Monaco, seize heures. Dernière touche de mascara sur les yeux, dernières retouches capillaires sur son chignon parfaitement structurée et Ellie est enfin libérée de l'emprise des différents stylistes, maquilleuses, coiffeuses en tout genre qui l'ont accaparée depuis le début de l'après-midi. Elle souffle enfin et se contemple dans la glace. Sa robe blanche scie à merveille son teint rosée. Elle se trouve vraiment jolie et espère surtout qu'elle plaira à Maxim. Si il daigne venir. Parce qu'aujourd'hui n'est pas un jour anodin et elle voudrait de tout cœur que son meilleur ami soit avec elle. Son grand frère Gabriel se marie et toute la mondanité de Monaco a été conviée à la fête. Depuis des heures, tout le personnel s'active, sous les ordres exigeants de madame Grimaldi, qu'Ellie tente de fuir le plus possible. Sa mère peut s'avérer être un vraie démon les jours de si grand événement. C'est le premier mariage princier de leur famille – enfin dans leur fratrie – et tout se doit être parfait. La française déambule à travers les couloirs avant de tomber sur son autre frère Raphaël, lui aussi tout endimanché dans un smoking taillé à la perfection. Elle lui ébouriffe gentiment les cheveux avant de filer à toute vitesse. Il serait bien capable de la rattraper et de lui détruire les heures de travail qu'a demandé l'élaboration de son chignon. Arrivée dans sa chambre, elle vérifie son téléphone. Pas de nouvel appel, ni aucun message. Est-ce que Maxim va venir ? Elle n'en sait rien, il ne lui a rien dit. Elle a tout de même demandé à leur majordome d'aller à l'aéroport à l'heure où est censé atterrir l'avion de Maxim pour le récupérer si jamais il a bien voulu accepter de venir. Après un léger soupir, elle enfile ses talons hauts et rejoint les invités dans le jardin de leur palais. Un immense chapiteau a été monté, qui accueillera d'ici une petite heure la cérémonie du mariage. Quelques embrassades conventionnelles, quelques remerciements sur les compliments de sa tenue. Son regard scrute la foule parce qu'en vrai, elle cherche un visage en particulier. Mais plus le temps passe, et plus l'espoir de voir son Maxim arriver s'amoindrit. Pourtant, elle lui avait laissé une belle lettre avec le billet d'avion avant de le quitter pour venir à Monaco. Et elle a très envie de le voir. Sans lui, ce mariage n'aura surement pas la même saveur. Arrivée à la hauteur de son frère, elle s'empare de son neveu qu'elle accable de baisers. A à peine un an, il est l'homme de sa vie, son plus beau, son bébé. Ne pas le voir grandir lui serre le cœur, mais heureusement que skype existe et qu'elle peut voir sa petite bouille assez souvent. Perdue dans la contemplation de son petit prince, Ellie sent le coude de son frère la tirer de ses rêveries. Elle tend le regard vers lui, qui lui indique d'un mouvement de tête qu'elle ferait mieux de se retourner. Elle pose son neveu sur le sol, regarde derrière elle et.... boum fait son cœur dans sa poitrine. Il est là. Il est venu. Son Maxim. « Maxim ! » s'écrie-t-elle, courant dans ses bras. Elle l'enlace, sourire aux lèvres, cœur battant la chamade. Elle n'y croyait plus et pourtant, il est bien là, devant elle. Elle ne peut décrire ce qu'elle ressent. Plus aucuns invités n'existent autour, elle n'a d'yeux que pour lui. « Je n'étais pas sure que tu viendrais » avoue-t-elle, une pointe de soulagement ponctuant ses mots. L'avait-il fait exprès de ne pas lui confirmer sa venue, histoire de lui faire une petite surprise ? Surement. Connaissant Maxim, ce devait être l'idée qu'il avait eu. Parce qu'il était toujours bourré de gentilles attentions lorsqu'il s'agissait d'Ellie. Et aujourd'hui, il ne pouvait pas lui faire plus