LONDON'S CALLING FOR OUR LOVE

(c) Bloody Storm

« Nick, je t’assure que si on pouvait y aller en train ou en bateau, je le ferais, plutôt que de monter dans ces grands tubes en acier ! Même si ça coûtait beaucoup plus cher ! Enfin bon tu me diras le bateau ce n’est pas fondamentalement impossible mais… » Il suffit au susnommé Nick, de tourner son visage radieux et bienveillant vers sa compagne, pour que celle-ci se tue. Elle tourna la tête vers le hublot, pour cacher son anxiété et tenter de se calmer tranquillement, mais c’était sans compter tous les vas-et-viens des employés et des véhicules de l’aéroport. Bien sûr, elle n’avait pas échappé à l’actualité des deux crashs aériens de la Malaysia Airlines, et certainement que si les billets n’avaient pas déjà été acheté, et que la destination n’était pas son Angleterre chérie, alors elle aurait prié Nick d’annuler leur escapade. Finalement le décollage s’était bien passé, et l’atterrissage aussi, un vol sans trou d’air, sans turbulence, quelques cris d’enfants tout du moins, des voyageurs qui avaient réglé trop fort le volume de leurs écouteurs et des couples qui s’engueulaient mais c’était tout. Entre temps, Nick avait commandé deux coupes de champagne, ce qui n’avait pas manqué d’embêter Lucy. Elle n’aimait pas se donner en spectacle, et à être les seuls à commander un tel breuvage, ils allaient forcément se faire remarquer. Ses sourcils s’étaient froncés d’autant plus lorsqu’elle avait entendu Nick, comme pour se justifier, dévoiler une partie de leur vie à l’hôtesse de l’air. Enfin, ce n’était pas suffisant pour se disputer réellement et la douceur de la coupe de champagne lui avait aussitôt bu fait ravaler son petit désagrément. Elle finit par dormir le reste du voyage, et une fois qu’elle se fut réveiller, l’avion survolait déjà ses fameuses îles britanniques. Comme une enfant, elle se colla littéralement contre la vitre, un élan de chaleur remontant en elle. Une fois descendu du tube d’acier,  l’idée de refouler le sol de sa terre-mère, son adrénaline s’en retrouva boostée, et lorsque l’agent de la douane leur souhaita la bienvenue, elle eut comme une envie de l’embrasser, de le tenir dans ses bras. C’était comme si elle avait envie de crier quel bonheur de se retrouver à la maison, que tout le monde sache qu’elle n’était pas une touriste, mais qu’elle était bien Britannique, de sang et de cœur, et pourtant Dieu savait qu’elle n’aimait pas se montrer d’ordinaire. Finalement elle se retint, et ils atteignirent la voiture que Nick avait loué pour l'occasion. Derrière son petit salaire d'enseignante remplaçante, Lucy préférait ne pas penser aux sommes folles qui avaient du être dépensées pour toute la durée de leur séjour. Elle remercia son homme qui lui avait tenu la porte et une fois dans l'habitacle, elle se retourna pour vérifier que les sacs sur la banquette arrière ne risqueraient pas de se renverser en route, tandis qu'il lui demandait où elle aimerait se rendre, dans l'immédiat. « Oh j’aimerais bien aller sur l’Old Royal Naval College. » Elle avait vraiment sortie cela spontanément, il y avait des centaines de choses qui lui manquaient de sa ville natale, mais c’était la première qui lui était venue à l’esprit. Avec Nick, du temps où ils flirtaient encore avec l’amour innocent, et que l’on pourrait dire maintenant adolescent, ils avaient souvent arpenté cette promenade. Elle avait toujours eu le sentiment d’être transportée dans un roman de Jane Austen en fréquentant ces lieux. Ses yeux étaient si émerveillés qu'on aurait pu la prendre pour une véritable illuminée, mais ce n'était pas le cas effectivement. « Oh Nick tu peux pas savoir comme je suis heureuse... je dis pas que je ne suis pas heureuse à San Francisco, mais, enfin ça me fait vraiment très très plaisir d'être là ! »

