Son comportement un peu étrange n'était pas anodin. Dès qu'un changement relationnel était à l'ordre du jour, dès qu'elle devait compter pour deux et pas pour elle seule, Keena voyait son comportement changer. Ce n'était ni intentionnel, ni hasardeux. C'était un fait. Plus coquette, plus attentive, plus fille. Le garçon manqué qui frappe et qui a envie de gueuler en pleine rue parce qu'on la bousculait faisait place à une jeune femme timide qui n'osait pas l'ouvrir, ou trop tardivement. Cette manie qu'elle avait de laissé place à une autre facette de personnalité dans ce genre de cas la rendait nerveuse, anxieuse. Abattue. Rien qui ne laissait présager quelque chose de bon dans tous les cas. Ayant Adrian au téléphone tous les jours, elle lui confiait ses craintes et ses peurs, ses angoisses et ses cauchemars. Rejet. Abandon. Rateau digne de figurer dans le Guiness Record. Elle se protégeait et devenait plus vulnérable que jamais dans le même temps. Décidant de laisser son côté timoré de côté, elle prit une décision. Courir. Laissant sa colère contre elle même, son envie d'embrasser le blond, et sa désespérante timidité à deux balle au placard, elle se vêtit d'un pantalon de jogging noir et large, d'un débardeur bleu et sa paire de basket usée par l'effort. Keena sortit de son pauvre petit appartement dans les bas fonds de Vegas, à proximité d'une université qui ne la verrait plus dans quelques mois, et courut le long du Strip. L'effort, son souffle régulier, les battements sourds de son cœur, la chaleur qui prenait place dans ses muscles, ses poumons qui s'emplissaient d'air et de se dégonflaient à une rythme parfait. Elle laissait sa frustration dans un coin de sa tête. Une semaine qu'elle avait le numéro d'Elias et elle ne l'avait toujours pas appelé. Pas un message. Pas un coup de fil. Même pas un bip pour lui faire savoir qu'elle était vivante et bien portante. La sueur coula sur son front, son dos, dégoulinant sur son corps avec plaisir. Keena aimait sentir la brûlure dans ses muscles pendant qu'elle courait. Elle risquait sans aucuns doutes de se briser les deux jambes à courir alors que c'était l'heure de pointe sur le Strip, mais elle s'en fichait. Elle voulait courir. Encore. Encore. Et encore. Elle dévala la rue en à peine quinze minutes, laissant derrière elle ses soucis. Son portable dans la poche de son jogging, elle commença à cogiter. S'arrêtant un peu, elle réfléchit durant à peine deux minutes avant de le prendre et de composer un message à destination d'un certain Elias, sauveur à plein temps. Salut, ça te dirait qu'on se voit une autre fois. Cette fois ci, je ne te démonterais pas. Keena sourit un peu avant d'envoyer le message, mais appuya sur envoyer avec une étrange satisfaction. Elle était contente d'elle, avait un réel sourire qui disait «  yes I did it » sur le visage. La petite fille de Miami, qui avait peur de dire à son copain de classe qu'il était mignon, commençait à prendre un peu plus confiance en elle. En tout cas, pour envoyer le premier message, pour faire le premier pas. N'ayant pas envie de garder cette bonne humeur pour elle même, elle envoya un message à Tyler afin de lui donner rendez vous à la salle de sport, histoire de se défouler sur quelqu'un. Tyler était un ami. Du moins, tant qu'il ne voulait pas l'embrasser, la chauffer ou la draguer de manière si peu subtile que même un mammouth prendrait la fuite. Toute trempée de sueur, elle reprit sa course, remontant le Strip afin de rentrer chez elle. Elle voyait Tyler comme un homme en ruth, mais avait un minimum d'amour propre pour elle-même. Pas question de faire face à la communauté de sa salle de sport préférée déjà toute trempée de sueur. Ils pourraient se faire des idées. Remontant donc la rue, elle se mit à penser à sa relation avec les hommes. Keena faisait partie de ses femmes qui étaient super indépendante. Féministe à souhait, elle ne laissait personne et surtout pas un homme l'aider. Adrian était sans aucuns doutes, le seul homme à qui elle pouvait confier son sort. Rayan n'était que son mentor, et sans doute pour cela qu'elle arrivait à lui faire confiance assez pour habiter chez lui avec son frère Kenzo qu'elle ne connaissait pas réellement. Solitaire, battante et grande gueule, elle avait la combinaison gagnante pour finir