the great escape
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nos longs silences. (malo)

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MessageSujet: nos longs silences. (malo) nos longs silences. (malo) EmptySam 20 Juin - 0:26

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❝ Rentrer d'où, je te le demande, de quoi revient-on, encore vivants, de quel été, de quel ennui ? ❞
Depuis la nuit des temps, les hommes naissent pour mourir. Ils sont là pendant des années et puis un jour, comme ça, pouf, ils disparaissent. D'abord pour de faux, juste en surface : ils ne respirent plus, leur cœur ne bat plus, leur température chute. Et puis après, pour de vrai : ils s'en vont de nos têtes, comme des migraines qui finissent par se taire. On finit par oublier cette fossette qui se creusait d'une façon si étrange, ce rire un peu bancal, ces discours intimes au milieu de la nuit, ce grain de beauté entre les omoplates, les « je t'aime » lancés à la rache, sans qu'on les pense, et ceux criés du bout du cœur. Tout s'évapore, et alors on meurt une deuxième fois, une dernière fois, surtout. Il est plus de vingt-trois heures et Samson a la sensation très pénible d'avoir sauté les étapes : il se sent chavirer, tout doucement, mais les gens autour l'ont déjà oublié. Alors Samson meurt, à sa façon, il meurt pour de vrai avant même d'avoir cessé de respirer. Il meurt partout dans les yeux des gens, qui se demandent ce qui est arrivé à ce fils prodige qui avait la vie devant lui et qui n'a plus rien, ce qu'il reste de ce garçon rieur qui aimait chaque visage croisé et qui ne prend même plus la peine de saluer le monde dehors. Il meurt tout le temps, dès qu'il s'accroche aux yeux de quelqu'un qui l'a connu avant tout ça, avant la peur des nuits plus longues que les journées, avant la peur du vide, du vide qui pèse trop lourd. « Putain, fait chier ! » Son poing s'abat violemment sur le canapé. Il souffle, repasse toutes les photos de son téléphone en revue, pour la sixième fois. La photo était là il y a à peine deux minutes, mais il ne la trouve plus nulle part. Son doigt a certainement glissé, il a sûrement fait une fausse manip', pas étonnant pour un type qui ne pige strictement rien aux nouvelles technologies et a du mal à envoyer un message de son smartphone. Il regarde encore, une septième fois, pousse un juron et s'enfonce un peu plus dans le sofa. « T'es passée où, putain ? » Il pianote maladroitement sur l'écran du téléphone, fouillant partout. « T'as pas le droit de te barrer comme ça, Abi, compris ? T'as pas le droit de me faire ça. » Ses deux mains agrippent l'arrière de sa nuque dans un geste impuissant, il sait bien que ce n'est qu'une photo, mais c'est tout ce qui lui reste d'Abi : cette photo d'elle qu'il avait prise un matin de treize octobre, ou peut-être était-ce au printemps, cette photo d'elle les cheveux emmêlés qui, dès la première lueur du jour, semble déjà l'aimer de toutes ses forces. Il finit par se lever, attrape une veste qu'il repose directement et sort sans fermer la porte à clé : qu'on lui vole tout, il s'en fout, tout ce dont il a besoin pour tenir le coup, c'est de cette ancienne photo. Traversant sa parcelle de terrain, il atterrit sur celle de sa weirdo de voisine et frappe à sa porte, sans réfléchir. « Salut. Il est, euh... » Il jette un coup d'oeil à sa montre et hausse les épaules. « Tard. » Il se sent con, là, tout à coup. Alors il danse un peu sur ses pieds, défroisse sa chemise de la main pour se donner un peu de contenance mais c'est l'idée de la photo d'Abi envoler qui lui fait reprendre tous ses esprits. « J'ai besoin d'un coup de main. Ces engins-là – dit-il en désignant du menton sa paume ouverte sur un smartphone intact - j'y connais rien... J'ai perdu quelque chose, et j'ai vraiment besoin de le retrouver, je sais pas comment j'ai fait, c'était là, puis l'instant d'après, disparu. C'est récupérable, pas vrai ? Dis-moi que ça l'est. » Il réalise qu'il ne s'est jamais présenté, pourtant, il est presque certain qu'elle connaît déjà son prénom. Parce qu'elle est toujours là, à jeter des coups d'oeil dans sa direction, à le saluer de lui alors que lui ne répond jamais. Il ne sait rien d'elle, lui, mais il ne demande pas. Elle a les yeux grands ouverts, alors, lui qui voulait garder ça pour lui, se trouve résigné et précise. « Ce truc, c'est une photo. » Il pourrait lui expliquer Ô combien cette photo compte. Il pourrait lui parler d'elle, de ses cheveux noirs qui lui tombaient sur les épaules, de l'absence qu'elle a créée en oubliant de revenir, de l'absence pas comme dans les livres, pas comme un trou béant, non, plutôt comme des miettes de silences éparpillées sur une journée, qui font que tout va bien et que d'un coup, on se sent tout seul et raplapla, comme une crêpe de tristesse. Il pourrait lui raconter cette absence là, lui expliquer que cette photo, même si elle est futile, déverse un peu de rire dans ses larmes. Mais il ne dit rien et oriente le sujet là où il se sent plus en confort. « Je te dérange ? Je débarque un peu à l'improviste. »  
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MessageSujet: Re: nos longs silences. (malo) nos longs silences. (malo) EmptyVen 26 Juin - 4:48



Now am I wrong for trying to reach the things that I can't see ? That's just how I feel.

