« Quand est-ce que tu viens nous voir Esteban ? Tu ne veux plus nous voir ? Tu ne vas pas nous abandonner hein ? » La voix mélodieuse de Leya s’emplissait de sanglot il pouvait l’entendre. Il avait envie de voir les deux cadets de la famille Keynes plus que tout. Mais voilà en allant à San Francisco la semaine dernière il avait dépensé une grosse somme d’argent. Tout ça pour quoi ? Pour que son frère ne se montre jamais et qu’il fasse finalement un aller-retour jusqu’en Louisiane. Cet argent il aurait pu s’en servir pour aller les voir, même si retourner dans sa ville d’enfance lui faisait mal il était prêt à le faire pour eux car il leur a promis de ne jamais s’enfuir, de toujours être là pour eux «Bien sûr que non Ley mais tu sais que c’est compliqué, les billets d’avion coûtent cher et… » Alors qu’il parlait il l’entendit murmurer à leur frère certainement juste à côté d’elle qu’il ne viendra pas, qu’il les laissait tomber. « Je vais venir, je serais là la semaine prochaine alors prépare ma chambre » Les murmures cessèrent immédiatement et il pouvait s’imaginer exactement l’expression sur son visage, le sourire toujours enfant, les yeux plissait se retenant de hurler de joie. Entendre les sanglots dans la voix de sa sœur était insupportable pour lui, alors même si après ce moment passé à Vegas il devrait certainement se priver de pas mal de choses pendant quelques semaines cela valait le coup. Pendant le reste de la semaine il demanda à son patron de lui rajouter des heures, il travailla six jours d’affilé pendant douze heures. C’était certainement illégal mais il s’en fichait. Une fois ces journées terminées il organisa plusieurs combats afin de gagner un maximum d’argent. Finalement à la fin de la semaine il s’en était sorti avec une lèvre ouverte, un hématome sur la mâchoire et plusieurs autres caché par ses vêtements mais surtout avec assez d’argent pour aller à Las Vegas et y rester plusieurs jours.

Quelques jours plus tard il était à l’aéroport de Las Vegas en train de serrer ces deux cadets dans ses bras. Sa mère se tenait en arrière, il l’embrassa rapidement sur chaque jour mais ne lui accorda pas plus contact humain. Même s’il ne le montrait pas il était content de la voir. Bien sûr le premier sujet de conversation qu’elle aborda fut ses blessures apparentes, mais il ne prit même pas la peine de lui répondre et suivit son frère et sa sœur pour parler de tout et de rien. Il passa une bonne partie de la journée avec eux, il était tellement différent en leur compagnie. Les personnes qu’ils croisent souvent ne le reconnaîtrait certainement pas, on pouvait le voir sourire, rire, il était méconnaissable. Puis vers 16 heures il décida de sortir de l’appartement pour aller se balader un peu tout seul. A vrai dire il ne voulait pas vraiment aller se balader mais c’est ce qu’il leur raconta. En réalité il voulait voir quelqu’un. Il voulait voir Keena. Elle est l’une de ses seules connaissances à Las Vegas, du moins l’une des seules à qui il adresse la parole alors il comptait bien profiter de ce petit séjour pour aller la voir. Comprendre pourquoi il apprécie Keena n’est pas très compliqué, à chaque fois qu’il la voit il a l’impression de se voir dans un miroir mais en dix fois plus canon il faut bien l’avouer. Leur caractère et leur façon de penser est tellement similaire que cela en devient troublant. Déjà le fait qu’il veuille voir quelqu’un d’autre que sa famille était un exploit alors pour une fois elle avait intérêt à être d’aussi bonne humeur que lui. En regardant l’heure une fois dehors il se dit qu’elle était peut-être à la salle de sport. C’était souvent à cet heure-là qu’elle s’y rendait, du moins c’est à cette heure-là qu’il l’avait rencontré la première fois et pas mal d’autres fois après. Après tout on ne sait jamais et puis Esteban pensa que si elle n’était pas là-bas il se rendrait à son appartement tout simplement. Il était étrange