Tout avait commencé sur un jeu en ligne. Ladylen. Avec un tel pseudo, il fallait que je la batte. Cette fille qui se faisait appeler Lady. Bon et aussi parce que ça n'était pas courant de voir une fille jouer à un jeu de combat. Notre premier combat, je le gagnais, mais elle m'a rapidement demandé une revanche et là, c'est elle qui m'a battu. En fait c'est ça, elle m'avait laissé croire que je pouvais la battre jusqu'à ce qu'elle me lamine lamentablement. Mais pour une fois, perdre ne m'a pas fait enragé, j'étais plutôt surpris et j'avais ri. Rire à gorge déployée. À essayer de me battre contre cette Ladylen. Par la suite, nous avions soudés nos forces pour combattre les autres adversaires et même si notre équipe se composait seulement de deux membres, ça ne nous empêchais pas d'être redoutable et de gagner bon nombre de combats. Par la suite, nous avions échangé nos mail afin de communiquer sans avoir besoin de se connecter à notre jeu en ligne. Très vite, elle et moi avions adopté une sorte de rituel. Dès le lever, nous plongions sur notre boite de réception afin de vérifier notre boite mail et j'étais sûrement le plus débile à sourire d'un air niais dès que je voyais son nom parmi mes nouveaux messages. Mais ça ne durerait qu'un temps. Nous avions besoin de nous contacter bien plus souvent et c'est moi qui lui donnais mon numéro de portable en premier afin qu'elle ne me donne pas le sien si elle ne le souhaitait pas. J'en serais fixé ainsi... mais 10 minutes après, je recevais un texto d'elle. Je ne peux pas dire à quel point ça m'avait fait plaisir. Elle me faisait confiance.

Mais après, peut-être que je me trompais sur toute la ligne. Peut-être que tout ça ne rimerait à rien mais le simple fait qu'elle m'envoie des textos me rendait heureux. J'avais rapidement pris cette habitude là et même si nous ne vivions pas sous le même toit, même si nous ne nous connaissions pas, j'avais l'impression qu'elle vivait ma vie avec moi. H24 ensemble, à nous raconter ce que nous faisions, ce que nous prévoyons pour les jours à venir. En bref, elle savait tout de moi et je savais tout d'elle. Du moins presque parce que nous n'avions jamais parlé de nos vies. Je ne comptais pas lui en parler, je ne comptais pas atterrir sur des sujets aussi délicats. Je voulais garder notre relation pure comme elle l'était. Mais plus les jours passent et plus l'idée de la rencontrer germait dans ma tête surtout que nous étions sur le même campus. J'imaginais qu'elle vivait loin, peut-être même pas dans le même pays et quel fut mon étonnement de voir que je me trompais sur toute la ligne. Elle était là, juste à côté de moi sans que je ne la reconnaisse. Nous ne nous étions jamais échangé ne serait-ce qu'une photo. Mais finalement j'avais passé le cap. Je venais de lui demander un rendez-vous. Un vrai. Un qui nous permettrait de nous rencontrer en face à face. De nous connaître, de mettre un visage sur un nom. C'est bien la première fois que j'étais aussi anxieux de rencontrer quelqu'un. Sûrement parce que je n'avais jamais eu ce genre de relation aussi chaste et naturelle. L'inconnu me fait peur pour la première fois de ma vie. Une réponse. Un lieu. Un endroit et une décision. Je rangeais mon portable dans ma poche, vérifiais l'heure et me préparais pour ce rendez-vous ultime. Ne devrions-nous pas rester comme ça, à se contacter juste par le biais d'un téléphone ? Même sa voix je ne la connaissais pas comme s'il avait toujours été naturel, pour nous, de se contacter uniquement par l'écrit. Je suis nerveux, je suis nerveux de rencontrer une fille, c'était bien la première fois.

Je suis en route pour l'hôtel. Quel drôle d'endroit pour se donner rendez-vous, j'aurais dû avoir plus de tact quand même et lui donner un rendez-vous dans un endroit un peu moins porté sur les préjugés. Mais elle avait accepté sans problème, ça ne devait donc pas être un soucis pour elle. Je prenais une profonde inspiration et entrait dans l'hôtel, les portes automatiques s'écartant pour me laisser pénétrer dans le grand salon qui faisait office de salle de thé. Je n'avais pas choisi le lieu le moins cher, mais même si mon frère avait pris ma place d'héritier, je n'en étais pas moins fortuné. Tout du moins jusqu'au décès de mes parents parce que je savais que lui ne me laisserais rien. Il prendrait le contrôle de l'entreprise et j'étais persuadé qu'il ne me laisserait aucun confort et ce n'était pas pour me déplaire. Je me fichais éperdument de l'argent et de tout ce que ça comporte. Je préférais vivre par mes propres moyens et sans rien devoir à personne et surtout pas à lui. Je balayais les lieux du regard. La seule personne que je vis le plus reculé qu'il soit fut une jeune femme. C'était elle. A mesure que j'avançais, mon coeur s'emballait de plus en plus. J'avais les jambes molles et j'espérais qu'elles ne me lâcheraient pas... je m'arrêtais à côté de la table et nos regards se rencontraient pour la toute première fois.

