Louise a été invitée à cette soirée grâce à quelques amies, qui lui ont assurée qu’elle ne regretterait rien, qu’elle allait pouvoir juger d’elle-même ces fêtes dont tout le monde parle ici à Vegas, organisé par un pur inconnu dont personne n’a vu le visage. Alors la brune a fait le déplacement dans la matinée jusqu’à Vegas pour goûter à son tour à la folie de cette ville. Et déjà elle a trop bu, déjà sa tête commence à tourner alors qu’elle avait réussi à bien commencer, à rester forte sur ses principes, et avait commandé un cocktail sans alcool auprès du jeune homme qui lui tenait compagnie depuis quasiment le début de la soirée. Mais désormais, les verres jonchent la table, vides, certains sont à lui, d’autres à elle, mais une chose est certaine, il y en a déjà beaucoup trop, et la quantité d’alcool ingurgitée par les deux jeunes suffit à faire oublier à Louise avec qui elle est venue à cette soirée. Ça fait un moment qu’elle n’a plus aperçu ses amies, et elle ne s’en soucie même pas, son esprit embrumé est concentré sur autre chose. En l’occurrence cette autre chose est un parfait inconnu avec qui elle partage une discussion depuis le début de la soirée, comme s’ils se connaissaient depuis toujours, comme si c’était son genre à Louise d’être ainsi, à boire comme si elle assumait l’alcool, à parler tranquillement à un homme qu’elle ne connaît pas. A croire que Vegas fait vraiment un effet particulier aux gens. Elle ne sait plus l’heure qu’il est, ni depuis combien de temps elle est là, elle ne réfléchit même pas à savoir comment la soirée va se finir. Ils n’ont pas partagé leur prénom, ils n’ont pas partagé grand-chose finalement, juste des verres, et des rires sur des choses futiles, des choses dont elle ne se préoccupe jamais parce qu’elle est sérieuse, Louise, trop sérieuse. Il n’y a qu’avec Thea et Lola qu’elle rigole avec rien, il n’y a qu’avec ses meilleures amies qu’elle ne réfléchit pas à l’impression qu’elle donne aux gens, à ce qu’elle fait. Elle réfléchit toujours plusieurs fois avant de faire quelque chose, elle n’agit jamais sur un coup de tête. Sauf avec les filles. Et maintenant avec ce garçon dont elle ne connaît rien. Elle commande un nouveau verre alors qu’ils regagnent leur table après avoir esquissé quelques pas de danse sur la piste. Un de plus qui s’ajoute à la liste déjà très longue. Elle a un sourire mystérieux sur les lèvres, qu’elle tente de dissimuler derrière son verre qu’elle porte déjà à ses lèvres. Elle est ivre, ça se voit dans ses yeux qui brillent. Et quand elle est ivre, Louise est joueuse, Louise ne se ressemble plus, elle n’est plus aussi droite et froide qu’elle peut l’être habituellement. La glace a quelque peu fondu ce soir, elle s’en rend bien compte et pourtant, elle ne fait rien pour s’arrêter, elle ne fait rien pour rentrer à sa chambre d’hôtel et finir sa soirée sur ce moment. Elle reste plantée là, à fixer ce jeune homme, avec qui elle semble être connectée d’une certaine façon. Pourtant, ils n’ont rien partagé de personnel, elle ne connaît pas son âge ni ce qu’il fait dans la vie. Elle ne sait pas où il habite, s’il a des frères et sœurs. Elle ne sait absolument rien, et elle s’en fiche complètement. Il lui parle des gens dans la soirée, elle lui raconte son voyage en avion, ils se moquent de ses amies qui semblent encore plus éméchées qu’elle, et elle lui avoue qu’elle n’a pas l’habitude de boire, pas comme ça, pas si vite, pas avec des gens qu’elle ne connaît que depuis quelques minutes. Elle n’est pas la même personne et en même temps, c’est elle, sans tabou, sans réserve. Et ça la fait rire, d’être si naturelle pour une fois. Naturelle alors qu’elle ne connaît personne, naturelle parce qu’elle ne connaît personne. « Si c’est ça la vie que tu mènes, alors je t’envierai presque. Tout semble simple à Vegas. » Tout est différent à New-York. Louise ne se permet pas de sortir tous les soirs, elle ne s’autorise pas