pour lui de marcher dans cette ville qui fut sienne pendant bon nombres d’années. Chaque rue, chaque boutique, tout était encré dans sa mémoire, il connaissait Las Vegas comme sa poche et revenir ici lui donnait toujours une impression étrange. Il était divisé entre la haine de retrouver cette ville qu’il a toujours détesté et la nostalgie de retrouver cette ville qui l’a forgé. Après plusieurs minutes de bus il descendit finalement se retrouvant devant le complexe sportif ou il avait rencontré la jolie brune la première fois. N’ayant pas forcément envie d’attendre un nouveau bus directement alors qu’il venait d’en quitter un il croisa les doigts pour qu’elle soit ici. Lui envoyer un message aurait été certainement plus malin c’est vrai mais la surprise aurait été gâché. Il rentra alors dans la salle, il c’était changé avant de partir, histoire d’être en tenue. Ce n’était pas un stade ou un gymnase il n’était pas la pour admirer. Après quelques minutes de recherche il la vit un peu plus loin en train de s’entraîner avec un gars qu’elle aurait certainement pu mettre K.O en quatre minutes. Il l’observa en restant à l’abris des regards pour ne pas qu’elle le remarque, le garçon semblait prêt à tout pour ne pas la laisser gagner ce combat mais Esteban voyait très bien même à distance qu’il avait de plus en plus de mal à respirer. Il mettait de plus en plus de temps à se relever une fois qu’il tombait à terre. Voulant mettre fin à son supplice le jeune homme s’approcha du duo. Elle était en face de lui mais de dos, c’était parfait. Alors qu’elle ne s’y attendait pas il se plaça derrière elle et la bloqua à l’aide de ses bras avant de murmurer rapidement à son oreille « Tu ne vois pas que tu vas l’achever, attaque toi à quelqu’un de ton niveau Hogdenger » Il lui avait bloqué les deux bras et attendait de voir sa réaction et de voir ce qu’elle allait faire pour se défaire de son emprise. Enfin si elle le voulait… Peut-être n’étais-ce pas le cas, peut-être voulait-elle resté collé à lui ainsi mais c’était peu probable la connaissant.

« Keena, la table dix a besoin de toi, et le carré VIP t'attend depuis un moment maintenant. » Oui chef, parfait chef. Son humeur descendant au fils des verres de shots qu'elle déposait sur les tables du XS club, Keena se demandait si elle ne devrait pas quitter son job de barmaid pour se consacrer pleinement à être l'égérie de la société de Allie et sa sœur. La belle brune arrivait à concilier séance photos et test maquillage avec son petit job de barman et sa vie étudiante. Pourtant, la fatigue, l'envie d'avoir du temps libre, du temps pour elle, une vie sociale, et surtout, elle n'allait pas mentir, appeler Elias qui avait voulu laisser son numéro de téléphone sur son bras à la peinture, mais dont elle avait intercepté le geste en lui tendant son téléphone récemment acquis. Elle avait rit au final avec lui, elle avait sourit, un peu draguer, et s'était laissé séduire. Pas comme avec Edward, pas comme avec Tyler, mais juste assez pour piquer sa curiosité sur la personne qui se cachait derrière cette allure de dieu grec et ses yeux bleus océans. « Oui, Jane. J'y vais. » Ravalant les piques acerbes qui menaçaient de sortir d'une minute à l'autre, elle prit son plateau et sa fierté pour aller servir les jeunes demoiselles qui pensaient qu'elle était à leur service. […] Trois heures plus tard, elle faisait face à son miroir, le visage un peu fatigué, mais pas assez pour la dissuader d'aller à la salle de sport. Elle avait un excellent niveau en art martiaux et tenait à le garder. Le propriétaire de la salle étant un ami depuis son arrivée à Vegas il y a deux ans, après qu'elle l'est mit KO après un pari, elle avait libre accès à la salle, même si elle tenait à lui reverser un tiers des frais d'inscription pour ne pas être une privilégié, elle qui les exécrait de tout son cœur. Son petit déjeuner avaler, constituer de deux tranches