Grand-mère,

Est-ce que tu vois comme il est beau mon voilier ? J'ai enfin fini de le rénover. Grand-père veut que je l'emmène faire un tour. Il a mis une main devant son oeil, tu sais, pour faire comme les pirates, avec leur cache-oeil. Et il a pris une voix un peu éraillée, en me disant "mon fils, on a un trésor à aller récupérer". Il parlait de toi. C'était toi son trésor grand-mère. Il m'a dit qu'avec toi à ses côtés, il était l'homme le plus riche au monde. Il m'a dit aussi que tu lui as laissé pleins de souvenirs, et que ces souvenirs sont des pépites. Je sais qu'il a hâte de te retrouver. Et que c'est pour ça qu'il veut que je l'emmène faire un tour de voilier. Parce qu'il dit que tu vis à l'horizon depuis que t'es partie. Et que c'est là-bas que tu l'attends. Mais ne t'en fais pas grand-mère, je sais que toi tu veux qu'il reste ici encore un peu. Qu'il profite de nous, et que nous on profite de lui. Alors je prends soin de lui tu sais. L'autre jour, on a essayé de faire les gâteaux que tu lui faisais si souvent, sauf qu'on a dû oublier une étape. Ils étaient immangeables. J'aurais aimé te connaitre. Et je dis pas ça que pour les gâteaux grand-mère. Je dis ça parce que moi aussi, j'aurais voulu avoir des pépites de toi à garder précieusement. Mais je n'en ai pas, pas une seule. Ou alors, ce sont des micro-pépites. Celles que grand-père partage avec moi quand il parle de toi. Est-ce que tu me vois, quand je regarde à l'horizon ? Porte toi bien grand-mère. Je t'embrasse, et ton mari aussi.

P.S. Je savais pas où envoyer toutes ces lettres que je t'avais écrites et que je gardais planquées sous mon matelas. Alors je les ai mises en bouteilles. J'espère que l'océan mène à l'horizon, et que tu les recevras toutes.

Jonas

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Grand-mère,

Je suis désolé pour cette année sans lettres. Je suis allé en Algérie, est-ce que tu m'as vu ? Est-ce que t'as vu que j'ai réussi ? Que grand-père est rentré avec moi ? Je crois que c'est mieux comme ça. Je sais qu'il laisse beaucoup derrière lui. Non, en fait qu'il laisse tout. Mais je ne pouvais pas le laisser tout seul là-bas. J'espère que ça te rassure. Que tu sais que maintenant, il y aura toujours quelqu'un pour veiller sur lui. Et qu'il ne sera plus jamais seul. Je suis resté une année entière avec lui. Il m'a montré où tu dormais, où tu cuisinais, où vous alliez chercher de l'eau. Il m'a tout montré. Même l'endroit où tu es partie. Je m'attendais à y trouver des fleurs, mais il n'y en avait aucune. Grand-père m'a dit "c'est parce qu'elle est partout mon fils, pas seulement ici, c'est la Terre entière que je devrais recouvrir de fleurs". Puis il m'a dit que de toute façon, ce n'était pas possible. Que le climat était trop sec, et que jamais rien ne pousserait à cet endroit précis. Tu sais la première chose qu'il a faite dans son appartement en arrivant ? Il a planté des fleurs sur son balcon. Et je crois que ces fleurs font partie de ces choses qui donnent un sens à sa vie. Il apprend à connaître Billie aussi, et il l'adore tu sais. Il dit qu'elle est une comète, et que jamais je ne dois pas la laisser filer. Grand-père est le seul qui puisse me dire ce genre de choses sans que ça me fasse rire. Parce que sa vision du monde est si belle, et si différente de ceux qui vivent ici. Quand je l'écoute parler, j'ai l'impression qu'il y a de la beauté partout. Même dans la pollution qu'il n'a jamais connue avant d'arriver à San Francisco. J'aimerais beaucoup lui ressembler. Voir le monde de la même manière. Être un peu plus romantique, je suis sûr que ça ferait plaisir à Billie. Mais moi je trouve ça dégueulasse le romantisme grand-mère. Je trouve qu'on a pas besoin de fleurs ou de mots dégoulinants pour prouver à quelqu'un qu'on l'aime. Puis de toute façon, je n'y arrive pas. J'aurais aimé que tu m'apprennes à parler aux filles. Fais attention à toi. Je t'embrasse.

Jonas

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Grand-mère,

Je me suis encore engueulé avec les parents au sujet de Billie. Ils pensent qu'elle ne m'aime pas, qu'elle profite de moi. Mais ils ne la connaissent même pas. S'ils avaient cherché à la découvrir avant de la juger, ils sauraient que Billie n'est pas comme ça. Mais au lieu d'essayer de la connaître, tu sais ce qu'ils me disent ? Ils me disent que c'est une fille comme Babi qu'il me faudrait. Une fille avec de vraies valeurs. Ils parlent de Babi à longueur de temps, en la couvrant d'éloges. Bien sûr que je l'adore Babi, on se connait depuis qu'on est gamins. Mais elle est mon amie, et ce depuis toujours. Je voudrais qu'ils comprennent qu'elle ne remplacera jamais Billie. Que jamais personne ne la remplacera. J'aimerais que tu sois là. Pour me conseiller, et pour m'apaiser aussi. J'ai comme l'impression de changer, tu sais. D'être de plus en plus nerveux et sanguin. La natation me fait beaucoup de bien en ce moment. Je passe énormément de temps à m'entrainer. Je veux devenir le meilleur, ça m'obsède grand-mère. Je voudrais que tu sois fière de moi, tout comme grand-père et Billie, bien sûr. L'autre jour, elle m'a reproché de passer plus de temps à la natation qu'avec elle, ça m'a un peu énervé, mais j'ai réussi à me contenir. J'ai simplement évité le sujet en en lançant un autre. Est-ce que c'est grave grand-mère, cette envie d'être le meilleur qui me pousse à m'entrainer sans relâche ? Je ne deviendrai jamais comme tous ces gosses de riche, hein ? Aide moi à rester moi-même, s'il te plait. Et prends soin de toi. Je t'embrasse.

Jonas