plaisir. D'autant que l'ambiance des mariages favorise généralement les rapprochements, c'est bien connu. Et aujourd'hui, Ellie aimerait bien dire ce qu'elle a sur le cœur à son meilleur ami. Une bonne fois pour toutes. Histoire d'être vraiment fixée avec lui. Elle se doute que cette conversation sera un tournant dans leur amitié, mais elle en a besoin pour avancer dans sa vie. Et dans ses projets. « Je suis trop contente de te voir ! ». Elle ne peut pas s'empêcher d'exprimer sa joie de le voir ici. Chez elle, dans son pays, dans sa maison – enfin son palais pour être plus précis – au milieu de tous ses proches. C'est la première fois qu'elle emmène quelqu'un à Monaco et qu'elle lui présente sa famille et l'endroit où elle a grandi et pour elle, ce n'est pas anodin. Elle est ravie de partager cela avec lui, son meilleur ami, son tout. Elle n'aurait pas souhaité que ce soit quelqu'un d'autre qui soit là, à ses côtés. « Qu'est-ce que t'es beau en costard dis donc ! Je vais rendre jalouse toutes les filles en me pavanant à ton bras » taquine-t-elle, attrapant son bras pour commencer une petite marche à travers les invités. Elle est fière d'être vu avec lui, parce qu'il faut bien le dire, Maxim est magnifique, particulièrement aujourd'hui, vêtu de son costard. A eux deux, ils font surement un binôme des plus divins, détrônant au passage les mariés. « Alors ? Qu'est-ce qui t'as décidé à venir me rejoindre » ose-t-elle demander, sans poser un regard sur lui. Curiosité, quand tu nous tiens. Mais elle a envie de savoir si c'est juste par simple politesse ou si vraiment il avait envie d'être avec elle pour cette journée. Il a beau être son meilleur ami, Ellie a toujours besoin d'être rassurée. Elle a peur qu'il l'a quitte un jour, comme ça, sans prévenir, parce qu'il en aurait marre d'elle. Sait-on jamais après. People always leave dit-on.

Il est là. Contre tout attente il est là. Il est venu. Pour elle. Pour eux. Ellie ne cesse de le contempler, sans réellement y croire. Si c'est un rêve, qu'on ne la réveille pas. Elle a du mal à réaliser qu'il a fait tous ces kilomètres pour la rejoindre. Juste parce qu'elle le lui a demandé. Avec une simple lettre et un billet d'avion. Elle a prié des heures durant pour qu'il vienne et ne la laisse pas tomber. Elle espérait de tout son cœur qu'il accepte sa proposition. Mais connaissant Maxim, une part d'elle-même s'était résigné. A ne pas le voir débarquer. A devoir affronter cette cérémonie familiale sans lui. Et puis il est apparu, comme par enchantement. Comme par magie. Parce qu'il s'agit de ça entre eux, de magie. Depuis le tout début. Ellie ne peut s'empêcher de l'étreindre lorsqu'il s'avance vers elle. Tant pis si c'est devant tout le monde, tant pis si son frère a les yeux rivés sur eux. Plus rien ne compte. Il n'y a qu'elle et lui. Comme à chaque fois qu'ils se retrouvent. Comme à chaque fois qu'ils sont tous les deux ensemble. Plus rien ni personne n'a d'importance. « Ah parce que si j'avais été moche tu serais reparti ? » rétorque-t-elle, son visage affublé d'une moue taquine. Elle a très bien compris ce qu'il a voulu dire mais Ellie aime par-dessus tout taquiner son meilleur ami. Elle connait ses réticences à dévoiler ses sentiments et à avouer ce qu'il pense vraiment. Elle a appris à composer avec cette partie de la personnalité de Maxim. Parce qu'elle aussi, elle peut avoir du mal pour déclarer ce qu'elle ressent et admettre les sentiments qu'elle peut ressentir. Surtout lorsqu'il s'agit de lui. De son Maxim. Du pilier de sa vie. « Tu promets ça ? Que tu ne me laisseras jamais ? Même si on doit vivre les pires tourments ? ». Ellie s'arrête alors qu'ils marchaient tous les deux. Elle se retrouve