de pain toasté et beurré, ainsi que de trois grands verres de jus d'orange, elle partit dans son pantalon de yoga flattant son corps et son débardeur blanc, le tout sous un sweat shirt à l'effigie de l'université de Seattle. Le vent à Vegas était rare, mais son fin débardeur blanc ne couvrait pas la totalité de son corps, alors pas la peine de se soumettre aux regards appréciateurs des quinquagénaires venus se faire une petite virée dans la ville du péché. Bien des personnes arrivaient dans cette ville avec le souhait de laisser leur petite vie tranquille au placard et de profiter d'une pause, d'un moment où ils ne seraient pas père ou mère de famille, mari, gérant d'entreprise ou tout simplement, une personne qui ne savait pas quoi faire de sa vie. Keena était venue ici car cette ville l'attirait. Elle aurait très bien pu aller à New York afin de finir ses études mais à quoi bon. Tout le monde y allait et allait bien finir par y planter un pied dans quelques mois. Profiter de deux années où elle ne serait que Keena, cette fille à l'allure garçon mais avec un goût pour la mode bien trop prononcé, avant de devenir une apprenti journaliste en mode et stagiaire dans un des plus grands magasine. Deux ans qu'elle était ici, et elle s'y plaisait toujours autant. Même beaucoup. Prenant le bus, elle songea à ce qu'elle pourrait faire une fois qu'elle serait à New York. Bien entendu, Rayan serait là pour l'aider au début, mais le jeune pakistanais n'allait pas lui tenir la main pendant toute la durée de son séjour à la Grosse Pomme. Il lui faudrait trouver un travail à côté, malgré les horaires de fous qu'elle aurait, même en tant que stagiaire. Un groupe d'amis, car bien que Adrian soit déjà implanté là bas, elle ne voulait pas être dans ses pieds. Keena était une solitaire, mais même à Vegas, elle avait des amis. Jaeden, Esteban qui passait parfois depuis son départ, Allie, Ainsley, et à présent, elle espérait compter sur Elias. Pour cela, il faudrait qu'elle prenne son courage à deux mains et lui envoie un message. Prenant son téléphone, elle regarda son répertoire pour la dixième fois de la journée. Le nom d'Elias apparaissait en lettre capitale sur le fond blanc de son iPhone dont elle prenait un soin tout particulier à ne pas endommager l'engin. Fixant le nom pendant presque la durée entière de son trajet, elle se posa milles et une questions. Est-ce qu'elle l'intéressait ? Aurait-elle envie de tenter sa chance avec un mec qu'elle n'a vu que deux fois et avec qui le contact était visiblement difficile ? Serait-elle prête à retenter l'expérience ? Tant de questions qui se bousculaient dans sa tête et dont elle supposait les réponses. Mais sa peur panique de se voir le cœur brisé encore une fois la rendait malade. Arrivant à son arrêt, l'ayant presque raté à cause de ce foutu nom sur fond blanc, elle descendit du bus et entra dans la salle. Saluant les habitués, ne détonnant plus pour eux depuis qu'elle lui avait mis une dérouillée à chacun d'entre eux parce qu'ils l'avaient appelé fillette. Bref, elle prit place dans un espace assez vaste pour réviser ses enchaînements d'échauffement. Laissant son esprit se vider. Keena était forte dans ce domaine. Quand elle était en mode sport, il n'y avait rien ou presque qui pourrait la distraire. Dix minutes plus tard, elle fit face à son adversaire. La boxe n'était pas sa spécialité, mais avec ses connaissances en art martiaux, c'était du gâteau. Elle le laissa s’essouffler, laissant la grosse bête qu'il était en avoir marre de faire face à une petite brunette de cinquante kilos à peine. « Aller, faut pas avoir peur Joe. » Joe lui sourit avec un sourire mesquin, et attaqua. Mauvais plan. Elle le plaqua au sol grâce aux mauvais appuis de son partenaire. La plupart du temps, elle observe plus qu'elle ne se bat. L'essentiel étant de voir les points faibles de son adversaire afin de s'en servir. Cela fait presque dix