Sourire. Sourire à longueur de journée, sourire quand la nuit a été difficile, sourire quand le banquier n’arrête pas de réclamer de l’argent, sourire quand le monde autour semble peser si lourd. Oui, le monde autour de Malo semble s’effondrer sur elle. C’est comme si elle se retrouvait coincée dans une bulle en plastique, de plus en plus petite. Parfois, elle a l’impression qu’elle ne va pas tenir, que bientôt même l’air finira par lui manquer. Mais elle tient bon Malo, parce qu’elle est forte. Parce qu’elle a jamais appris à baisser les bras, ou à montrer ses faiblesses. Alors assise derrière sa caisse, elle sourit aux clients. Elle sourit même au vide quand y’a personne à qui sourire. Et le soir, elle rentre chez elle épuisée mais heureuse. Heureuse de retrouver celui qui fait battre son coeur. Son fils. Elle remercie Lorna, sa voisine mexicaine qu’elle considère comme l’une de ses tantes. Lorna qui s’occupe de Milo presque tous les jours quand Malo est au boulot. Cette femme est une étoile. Elle rayonne d’une manière plutôt céleste, tout le temps, même quand les gens normaux auraient tendance à perdre patience. Puis Lorna, elle a le dos courbé. Malo elle se dit que c’est parce que sa gentillesse est trop lourde à porter, alors ça lui fait courber l’échine. « À demain Lorna, encore merci pour tout. » Elle lui offre un sourire plein de reconnaissance, tous les soirs. Puis elle referme la porte d’entrée et se jette sur son fils. Elle lui parle de sa journée à chaque fois, et observe chacune de ses réactions même s’il ne comprend sans doute pas un mot de ce qu’elle raconte. Mais c’est pas grave, Malo elle veut juste lui parler. Qu’il entende le son de sa voix et qu’il s’en imprègne. Elle a lu ça dans un livre (oui parce qu’elle lit beaucoup de livres sur la maternité), qu’il est important de parler à son enfant et que les voix qu’il entend le plus régulièrement sont celles qui le rassurent le plus. « Nous deux, on forme une équipe mon trésor. Pour toujours. » Elle tend son index à Milo, qui l’attrape fermement entre ses petits doigts potelés. « Tu sais ce qui va se passer ? Ce qui va se passer, c’est que je vais t’aimer de plus en plus fort. C’est ça, être une mère. Et peut-être que toi, tu vas m’aimer de moins en moins, mais c’est pas grave. C’est pas grave tant que tu m’aimes pour toujours. » Elle lui sourit, d’un air doux et sincère, et dépose un baiser sur son front. « Mais dis donc jeune homme, il est tard. Hors de question de prendre de mauvaises habitudes dès maintenant. » En réalité, elle a fait exprès d’éviter l’heure du regard. Parce que les soirées passent trop vite, et qu’elle n’a jamais le temps de profiter de lui. Mais elle le met au lit, et tant pis si ça lui brise le coeur. Tant pis si elle se retrouve seule et qu’elle sait jamais quoi faire. Au final, elle s’assied sur son canapé, et s’endort. Elle s’endort assise, comme elle pourrait dormir debout tant sa fatigue est forte. Et dans son sommeil, Malo pense à plus tard. Elle pense à quand Milo sera un petit garçon, quand il ira à l’école, quand il tombera amoureux, quand il deviendra un homme. Ce qui va se passer, c’est que je vais t’aimer de plus en plus fort. Oui, elle va l’aimer de plus en plus fort. L’amour d’une mère est une fonction dont la courbe ne cesse de monter. On frappe à la porte. Malo sursaute. Il est tard, et elle ne reçoit jamais de visite. Surtout pas à cette heure-ci. Alors elle se lève en ronchonnant, et ouvre. « Salut. Il est, euh... Tard. » Son voisin. Son voisin qui la salue comme s’ils étaient potes, alors qu’il se comporte comme un véritable con avec elle d’habitude. Malo écarquille les yeux, silencieuse. « J'ai besoin d'un coup de main. Ces engins-là j'y connais rien... J'ai perdu quelque chose, et j'ai vraiment besoin de le retrouver, je sais pas comment j'ai fait, c'était là, puis l'instant d'après, disparu. C'est récupérable, pas vrai ? Dis-moi que ça l'est. » Malo regarde son téléphone, incrédule. Il a perdu un truc. Dans son téléphone. Sa recette de bonnes manières ? « Ce truc, c'est une photo. » Elle reste silencieuse, tant la scène lui semble improbable. Tout cela manque de sens. C’est comme une point d’interrogation en pleine déclaration. « Je te dérange ? Je débarque un peu à l'improviste. » Malo reste immobile plusieurs secondes, puis elle regarde derrière elle, sans trop savoir pourquoi. Alors elle repose son regard sur monsieur costard et se pince le dos de la main. « Je suis pas en train de rêver. Mon voisin, l’étrange roi des cons, se tient là devant moi et me demande de… » Elle baisse son regard sur le smartphone qu’il a en mains. « De l’aider à retrouver une photo dans son téléphone ? » Elle secoue la tête, tout en marmonnant pour elle-même. « Sans déconner, j’hallucine. » Elle repose son regard sur lui, un regard froid tout colère. « Franchement, passe au service après-vente Samson, et fous moi la paix. » Il lui parle comme s’ils étaient potes, elle lui parle comme s’ils avaient un lourd passé derrière eux. Puis elle lui referme la porte au nez. Enfin, seulement quelques secondes, puisqu’elle la rouvre aussitôt. « C’est quoi cette photo au juste ? » Curieuse Malo. Mais ça l’intrigue. Quelle photo est si importante pour qu’il vienne lui demander son aide ?