face à lui et ne peut s'empêcher d'abaisser les yeux. Elle a besoin d'entendre de sa propre bouche qu'il ne l'abandonnera jamais. Qu'il sera toujours là, présent. Pour le meilleur. Et pour le pire. Surtout pour le pire. En un an, ils ont déjà traversé beaucoup d'épreuves ensemble, mais Ellie est consciente que la vie est parsemé d'embûches et qu'ils sont loin de les avoir toutes surmontées. La française se contente de sourire face à la remarque de Maxim. Elle aussi elle trouve que leur maison est bien vide lorsqu'il ne s'y trouve pas. Le silence se fait trop oppressant et leurs éclats de rire manque cruellement aux murs de cette maison. L'ambiance n'est pas du tout la même quand ils sont là tous les deux. Leur complicité est l'âme même de cette maison. Alors elle ne peut que comprendre les dires de son ami. Maxim se sent comme dans l'obligation de justifier sa venue en parlant de sentiments. Ellie n'en revient pas qu'il dise cela et voudrait bien rétorquer quelque chose mais le doigt de son meilleur ami posé sur ses lèvres l'en empêchent. Evidemment il ne veut pas qu'elle rebondisse sur ses paroles. La jeune femme fronce légèrement les sourcils. C'est trop facile de lâcher de tels mots sans les assumer par la suite. « T'es agaçant Maxim, quand tu fais ça » rétorque-t-elle, sans élever le ton mais en le pensait tout de même au plus profond d'elle-même. Elle aime tout chez lui, sauf son incapacité à assumer ses sentiments et ce qu'il ressent. Mais elle ne peut pas le blâmer. Elle est aussi perdue et déboussolée que lui. « Mais ne crois pas que je vais oublier les mots que tu viens de dire ». Sous-entendu, on va en reparler, et très vite. Maxim connait assez Ellie pour savoir qu'elle peut se montrer très têtue voir bornée. Il n'a pas le droit de lui dire de telles choses puis de lui intimer de ne pas réagir. Il ne paie rien pour attendre. Ils vont l'avoir cette conversation, que ça lui plaise ou non. « Et bien sous le chapiteau que tu vois là-bas, mon frère et sa fiancée vont échanger leurs vœux de mariage et ensuite un grand vin d'honneur est organisé puis une très grande réception suivra le vin d'honneur ». Ellie est du genre à adorer les mariages mais aujourd'hui, elle n'est pas vraiment d'humeur à la fête. Pourtant, Maxim est à ses côtés. Mais la nostalgie de voir son grand frère se marier et entrer dans la vie d'adulte l'envahit. Ellie, elle n'est pas prête à être vraiment adulte. Elle a beau avoir vingt-deux ans, elle reste au fond d'elle cette petite fille qui passait ses après-midi à jouer à cache-cache avec ses frères dans tout le palais. Elle n'a pas vraiment envie de grandir. Pas du tout même. « Mais ne t'inquiètes pas, j'ai fais en sorte que tu sois à mes côtés tout le long de l'après-midi et de la soirée. Ma mère a un peu tiré la tête mais je m'en fiche. Je suis tellement contente que tu sois là ! ». Il était hors de question que Maxim reste à l'écart et qu'il se retrouve tout seul toute la journée. Même si maman Grimaldi a grincé des dents de savoir que le protégé de sa fille s'attablera avec la famille royale, Ellie ne lui a pas laissé le choix. Il sera à côté d'elle ou alors ils ne viendraient pas du tout au repas. Ni à la cérémonie. « D'ailleurs il va falloir qu'on aille s'asseoir, la cérémonie va bientôt débuter » dit-elle, en s'agrippant au bras de Maxim, afin de se diriger vers le chapiteau. « Ah oui et ne t'étonnes pas si jamais on te prend pour mon fiancé » lâche-t-elle, pleine de désinvolture. Sans posé un regard sur Maxim. Un petit sourire espiègle se dessine sur son visage. Ca va, c'est juste pour la journée. Et c'était soit ça, soit il ne pouvait pas venir la rejoindre. Le choix fut vite fait pour la Grimaldi.

