Mes pieds s’enfoncèrent dans les milliers de grains de sable. La marée était haute et les vagues se rendaient presque jusqu’à moi, assise les genoux remontés sur ma poitrine. Je soupirai. Le soleil s’était couché depuis une bonne dizaine de minutes. Le spectacle avait été fabuleux, mais il m’avait abandonnée avec un vide insoutenable à l’intérieur de moi. J’aurais voulu apprécier ce tableau vivant aux côtés de quelqu’un. Mais de qui ? Je ne saurais dire. Entre les deux, mon cœur balance. Les choses se concrétisaient avec Joe, mais en même temps il me semblait qu’avec Pacey, le point final n’avait jamais été écrit, si seulement l’histoire avait un jour commencée. Je voulais avancer avec Joe, mais je ne pourrais jamais totalement m’abandonner à lui sans savoir ce que Pacey et moi aurions pu être. Je savais qu’il ressentait quelque chose pour moi, mais depuis quelques semaines il semblait s’être éloigné. Il n’avait plus la même intensité, la même flamme dans ses yeux, lorsqu’il était en ma compagnie. C’était incompréhensible de ma part, mais j’étais déçue de ne plus être celle à laquelle il pensait. Je ne savais pas s’il y en avait une autre, mais je savais toutefois que ce que je représentais pour lui n’était dorénavant plus grand-chose. J’ouvris mon téléphone et fit défiler ma liste de contact jusqu’à la lettre P. Je composai le numéro de mon colocataire. « Salut … Pacey … C’est moi. Tu voudrais bien venir me rejoindre à la marina, s’il-te-plaît ? Il fait noir et j’ai un peu la trouille de rentrer seule … Enfin si t’as le temps … Merci, je t’attendrai sur un banc près de la plage. » Je raccrochai et me levai difficilement du sable. J’essuyai mes fesses qui étaient sales et me dirigea vers ce banc dont j’avais parlé à Pacey. Je m’assis et encore une fois, mon regard se perdit sur l’eau et les vagues qui mourraient à quelques mètres de moi. Après une quinzaine de minutes à simplement respirer l’air marin, je vis Pacey apparaître dans la noirceur, et il vint s’asseoir à mes côtés. Je lui souris faiblement. « Que se passe-t-il ces temps-ci, Pacey ? Tu es … différent. » Nous n’avions pas parlé de son changement d’attitude envers moi. Je voulais des explications, je voulais comprendre ce que j’avais fait de mal. S’il voulait bien me le confier.

Le tournage ayant fini de bonne heure aujourd’hui, j’avais décidé de faire une surprise à Romane en me pointant à l’improviste chez elle avec un petit bouquet de roses baccarat et une boîte de chocolat en forme de cœurs. Evidemment nous n’étions pas le quatorze février, mais je m’en fichais. Depuis mon mariage avec ma meilleure amie, c’était tous les jours la Saint Valentin. Avec mon ex petite amie, jamais je n’avais connu un bonheur pareil. Et pourtant mon union avec Romane n’était pas encore consommée. J’avais hâte qu’un jour ou une nuit cela le soit. Mais je n’étais pas encore assez guéri de mes blessures du passé pour me laisser aller à ce point. Je stressais à l’idée de perdre mon épouse à cause de ça. Je savais car rapport à ce que les gens disaient que le sexe est important dans une vie de couple. Je trouvais d’ailleurs étonnant que ma femme ne me presse pas spécialement à sauter le cap. Comme si elle savait par quoi je suis passé avec Viktoria. Alors que nous n’en avions jamais parlé… Ou peut être que ma moitié ne me désirait tout simplement pas assez pour vouloir coucher avec son mari. Dans tous les cas, je me posais énormément de questions. Je n’osais pas en parler à ma chère et tendre de peur qu’elle veuille qu’on le fasse au moment même où nous aborderions le sujet du sexe. Je ne me sentais pas encore prêt et ça me frustrait à un point pas possible. J’étais perdu et ne savais pas à qui en parler sans avoir la trouille au ventre des moqueries ou d’être jugé. Ce fut lorsque j’embrassais Romane au seuil de sa porte car je devais rentrer chez moi que je reçus l’appel de ma colocataire. Ah oui pourquoi pas ! Je considérais Astor comme la petite sœur dont j’ai toujours rêvé d’avoir. Peut être qu’elle saurait m’éclairer. Quelques minutes plus tard, je la rejoignis sur la plage. A peine arrivé, la voyant légèrement grelotter, je lui passais mon gilet sur ses épaules. Avant mon mariage, lorsque mes sentiments entre Astor et Romane étaient encore flous, je n’aurais pas hésité à prendre ma coloc dans mes bras pour mieux la réchauffer encore. Mais depuis Vegas je me faisais plus distant. Par respect pour ma femme. «  Je ne pensais pas que mon changement de comportement était si flagrant. Je… Je suis désolé Astor. Mais c’est que… Tu… Tu te souviens le séjour que j’ai passé avec ma meilleure amie à Vegas pour fêter ses dix mois de sobriété ? Euh… Et bien sur un délire entre potes qu’on a eu, on… On s’est marié… » Je n’osais pas regarder Astor droit dans les yeux. J’avais honte. «  On ne pensait pas que les mariage là bas étaient pour de vrai. On a ensuite essayé d’annuler ça mais le juge a refusé notre requête. Soit disant qu’il en a marre que les mariages de Las Vegas soient vu uniquement comme une attraction touristique. Remarque dans un sens il a raison… » Je regardais le reflet des vagues mis en avant par le clair de lune. «  Je ne voulais pas me faire plus distant vis-à-vis de toi Astor. Mais même s’il ne s’est encore rien passé sexuellement parlant avec ma femme. J’aime Romane. » Je me mis à rougir. Parler de sexe était difficile pour un home aussi timide que moi à ce sujet là.