LONDON'S CALLING FOR OUR LOVE

(c) Bloody Storm

Nick l'emmena à l'endroit qu'elle avait désiré, tel un véritable chauffeur, et toujours dans son immense galanterie ouvrit la porte de madame. Lucy avait vraiment l'impression de se ressourcer en venant ici, comme si l'air de Londres était l'air frais que cherchent les citadins à la campagne ou à la montagne, alors que la ville était probablement aussi polluée que San Francisco, si ce n'était plus. Et puis il lui posa une question qui la décontenança totalement. C'était une simple question, elle aurait paru anodine, mais elle semblait presque tomber sous le sens. « Bah on se promène, qu'est-ce que tu veux qu'on fasse ? Tu veux quand même pas qu'on se fasse u emploi du temps. » Comment ça qu'est-ce qu'on fait... Lucy avait l'impression qu'ils devaient avoir un programme. Pourtant si Nick était quelqu'un de très méthodique sur les scènes de crime, il avait toujours réussi à se montrer spontanée, tout du moins en sa présence. C'est alors qu'une petite lanterne s'alluma dans l'esprit de la trentenaire. « Oh non ! Merde ! Tu, ça te rappelles quand tu, quand tu allais mal ? » Elle laissa échapper tout cela, avec un surplus de spontanéité, comme le démontrait la vulgarité, comme si elle venait compenser l'attitude de Nick. Elle avait eu du mal aussi à dire les choses, elle avait cherché ses mots. Comment se faire comprendre, sans utiliser des mots trop crus, aller dans la douceur, dans la diplomatie. Nick avait volontairement caché à sa connaissance une bonne partie de ce qu'avait été sa vie pendant son absence, et les rares choses qu'elle avait pu découvrir, venaient soit de Noah, soit de lui-même mais en lui tirant les vers du nez, en bluffant comme si elle savait déjà tout. « J'aurais du y penser ! Mais tu vois je le savais, tu m'avais bien dit que ce voyage c'était pour nous deux, mais au fond je savais que tu ne l'avais fait que pour moi. » Elle se mis instantanément à repenser à cette discussion qu'ils avaient eu, elle lui avait demandé comme une ingénue si ce voyage lui faisait aussi plaisir et il avait assuré que oui. Elle aurait du être moins égoïste et prendre du recul avec son enthousiasme de retourner, quelques temps, au pays, pour analyser la situation et analyser, prévoir qu'il se sentirait mal à l'aise. Autant dire qu'elle se sentait vraiment bête, et elle commençait déjà à les imaginer faire la liste des endroits à éviter, parce qu'ils ressasseraient trop de mauvais souvenirs pour Nick. Le pire, était probablement, que tous ces souvenirs le ramènerait à une époque où il lui en voulait terriblement, où elle l'avait fait terriblement souffrir, et risquerait de rouvrir la plaie qu'ils avaient tenter de panser, sans vraiment la désinfecter disons. Ils s'étaient parlé, mais si peu, la communication autour de cet avatar dans leur relation avait très vite été refermée, et Lucy se souvenait même avoir véritablement pris conscience du mal qu'elle lui avait infligé par Noah seulement, Nick ayant pris beaucoup trop de pincettes avec elle.