Ce mariage n'aurait pas eu la même saveur sans Maxim à ses côtés. Ellie en avait la conviction. Des mois que cet événement se préparait et des mois qu'elle se demandait si Maxim viendrait ou non. S'il accepterait de faire autant de kilomètres juste pour elle. Elle le connait assez pour avoir eu vent des réticences du jeune homme quant au sujet du mariage. Quand elle est une grande rêveuse et fervente adepte des belles histoires d'amour, Maxim lui est beaucoup plus cartésien par rapport à ce sujet. Alors Ellie s'était préparée à ne pas le voir débarquer. A affronter ce flot d'amour sans lui. A trouver une explication à l'absence de son meilleur ami. C'est le cœur léger qu'elle le voit se présenter à elle. Tout beau, tout sourire. Elle n'hésite pas et lui saute dans les bras, avec toute la simplicité qui caractérise leur amitié. Elle le serre un peu contre elle, comme pour s'assurer qu'elle ne rêve pas, qu'il est bel et bien là devant elle. Son cœur s'est accéléré à peine eut-elle déposer le regard sur son Maxim. Elle est tellement heureuse que les mots lui manquent. Et le plus important, c'est qu'aujourd'hui, ils soient réunis. Le reste n'a pas d'importance. Pas pour le moment. « Ca va, tu te rattrapes bien ! » s'esclaffe-t-elle en arquant un sourcil vers son meilleur ami. Evidemment qu'elle est la plus belle teh. Non au fond, elle s'en fiche d'être belle ou magnifique ou n'importe. Du temps que ce sont les iris de Maxim qui se déposent sur elle. Du temps qu'elle lui plait. Du temps qu'il ne voit qu'elle. Ellie se délecte avec une certaine saveur des courbes idéalement dessinées dans ce smoking qui sait mettre en valeur son meilleur ami. Elle ne l'a que rarement – si ce n'est jamais - vu dans une telle tenue et il faut bien avouer que le spectacle est plutôt exquis. Ellie pourrait passer la journée à le regarder sous toutes les coutures mais son regard est ramené avec fermeté vers celui de Maxim. Elle ne répond pas à sa promesse, se contentant de hocher la tête en signe d'approbation. Il promet, et c'est tout ce qu'il lui faut. Tout ce qui il importe. Ses mots ont plus de valeur que n'importe qui. Elle croit à ses promesses. A celles de Maxim. Parce qu'elles ne sont jamais faites sur du vent. Son meilleur ami tient toujours parole. Toujours. Ellie sent les regards de ses proches – et de la tonne d'invités qu'elle ne connait ni d'Adam, ni d'Eve – sur Maxim et elle, et c'est avec une certaine fierté qu'elle déambule à travers la foule, au bras de son meilleur ami. Les regards jalousées de certaines convives glissent sur l'éclat rayonnant du sourire d'Ellie. Evidemment qu'elles persiflent, bavent, commèrent toutes. Maxim est un très bel homme. Et Ellie c'est... Ellie. La fille qu'on croit connaître, qu'on devine, mais qu'on n'effleure même pas du bout des doigts. C'est celle qui est née avec une cuillère d'argent dans la bouche mais qui ne porte que des jeans troués et des hauts déparaillés. C'est