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MessageSujet: Re: nos longs silences. (malo) nos longs silences. (malo) EmptyMer 15 Juil - 15:18

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❝ Les gens se demandent si j'ai des regrets. La réponse est : un seul. Je regrette chaque minute où j'ai été occupé à autre chose qu'à rendre Elizabeth heureuse.  ❞
C’est seulement quand sa voisine coule un regard lourd de sens sur lui que Samson réalise qu’il n’a rien à faire là. A vrai dire, c’est même le dernier endroit où il devrait être. Il pourrait être au bureau, à New-York, pour plancher sur un dossier malgré l’heure tardive. Il pourrait être dans un avion pour la Nouvelle-Orléans, chez l’épicier ouvert jusque très tard, au cinéma, en train de dormir ou de faire l’amour avec une inconnue rencontrée en boîte de nuit. Il pourrait même être chez tous ses autres voisins. Partout, mais pas devant sa porte à elle. « Je suis pas en train de rêver. Mon voisin, l’étrange roi des cons, se tient là devant moi et me demande de… De l’aider à retrouver une photo dans son téléphone ? Sans déconner, j’hallucine. » L’étrange roi des cons. Celle-là, il a l’impression de la mériter, pourtant, il ne lui vient même pas à l’esprit de lui présenter ses excuses. Il se contente de hausser les épaules, qu’est-ce qu’il peut y faire, de toute façon ? Pas grand-chose. S’il peut encore modifier le cours des choses avec beaucoup de gens à qui il a fait du tort ces derniers temps, Samson est convaincu qu’elle n’en fait pas partie. Il a déjà été beaucoup trop loin, a dépassé les limites trop de fois, il en est bien conscient. Ils sont trop différents, de toute façon. Et maintenant qu’il se prend à l’observer un peu plus, ça lui frappe au visage : si on en vient à la géométrie, ils sont deux droites parfaitement parallèles qui ne se croiseront jamais et tous les lendemains du monde n’y changeraient rien.     « Franchement, passe au service après-vente Samson, et fous moi la paix. » Il soupire, et désigne du menton la grande horloge vétuste dans le dos de la jeune femme. « Il est presque minuit, la boutique n’ouvre pas avant neuf heures demain matin et je… ne peux pas attendre jusque-là. » Il en est incapable. Il n'a pas le courage d'affronter la nuit sans elle, ni les rayons du soleil qui transperceront à travers les volets demain matin. Il sait bien que c'est ridicule, que ça n'a aucun sens, que ce n'est qu'une photo et que ça ne changera rien au fait qu'Abi est partie, partie pour de bon. Qu'elle aurait pu revenir, qu'elle aurait dû, même. Mais qu'elle ne l'a pas fait et ne le fera plus. Ça n'a pas l'air de suffire à Malo, puisqu'elle choisit de prendre congé de lui. Quand la porte en vieux bois se referme sur lui, un voile s'installe sur les pupilles de Samson. Il a l'impression que ça y est, après la mort de son père, la séparation avec Millie, le départ d'Abi et de tous les autres, c'en est trop. Que cette minute, aussi futile soit elle, est la minute de trop, celle qu'il supporte un peu moins bien que toutes les précédentes et qui scinde pour de bon sa vie en deux : avant aujourd'hui, et tous les jours d'après. Se laissant glisser contre la rambarde de l'escalier, dans son dos, il finit par s'asseoir et tenir fermement sa nuque entre ses mains tendues. Il partira, d'ici quelques instants. Il cherche simplement le courage de traverser la parcelle de terrain en sens inverse pour retourner chez lui affronter les neuf prochaines heures. « C’est quoi cette photo au juste ? » Il n'a même pas entendu le grincement de la porte quand elle la ré-ouverte, et il la découvre plantée devant lui, les bras sur les hanches. Il lève les yeux, même s'il sait que c'est une mauvaise idée. « Je pensais que t'étais différente des autres nanas, mais j'ai dû me tromper : tu fourres ton nez partout, surtout où ça ne te regarde pas.  » Il la dévisage. Il l'avait toujours imaginée à part, pas vraiment femme, pas vraiment fille non plus. Le genre de personnes entre les deux, un peu spéciales : tout ce qu'il avait toujours fui, en fait. Il réalise qu'il a peut-être eu tort, qu'elle est peut-être comme toutes les autres : chiantes, qui chialent trois fois par semaine et qui se mêlent de tout, tout le temps. « Tu vas pas rester là les bras croisés en attendant, si ?  » Son poing se contracte car elle ne fait pas le moindre mouvement et que ça l'énerve. Il se passe la main sur son visage, plusieurs fois, comme pour se réveiller d'un mauvais rêve, et finit par abdiquer à moitié, conscient qu'il n'obtiendra pas son aide si son attitude ne change pas. « Je... J'ai pas une vie facile, ces derniers temps. Tu sais, c'est le genre de période où les gens te disent à longueur de journée que ça va aller, que la roue va tourner ? Pourtant, les emmerdes continuent à te tomber dessus, et on continue à te répéter ça, que la roue va tourner. Et tant pis si t'as bien l'impression que ta roue à toi, elle est carrée et qu'elle ne bougera plus d'un pouce.   » Étrangement, même s'il choisit d'éviter soigneusement son regard, il a l'intuition qu'elle voit exactement où il veut en venir. « Alors quand je fatigue vraiment, cette photo me ramène en arrière et je me mets à croire que tout est encore possible.  » Ses yeux se plantent dans les siens, enfin, et il ne les lâche pas en se levant. Il ne sait pas si ça suffira, mais il sait qu'il n'ira pas plus loin, et que si elle refuse de lui filer un coup de main, alors il rentrera chez lui faire les cent pas jusqu'au lendemain matin. Parce qu'il ne parle pas, Samson, jamais. Il ne parle pas parce que ça fait trop mal, de mettre des mots sur les ouragans, les marées de larmes et les trous au fond du bide. Que ça fait trop mal, de mettre des mots sur la vie.  
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MessageSujet: Re: nos longs silences. (malo) nos longs silences. (malo) EmptyVen 17 Juil - 5:15




It's an awfully lonely road to walk alone.