minutes qu'elle était sur le ring avec Joe quand elle sentit ses deux bras qui encerclaient les siens dans son dos. « Esteban. » Le ton de sa voix lui laissait bien pré-sentir qu'elle allait le plaquer au sol. S'abaissant au sol, le forçant à faire de même, elle le fit passer par dessus sa tête et le mis ko en deux mouvements, trente secondes. « Je t'ai déjà dit de ne pas faire ça, tu te retrouves toujours au sol après. » lui dit-elle en le surplombant de son mètre soixante. Riant du visage dépité de son ami, elle l'aida à se relever et donna une pause au pauvre Joe qui ne savait plus quoi faire pour la battre. « Aloooors mon cher. On est de passage en ville et on a voulu voir sa copine de ring préférée ? » Esteban était un ami depuis son arrivée à Vegas. Le natif avait été une des premières personnes qu'elle avait rencontré ici, et elle l'aimait bien. De plus, il était assez charmant ce qui n'enlevait rien au plaisir de sa compagnie. Prenant sa bouteille d'eau, elle but une grande lampée, se déshydratant avec un plaisir non fin. « Faut que tu te remettes en forme dis donc. Quelques temps loin de Vegas, et tu deviens tout mou. »

Depuis son départ de Vegas pour la Louisiane ce qui était le plus aux yeux du jeune homme c’était d’être loin de son frère et sa sœur. Il avait toujours vécu avec eux et ne c’était jamais imaginé devoir les quitter un jour. Idiot. Car à un moment ou à un autre il finirait tous par se disperser ici et la, pourtant il avait le rêve secret qu’il vivrait toujours tous les trois dans la même ville, même si ce n’était pas là-bas à Vegas, même si ce n’était pas sur ce continent peut-être mais toujours tous les trois quoi qu’il en soit. Ce rêve ne l’avait d’ailleurs jamais quitté, bien qu’il ne veuille en aucun cas retourné vivre à Las Vegas il rêve désormais de gagner assez d’argent un jour pour pouvoir les emmener avec lui à la Nouvelle-Orléans. C’est un rêve, certainement irréalisable il le sait bien mais il le garde toujours dans un coin de sa tête. Et finalement à chaque fois qu’il se retrouve en leur compagnie à Vegas comme aujourd’hui c’est un peu comme s’il avait réalisé une partie de son rêve même si celui-ci n’est qu’éphémère. Pourtant rester dans cette maison qui a été sienne pendant bon nombre d’année lui laisse un goût amer. Il a certainement eu de bons souvenirs dans ce studio, c’est même certains en 19 ans le contraire serait impossible pourtant ils semblent tous avoir disparu. Tous ces bons souvenirs ont été remplacé par les cris et les pleures de sa mère, les pleures de Leya, l’odeur d’alcool imbibant toutes les pièces, le corps de son père sur le sol… Non il n’y a plus rien de bon dans cet endroit. Depuis plusieurs minutes son regard est vide, des hauts le cœur l’assaillent en se remémorant chaque souvenir et la seule qui semble s’en apercevoir c’est sa mère. Il croise son regard et peut presque lire des excuses à travers son regard mais il s’en fiche. Il se fiche de ces excuses, elle a tellement dit de stupidité autrefois que pour lui ses mots n’ont aucune excuse. Il ne lâche pas son regard pendant plusieurs secondes puis finalement il prend un sac avec des affaires dedans et claque la porte sans un mot. Il entend a peine la voix de sa mère lui dire « Roméo attends ». Roméo. Combien de fois lui as-t-il dit de ne plus l’appeler ainsi. Il ne veut plus que l’on utilise ce stupide prénom qu’on lui a donné à sa naissance. Bien sûr déjà idiote à l’époque elle idéalisait cette histoire d’amour… L’air s’infiltre alors à nouveau dans ses poumons comme si pendant tout ce temps à l’intérieur il avait été privé d’oxygène. Il prétexta une balade à son frère et sa sœur mais en vérité il avait seulement besoin d’air. Besoin de respirer, besoin de voir ou de faire quelque chose qui ne le ramènerait pas automatiquement à des souvenirs qui le blessait. C’est donc la salle de sport qu’il choisit, en espérant fortement y croiser Keena.