« Salut... »

Et c'est tout ce que j'avais trouvé à lui dire, ceci accompagné d'un sourire.

Je ne savais rien de sa vie. Je ne connaissais rien d'elle si ce n'est son prénom. Nous nous racontions ce que nous faisions de nos journées, nous dévoilions nos rêves mais rien d'autre sur nos vies. Comme si l'un et l'autre désirions qu'elles restent secrètes. Comme si la simplicité qui nous liais était bien plus belle. Je n'avais jamais eu envie de savoir son histoire, son passé, son futur. Je ne savais même pas si elle était célibataire ou non. Mais ce n'est pas comme si je la draguais, n'est-ce pas ? C'était bien la seule et unique fille que je ne draguais pas. La seule qui voyait mon autre moi. Le moi sincère qui se dévoile, la douceur, la sensibilité. La seule et unique qui me voyait de cette façon. Alors aujourd'hui, nous allions nous rencontrer et il n'est pas sans dire que j'étais surpris de cette boule dans mon ventre. Cette sensation d'avoir peur, de craindre la suite des évènements moi qui, d'ordinaire, se fichait pas mal de rencontrer ou non une personne. Qui y allait la tête haute, en étant sûr de réussir. Aujourd'hui j'étais moins sûr. J'avais peur et je me sentais nauséeux. Comme si je craignais que tout se termine aujourd'hui. Et si tout se terminait là ? Qu'est-ce qui se passera ? Peut-être que j'avais eu une mauvaise idée que de lui demander un rendez-vous ? Aussi, quand les portes automatiques s'écartèrent sur mon passage, sachant que je ne pourrais pas revenir en arrière, j'ai bien faillit prendre mes jambes à mon cou. Je n'aurais eu qu'à prétexter un empêchement. Lui avouer que je n'étais pas prêt à la rencontrer, que je voulais que notre relation continue comme ça. Ah, merde, pourquoi mes jambes ne m'écoutent pas et avancent d'elles-même dans la salle ? Mon cœur bat à tout rompre. Je suis sûr que je suis pâle...

Elle était là, juste à côté de moi. Mes jambes devenaient comme du coton. Mon cœur ne cessait de s'accélérer, comme si j'avais parcourut la ville en courant. Quand nos regards se croisèrent, mon cœur cessa de battre et je frôlais la crise cardiaque. Elle avait des prunelles magnifiques, des traits de visage enchanteur, une peau à vouloir y déposer des baisers, des lèvres d'un détails sublimes et des cheveux qui invitaient à y glisser les doigts. Sa beauté m'a coupé le souffle, oui. Je n'ai même pas fait attention au fait qu'elle s'était levé mais je me réveillais sous le baiser qu'elle déposa sur ma joue. Jamais aucune fille ne m'avait fait autant d'effets. Je ne parle pas là d'effets néfastes, sexuelle et autre. Non. Je parlais d'effets saints, pure, chastes. Ce que jamais je n'avais ressentit quoi, voilà pourquoi ça me surprenait autant. Je m'installais sagement et avec obéissance quand elle m'y invita, prenant place sur le siège face à elle. Un serveur s'approcha et me demanda ce que je voulais boire, je ne savais même pas si j'avais vraiment soif. En fait, j'avais la gorge vraiment sèche. Je demandais de l'eau. Simplement de l'eau plate. Je reportais mon regard sur la jeune femme face à moi et me demandais pourquoi j'avais attendu si longtemps pour lui fixer un rendez-vous.

« C'est sûr que c'est toujours mieux... »

J'étais nerveux. Je ne savais même pas ce qu'il fallait que je dise. Mais si je restais aussi peu parleur, elle s'ennuierait très vite. Je tentais de reprendre contenance et lui adressait un sourire en me redressant un peu sur mon siège.

« C'est drôle tout de même. Je t'imaginais comme sur ton avatar dans le jeu. »

Cette phrase, elle pourrait croire que je suis en train de dire qu'elle est moins jolie ? Je me rattrapais vite, donc.

« Mais tu es bien plus jolie, hein, rassure-toi. »

Rassure-toi ? Et voilà, j'enchainais les boulettes. Je grimaçais et détournais le regard, mes joues perdant leur pâleur pour une teinte plus rosées. Il fallait que je me calme et que j'apprenne à mâcher mes mots. A être aussi nerveux face à elle, je vais finir par la faire fuir ou la vexer alors que ça n'est pas mon but. Un soupire passe la barrière de mes lèvres et je tentais de remettre mes neurones en place.