celle qu'on fustige dans une case sans lui laisser le loisir de s'envoler. Ellie, c'est pas une fille comme toutes les autres. Pas parce que c'est une Grimaldi, mais parce qu'elle s'en fout d'être royale. Cette nonchalance qui la caractérise la rend unique. Et belle. « Tu ne serais pas venu si je te l'avais mis sur la lettre » réplique-t-elle, légèrement amusée de voir Maxim paniquer à l'évocation du mot fiancé. Elle se doutait qu'il le laisserait pas échapper ce petit mot. Celui qui fait peur. Fiancé. Ellie continue de marcher en direction du chapiteau de la cérémonie, Maxim à ses côtés. « Oh mais ma mère te déteste déjà. Elle déteste tout le monde de toute façon ». Sauf elle-même peut-être. Mais concernant madame Grimaldi, tout le monde s'accorde sur deux points : elle aime sa famille, mais elle l'aime mal. Ellie a grandi à travers cette mère qui ne lui accordait jamais aucune regard, qui ne cessait de vouloir le meilleur pour elle en la rabaissant sans cesse, qui n'ait jamais venu la border une seule fois. La française devine que sa mère l'aime. Mais c'est ça le problème, elle le devine seulement. « Et puis je n'avais pas le choix. C'est un mariage princier Maxim, tout le monde n'y est pas convié. Et il était hors de question que tu ne sois pas à mes côtés aujourd'hui. Alors j'ai rusé, c'est tout ». C'est tout. Ou presque. Elle aurait pu se battre contre ladite reine et imposer Maxim coûte que coûte mais fatiguée de toujours être en conflit avec sa mère, Ellie a préféré la jouer finement et déjouer les remontrances de sa mère. Ils s'assoient dans les premiers rangs et la jeune femme ne peut s'empêcher de jeter un œil à ses doigts entrelacés avec ceux de Maxim. Elle est incapable d'expliquer ce que ce simple geste procure en elle. Elle se contente de se laisser sa main dans la sienne et de profiter du moment. Sa belle-soeur – la mariée – arrive à hauteur de son frère et Ellie détaille avec envie la robe de mariée. Qu'elle est divinement belle. Ellie a toujours adoré les mariages. Et participer à celui de son frère la comble de joie. La voix de son meilleur ami au creux de son oreille la ramène à la réalité. « Ah oui ? T'as quel genre de projets en ce moment même ? » quémande-t-elle en lui jetant un coup d'oeil. Elle est curieuse d'entendre ce à quoi pense Maxim. « Et j'espère que tu demanderas une grosse rançon. Parce que j'en vaux la peine quand même » ajoute-t-elle, un brin orgueilleuse. Mais c'est plus pour taquiner Maxim que pour se faire valoir. Elle n'est pas du genre à se vanter. Et encore moins à se clamer belle, intelligente et tout le tralala. La cérémonie se poursuit. Sa main ne quitte pas celle de Maxim. Jamais. « Tu ne peux pas savoir comme ça compte pour moi que tu sois là aujourd'hui. Merci Maxim ». Elle caresse la joue de Maxim de sa main libre. Le moment des vœux des mariés arrivent mais Ellie n'en pipe pas mot. Elle n'a d'yeux pour que lui. Son Maxim. Son plus beau.