comme madame mccluskey dans desperate housewives. Hors de question. Elle savait qu'elle devait se sociabiliser plus, faire des rencontres, se mêler à la population et arrêter de prétendre qu'un homme ne serait pas utile à sa vie. Keena était souvent à bout de souffle, ne sachant pas comment elle faisait pour garder son esprit clair avec tout ce dont elle devait s'occuper. Avec son poste de barmaid, elle avait accepté d'être l'égérie d'une entreprise cosmétique. Depuis peu, elle avait prit un autre job dans un club géré par une jeune blonde vraiment adorable. Keena aimait bien son nouveau boulot, sa vie jamais calme, mais une personne avec qui la partager donnerait sans doute un goût encore plus agréable au tout. Prenant une douche rapide, changeant de vêtement de sport, elle prit dix minutes plus tard le bus pour la salle de sport. Elle pensa à l'entraînement qu'elle allait donné à ce feignant de Tyler. Il était une lavette, pas de doute la dessus, mais une lavette qu'elle aimait bien. Son ami avait besoin de savoir se défendre dans une ville comme Las Vegas et surtout à cause des magouilles qu'il faisait. Elle n'avait jamais voulu savoir comment il occupait ses nuits, mais ce n'avait rien de légal à son humble avis. Elle était dans la salle depuis cinq minutes, et il n'était toujours pas arrivé. En retard. Comme à son habitude. Décidant de faire passer un peu le temps, elle s'échauffa légèrement, laissant son esprit divaguer encore un peu, essayant surtout de ne pas regarder son téléphone toutes les cinq minutes. Sentant une bouche sur sa joue, elle sourit un peu. Tyler était bien différent quand il était avec elle. Plus taquin, plus joueur, plus gentil et amusant. Bien entendu, il était toujours un manipulateur et dragueur invétéré, mais il n'y avait pas de manipulation entre eux. Juste de la franchise. « Tyler, un jour je vais t'acheter une montre et te la faire implanter dans l'oeil, c'est pas possible. » qu'elle lui dit avec une moue agacée mais joueuse. « Rêve. Tu ne me mettras jamais dans ton pieux. Je sais même pas si tu en as un d'ailleurs. » Prenant une paire de gants à sa taille, et enfilant les siens, elle lui fit signe de la rejoindre sur le ring. « Aller viens petite pucelle. » Roulant des poings, dansant sur ses jambes fines, elle lui fit face avec une détermination à lui faire mal. On n'était pas en retard avec la Hogdenger. Et vlan, un coup à la hanche, pas assez pour que ça résonne dans tout son corps, mais assez pour lui faire mal juste assez pour qu'il revienne à l'heure la prochaine fois. « Dernière fois que tu es en retard petit branleur. » Elle sourit un peu en le regardant se tordre. Victoire. Keena 1, Tyler 0. Game on.

Le souffle court dû à l’effort. La douleur des muscles qui travaillent. La sueur chaude qui coulait sur le front déjà humide. Son corps qui se délestait des toxines et autres pollutions dû à une vie citadine. Même quand elle était une adolescente lambda à Miami, même quand elle avait quinze ans et que rien ne l’intéressait à part ses séances de judos et de taekwondo, elle courait le long de la plage, au soleil levant, le vent doux de la nuit laissant place à la chaleur implacable de la Floride. Elle avait toujours cette habitude de courir afin de libérer son esprit des soucis qui l’habitait. Laissant son placard à emmerdes fermés pour un temps limité, apaisant son corps des tensions qui le parcourait et bloquait sa respiration une fois la nuit tombée. Quand elle était perturbée par quelque chose, en général, Keena faisait des insomnies. Gardant les yeux ouverts la nuit durant, n’essayant même pas de changer de positions pour une tentative de sommeil qui finirait ratée. Alors, elle courait, faisait du sport, sortait le plus possible, se dépensait au maximum afin de ne pas laisser son esprit si volage voir ailleurs et revenir avec un bagage beaucoup trop lourd. C’est ainsi qu’elle vivait ses problèmes, en les fuyant. En les laissant dans un coin. En ne les regardant pas avant d’avoir trouvé une solution. Fuir. Elle l’avait fait durant longtemps. Encore aujourd’hui. Elle fuyait cette impression qu’elle avait de lâcher prise. De ne plus avoir un contrôle sur sa vie. Ses différents emplois, Elias, Adrian, Tyler, Esteban, elle n’avait jamais eu autant d’homme qui l’entourait. D’habitude, elle était