à boire comme un trou jusqu’à ne plus se souvenir de son prénom, et jusqu’à avoir une gueule de bois le lendemain. Elle ne se permet rien de tout ça, parce qu’elle est sérieuse, ambitieuse, et qu’elle fait passer son boulot avant l’amusement. Pourtant, ce soir, elle n’a aucun problème, elle ne pense à rien. Ni à son travail, ni à Alexis, ni à ses rendez-vous, ni à Alexander. A personne. Elle redevient la fille de vingt-trois ans, qui n’a pas assez profité, et qui rattrape le temps perdu. Elle redevient jeune et irréfléchie, presque stupide et immature. La nuit ne fait que commencer, elle en a bien conscience, et elle ne compte pas la terminer ici, Louise. Elle veut profiter de chaque instant dans cette ville sans tabou. Et la présence de ce mystérieux inconnu ne peut être qu’un signe que rien ne compte ce soir, que le temps s’est arrêté, et qu’il faut qu’elle saisisse cette opportunité de s’oublier pendant quelques heures. Alors elle avale son verre d’une traite, et esquisse un sourire malicieux au jeune homme. Elle lui rappelle ce dont ils ont parlé un peu plus tôt dans la soirée, comme une enfant à qui on aurait promis un bonbon. « Et si on se prenait une bouteille ou deux, et que tu me faisais faire ce tour de la ville dont tu m’as parlée ? » Visiter Las Vegas à pied, en pleine nuit, avec un sombre inconnu. Elle n’aurait jamais imaginé vivre ce genre de folles aventures en venant ici. Elle n’aurait jamais pensé y prendre goût, et pourtant, c’est avec le cœur qui bat la chamade qu’elle attend la réponse du jeune homme, priant intérieurement pour qu’il ne la rembarre pas. Lola serait fière de la voir devenir si sauvage, Thea n’y croirait pas une seule seconde et serait folle et excitée face à cette idée. C’est comme ça qu’elle se sent, Louise. Folle, excitée. Sauvage.

« Disons que pour ce soir, mentir pour me faire rester est excusable. » Elle rit, elle ne peut pas s'en empêcher Louise, elle sait qu'elle peut mettre tout cela sur le compte de l'alcool. Elle rit alors qu'elle se connaît, elle n'accepterait en aucun cas les mensonges, même si la raison pouvait être valable. Mais ce soir, elle accepte tout, elle ne réfléchit à rien, emplie d'une ivresse nouvelle et trop peu rencontrée. Ca n'arrive que peu de fois dans une vie, dans sa vie en tout cas, d'être aussi déconnectée de la réalité. De tout laisser aller dans une ville inconnue, avec un inconnu, sans ressentir aucune inquiétude. Alors elle embrasse cette nouvelle liberté sans regret, même avec une joie non feinte. Finalement, Louise le relance sur un marché qu'ils avaient conclu un peu plus tôt, lui faire découvrir la ville du vice. La ville sans tabou. Elle devrait s'inquiéter de ce qu'elle pourrait y rencontrer, Louise, pourtant, ça ne lui traverse même pas l'esprit. Cette nuit, rien n'y fait, elle est incontrôlable. Et à son grand étonnement, ou pas, il la suit dans ses délires, et attrape d'une main une bouteille, et de l'autre Louise qui le suit sans rechigner. La nuit appartient aux audacieux, et il semble que cette nuit, ce soit eux les désignés. Ils sont sur la même longueur, se sont trouvés sans même se chercher. Une évidence qui paraît presque trop belle pour être vraie. Mais elle ne cherche pas à mettre des mots sur tout ça, Louise, elle n'essaie pas de comprendre ce qui les a rapprochés autant, et aussi vite, elle n'essaie pas de savoir si sa façon d'agir est la bonne. Elle ne veut pas penser au lendemain, elle ne veut pas penser. Elle veut simplement vivre l'instant. Vivre. Vivre comme la gamine de vingt-quatre ans qu'elle n'a jamais pu vraiment être. La fraîcheur de la nuit ne lui gifle pas le visage, ne lui éclaircit pas les idées, au contraire. Elle inspire profondément, saisit chaque instant qu'elle vit ce soir. Le chapitre se fermera au lever du soleil, elle ne veut rater aucun mot, aucune ligne. Elle veut profiter de chaque paragraphe. Il la questionne sur leur destination, tout en lui