LONDON'S CALLING FOR OUR LOVE

(c) Bloody Storm

Lorsque Nick sortit le mot de « disparition » elle écarquilla automatiquement les yeux, par réflexes, mais ne réagit pas. « Oh mais je sais pas, y’a tellement de choses à faire, trop, trop de possibilités et trop d’envies. » Elle avait beaucoup beaucoup trop de choses qui se bousculaient dans la tête, beaucoup trop d’endroits à revoir, de choses à faire etc. « D’accord, d’accord , je te crois . Je voudrais surtout pas qu’on se dispute alors que je suis ici, avec toi. » Lucy avait un ton plus rassuré dorénavant. « D’ailleurs, je ne voudrais plus jamais me disputer. » Réalisant la naïveté qu’elle venait de débiter, Lucy se sentit secouée d’un rire. Ne plus jamais se disputer, combien de couples avaient du faire avec eux ce vœu, doux et idéal.
Elle ne parlait toujours pas de ses parents, et n’en parlerait probablement pas, tout du moins ce n’était pas à son ordre du jour pour le moment, et elle ne préférait pas embêter Nick avec ces questions-là, d’autant plus qu’il avait été plutôt mal accueilli. Le souvenir de sa maison et de leurs visages s’était logé dans son esprit, mais avec elle le souvenir de leur dernier repas de famille, qui comme un ciel orageux était venu assombrir ses souvenirs. Elle n’était pas sûre de vouloir les voir, ni de pouvoir non plus. Elle n’était pas certaine de se sentir prête, et pourtant c’était une question dont elle n’arrivait pas à se débarrasser et qui tournait sans cesse en rond dans son esprit. Et à mesure que l’idée de les voir ou pas faisait sa ronde dans sa tête, elle réalisait que c’était impossible, qu’elle mettrait une fois de plus ses parents devant le fait accompli. Alors plutôt que d’envenimer la situation, mieux valait peut-être se complaire dans cette distance qui s’était immiscé entre elle et sa famille. Et la chose tournait toujours et encore, et elle voyait de mieux en mieux qu’au rythme où elle se comportait les choses ne s’arrangeraient jamais, qu’elle ne les prévenait pas des évènements de sa vie, de peur de leur réaction, et que le jour où quelque-chose de grand, en bien ou en mal lui arrivait, cela ne ferait qu’une tension de plus à accumuler. Expliquer qu’elle avait fait une fausse couche c’était expliquer toutes raisons instigatrices de cette fausse-couche, notamment le désir de vouloir un enfant et puis sa grossesse, des choses qu’elle leur avait caché. Pourtant elle n’avait jamais eu l’intention de couper complétement les ponts avec sa famille, elle aurait toujours aimé que les choses s’arrangent et qu’ils forment avec Nick une belle et grande famille, elle aurait souhaité cela, pour elle et pour lui, qui n’en avait plus vraiment, par la force des choses il n’avait plus sa mère et de sa volonté avait choisi de rayer son père de sa vie. Simplement c’était encore trop tôt, elle ne s’était pas sentie prête à retenter une approche, alors peut-être que finalement ils auraient dû attendre le temps nécessaire pour qu’elle se sente plus à même de retourner en contact avec sa famille, pour essayer d’enfanter, mais ils ne l’avaient pas fait, ils n’y avaient probablement jamais pensé. Une grossesse cachée, quand elle se termine bien c’est la plus belle des surprises, mais dans le cas inverse, cela ne put apporter que des tenions, et ils étaient dans ce cas-là.
Il est vrai qu’elle avait laissé Nick s’occuper de ce voyage de A à Z, des billets d’avion, jusqu’à la location de la voiture, en passant effectivement par leur hébergement. « Je pensais que tu avais encore pu t’arranger avec ta propriétaire, la dernière fois tu m’avais dit qu’elle t’avait gardé l’appartement en réserve. » Elle était tellement heureuse de revenir ici qu’elle en oubliait totalement de penser aux choses plus terre à terre, comme où allaient ils dormir ce soir, qui était bien que matérialiste, une question  plutôt importante