seule, totalement seule. Quand elle était avec Christopher, elle était seule avec lui. Il n’y avait pas de tiers personnes, ni d’amis qui venaient lui rendre visite, pas de parents réellement mais une famille qui l’a accueillis avec les bras ouverts. A présent, elle devait faire en sorte que tous soient contents. Que tous aient une part du gâteau. Elle aurait aimé parler à Chiara de son problème, de son incapacité à comprendre pourquoi sa solitude lui manquait tant. Cette solitude dont elle crevait d’envie mais qui ne pouvait exister dans un monde comme le sien où le social était important au delà de tout ce que l’on pouvait imaginer. Alors, elle appela Tyler. Ce gars qui était adorable quand il ne voulait pas l’embrasser ou n’avait pas un œil au beurre noir de sa part. Tyler avec son humour à deux balles et sa belle gueule d’arnaqueur. Tyler et son histoire floue, digne d’un George Duroy. Chiara ne le supportait que difficilement, et quand les trois était réunis, c’était un carnage. Mais la brune était persuadée que cette animosité qui les animait n’était qu’une belle attirance qu’ils ne s’avouaient pas. Idiotie. Qu’ils se mettent au lit ensemble et ils en finiront avec ce numéro qu’il jouait depuis bien trop longtemps. S’échauffant avec un sac de frappe, elle fit passer le temps à cause du retard programmé de son ami. Elle imaginait la tête de Tyler à la place du sac, histoire de ne pas lui en coller une à son arrivée. Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’elle eut la joie de le voir, et l’envie de taper lui reprendre. Elle ne répondit pas au baiser mais sourit légèrement. « Je t’en achèterais une à dix dollars à Chinatown. Il y a de parfaites contrefaçons dans certaines boutiques quand on sait bien cherché. » Elle y allait souvent, dénichant des bonnes affaires pour un petit budget. Keena avait ce don pour acheter énormément de choses pour pas cher. Merci la pauvreté de lui avoir appris à chercher les meilleurs bons plans qui existent. Elle enfila sa paire de gant de boxe et aida ce cher Tyler à enfiler les siens. « Il est temps que tu apprennes à mettre ses foutus gants merde. » Elle ne releva même pas sa remarque salace, tellement habitué à ses piques sexuelles dépourvues de contenue. « Irrécupérable. » Montant sur le ring, elle lui fit face avec un sourire vraiment pas rassurant pour le pauvre jeune homme. Il avait beau avoir trois ans de plus qu’elle, deux bonnes têtes en plus et des bras de la taille de ses deux cuisses, il ne valait pas un clou en boxe. La plupart du temps, il ne faisait qu’agiter des bras comme un petit poussin. Son coup de pied à la hanche lui coupa le souffle durant un bref moment. Mais pas assez pour qu’il la ferme apparemment. « Sérieusement, tu la fermes jamais ? Même quand t’as mal ? » Elle dansa encore un peu avec lui sur le ring, esquivant ses pathétiques tentatives de la blesser, mais rien à faire. Elle était agile la petite, digne des plus grands. La boxe, elle l’avait apprise sur le tas, n’ayant jamais suivit de cours. Elle, c’était les arts martiaux qui l’avaient passionnée durant de longues années. Jusqu’à ce qu’elle soit si excellente qu’elle ne s’intéresse à autre chose. A présent, la boxe occupait une partie de son temps, malgré qu’elle soit fine comme une branche et qu’on avait l’impression qu’elle allait se casser au moindre coup. Tyler, qui pourtant n’arrivait jamais à la mettre à terre, finit par faire un coup vraiment pas pensé du tout. Sa maladresse entraîna la jeune femme au sol, lui sur elle. Bien sur. « Rêve mon pote. Tu sais que ta maladresse est sans doute ta seule qualité ! » Elle rit un peu de la situation. Ce n’était pas la première fois qu’ils se retrouvaient l’un sur l’autre. Sauf que la dernière fois, il avait voulu l’embrasser. Et elle l’avait cogné. Dur. « Bon, tu te lèves ou quoi ? » Elle le regarda droit dans les yeux. Fixant ses prunelles noisettes avec une tête disant clairement qu’il avait intérêt à se lever si il ne voulait pas perdre l’usage d’enfanter. Et il se leva, n'ayant surement pas envie de se retrouver avec un oeil en moins. Ou autre chose en moins. Sauf que le Tyler, il était un pervers né. C'était un fait établi, et même inscrit dans la constitution américaine. « Ty’ ! Arrête ça. Arrête de fixer ma bouche, c’est carrément flippant. »