Arrivée là-bas il l’observa quelques minutes, d’ailleurs il n’était pas le seul, plusieurs personnes avait stoppé leur activité pour observer la brunette mettre une raclée au gars en face d’elle. Il devait surement se demander comment elle pouvait avoir autant de puissance et de maîtrise avec des bras aussi fin, un corps aussi frêle. Surement que plusieurs pensait qu’elle allait finir par se casser quelque chose si elle continuait mais Esteban lui l’observait sans aucune peur, sans aucun doute. Il savait de quoi elle était capable et connaissait donc l’issue de ce combat. Pourtant la fin étant beaucoup trop prévisible il décida de se mêler à la partie, surtout pour qu’elle le remarque. Au son de sa voix il sut qu’il allait finir par terre, il aurait voulu l’en empêcher mais il avait presque oubliait que la rapidité était un de ses points fort. Alors il finit sur le sol et se mit à rire de sa chute. Il la regarda et attrapa sa main tout en se relevant. « Je voulais juste dire bonjour pas besoin de me balancer par terre » Il souriait franchement tout en l’observant attentivement avant de reprendre « A vrai dire je pensais voir l’un de ses gars te mettre une raclée mais apparemment je suis le seul à y arriver, c’est désolant, appréciable je ne sais pas trop » Il n’allait certainement pas lui dire haut et fort que oui il avait eu envie de la voir, et puis de toute manière pourquoi aurait-elle besoin de le savoir. « C’est parce que je ne voulais pas te mettre au sol dès mon arrivée, tu aurais perdu toute crédibilité face aux autres » Et puis il était loin d’être devenu tout mou comme elle le prétextait. Il n’avait pas perdu de combats depuis plusieurs semaines c’était bien la preuve qu’il était toujours en forme non ? Ou bien ses adversaires étaient-ils plus faible ? Non aucune raison que ce soit ça. Il vit son regard de défi, elle aimait penser qu’elle pouvait le maîtriser à chaque fois, il s’approcha alors d’elle plantant son regard dans le sien « Fais gaffe à toi, je suis toujours capable de te mettre au sol en deux minutes » A peine sa phrase terminé il attrapa son poignet droit puis tout s’enchaîne très vite, il la tire vers lui et passe sa jambe entre les siennes, pose ses mains derrière ses genoux et à l’aide de sa jambe il la met immédiatement au sol, bloquant simultanément sa jambe et son bras. Placé juste au-dessus d’elle, presque allongé sur elle en fait il la regarde, cherchant son regard azur. Il lui semble presque entendre son cœur battre tellement sa peau est fine, peut-être même pouvait-il le voir battre mais il ne laissa pas son regard vagabonder ses prunelles fixé dans les siennes. « Ne doutes jamais de moi Keena n’oublie pas » Cette fois-ci elle ne bougerait pas, même s'il sentait son corps frêle s'agiter sous lui il savait qu'il allait lui falloir encore quelques secondes pour réussir à se relever et persuadée que c'était ce qu'elle allait vouloir faire il s'attendait à chaque éventualité ne perdant pourtant pas son visage des yeux

La fatigue était là, palpable sous sa peau pâle, dû à un rythme cardiaque bien trop lent pour une fraiche journée dans le désert du Nevada. Keena se disait souvent que sa vie aurait été bien différente si elle n’avait pas décidé du jour au lendemain de partir pour la Sin City. Pas de job de barman, pas de fermeture de club, pas d’amis si particulier, pas de mec canon qui la sauve derrière un bar, pas d’appartement à partager. Elle aurait surement encore pris racine dans cette maison sur la colline, avec Alexa qui lui sert son petit déjeuner le dimanche, et ses frères et sœurs adoptifs qui la font tourner en bourrique tellement ils sont adorables. Beaucoup de choses auraient pu se passer si la brune n’était pas partie du seul endroit qu’elle considérait comme sa maison. Celle où elle se sent bien et surtout, en sécurité. Mais elle était partie. Elle avait pris la décision sur un coup de tête, simplement, sans même y penser à deux fois. Etant arrivé deux jours plus tôt de son année à Berkeley, ayant profité du soleil californien ayant rendu sa peau dorée par le soleil et les journées à la plage, elle avait reçu une invitation de l’université de Las Vegas, assez impressionné par son article paru dans le journal de