« Il est presque minuit, la boutique n’ouvre pas avant neuf heures demain matin et je… ne peux pas attendre jusque-là. » Aux yeux de Malo, Samson est un ballon de baudruche gonflé à coups de soupirs. Des soupirs de désespoir, des soupirs d’agacement, des soupirs d’incompréhension. Voilà ce qui le caractérise, selon elle. Le désespoir, car à en voir son regard, c’est ce qu’il est. Désespéré. Et c’est également ce qu’il provoque chez elle. En plus de l’agacement et de l’incompréhension. Elle sait pas Malo, comment de nos jours, un mec peut ne pas savoir se servir d’un téléphone. Elle sait pas, mais elle s’en fout. Samson ne prend jamais le temps de la saluer, pourquoi devrait-elle prendre la peine de l’aider ? Alors elle lui referme la porte au nez, emportée par son impulsivité. Mais y’a un tas de questions qui se soulèvent, un tas d’énigmes autour de son voisin qu’elle voudrait résoudre. Elle l’observe depuis quelques temps déjà. Elle l’observe lire son journal sur les marches du perron, cachée derrière sa fenêtre. Elle l’observe entrer chez lui à travers le judas optique de sa porte, sans faire de bruit. Et elle se demande pourquoi un mec aussi bien sapé que lui vit à côté de chez elle. Pourquoi il n’a jamais l’air heureux, pourquoi il ne la salue jamais, pourquoi il la traite comme une moins que rien quand elle essaie d’être sympathique avec lui. Voilà ce qu’elle en a déduit : y’a un truc qui cloche chez son voisin. Un truc de pas net, de pas bien joli. Ou peut-être, un truc de pas bien joyeux. Voilà pourquoi elle rouvre la porte, finalement. Elle est curieuse Malo. Elle veut des réponses. Il est assis par terre, comme écrasé par tout un tas de choses pas très faciles à porter. Elle, elle se tient devant lui, les mains sur les hanches. Et elle l’interroge. « Je pensais que t'étais différente des autres nanas, mais j'ai dû me tromper : tu fourres ton nez partout, surtout où ça ne te regarde pas. » Malo reste immobile, mais elle écarquille les yeux. Elle n’en revient pas. Elle n’en revient pas qu’il vienne sonner chez elle au beau milieu de la nuit pour lui demander son aide, et qu’il continue de se comporter comme une ordure avec elle. « Tu pensais que j’étais différente des autres nanas ? Non mais je rêve. Tu me connais pas, puisque de toute évidence tu passes ton temps à m’envoyer chier, mais tu te permets de me juger ? » Elle secoue la tête, riant nerveusement. « J’espère que t’es plus sympa avec les autres nanas alors. » À vrai dire, elle doute fort qu’il soit différent. Elle doute même qu’il y ait d’autres nanas. Elle se l’imagine complètement seul, à râler dans sa barbe, sans jamais parler aux gens autour. La solitude du mystérieux inconnu. « Tu vas pas rester là les bras croisés en attendant, si ? » « Eh bien si, figure-toi. » Elle sourit, fière d’elle, pour le provoquer sans doute, et croise ses bras contre sa poitrine. Elle jubile à l’intérieur, Malo. Parce qu’elle le voit, qu’il est énervé. Mais elle ne bronche pas, reste là, et attend sa réponse. « Je... J'ai pas une vie facile, ces derniers temps. Tu sais, c'est le genre de période où les gens te disent à longueur de journée que ça va aller, que la roue va tourner ? Pourtant, les emmerdes continuent à te tomber dessus, et on continue à te répéter ça, que la roue va tourner. Et tant pis si t'as bien l'impression que ta roue à toi, elle est carrée et qu'elle ne bougera plus d'un pouce. » C’est officiel, son voisin est un homme malheureux. Il fallait s’en douter. Un visage aussi froid et tendu ne peut qu’appartenir à un homme sans joie. Les traits de Malo s’adoucissent légèrement. Il a pas une vie facile. Voilà qu’elle veut lui poser un milliard d’autres questions, prendre un calepin et y noter toutes ses réponses. Mais puisqu’il pense qu’elle fourre son nez partout (ce qui est vrai), elle va essayer de ne pas le cribler de questions. Pas tout de suite. « Alors quand je fatigue vraiment, cette photo me ramène en arrière et je me mets à croire que tout est encore possible. » C’est peut-être une photo de sa mère. Ou d’une collègue dont il est amoureux. Voire même d’un collègue, après tout… Ou alors… J’en sais fichtre rien, ce mec est un véritable casse-tête. Malo se questionne, elle réfléchit, aveuglée par sa curiosité. Et lorsqu’il se lève pour lui faire face, les yeux plantés dans les siens, elle réalise. Il a besoin d’un coup de main. Sans elle, il finira probablement noyé sous un nuage de tristesse, à boire de l’alcool pour aller mieux. « C’est pas grave si ta roue à toi elle est carrée Samson. Peut-être qu’elle a besoin que tu la répares. Que tu puises en toi pour la faire tourner à nouveau. » Elle sourit, brièvement. « Et pour la photo… J’ai l’impression que tu l’as supprimée. Y’a pas de solution miracle pour la récupérer. » Elle prend un air désolé, puis hausse les épaules. « Tu vas rester là, à pleurer sur ton sort ? » Elle le questionne du regard, puis pose une main sur son épaule, comme pour l’encourager. « Sors Samson. La vie n’attend pas. Il faut sauter dans la cage aux fauves, et il faut se battre. C’est comme ça que ça marche. Alors sors, et prends-en une nouvelle, de photo. » Elle laisse son regard plongé dans le sien, essaie de lui transmettre de la force et du courage. Puis ses lèvres se pincent. C’est vrai qu’il s’est jamais excusé, mais Malo est prête à passer l’éponge, en tout cas pour ce soir. « Tu veux boire quelque chose ? J’ai pas grand chose. Du lait pour bébé. C’est pas dégueulasse avec du sirop à la fraise. »
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MessageSujet: Re: nos longs silences. (malo) nos longs silences. (malo) EmptyVen 17 Juil - 15:17

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❝ A quoi ça sert les émotions pour soi tout seul ?  ❞
« Tu pensais que j’étais différente des autres nanas ? Non mais je rêve. Tu me connais pas, puisque de toute évidence tu passes ton temps à m’envoyer chier, mais tu te permets de me juger ? J’espère que t’es plus sympa avec les autres nanas alors. » Il sait bien qu’il devrait la reprendre, la corriger, lui expliquer que si elle ressemble à toutes les autres femmes, lui n’a rien de tous ces mecs qu’elle a croisés avant. Il ne connait pas beaucoup de choses à son sujet, sûrement parce qu’il n’en a jamais eu le besoin ou l’envie, mais il y a trois choses dont il est absolument certain : Malo a un enfant qu’elle élève seule, n’a pas beaucoup d’amis et a rencontré pas mal de sales types dans sa vie. Ca suinte à travers ses yeux, quand elle l’observe, toujours de loin, comme si elle avait peur qu’en s’approchant un peu trop près, il lui écrase l’intérieur. Peut-être que ça lui ferait du bien, à elle, de savoir que Samson, il est pas comme les autres, comme celui qu’elle a sûrement aimé trop fort et qui s’est barré sans se retourner, en lui laissant sur les bras cette baraque pourrie et un bambin à qui elle doit désormais apprendre ce qu’est la vie.  «  C’est pas grave si ta roue à toi elle est carrée Samson. Peut-être qu’elle a besoin que tu la répares. Que tu puises en toi pour la faire tourner à nouveau. » Il hausse les épaules. Il a déjà puisé en lui, trop de fois, trop souvent aussi. Il a puisé en lui chaque fois qu'il a dû mentir à Millie en lui faisant croire que lui aussi avait raté un casting et qu'ils y arriveraient une prochaine fois. Il a puisé en lui le jour où il a tiré un traît sur son rêve d'être acteur, puis quand il a fallu faire un discours pour l'enterrement de son père alors que lui, ce qu'il avait toujours aimé, c'était parler de la vie. Il a creusé encore, après, en reprenant son entreprise pour soulager sa mère, en quittant Abi avant de faire d'elle une femme bafouée. Depuis, il puise au plus profond de lui chaque soir, en se forçant à se coucher seul pour ne pas laisser quelqu'un d'autre souffrir des fantômes de Millie et Abi, de son amour à marée haute et de l'autre, à marée basse, des vagues dans ses poumons et de ces milliers de miettes de regrets qu'il jette à la mer mais reviennent toujours au port. Elle ne s'en rend pas compte, elle, qu'il est tout raplapla du cœur, et que tout le reste est gonflé, oui, mais de vide et d'amertume. Alors quand elle lui dit, avec cet air désolé, qu'elle ne voit pas ce qu'elle peut faire pour récupérer sa photo mais qu'il faut qu'il sorte, se remette à vivre et en prenne une autre, de photo, il secoue la tête de gauche à droite, vigoureusement. « C'était une femme. » Voyant son air interrogatif, il se passe la main sur le cou et précise. « Sur la photo. C'était une femme, ou bien un enfant, j'ai jamais vraiment su. Elle était entre les deux, je crois, une femme-enfant. Je... J'ai pas envie de prendre en photo quelqu'un qui n'aurait pas la même fossette en forme de mini lune, le même grain de beauté au creux du cou et la même façon de retenir sa respiration en dormant. Y'avait qu'une Abi, et elle n'est plus là.  » Il lui dit tout ça d'un ton détaché, comme s'il parlait du temps dehors ou du dernier match de basket qu'il a regardé. Comme si ça comptait pas vraiment, tout ça, toute cette absence dans les veines et ces silences dans l'estomac. Il ne peut pas s'empêcher de sourire très légèrement quand elle emploie exactement le même ton détaché, après, pour lui proposer de boire quelque chose. Comme si ça comptait pas non plus, qu'il soit là, alors qu'il sait très bien qu'elle a attendu ce moment pendant des semaines : le moment où son voisin, "l'étrange roi des cons", accepterait de s'arrêter un moment avec elle pour discuter un peu. « Va pour un lait de bébé à la fraise.  » Il la suit dans l'appartement et pendant qu'elle s'affaire, il va et vient, découvrant un appartement qui, bizarrement, lui paraît très triste mais plein d'amour. Il attrape d'une main un jouet qui traîne à ses pieds : une petite tortue qui roule et fait du bruit. « J'avais la même, petit. Mon oncle me l'avait offerte pour mes cinq ans, et mes parents l'ont maudit pendant plusieurs mois à cause du vacarme que ça fait, ce machin-là. Quand mon oncle a eu son premier enfant, ils se sont faits une joie de l'emballer et de l'offrir au bébé en cadeau de naissance.  » Il rit doucement, replongeant dans des souvenirs qui, pour une fois, sont loin d'être douloureux. Finalement, il finit par s'assoir sur le canapé, en lui ayant demandé avant du regard s'il en avait l'autorisation. « Au fait, je suis pas le genre de gars qui met en cloque une fille et qui après oublie jusqu'à la définition du mot "père".  » Il lui jette un vague coup d'oeil.  « Je tenais à éclaircir ce point. » Il n'a aucune idée de pourquoi il a dit ça. Ca fait des semaines qu'il la laisse croire tout ce qui lui chante à son sujet, mais ça, il s'est senti obligé de le préciser. Il s'en fout qu'elle pense de lui que c'est un connard, un gars qu'a des thunes plein les poches et qui sait pas où les foutre, un de ces hommes qui snobent tout le monde et à qui on a pas appris la signification du mot égalité. Il s'en fout de tout ça, elle peut bien avoir l'image qu'elle veut de lui, mais il refuse de la laisser croire qu'il est comme le père de son enfant, alors que lui, à presque trente ans, il donnerait tout pour avoir ce que ce type a laissé : un enfant merveilleux pour qui il serait un héros et une femme avec qui construire les quatre-vingt prochaines années de sa vie.   
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MessageSujet: Re: nos longs silences. (malo) nos longs silences. (malo) EmptyJeu 23 Juil - 5:27




A guy and a girl can be just friends, but at one point or another, they will fall for each other. Maybe temporarily, maybe at the wrong time, maybe too late, or maybe forever.

« C'était une femme. (…) Sur la photo. C'était une femme, ou bien un enfant, j'ai jamais vraiment su. Elle était entre les deux, je crois, une femme-enfant. Je... J'ai pas envie de prendre en photo quelqu'un qui n'aurait pas la même fossette en forme de mini lune, le même grain de beauté au creux du cou et la même façon de retenir sa respiration en dormant. Y'avait qu'une Abi, et elle n'est plus là. » C’est ce que font les femmes, aux coeurs des hommes. Elles les habitent un instant, puis elles s’en vont, et laissent un vide derrière elles. Un vide qui blesse à chaque fois qu’on y pense, et même quand on y pense pas. Les hommes aussi, ils maltraitent le coeur des femmes, mais d’une manière différente, d’une douleur différente. Malo se mord la lèvre. Pour la première fois, elle obtient des réponses au sujet de son voisin oxymore. À travers les yeux de Samson, elle a l’impression d’apercevoir son coeur meurtri. Elle voudrait s’en saisir, délicatement, l’emballer dans une feuille de papier bulle, et le remettre en place. Mais elle sait Malo, qu’il n’y a rien qui puisse parer les attaques de l’amour. Alors elle se tait, vraisemblablement impuissante. Et même si Samson lui parle de tout ça d’un ton détaché, elle le voit bien qu’il a souffert et qu’il souffre encore. « Va pour un lait de bébé à la fraise. » Malo pousse la porte de son appartement, et invite Samson à la