elle lui en a voulu, elle ne pourra jamais le détester. Ni lui tourner pleinement le dos. Elle a voulu partir pour échapper à sa douleur, mais pas pour lui échapper. Il lui fallait juste un peu de temps pour encaisser. Mais Maxim restera toujours son meilleur ami. Celui qui l'a relevée, qui l'a toujours épaulée. Elle sait que le lien qui les unit surmontera toujours tout. « Tu… tu me manques beaucoup » avoue-t-elle, d'une petite voix. Il a fait un pas vers elle mais elle a du mal à soutenir son regard. Comme aux premiers moments d'une rencontre fragile, Ellie est toute penaude. Comme une petite fille. Elle voudrait le prendre dans les bras, ou au moins l'embrasser sur la joue mais elle n'ose pas. Et puis d'un seul coup, pouf, il la lance sa bombe. Sans crier gare. Sans qu'elle s'y attende. Et elle est tellement énorme, que la française en reste stupéfaite. « Ooohhh… » commence-t-elle, simplement. La nouvelle la brusque, la choque. Difficile à encaisser. Il lui faut quelques instants pour assimiler ce que vient de lui dire Maxim. Sa mère est morte. Partie. Elle ne peut pas y croire. Et puis elle lève les yeux sur son meilleur ami, visiblement au plus bas. Et face au désarroi du jeune homme, Ellie ne tient pas et le prend dans ses bras. « Oh Maxim je suis tellement tellement désolée ». Elle le serre fort contre elle, aussi fort qu'elle le peut. Elle laisse échapper quelques perles salées elle aussi. Son coeur se fissure aux mêmes endroits que celui de Maxim. Elle imagine la déchirure qu'il doit ressentir et ne parvient pas à s'extirper de cette étreinte. Ils restent ainsi, de longues minutes. Sans bouger, sans parler. Ils en ont besoin. De ce moment de complicité. Que tous les deux. Ce contact avec l'anglais lui a terriblement manqué. « Viens on va dans ma chambre, on sera plus tranquille pour discuter ». Ellie le prend par la main et l'entraîne dans le couloir, vers sa chambre. Une fois arrivés à bon port, ils s'installent tous les deux sur le petit canapé, présent dans le salon de la chambre. « C'est arrivé quand ? » ose-t-elle demander, prenant la main de son meilleur ami. Elle s'en veut d'être aussi loin alors qu'il a besoin d'elle. Elle aurait voulu être présente pour lui au moment fatidique. Tout ce qu'elle peut faire maintenant, c'est être là pour lui durant cette courte escapade. Qu'il sache qu'elle ne le lâchera jamais, no matter what. Qu'elle l'aimera toujours, de n'importe quelle manière. Et qu'il fera toujours parti de sa vie, de n'importe quelle manière.

La nouvelle tombe comme un coup de massue. Ellie accuse le choc. Elle pensait que Maxim venait en simple visite de courtoisie, et non pour lui annoncer le décès de la femme qu'il chérissait le plus au monde. Et d'un seul coup, son coeur se resserre et s'emplit de chagrin. La jeune femme ressent toute la peine qui habite son meilleur ami, à peine l'a-t-elle serré dans ses bras. Elle meurt d'envie de lâcher une larme mais se retient. Par pudeur et aussi pour montrer à Maxim qu'elle peut s'appuyer sur elle, qu'elle est là pour lui et qu'elle ne le lâchera pas. Quoiqu'il ait pu se passer entre eux, malgré leurs querelles, leurs absences et leur éloignement, elle sera toujours là s'il a besoin d'elle. Comme aujourd'hui. « Elle t'a peut-être laissée mais elle ne t'a pas abandonnée. Elle est là. Elle sera toujours là. Dans ton coeur. Dans ton regard, parce que tu as hérité de ses yeux. Dans ton sourire. Elle est partout en toi, et pour toujours ». La Grimaldi pose une main réconfortante sur la joue de son meilleur ami. Plus elle le détaille et plus elle se rend compte à quel point