LONDON'S CALLING FOR OUR LOVE

(c) Bloody Storm

Le ciel de Londres était nuageux mais de nuages blancs, la pluie avait du partir se loger dans les hauteurs des îles britanniques. Il était assez rare de se promener sur un sol londonien qui n’était pas humide, mais cela avait au moins valu à Lucy une affection toute particulière pour la pluie. C’était une des choses qui lui manquait dans le climat aride californien. Elle regrettait aussi les bus rouge flamboyant, les taxis noirs et l’architecture des bâtisses. Le couple d’expatriés erra le long de la promenade, silencieux, leurs esprits étaient pourtant réunis dans toute la foultitude de souvenirs que ressassait en eux cet endroit. Ils y étaient venu, plusieurs fois, elle se souvenait du groupe de jazz ambulant qui jouait souvent ici les soirs d’été, et d’eux, venant pique-niquer pour profiter du spectacle. Les effets du voyage dans le grand tube d’acier, et du décalage horaire commençaient doucement à se faire sentir, déclenchant un bâillement dans la bouche de Lucy Wakefield. Ils n’allaient probablement pas faire grand-chose aujourd’hui, Nick conseilla de prendre le chemin de leur hôtel. Dans les bouchons, Lucy remarqua le mutisme qui habitait son compagnon. Ainsi, lorsqu’il l’a pria, en hésitant entre les mots, de se garder de commentaires, Lucy ne fut pas totalement surprise, il y avait bien quelque-chose qui le préoccupait. « Tu te contentes d’apprécier la chose. » Elle tourna un regard hurluberlu vers lui mais il ne lâcha pas une miette de plus.
Lucy s’était imaginé un petit hôtel charmant, et cosy, comme Nick avait toujours eu un très bon goût, tout du moins selon ses critères esthétiques. Mais en aucun cas elle n’aurait imaginé qu’il puisse choisir un endroit pareil. Jamais elle n’aurait cru qu’un tel endroit puisse exister. Elle avait déjà vu des publicités et des reportages sur de grands hôtels, mais elle n’avait jamais rien vu de tel. Ses yeux avaient jusqu’à présent rencontré les images d’hôtels de luxe à la décoration intérieure très classieuse, très aristocratique. Non vraiment, elle n’avait jamais rien vu de tel. Elle n’avait jamais imaginé qu’un tel endroit puisse exister, aussi parce qu’elle ne s’intéressait pas fondamentalement à l’hôtellerie. Et elle n’aurait jamais pu imaginer qu’un jour elle y mettrait les pieds, dans cet hôtel-ci ou dans un autre, du même gabarit.
Son regard pétillait d’émerveillement et elle n’avait cessé de serrer la main de Nick dans la sienne en parcourant les lieux. Une fois que la porte de leur chambre fut ouverte, elle ne put résister plus longtemps et lâcha son emprise, pour s’approcher, avant une certaine distance parfois, les milles et un détail de leur chambre, comme si elle était gênée. Et ses yeux s’exorbitaient un peu plus à chaque fois qu’elle jetait un regard dans un autre coin de la chambre. Littéralement scotchée, elle semblait soudainement frappée de mutisme. Jusqu’à ce que finalement elle ne murmure. « Nick qu’est-ce que t’as fait ? » Sa voix lui commandant, mais presque comme une faveur finalement, de ne pas parler d’argent, lui revint à l’esprit. Mais elle ne pouvait pas s’en empêcher, elle ne pouvait pas ne pas remarquer la splendeur des lieux et faire la relation avait le prix que tout ceci avait dû coûter. « Tu ne veux pas me dire comment tu as obtenu tout cet argent ? Je sais que Monsieur est professeur à Berkeley, mais tout de même. » Elle savait de Nick qu’il ne mettrait jamais les mains dans des affaires sales, mais tout de même, elle ne se débarrassait pas de sa curiosité. Elle se rapprocha de lui, et plongea ses prunelles dans les siennes, se demandant pour la énième fois comment pourrait-elle ne pas aimer un homme pareil, qui se mettait pour ainsi dire constamment en quatre pour elle. « On n’avait pas besoin de tout cela… » Elle avait l’air de critiquer, c’était un fait, mais il y avait tout de même, et heureusement, une douceur dans son timbre de voix qui rendait la chose moins agressive. Somme toute elle s’inquiétait plus de tous les efforts démesurés qu’il faisait pour elle, qu’autre chose.

LONDON'S CALLING FOR OUR LOVE

(c) Bloody Storm