suivre. Elle le laisse errer quelques instants, alors qu’elle prépare leurs boissons tout en l’observant du coin de l’oeil. « J'avais la même, petit. Mon oncle me l'avait offerte pour mes cinq ans, et mes parents l'ont maudit pendant plusieurs mois à cause du vacarme que ça fait, ce machin-là. Quand mon oncle a eu son premier enfant, ils se sont faits une joie de l'emballer et de l'offrir au bébé en cadeau de naissance. » C’est bizarre. Il ne lui parlait jamais, pas même pour lui dire bonjour. Il a même fallu qu’elle lui tire les vers du nez au sujet de la photo sur son téléphone. Et maintenant, voilà qu’il lui parle de son enfance. Malo en est certaine maintenant, Samson est un oxymore mystérieux. Il se contredit, inlassablement. Elle a l’impression qu’il roule à contresens sur l’autoroute de la vie. Elle sourit finalement au son de son rire. « Tes parents sont machiavéliques… Mais je les comprends, ce truc est infernal. » Elle attrape leurs verres, et s’approche de lui. « Oh et je tiens à préciser que si tu t’amuses à jouer avec ça, et que tu réveilles le petit, tu devras le rendormir toi-même. » Elle lui lance un sourire amusé, avant de l’inviter à s’assoir sur le canapé. Elle s’assied alors à côté de lui, déposant leurs boissons sur la table basse. « Au fait, je suis pas le genre de gars qui met en cloque une fille et qui après oublie jusqu'à la définition du mot "père". » Malo se fige plusieurs secondes. Elle sait pas trop quoi dire, quoi faire, quoi penser. Elle a l’impression d’être une fugitive sur le point d’être démasquée. « Je tenais à éclaircir ce point. » Alors elle attrape son verre, en boit une gorgée, et finit par lâcher un soupir. Et si elle lui avouait toute l’histoire ? Après tout, il s’est livré à elle lui aussi. Et de toute manière, elle est persuadée qu’il n’a personne à qui raconter ce qu’elle pourrait lui dire. Elle passe alors une main dans ses cheveux, légèrement nerveuse. Pas parce qu’elle a peur du jugement qu’il pourrait avoir sur elle, mais parce que c’est ce que ça lui fait, que de penser à Kane. Ça la rend nerveuse. « C’est moi qui suis partie. » Elle se lance. « J’étais amoureuse de lui, alors c’était pas grave qu’il ruine ma vie. J’étais prête à sombrer avec lui. Puis j’ai appris que je n’étais plus seule, qu’il y avait un autre facteur dans l’équation. Et je ne voulais pas qu’il ruine sa vie à lui. Alors je suis partie… » Elle regarde Samson, une moue sur le visage. Elle attend une réponse de sa part, une réaction. Mais avant qu’il ne dise ou fasse quoi que ce soit, elle ajoute. « Tu peux penser ce que tu veux. Que je suis folle ou égoïste. Et peut-être que tu aurais raison. Peut-être que c’est ce qui nous arrive quand on devient mère. Peut-être qu’on devient folle et égoïste, pour notre enfant. » Elle hausse les épaules. Peut-être qu’avant Milo, elle aurait mal jugé un tel acte. Mais aujourd’hui, y’a quelque chose en elle qui a changé. Quelque chose d’indescriptible, et dont elle ne pourra jamais se séparer. Elle a donné la vie, et cette vie, elle ferait tout pour la protéger. Elle pourrait tuer pour Milo, et sans hésiter, elle donnerait sa vie pour la sienne. C’est sûrement ça, être mère. « À ton tour maintenant. » Elle fait mine de réfléchir, avant de plonger à nouveau son regard dans celui de Samson. « Qu’est-il arrivé à Abi ? » Elle le regarde d’une manière assez intense, parce que quelque part, elle se sent concernée et impliquée. Pour une fois, Malo n’est pas juste curieuse. Elle s’intéresse à lui, pour de vrai. Elle a plongé dans son histoire comme on plonge dans un livre, sans retenue. Et de Samson, Malo ne veut pas en perdre une miette.
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MessageSujet: Re: nos longs silences. (malo) nos longs silences. (malo) EmptyVen 31 Juil - 13:24

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❝ Certains êtres restaient comme d'admirables violons, éternellement enfermés dans leur boîte, faute de quelqu'un qui sût en jouer.   ❞
« C’est moi qui suis partie. » Samson déglutit et relève les yeux pour dévisager sa voisine. « J’étais amoureuse de lui, alors c’était pas grave qu’il ruine ma vie. J’étais prête à sombrer avec lui. Puis j’ai appris que je n’étais plus seule, qu’il y avait un autre facteur dans l’équation. Et je ne voulais pas qu’il ruine sa vie à lui. Alors je suis partie… » Il hoche la tête, plusieurs fois, comme pour faire rentrer plus rapidement ses mots dans son crâne. Il a imaginé tellement de choses d’elle, sans vraiment s’en rendre compte. En croisant son regard à travers le rideau, en omettant de répondre à ses bonjours ou en l’insultant. Il a passé des heures à la modeler et à la remodeler, jusqu’à ce qu’elle corresponde à ce qu’il attendait d’elle : une femme dont on ne tombe surtout pas amoureux. Il s'est appliqué à ne lui trouver que des défauts, en a fait une liste qui commence mais ne se termine jamais. Il réalise, après dix-sept semaines à la croiser sans jamais échanger un mot avec elle, qu'il s'est complètement trompé : Malo est une femme dont on tombe amoureux. Pire, elle est une femme dont on tombe surtout malheureux. Elle fait partie de ces femmes qu'on aime trop fort, trop vite, de celles qui vous habitent et finissent par prendre le large. Comme ça, parce qu'elles sont lassées, dépassées, sans doute un peu abîmées. Elle fait partie de celles qui ne se battent pas et fuient, celles qu'on peint dans l'horizon encore des années après et dont on ne se remet jamais vraiment. « Tu peux penser ce que tu veux. Que je suis folle ou égoïste. Et peut-être que tu aurais raison. Peut-être que c’est ce qui nous arrive quand on devient mère. Peut-être qu’on devient folle et égoïste, pour notre enfant. » Encore une fois, il hoche la tête, silencieux. Il devine que c'est à son tour de parler mais il n'en a plus très envie. Il y a une boule qui s'est formée dans sa gorge, si petite qu'on dirait une bille, pourtant, il la trouve sacrément douloureuse. C'est comme une épine dans le palpitant, un grattement dans l'intestin : après le reste de l'univers, c'est au tour de Malo de le décevoir. « Alors il y a un homme, quelque part, ici ou à des milliers de kilomètres, qui est père mais ne le saura jamais ?  » Il y a un parfum de colère dans sa voix. Dans la vie d'après la mort de son père, Samson déteste le monde autour de lui. Il déteste ses employés qui ne se débrouillent pas pour avoir plus de temps avec leur famille, ce boulanger deux rues plus loin qui crie sur sa femme à longueur de journée, cette mère qui, sur son lit d’hôpital, a choisi de ne pas résister, ignorant tous ceux qu'elle laisse derrière elle. Et puis elle, qui prive un père de son enfant et un enfant de son père. Si c'est ça, le monde autour, si c'est devoir souffrir encore et encore des mauvaises décisions de ceux à qui l'on tient, alors Samson préfère mourir tout seul, dans son coin. Parce que de cette humanité-là, il ne veut rien attendre. « Comment est-ce que t'as fait pour partir sans te retourner ? Comment est-ce que t'as fait pour ne pas faire demi tour sous le poids des remords ?  » Il secoue la tête, machinalement.  « Non, vraiment, là ça me dépasse. » Il a beau essayer de comprendre, de toutes ses forces, il n'y parvient pas. C'est étrange comme cette révélation pèse sur lui alors qu'elle ne le devrait pas : après tout, Malo n'est rien de plus qu'une connaissance. Non, même pas une connaissance : elle n'est rien de plus que l'inconnue sur le palier d'à côté, qu'un mot du dictionnaire dont il ne connaît pas la définition, qu'une virgule au milieu de milliers d'autres virgules dans  un bouquin un peu vieillot. Alors pourquoi est-il tant déçu de savoir qu'elle est comme les autres, au fond, qu'elle fait des erreurs et qu'elle piétine le cœur des gens pour se protéger un peu ? Il n'en a pas la moindre idée et ça le dérange. Ca le dérange tellement qu'il finit par se lever, parce que ce lait à la fraise lui paraît soudain être la plus mauvaise idée de la soirée. Il se laisse pourtant retomber sur le canapé quelques secondes plus tard lorsqu'elle se met à le questionner sur Abi. « Ce qui est arrivé à Abi ? » Il hausse les épaules avant de poursuivre. « J'en sais rien, c'est ce qui arrive quand quelqu'un part sans donner d'explications : on se demande tous les jours ce qui a bien pu arriver. » Il ne peut pas s'empêcher de les comparer, toutes les deux. Il les confond, pas dans ce qui se voit, mais dans tout le reste : il les confond dans ce qu'elles taisent, dans leurs silences et dans l'absence qu'elles laissent quand elles disparaissent avec le vent.   « Tu t'imagines sans doute que quand vous partez, comme ça, sans un mot, on passe notre temps à se demander pourquoi ? Pas vrai ?   » Il arque un sourcil, interrogateur, puis lève les bras dans un geste d'impuissance avant de les laisser tomber. « Raté. On se demande pas pourquoi vous êtes parties, parce que des réponses à cette question, on en a des tonnes. On sait bien que des raisons, y'en avait plein, p'tet même trop. Non, ce qu'on se demande du matin jusqu'au soir quand on se prend les pieds dans votre absence, c'est pourquoi vous n'êtes pas revenues.  » Parce que si Abi avait des raisons de partir, il sait aussi qu'elle en avait de revenir. Alors à quel moment la balance bascule-t-elle d'un côté plutôt que de l'autre ? Si Samson en avait le courage, il le demanderait à Malo. Mais où trouve-t-on le courage de demander pourquoi les gens avec qui vous imaginez un futur finissent toujours par devenir les fantômes de votre passé ? Samson préfère encore le poids du vide que celui de cette réponse.  
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MessageSujet: Re: nos longs silences. (malo) nos longs silences. (malo) EmptyJeu 6 Aoû - 17:28



A guy and a girl can be just friends, but at one point or another, they will fall for each other. Maybe temporarily, maybe at the wrong time, maybe too late, or maybe forever.

Malo sent le regard de Samson sur elle. C’est un regard qui brûle, un regard qui pèse. Elle se sent fautive, mal à l’aise, elle a peur. C’est tout un tas de trucs qui se bousculent en elle au fur et à mesure que Samson la regarde. Elle le voit hocher la tête, encore et toujours, tout en restant silencieux. Alors elle voudrait disparaitre. Ne jamais lui avoir proposé de lait à la fraise. Ne jamais avoir mentionné son histoire. Pourquoi a-t’elle fait ça d’ailleurs ? Que pouvait-elle bien attendre de lui ? Elle n’en a aucune idée. Puis finalement, il brise son silence. « Alors il y a un homme, quelque part, ici ou à des milliers de kilomètres, qui est père mais ne le saura jamais ? » Elle lâche un soupir, parce que c’est la seule chose qui lui vient. Du vide. Il est en colère, elle le sent, elle le voit. Elle aurait tant espéré qu’il essaie de la comprendre. Mais il la juge, inévitablement. Et à travers sa colère, Malo a l’impression qu’il veut lui faire payer ce qu’elle a fait. Comme si Samson connaissait Kane, et qu’il voulait se venger pour lui. Alors elle reste figée, silencieuse. Elle essaie de rester de marbre, de faire comme si la réaction de son abruti de voisin ne l’atteignait pas, comme si elle s’en fichait. Et finalement, elle articule d’un ton presque détaché. « Il le saura, je vais le voir ce weekend. » Parce que c’est vrai. Malo a l’intention de tout avouer à Kane. Elle a réservé ses billets d’avion, ils sont sur le comptoir de la cuisine. Elle avait seulement besoin de temps. De temps pour réfléchir, de temps pour trouver la force d’aller vers lui. Et surtout, de temps pour lui pardonner. Parce que si elle est celle qui a disparu sans laisser de trace, il est celui qui l’a frappée, celui qui a brisé l’espoir qu’elle avait pour eux trois. Elle n’est pas innocente, elle aurait pu faire les choses autrement. Mais Kane a sa part de responsabilité également. Elle n’est pas la seule à blâmer, elle refuse de le croire. « Comment est-ce que t'as fait pour partir sans te retourner ? Comment est-ce que t'as fait pour ne pas faire demi tour sous le poids des remords ? » Samson secoue la tête, et à Malo, ça lui donne le tournis. « Non, vraiment, là ça me dépasse. » Ça te dépasse parce tu prends pas le temps de réfléchir, parce que t’es un mec et que vous les mecs, vous êtes incapables de comprendre ce genre de choses. De comprendre qu’une mère pense au bien de son enfant avant toute chose. Alors ouais, peut-être que Kane en a souffert, peut-être qu’il en souffrira encore quand il découvrira la vérité. Mais en attendant, Milo ne vit pas sous le même toit que le mec qui a frappé sa mère, il ne vit pas sous le même toit qu’un mec qu’à les mains dans la drogue. Voilà tout ce