tendant la bouteille qu'elle saisit sans hésiter. Elle veut le laisser décider, car il est celui qui lui avait en premier proposée de lui montrer les alentours. Alors, elle dépose ses lèvres sur le goulot de la bouteille et étanche sa soif de liberté. New-York. Premier rendez-vous. Elle le suit dans les dédales des rues, sa main toujours dans la sienne, la serrant un peu plus pour être sûre de ne pas le perdre. Ils arrivent devant cette statue si célèbre qu'ils contemplent sans mot dire. Louise, elle se demande ce qu'il lui prend de s'accrocher si férocement à la main du jeune homme, comme à une bouée de sauvetage. Elle ne veut pas dériver dans cette ville inconnue, se noyer dans son ivresse pourtant tant recherchée. Dustin s'exprime d'une façon des plus mystérieuses, la demoiselle fronce les sourcils avant de serrer un peu plus fort sa main, comme pour lui faire savoir que ce soir, elle est là. Même s'ils ne connaissent absolument rien l'un de l'autre. « Deal. Et quand tu viendras, ce sera à mon tour de te faire visiter ma ville. Le rendez-vous est pris, je t'attendrai. » Pas de date fixe, simplement un rendez-vous, une promesse. Dans un mois, un an. Elle s'en fout, elle l'attendra, elle sera là. Elle lui sourit simplement avant qu'il se saisisse de la bouteille et boive à son tour, enfonçant ces quelques pensées profondes un peu plus loin. La main de Dustin retrouve rapidement la sienne. Ils ont besoin l'un de l'autre ce soir, c'est une évidence qu'ils ne cherchent pas à se cacher. C'est étrange cette sensation, tout est inconnu, ou presque, cette nuit pour Louise. Ils se regardent comme deux idiots, tentant de comprendre ce qui leur arrivait. En vain. Il y a juste ces regards qui signifient tant et si peu, il y a simplement ce contact obligatoire entre eux, il y a seulement ces sourires stupides sur leurs lèvres. Et ça leur suffit amplement. Personne ne juge, personne ne pense. Et puis, il lui fait une réflexion sur son inconscience. Il pose le doigt sur ce qui dans cette situation est complètement dérangeant. Ils ne se connaissent absolument pas, et pourtant, elle lui offre sa confiance aveuglément. Pour cette nuit. Elle est folle, tarée, dingue. Mais seulement ce soir. Seulement une nuit dans une vie. Elle est persuadée de ne rien risquer à ses côtés, elle le sent par le contact de sa paume, par son ton apaisant, par son regard enjôleur. Il ne pourrait pas lui faire du mal, pas volontairement. Elle n'a absolument aucun doute. Et c'est sans doute une première chez elle. « La question n'est pas est-ce que mes parents m'ont prévenue, mais est-ce que je les écoute ? Pas ce soir. Cette nuit je n'écoute personne, même pas moi. Je vis. Et si t'es un tueur en série ou un psychopathe, alors ainsi soit-il, c'est que c'est mon destin. Elle hausse les épaules, comme pour montrer qu'elle s'en fout royalement, qu'elle n'a pas peur. Surtout pas de lui. Et puis finalement, qui te dit que ce n'est pas moi qui suis dangereuse ? » Elle sourit malicieusement, car malgré ce corps fluet, elle aurait pu bien cacher son jeu. Ne jamais se fier aux apparences. Elle reprend la bouteille, avale quelques gorgées avant de la lui remettre en main. Et sans vraiment réfléchir, elle se baisse pour défaire les escarpins qui lui emprisonnent les pieds. Le contact du sol frais la fait frémir, mais elle apprécie. C'est ça la vraie liberté, tout sentir, dans chaque partie de son corps. Elle prend ses chaussures dans une main, puis se tourne vers le jeune homme, cheveux aux vents, avec un sourire immense barrant son visage. « Et si tu m'emmenais à Paris maintenant ? » Et sans lui laisser le temps d'accepter, elle le contourne et d'une geste agile, se hisse sur son dos, entourant son cou des ses bras fins, et serrant sa taille à l'aide de ses jambes. Déjà un rire s'extirpe de ses lèvres, raisonnant dans la rue sans qu'elle ne puisse le contrôler. L'ivresse. Purement et simplement brute. Jouissive.