Jamais je ne m'étais senti aussi nerveux face à quelqu'un. Pour la première fois de ma vie, je me sentais comme un gosse, perdu et troublé par quelqu'un. Je semblais perdre tout mes moyens dès que quelque chose se disait ou un geste se faisait. Comme un rat prit dans les mailles d'un filet. Pas moyen de se libérer et je ne le voulais pas vraiment en fait. De notre relation était né un instant délicat, doux, tendre, ce que je n'étais pas dans la vraie vie. Ressortait, de nos échanges, tout ce que je n'avais jamais offert à quiconque. Comment j'ai pu devenir aussi fleur bleue rien qu'à cause d'elle ? Je n'aurais pas sû l'expliquer mais elle me rendait différent et c'est sûrement ça qui m'effrayait le plus. J'en devenais même assez maladroit et complètement idiot. Pour qui me prendrait-elle ? Un ringard ? Il est fort probable que ça soit le cas en ce moment-même. Je ne manquais pas de me précipiter à la complimenter sans trouver les bonnes formes, ça ne changeait pas vraiment de d'habitude. Je n'étais pas doué pour ça. J'ai toujours été droit et direct, trop franc envers les filles qui me plaisait. Mais là, devant elle, je n'arrivais même pas à placer une phrase avec un tant soit peu de cohérence. J'étais vraiment idiot et c'est dans ma tête que je m'insultais de tous les noms d'oiseaux possibles.

Sa voix me sort de mes songes par un compliment qui me fit profondément du bien. Non pas que j'étais soulagé qu'elle me trouve beau mais parce que ça venait de sa bouche à elle. Ça méritait mieux que n'importe quelle autre fille. Je lui souriais en la remerciant d'un léger mouvement de tête et l'admirait un moment, sans même penser à ouvrir la conversation. Mais notamment, je notais son trouble quand elle regarda la salle qui semblait se remplir, comme si, soudainement, elle était mal à l'aise. Avait-elle un soucis avec la foule ? Peut-être n'aimait-elle pas être trop envahie ? Je plissais les yeux et inclinais la tête. J'aurais aimer pouvoir lui dire « viens, on se prends une chambre pour être tranquille » mais qu'aurait-elle pensé de moi ? Que j'étais un pervers ? Nous sommes dans un hôtel, je ne pouvais pas juste lui dire les choses sainement et croire qu'elle penserait aussi sainement que moi... Je me mordillais l'intérieur de la joue, inquiet quant à ma décision. Je ne voulais pas qu'elle soit mal à l'aise pour notre première rencontre, je voulais qu'elle soit complètement détendu. Mais son regard retrouva le mien et balaya, en un instant, toute mes peurs. Quel pouvoir avait-elle pour parvenir à me faire ça ?

« T'ignorer ? Je l'aurais fais depuis longtemps si vraiment je ne tenais pas à notre... »

Je bloquais. Relation ? C'était une relation ? Comment on pouvait appeler ça ? Une amitié ? Mais une amitié sans se connaître c'était plutôt compliqué, non ? Je plissais les yeux, riant légèrement, gêné.

« Je ne sais même pas quel mot employer pour nous désigner. Est-ce qu'on peut être amis ? »

Au moins, j'osais lui demander. Je ne voulais pas craindre de dire d'elle qu'elle était mon ami et passer à ses yeux comme un mec rapide. Mais qui sais ce que l'avenir peut nous réserver comme surprise...

Une relation. Avec de très bonnes bases et un attachement forcément solide. Une relation non d'amitié comme je l'avais dis, mais une relation encore plus forte que ça. Si j'avais parlé d'amitié, c'était juste pour savoir où me situer. Après tout, nous n'avions jamais parlé de ça entre nous. Parler d'amitié ou de fraternité. L'amour ? Je ne savais pas ce que c'était. Tout du moins, j'avais oublié et ne voulais pas y repenser. Mon passé à fait que je ne désire plus en entendre parler. Avec Lennox, ce n'était pas de l'amour, je n'oserais jamais la ranger dans une case aussi pourrie. Non, c'était bien plus que ça. Bien plus beau que l'amour. Elle détenait un rôle de femme et non de banale petite amie pour moi. Elle détenait un rôle d'une déesse, d'une créature idyllique pour moi. Elle était mon tout à la fois ; mon idylle, ma confidente, ma conseillère, ma mère. Elle détenait tout un tas de rôle et je pensais même lui demander de devenir la seule femme de mon existence. Quand elle parla au serveur, mon cœur ratta un battement. Avait-elle eut la même idée que moi ? Aussi étonnant que ça puisse paraître, je ne pensais pas un seul moment à mal. D'ordinaire, j'aurais souris avec perversion et j'aurais déjà proposé depuis longtemps de grimper dans une chambre mais là, non. J'étais sans arrière pensée et c'est pour ça, qu'entre nous, c'était si pure. Notre relation n'avait rien de commun. Elle n'était pas commun. Je n'étais plus commun dès qu'elle posait son regard sur moi. Je me sentais à chaque mot qu'elle prononçait comme transporté dans une autre dimension. J'étais vraiment accro à elle. Quand elle posa la clé sur la table, je la regardais s'éloigner avant de m'emparer de cette dernière. Je donnais, au serveur, le paiement de la note. Je ne voulais pas qu'elle paie. Une fois acquis de la tâche, j'appelais l'ascenseur pour monter également après avoir vérifier le numéro sur la clé. Dans le couloir, elle me sauta dessus et je serrais mes bras contre son corps fin.