qu’elle voudrait lui dire, à Samson. Mais elle ne dit rien, elle se tait. Il en vaut pas la peine. Elle se souvient maintenant, de la bouteille de scotch qu’il a failli lui lancer à la gueule mais qui s’est écrasée sur le mur à côté d’elle. Samson n’est pas différent de Kane. Il est dans le même panier. Elle aurait tellement aimé qu’il soit différent pourtant… « Ce qui est arrivé à Abi ? » Il hausse les épaules, elle attend la suite. « J'en sais rien, c'est ce qui arrive quand quelqu'un part sans donner d'explications : on se demande tous les jours ce qui a bien pu arriver. » Elle sent encore une accusation dans sa réponse. Alors elle ne bronche pas, laisse ses paroles glisser sur sa carapace un peu fragile. « Tu t'imagines sans doute que quand vous partez, comme ça, sans un mot, on passe notre temps à se demander pourquoi ? Pas vrai ? » Elle ne le quitte pas des yeux, le voit arquer un sourcil et lever les bras en l’air. Et ça l’énerve. Elle sait pas pourquoi, mais ça l’énerve. « Raté. On se demande pas pourquoi vous êtes parties, parce que des réponses à cette question, on en a des tonnes. On sait bien que des raisons, y'en avait plein, p'tet même trop. Non, ce qu'on se demande du matin jusqu'au soir quand on se prend les pieds dans votre absence, c'est pourquoi vous n'êtes pas revenues. » Elle croise les bras contre sa poitrine, laisse son pied tapoter contre le sol. Et elle ne dit rien. Elle a l’impression d’être dans un combat de sexe. Lui contre elle. Lui, il défend les mecs, elle, elle défend les filles. Sauf qu’elle a pas envie de se battre. Elle a pas envie de se justifier. Elle a juste envie d’être tranquille en réalité. Alors elle attrape le verre de Samson, marche jusqu’à la cuisine et le vide dans l’évier. Puis elle se retourne vers lui. « Tu sais quoi Samson ? C’est à toi de partir, maintenant. Et de ne jamais revenir. » Elle lui ouvre enfin la porte de son appartement, comme pour lui montrer la sortie. « Je sais pas ce à quoi je m’attendais, quand je t’ai laissé entrer. J’aurais dû me douter que t’étais comme les autres. Que t’étais comme lui. » Elle fronce les sourcils, comme pour rester forte et montrer sa colère. Elle aussi elle sait faire, elle sait être en colère. « Tu passeras le bonjour au fantôme d’Abi. » Qu’elle dit comme pour le blesser.
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MessageSujet: Re: nos longs silences. (malo) nos longs silences. (malo) EmptyVen 14 Aoû - 10:14

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❝ Alors on va s'quitter comme ça. ❞
"Il le saura. Je vais le voir ce weekend."La boule au fond de sa gorge, jusque-là minuscule, grandit. Pas tout doucement, non, tout d'un coup. C'est maintenant une balle de tennis, une orange, une tumeur aussi grosse qu'un poing fermé. Au milieu, Samson cherche sa respiration. Il inspire, aussi discrètement que possible, puis souffle de la même façon. Il aimerait ne pas être là. Il aimerait ne jamais avoir eu l'idée de se pointer chez elle un jour tard le soir pour une photo d'Abi. Il aimerait qu'elle reprenne son histoire, ses récits de père qu'en est pas un et d'enfant qu'en est plus un. Il aimerait qu'elle reprenne tout, tout de suite. Son lait à la fraise qui est dégueulasse, les picotements le long de ses bras au son de sa voix, le regard dur qu'elle porte sur lui comme si c'était lui, le coupable. Il voudrait lui jeter au visage les souvenirs qu'il aura d'elle, après ce soir, l'odeur de son parfum et le bruit de sa respiration, le papier peint défraichi, la tortue du gamin qui l'a ramené des années en arrière et ses cheveux en bataille qui ne lui paraissent plus aussi secs vu d'ici. "Et qu'est-ce que tu fais de ces dizaines de weekends qu'il déjà loupés ? Y'en a eu combien, hein ? Ton gosse a quel âge ? " Sa colère, il ne la masque même plus. Elle suinte partout à travers lui. Il y a du noir dans ses yeux, dans ses mots, dans la boule au fond de la gorge qui lui fait un mal de chien. Il sait bien qu'on ne juge pas les gens, que c'est quelque chose qui ne se fait pas. Il sait aussi qu'on ne l'a pas éduqué comme ça, que ses parents lui ont expliqué qu'on ne lit pas à travers les gens comme dans un livre ouvert, qu'il en faut du temps pour comprendre, et deux fois plus pour pouvoir émettre ne serait-ce que le début d'un jugement. Mais c'est plus fort que lui : il regarde sa voisine et ne voit qu'un bloc d'égoïsme déguisé en amour maternel. Il l'imagine rentrer dans la vie des gens et en sortir comme elle est venue : en silence. Il l'imagine se faire ombre partout où elle va, bousculer le soleil et fabriquer des nuages de ses petites mains usées par un boulot mal payé. Il l'imagine cacher la joie partout autour d'elle, parce que les femmes qui viennent et vont ne font que ça : offrir des miettes de bonheur puis repartir avec tout le reste. Après elles, on ne sait plus rire, plus sourire, on ne sait parfois même plus manger. Après elles, il faut tout réapprendre. "Tu sais quoi, Samson ? C'est à toi de partir, maintenant. Et de ne jamais revenir. " Au moins, ils sont d'accord sur une chose : il ne reviendra pas. "Je ne sais pas ce à quoi je m'attendais quand je t'ai laissé entrer. J'aurais dû me douter que t'étais comme les autres. Que t'étais comme lui. Tu passeras le bonjour au fantôme d'Abi. " Elle cherche à le blesser, il le voit bien. Elle cherche à remuer quelque chose en lui, à l'habiter juste le temps de quelques pas. Si elle savait qu'il n'attend que ça : qu'on l'habite à nouveau, qu'on lui prouve qu'il y a encore quelque chose à creuser quelque part, qu'il y a encore un peu de place pour d'autres trous. Mais Abi et Millie sont partout, elles comblent tout. Le vide, les interstices, les silences entre les deux. Il n'y a plus de place pour elle et ses vocables percutent son enveloppe sans se frayer de chemin à l'intérieur. "Je le saluerai de ta part, c'est promis.  " Sa voix n'est qu'un murmure. Plus de colère, plus de douleur, juste une profonde lassitude. Samson passe devant sa voisine : il est temps de partir pour ne jamais revenir. Pas une seule fois il ne se retourne. Mais en passant devant sa boîte aux lettres, il jette quand même un coup d'oeil au nom qui y est inscrit. Malo Moriarty. Malo. Malo. Malo. Quel joli prénom pour une géante d'ombre.
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