Berkeley sur les jeunes et la précarité. Elle avait mis de tout dans cet article. Son passif, des entretiens avec des jeunes ayant grand besoin d’aide, des professeurs qui accusaient le gouvernement de ne pas soutenir la jeunesse dans leur étude comme il le fallait. Elle avait cherché durant des heures, des jours, des mois des interviews chocs, assez pour faire réellement prendre conscience aux personnes qui lisaient le journal que la jeunesse américaine se battait tous les jours pour se sortir de l’impasse, pour payer les frais de scolarité, d’inscription, de la nourriture d’assez bonne qualité pour ne pas finir avec une indigestion, les assurances maladies qui couvraient un maximum de choses que l’on considérait parfois banales, mais qui avaient leur importance. Keena a beaucoup à dire. Militante comme elle est, elle ne garde pas sa langue dans sa poche et durant un bon moment, elle a hésité entre le journalisme où elle pourrait dénoncer les injustices dans le monde d’aujourd’hui, et celui de mode, traduisant les tendances et les futilités qui parfois donnait un peu de booste à certaines femmes. La mode avec son féminisme trop peu présent avait fini par l’emporter. Montrer que la femme dans son tailleur jupe et sa veste rose bonbon pouvait réussir là où un homme avait perdu. Elle a les femmes les plus importantes comme modèle, sa grand mère qui était partie de Pologne avec un bébé sous le bras et un mari abusif qu’elle a quitté du jour au lendemain pour protéger sa fille, cette femme qui l’avait recueillis alors qu’elle crevait de fins dans les rues poisseuses de Seattle, sa professeur de littérature américaine qui avait souligné son don pour l’écriture, la directrice de son lycée qui avait appuyé sa demande de bourses car elle avait compris à quel point Keena avait à dire au monde. Elle voyait ses femmes qui ont contribué à son existence sur un piédestal. Des reines dans son cœur si petit. La polonaise avait de l‘espoir pour son futur car on lui en a insufflé dans son cœur depuis que ces femmes étaient dans sa vie. L’espoir que sa vie sera meilleure un beau jour, qu’elle serait dans une carrière épanouissante. Elle rêvait parfois d’une vie de famille, mais elle se rappelait que l’amour n’était pas fait pour elle. Qu’elle était trop brute de décoffrage, trop sauvage, trop impulsive dans ses réactions et ses paroles. La jeune femme était pourtant courtisé, des hommes étaient prêts à la rendre fous d’eux mais finissaient par être fous d’elle. Joyeux paradoxe dans un monde où la femme est un objet, elle a su faire d’eux l’objet dont elle se débarrasse quand l’envie lui prend. Pourtant, certains arrivaient à capter son attention, à rester dans sa vie malgré que le départ était plutôt difficile et pour le moins drôle. Keena la solitaire qui se retrouvait à devoir partager un appartement et bosser dans des bars où la franchise était proscrite et le sourire facile requis. La fille qui faisait la grimace chaque jour qui passait devait afficher un sourire surfait et un visage avenant. Grosse blague qui avait fait que de nombreux bars avaient fermé leur porte pour la jeune femme, l’obligeant à entrer au XS club et à servir des femmes qui n’ont leur place nulle part. Bizarrement, entourés de ses femmes qui sont si disparate, riches par delà les frontières, elle a su trouvé sa place, un équilibre qui fait qu’elle y est engagé à temps plein, lorsqu’elle n’a pas cours. Il est devenu rare qu’elle ne travaille dans d’autres bars tant son job là bas lui plaisait. Puis est venu Allie avec son plateau d’argent et ce travail d’égérie. Elle s’y plaisait même si elle trouvait quelque fois qu’on la traitait en objet. Afin de faire disparaître ce sentiment, elle s’entraînait dans cette salle de sport ayant une clientèle essentiellement masculine avec ses rings de boxe et ses sacs de frappes rouges écarlates. La jeune femme épuise son adversaire, profitant de sa petite taille et de son physique mince pour passer sous ses poings et atteindre des endroits où la douleur est plus intense. Mais ses mains qui lui échappent par l’étreinte d’Esteban la déstabilisent avant de l’amuser. Elle le fait tomber à terre en deux trois mouvements, juste assez fort pour qu’il la ferme un moment. Raté. « Tu