Ellie tire légèrement la langue à Maxim. Elle ne lui a jamais menti, et ce n'était pas aujourd'hui qu'elle allait commencer. Alors oui, autant le prévenir, maman Grimaldi n'est pas prête à l'aimer et l'accepter dans la famille. Parce que maman Grimaldi a la couronne plus grosse que la tête et souhaiterait que ses enfants ne se marient qu'avec des fils et fille de. Elle s'est toujours appliquée à diriger la vie de ses enfants, et particulièrement celle d'Ellie, et ne tolérerait pas que sa fille se marie avec le premier roturier venu. Alors évidemment, lorsque sa fille lui a parlé de Maxim, ses yeux se sont assombris et sa mine s'est décomposée. Ellie les a bien remarqué, les regards condescendants de sa mère envers lui, son meilleur ami, son pilier. Elle ne cesse de le jauger depuis qu'il a mis un pied dans le jardin des Grimaldi. Si elle pouvait, elle aurait interdit à Ellie de l'amener ici, devant tous les amis, leur famille, mais si elle avait refusé, Ellie en aurait fait tout une esclandre et se serait braquée. Et pour lui retourner le cerveau, il faut lui dire croire que c'est elle qui a son destin en mains. Manipulatrice la mère Grimaldi, ça c'est certain. Et Ellie n'a pas idée à quel point. « Oui oui, on en reparlera » rétorque-t-elle, d'une voix fluette. En mode cause toujours tu m'intéresses. Elle le taquine. Elle aime tellement cela. Et puis il faut dire qu'elle en devient experte en la matière. C'est presque vitale pour elle. D'emmerder Maxim. De le titiller. De le pousser dans ses retranchements. Sans cesse. C'est leur petit jeu. A se charrier, à se courir après dans l'appartement, juste parce qu'elle lui a piqué la tartine qu'il était entrain de déguster. Ils s'amusent tout le temps comme des gosses. Ellie, son jeu préféré, c'est de venir réveiller Maxim le matin. Ou l'après-midi, lorsqu'il est éreinté de sa garde à l'hôpital et qu'après sa longue sieste, elle vient lui chatouiller le nez ou lui verser un peu d'eau sur le visage, pour qu'il ouvre un œil. Ca finit toujours en chahut. Ou en séquence de chatouillement intensif. Et des éclats de rires qui résonnent dans toute la maison. Ellie et Maxim sont assis au premier rang. Tous les deux à côté, les mains scotchées ensemble, les doigts entrelacés. La cérémonie commence, les mariés sont splendides. Ellie détaille surtout son grand frère, fier et ému d'épouser sa chère et tendre. Il a les yeux qui brillent de bonheur et ça lui gonfle le cœur, à la Ellie. Mais les palpitations irrégulières de son organe ne sont pas seulement dû à ce mariage, mais aux paroles de Maxim. Il est à ses côtés, son corps près du sien et tous ses sens s'embrasent. Un peu trop même. « C'est vrai ? Et pourquoi tu ne cèdes pas à tes tentations ? » souffle-t-elle, sans quitter des yeux son frère. Elle ne peut pas regarder Maxim, elle est incapable de lui faire face après de telles paroles. Pourquoi lui dit-elle cela maintenant ? Elle n'a qu'une envie, se jetter sur lui. Littéralement. Et empoigner ses lèvres charnues. « Il faut arrêter de réfléchir aux conséquences de nos actes Maxim. Certaines fois, ça fait du bien de se laisser porter par le moment, l'émotion. Nos envies » ajoute-t-elle, pleine de sous-entendus. Lâche toi Maxim et embrasse moi, eut-elle envie de poursuivre, mais elle n'a pas besoin de dire cela. Il a très bien compris ce qu'elle a voulu dire. Elle en a marre de réfléchir sans cesse et de laisser filer sa vie. Elle en a marre de faire attention à tout. Elle a juste envie de se lâcher, de profiter. De lui. De son corps. De son cœur. La cérémonie se poursuit et se termine. Ellie et Maxim se retrouvent dehors, au milieu de tous les invités. « Non viens, on s'éclipse. Tous les deux. Les photos familiales attendront ». Après avoir acclamé les mariés, Ellie attrape la main de son meilleur ami et l'entraine à l'abri des regards, dans une petit jardin, de l'autre côté du palais. Ils ont une bonne heure après que