il ressemblait à sa mère. Cette femme qu'elle avait si souvent vue et qu'elle considérait comme une mère. Qui se battait contre la maladie, pour son fils. Qui aimait son fils, plus que n'importe qui. « Et je t'interdis de dire que tu ne sers à rien. Tu as fait tout ce que tu as pu pour elle Maxim. Je le sais parce que je t'ai vu durant toutes ces années, à travailler dur, à passer le peu de temps libre que tu avais à lui rendre visite, à t'occuper d'elle. Elle était tellement fière de toi tu sais » ajoute-t-elle, les yeux embués de larmes. Elles en avaient parlé, une seule fois, lors des très rares moments de lucidité de maman Cadwell. Et Ellie se souviendra toute sa vie de cette conversation, avec cette femme étonnante. Et battante. Qui souhaitait guérir pour son fils mais qui se savait condamnée. La Grimaldi laisse une larme s'échapper sur son joli minois. Elle aussi est triste de cette disparation. Et sentir le désarroi de Maxim la dévaste. Elle voudrait parvenir à panser toutes ses plaies, tous ses maux, mais ce genre de douleur… on n'y peut rien. Seul le temps fera son affaire. Et l'amour que peut lui porter ses proches. Ellie est prête à le prendre à nouveau dans ses bras, au moment où il se confesse. Enfin. Maxim lui avoue tout, lui déclare tout. Et Ellie en reste sans voix. C'est la première fois qu'elle l'entend dire qu'il l'aime. Qu'il lui dit enfin ses deux mots. Ceux qu'elle a tant attendu. Ceux qu'elle rêvait qu'il lui dise, le jour du mariage de son frère. Ceux qui lui ont tant broyé le coeur. « Je ... ». Mais il la stoppe. Avec son doigt sur la bouche, elle ne peut rien dire. Et en même temps, sur le coup, elle est complètement perdue. D'une part parce qu'elle a tant rêvé qu'il lui dise cela et d'autre part, parce qu'elle avait abandonné. Qu'elle avait tenté de tourner la page et lorsque enfin elle parvenait à nouveau à dormir correctement la nuit, il réapparaissait. Et lui déclarait sa flamme. « Je ne sais pas quoi te dire Maxim » débute-t-elle, sans oser lever les yeux vers son meilleur ami. L'amour de sa vie. Les idées se bousculent, les sentiments aussi. « J'ai attendu ces mots durant des semaines. J'ai rêvé que tu me les dises. Sauf que cette fille est arrivé, cette Laureen, que je ne connais pas et franchement que je n'ai pas envie de connaître. Et …. et tu ne peux pas venir me dire que tu m'aimes, que je suis la seule alors qu'une autre fille dort chez nous. Chez toi. » rectifie-t-elle. Soudainement. La jeune femme se lève, pour éviter tout contact physique avec Maxim. Parce qu'elle le sait, si il la touche, elle risque de craquer, de se perdre dans ses bras, sur ses lèvres et pour le moment, elle a besoin d'éclaircir la situation. Et de tout déballer à Maxim. Elle aussi. « C'est injuste » ajoute-t-elle, d'une petite voix. Pourquoi ne lui a-t-il pas dit tout cela avant ? Pourquoi fallait-il qu'il attende autant de temps ? Ellie a perdu espoir depuis bien longtemps et son coeur encore fragilisé lui intime de faire attention. De rester sur ses gardes. « Et puis qu'est-ce qui me dis que demain, tu ne vas pas changer d'avis, encore une fois ? Je ne le supporterai pas une deuxième fois. J'ai eu tellement de mal à m'en remettre ». True story. Et Ellie n'est pas tout à fait sur d'en être totalement remise. Elle jette un coup d'oeil vers la fenêtre pour éviter de croiser le regard de Maxim. Elle ne rêve que d'une chose, se jeter dans ses bras. Lui dire qu'elle aussi est complètement amoureuse de lui, et depuis si longtemps. Mais … ça serait prendre le risque de souffrir à nouveau. Et Ellie ne le souhaite pas. Souffrir encore.