sais très bien que l’un de nous deux finit toujours à terre, et c’est rarement moi. » Elle rit devant le sourire de son ami. Le jeune homme était un de ses seuls amis hommes qui voulait la draguer autant que la faire sourire. Elle aimait cette sensation de chaud froid, cet équilibre entre la séduction et l’amitié. Elle voyait bien qu’Esteban n’attendait qu’une chose : qu’elle craque, qu’elle lâche prise et succombe à son charme. Mais la jeune femme n’était pas de celle qu’il traîne dans son lit à la nuit tombée. « Tu l’as fait qu’une fois et depuis tu n’arrêtes pas de ramener ça sur le tapis. » Le menteur. L’ancien habitant permanent de Vegas ne venait pas dans la Sin City pour le simple plaisir de reprendre goût au sable et à l’air sec qui parcourait le Strip. « Ma crédibilité va très bien, merci mon cher Keynes. » La seule femme de toute l’Amérique à mettre à terre un homme de plus de cent vingt kilos. Ses gestes précis et son agilité faisaient d’elle une très bonne combattante. Elle ne se ventait pas mais ses ceintures noires qui s’alignaient dans son placard prouvaient qu’elle avait travaillé dur pour atteindre ce niveau. Elle le regardait avec un air de défis sachant parfaitement qu’il tomberait dans le panneau en moins de temps qu’il fallait pour dire carambar. « Vas y. » Elle le laisse prendre contrôle de son corps pour le coup. Ses jambes se dérobent sous ses mains et elle se retrouve sur le dos en un rien de temps. « Beau travail beau gosse mais … » Elle bouge de son bassin, retrouvant l’usage de sa jambe et la passe avec une souplesse incroyable sur l’épaule d’Esteban. Poussant son talon dans son cou, il lâche sa main, et la prend appuis sur son autre genoux afin de se retrouver à califourchon, son pied droit au niveau de l’oreille du jeune homme, un genoux gauche à terre et ses mains emprisonnant celle du jeune homme au dessus de sa tête. « Tu disais ? » Elle rit un bon coup, et le laisse partir. Prenant sa bouteille d’eau, elle boit une bonne lampée et retire son t-shirt, dévoilant sa brassière de sport bleu et blanche, ainsi qu’un ventre ferme et particulièrement bien sculpté. « Tu viens faire quoi à Vegas alors mon cher ? La dernière fois que je t’ai vu, tu ne voulais même pas entendre parler de la ville. » Sa famille. C’est une des seules choses qui pousse Esteban à faire des choses qu’il ne veut pas.

A peine quelques mois après sa sortie de prison Esteban avait fait son choix. Il fallait qu’il quitte cette ville. Il ne supportait plus les gens qu’ils croisaient dans les rues, la richesse, le luxe d’une moitié de la ville et la violence et la drogue de l’autre moitié. Quel est l’intérêt de retourner vivre dans un endroit qui nous rappellent sans cesse ce que l’on a vécu, qui nous étouffe tellement les souvenirs se font important et constant. Alors il avait pris sa décision. Il valait qu’il quitte qui ne lui avait rien apporté de bon pour s’enfuir ailleurs et essayer de se reconstruire. Partir oui, mais pour aller où ? Il avait choisi la Nouvelle-Orléans un peu sur un coup de tête, il avait rapidement entendu parler de cette ville quelques semaines avant et il avait donc décidé de s’y engouffrer sans chercher d’informations supplémentaires. Impulsif oui il l’était mais cette fois-là il ne le regrettait absolument pas. C’était d’ailleurs l’un des meilleurs choix qu’il avait fait de toute sa vie. Une fois dans la salle de sport ou le jeune homme retrouve enfin le visage de la belle Keena il ne tarde pas longtemps avant de s’avancer vers elle pour stopper son combat en la maintenant contre lui. Le jeune Keynes est bon en combat c’est certain il l’a d’ailleurs montré mainte et mainte fois à toutes les personnes avec lesquelles il a combattu dans la rue. Cependant son point faible c’est la rapidité. Il ne peut pas le nier la belle brune est beaucoup plus rapide que lui, elle semble savoir ce qu’elle va faire avant même qu’on l’ait attaqué alors une fois de plus il n’avait pas prévu le coup et une fois de plus il se retrouve à terre. Il n’a pas l’habitude de combattre avec des personnes aussi rapide, non son genre d’adversaire à lui c’est plus souvent des gros brut qui essaie de frapper à tout prix. Il ne réfléchisse pas, tous leurs gestes sont