les photos soient exigés et que le vin d'honneur soit lancé. Ils vont pouvoir se retrouver tous les deux. Dans leur petite bulle. Sans avoir à être dérangés. Nous contre le reste du monde. Elle sourit. Cette phrase lui chavire le cœur, à chaque fois qu'il la lui cite. C'est leur phrase, leurs mots. Leur promesse. Eux contre tous les autres. Eux contre le monde. Eux, et c'est tout. Ils s'assoient tous les deux sur un petit banc, et après un léger silence, Ellie lui parle de son enfance. Et de cet endroit. « J'adorais cet endroit lorsque j'étais petite. C'était mon refuge ce jardin. Avec mon deuxième frère, Raphaël, on passait nos journées dans notre cabane secrète. Qui n'était pas si secrète que ça d'ailleurs » confie-t-elle, en riant. Cachette dont on peut encore apercevoir les vestiges dans l'arbre qui trône au milieu de la pelouse. De haut de leur perchoir, ils se racontaient leurs plus grands secrets et s'imaginaient des tonnes d'histoires et d'aventures. Ils pouvaient passer des après-midi dans cet arbre. Combien de fois ont-ils supplié leurs parents pour dormir dans leur cabane. En vain. La nostalgie de cet ancien temps lui serre l'estomac. Son frère lui manque à San Francisco. Il a toujours été son premier confident. Et même si Maxim s'est vu attribué le rôle lorsqu'il a rencontré Ellie, les confidences sous la couette avec son aîné lui manquent. « Maxim, tu es conscient qu'il va falloir qu'on l'ait, cette discussion. Celle qu'on évite depuis des semaines. ». Ellie pose un regard sur son meilleur ami. Ils ont beau tout faire pour éviter de parler de ce qu'ils ressentent, chacun de leur côté, à un moment donné, il devient urgent de tout mettre en commun. « J'ai besoin de réponses. De vraies réponses » ajoute-t-elle. Elle ne peut plus nier les sentiments qu'elle ressent et elle a besoin de savoir si Maxim ressent la même chose. Ou si elle doit faire le deuil de cette relation qu'ils n'auront jamais. Elle a besoin de savoir, pour avancer. Avec lui. Ou sans lui.

Cet endroit, ce jardin a été pendant de nombreuses années le havre de paix de la petite Grimaldi. Ellie y était toutes ses après-midis, perchée dans sa cabane. Ou à lire, allongée dans l'herbe, ou encore à se raconter ses secrets les plus enfouis avec son frère. Raphaël, c'est comme son jumeau. Ils n'ont même pas deux ans d'écarts et dès qu'Ellie a eu l'âge de jouer avec son aîné, les deux compères ne se sont plus quittés. Il est son meilleur pilier, un de ses meilleurs amis, son tout. Son véritable âme sœur. Elle ferait tout pour lui et partir vivre dans un autre continent que le sien fut douloureux pour Ellie. Elle aurait voulu que son frère la suive mais ce ne fut pas possible. D'abord il finit ses études d'architecte et ensuite peut-être qu'il rejoindra Ellie. « Moi rebelle ? Ja-mais ! » réplique-t-elle, d'humeur taquine. Maxim la connaît probablement mieux que personne – bon moins bien que son frère certes – mais mieux que tous ses autres amis. Voir sa famille. Et ce n'est pas un euphémisme d'affirmer qu'Ellie en a toujours fait qu'à sa tête. Ou presque. Mais les ordres de maman Grimaldi, Ellie avait tendance à les balayer d'un coup d'épaules nonchalants. Jouer aux jeux de petites filles ? Pourquoi faire ? Quand c'est tellement plus drôle d'aller faire du vélo avec le frangin ou de jouer au foot avec les cousins. Ecouter sagement maman ? Beurk, c'est plus drôle de faire des bêtises avec Raphaël et d'être punis à deux. Ellie n'a jamais rien eu de la petite fille ordinaire. Pleine de vitalité, d'enthousiasme et débordant d'une imagination sans faille, elle rendait chèvre plus d'un garde avec son frère. Et lorsqu'on leur interdisait de faire telle ou telle chose, ils étaient les premiers à comploter des plans pour déjouer l'interdit. Ellie et Maxim. Ils sont tous les deux installés sur ce banc, dans son jardin. Ce jardin qui a abrité tant de joies et de peines. Ce jardin témoin de nombreux