« Tout va bien maintenant... »

Je la rassurais, croyant qu'elle était tout simplement agoraphobe. Je lui souris tendrement et serrait délicatement ses doigts dans les miens pour me laisser entrainer à l'intérieur de la chambre dont je lui donnais la clé. Mais son attitude m'inquiéta. J'avais l'impression qu'elle allait m'annoncer quelque chose d'horrible. Etait-elle malade ? Mon visage se décomposa alors que je la regardais. Elle prenait trop de temps pour choisir ses mots et je commençais réellement à m'inquiéter. Mais je m'était attendu à tout sauf à ce qu'elle me dit. J'en restais immobile, le regard fixe et la mine vraiment surprise. C'est ça ? Elle était une duchesse ? Elle était quelqu'un de royalement importante et. Je me levais alors qu'elle me tournait le dos et lui criait littéralement dessus.

« Tu es complètement inconsciente ! Tu sors comme ça, toute seule, tu aurais pu te faire kidnapper ! Tu sais le nombre de personnes importantes qui se font enlever pour une demande de rançons ? Sauf que même si on paie pour te récupérer, les ravisseurs, généralement, tue la personne enlevée pour ne pas qu'elle puisse les reconnaître ! Pourquoi tu me l'as pas dit, hein ? J'aurais pu venir plus tôt et on aurait été ailleurs, dans un endroit plus sécurisé ! »

La bouffée d'adrénaline qui venait de s'emparer de moi avait fait battre mon cœur à tout rompre, comme si je craignais déjà que quelqu'un sache qu'elle était ici. Je me dirigeais vers la porte, non pas pour l'ouvrir mais pour tourner le verrou. Je prenais une profonde inspiration et retournait jusqu'à elle pour me saisir de son poignet et la tirer contre moi, refermant mes bras autour d'elle. Ma main se posa sur l'arrière de sa tête et je la lui tenais contre mon cou. Je me calmais, lui parlant avec bien plus de douceur que précédemment.

« Tu vas peut-être fuir, ou croire que je suis complètement fêlé mais je tiens trop à toi pour te mettre en danger. Dorénavant, je veux être avec toi à chacun de tes pas. Je me fiche de ton argent ou de ton statut, mais s'il te plaît, ne prends plus de danger. Je ferais quoi, sans toi, hein ? »

Moi-même je ne comprenais pas réellement pourquoi j'étais aussi lié à elle alors que nous nous étions parlé depuis tout ce temps virtuellement. Mais elle était devenu importante. Je posais ma tête contre la sienne et soupirais contre ses cheveux. Son parfum m'enivrait. C'était ça qui m'avait manqué. La voir et sentir son parfum. Je pourrais, à présent, me rappeler ça à chaque fois que je n'irais pas bien. Mes bras se resserrèrent sur elle comme pour ne pas qu'elle puisse s'échapper alors que je prononçais des mots, d'un ton soudainement craintif.

« Je ne t'ai pas dis toute la verité non plus... Je ne suis qu'un mec banal et deshérité par sa famille. Je ne fais rien de bien. On me considère comme un voyou, comme un fou. Je me suis retrouvé à la rue et j'ai fais des choses pas très honorable et honnête pour m'en sortir. Je suis qu'un simple étudiant en stylisme. Je n'ai plus de famille et je t'interdis de t'approcher de mon frère qui finirait par te voler à moi... En apprenant tout ça, voudras-tu t'enfuir ? »

Je fermais les yeux, nichant mon visage dans le creux de son cou. Il me semblait revenir à des années en arrière quand il y avait cette fille que j'aimais et qu'elle m'annonçait qu'elle me quittait pour aller vers la richesse de mon frère plutôt que de rester dans la pauvreté que j'avais à lui offrir... Serait-elle identique ? Voulait-elle un homme de son statut plutôt qu'un gars comme moi, considéré comme un fauteur de trouble ? Les barrières tombaient, le masque aussi.