prévisible, même si la force y est, il suffit simplement de technique pour finir par les mettre à terre. Même si dans la rue ce n’est pas seulement le fait d’être coincé au sol qui signe la fin du combat, non c’est lorsque vous n’avez plus le courage de vous relever, trop épuisé, meurtrit et c’est la que la force fait tout de même son apparition. « Et alors j’ai le droit d’être fier de moi non ? » En tant normal être fier d’avoir mis une fille au sol serait assez idiot mais la ce n’était pas n’importe quel fille, c’était Keena, il l’avait vu se battre à plusieurs reprises et malgré son agilité il avait réussi à la mettre à terre ce jour-la. Peut-être était-elle simplement fatigué il n’en sait rien mais la seule chose qu’il garde en tête c’est que ce jour-là il a gagné. Avec un air de défis il s’approche alors d’elle et en quelques mouvements elle se retrouve au sol lui à califourchon sur elle. Persuadé de l’avoir bloqué Esteban avait oublié un petit détail, la souplesse de la jeune femme. Il tenta de contrer chacun de ses mouvements mais finalement il se retrouve à la place ou elle était il y a quelques secondes et elle à califourchon sur lui. « Non mais forcément toi tu fais le grand écart moi j’ai des partie intimes à entretenir madame » Il se mit à rire puis se releva à son tour et la rejoignit, jetant un coup d’œil lorsqu’elle retira son T-shirt. Dans sa minceur extrême et son corps musclés elle était attirante. Finalement elle vint lui demander ce qu’il faisait ici. Elle posa la question mais il savait déjà qu’elle connaissait la réponse, elle le connaissait mieux qu’il ne le voudrait et devant elle il était comme transparent. « Je sais je sais et je n’ai toujours pas changé d’avis crois-moi cette ville me répugne toujours autant mais je n’avais pas vu mon frère et ma sœur depuis longtemps alors je suis rentrée à la maison familiale pour quelques jours. » S’il avait eu les moyens de payer un billet d’avion aux deux cadets pour qu’ils viennent le voir jamais il n’aurait remis les pieds dans cette ville. A part eux il n’avait aucune autre raison de mettre les pieds ici. De plus en déambulant à nouveau dans ses rues qu’il connaissait par cœur il savait qu’il risquait probablement de croiser Chiara et sa c’était surement la dernière chose dont il est envie. Lors de sa dernière visite il avait croisé un ancien adversaire dans la rue, celui-ci semblait avoir la rancune mauvaise puisque en le reconnaissant il se mit à le tabasser, dans l’une des rues les plus bondés de son quartier. Bien sur Esteban l’avait mis à terre une fois de plus seulement pris par surprise il avait tout de même pris plusieurs coup avant de réussir à se défendre. Assez pour que l’enfoiré lui ouvre la lèvre et lui balance la tête contre un mur en tout cas. Keynes aurait dû aller à l’hôpital pour se faire recoudre mais il était hors de question pour lui qu’il croise la belle blonde qui était autrefois sa meilleure amie il avait donc attendu d’être de retour à NOLA pour se faire soigner. Borné ? Légèrement. « Et toi ? Pourquoi tu t’acharnais autant sur ce type ? C’était juste pour ne rien lâcher ou bien c’est parce que t’avais besoin d’extérioriser quelque chose ? » Le combat est un bon moyen de se défouler tout le monde le sait, on met toute notre rage, toute notre déception dans nos mouvements et pendant quelques instants on se vide la tête en frappant à tout va. En tout cas c’est comme ça que fonctionne Keynes. « Si on allait faire un tour dehors ? Je te paye un truc à boire et tu me racontes ce qui se passe dans ta vie, je parie qu’un beau gosse à fait son apparition et si ce n’est pas moi alors je veux savoir a qui j’ai à faire » Après tout s’il était venu jusqu’à la salle de sport ce n’était pas simplement pour qu’elle le mette à terre, il est l’une des seules connaissances qu’il a à Vegas à part Caleb et Chiara. L’un n’est pas disponible et il ne parle plus à l’autre alors elle restait son dernier choix bien qu’elle soit loin d’être un mauvais choix. Certes il a sa famille mais cela lui faisait du bien de parler à quelqu’un d’autre, quelqu’un qu’il voit peu souvent, quelqu’un qui semble le comprendre sans chercher à en savoir trop sur lui, quelqu’un qui pense comme lui, qui agit comme lui.