secrets. Un nouveau va être dévoilé ici, avec lui. Sa main entrelacée à celle de son meilleur ami, Ellie se laisse porter par ses sentiments et son cœur fait un bond lorsque Maxim l'embrasse. Une deuxième fois. Elle voudrait le prendre dans ses bras, profiter de ce moment ensemble, mais Ellie en a assez de se cacher. Et elle a besoin de savoir. « Quand ça commence par 'je ne souhaite pas te blesser' ça ne présage jamais rien de bon » déclare-t-elle, légèrement morose. D'instinct, elle lâche la main du jeune homme. Elle ne veut pas s'infliger plus de souffrance en sentant la main de son meilleur ami sur elle. Déjà qu'avoir son regard devient de plus en plus difficile pour elle. Elle n'imaginait pas que la conversation tournerait si brusquement dans le mauvais sens. A quoi s'attendait-elle après tout ? Maxim n'a jamais caché sa réticence à aimer une fille. Il est le premier à fuir l'amour comme la peste. A repousser le moindre sentiment. « Maxim, je ne comprends pas ce que tu cherches à me dire par 'je ne suis pas à la hauteur' ? ». La monégasque se tourne enfin vers lui. Elle comprend très bien ce qu'il cherche à lui dire mais elle trouve ses explications si faibles. Qu'il en veuille pas d'elle, soit, mais qu'il le dise clairement alors. Qu'il se comporte comme un homme en étant honnête avec elle. Complètement honnête. « Ca ne veut rien dire. Tu me mets sur un piédestal inexistant et tu te compliques la vie. Tu nous compliques la vie ». Elle appuie sur le 'nous'. En s'inventant des problèmes fictifs dans leur relation, c'est elle aussi qu'il met en danger. Ses sentiments pour lui. Il l'embarque dans inepties qui n'intéressent que lui. Ellie voudrait l'engueuler, lui ouvrir les yeux, lui rappeler à quel point la vie est fragile et incertaine et que c'est ridicule de se mettre des barrières invisibles. Elle voudrait lui rappeler qu'elle sait de quoi elle parle, qu'elle a failli mourir dans cet accident d'avion et que pourtant, elle se pense toujours aussi invincible dans ses bras. Qu'il faut arrêter d'avoir peur. Peur de l'amour. Peur d'eux. « C'est facile de dire ça. Tu me jettes avec des excuses bidons et tu veux que je te parle ? Mais que je te parle de quoi Maxim ? Du fait que je sois complètement amoureuse de toi et que visiblement ce n'est pas réciproque ? Du fait que tu n'assumes pas l'évolution de notre relation ? Mais je n'ai plus rien à dire à ce propos » lâche-t-elle, en se levant de ce banc. Ellie croise ses bras sous sa poitrine, comme pour se donner une contenance. Une boule se forme doucement au creux de sa gorge mais elle ne s'autorise pas à craquer. Pas maintenant. Le mariage n'est pas terminé et son maquillage doit encore tenir. Et puis, elle ne veut pas s'effondrer devant lui. « Tu m'embrasses et la seconde d'après tu me rejettes, ça t'amuse de jouer avec mes sentiments ? Je sais pas hein, explique moi parce que je suis complètement perdue ». Ellie lui fait à nouveau face, le visage témoignant de son incompréhension. Elle se dit qu'il joue avec lui, qu'il n'a jamais eu l'intention de réellement l'aimer. Qu'il s'est juste servie d'elle pour passer des bons moments sans s'accommoder des contraintes d'un couple. Maxim n'a pris que les avantages. Sans penser aux conséquences. « J'ai été idiote de croire un instant que tu voudrais de moi. Qu'est-ce que j'ai été stupide ». Ces mots, elle se les dit à elle-même. Pour se confirmer une vérité déjà bien ancrée. Ellie est toujours tomber amoureuse des mauvais garçons. Ceux qui la faisaient souffrir. Et avec Maxim, elle s'imaginait naïvement que tout serait différent. « Ma mère avait raison. Tu es comme tous les autres. Dès que ça devient difficile, tu te défiles » dit-elle, d'un ton neutre. Tu es comme tous les autres. C'est la première fois qu'elle lui dit cela. Et outch, ça fait mal. Aussi mal que la douleur qu'elle ressent dans sa cage thoracique. Mais elle ne pleurera pas. Pas maintenant. Pas devant lui.