Pas de bonjour, pas de formule de politesse. Nous avions déjà assez tourné longtemps autour du pot, jusqu’à nous en étourdir. Il était plus que temps que Pacey et moi ayons une vraie discussion, que nous sortions tout ce que nous avions sur le cœur, que nous mettions toutes nos cartes sur la table. Je fus donc contente et soulagée quand le jeune homme prit la parole, prêt à répondre à mes questions et à mes attentes. J’avais d’abord eu peur qu’il se ferme encore plus à moi, prétendant que tout allait bien, que rien n’avait changé. Au moins, il admettait qu’il avait bel et bien changé. Seulement, il ne s’était pas rendu compte que cela paraissait autant dans notre relation. Puis il expliqua ce changement, et tout d’un coup, j’aurais finalement souhaité ne pas le savoir. Certes, le fait qu’il m’ait caché cette gigantesque nouvelle me faisait mal, mais de connaître la vérité était encore pire. « Vous vous êtes quoi ? » Je connaissais Romane pour l’avoir croisée à quelques reprises alors qu’elle était en compagnie de Pacey, son meilleur ami. Ils ne semblaient être que ça. Des meilleurs amis. Jamais je ne me serais doutée qu’il puisse y avoir autre chose entre eux. Dans ma tête à moi, Pacey avait des sentiments à mon égard, pas pour elle. J’étais confuse. Je fixais Pacey avait incompréhension, mais ce dernier ne daignait pas me regarder. Il me raconta qu’ils avaient essayé d’annuler le mariage suite à cette décision prise sur un coup de tête, mais que cela leur avait été refusé. Je ne savais quoi dire, alors le jeune homme reprit la parole. Quand il aborda la question de la sexualité, je secouai la tête avec un visage limite dégoûté. « Je me fiche que vous ayez fait quoi que ce soit ou pas, Pacey. Ça me regarde pas. » Pacey avait tellement d’angoisse et d’inquiétude liées à la sexualité qu’il revenait toujours sur ce sujet, que ça le concerne ou pas. Cela me mettait parfois mal à l’aise. « Alors vous vous êtes mariés, vous avez voulu l’annuler mais … vous vous aimez quand même ? Depuis quand ? » J’étais sur les nerfs et je pouvais bien voir que Pacey ne comprenait pas tout à fait pourquoi j’étais aussi irritée. « C’est juste que … je … je croyais que tu m’appréciais moi. Moi, Pacey ! Pas elle … » Le simple fait que je sois aussi touchée et jalouse par rapport à ces événements devraient suffire à lui faire comprendre que mes sentiments étaient réciproques. Enfin, réciproque n’était plus le bon mot, étant donné que visiblement je n’avais jamais été quoi que ce soit d’autre qu’une amie à ses yeux. J’avais été si naïve, si aveugle.

Je n’aimais pas le mensonge. C’était faire souffrir inutilement les gens pour rien. La vérité éclate tôt ou tard. Certes, il m’arrivait assez souvent de me refermer sur moi-même lorsqu’il s’agissait de problèmes d’argent ou professionnel. Lorsqu’il s’agissait du cœur, je préférais ne pas trop m’avancer. Par le passé, j’avais subi trop de déceptions amoureuses pour continuer à ce jour de me précipiter. Quitte à me prendre le mur en pleine face. C’était pour cette raison que jamais je n’avais parlé à Astor des sentiments que j’avais eu envers elle. Peut être qu’à l’époque cela se voyait. Je n’étais pas réellement des plus discrets il fallait bien avouer. Mais je me taisais. Elle sortait déjà avec Joe. Je n’avais pas besoin de remuer davantage le couteau dans la plaie. J’en avais souffert et seule Romane l’avait su. C’était au moment où je pensais n’avoir aucune chance avec ma meilleure amie. Et comme tout homme frustré et peu ou pas expérimenté, je tombais facilement amoureux. Quoiqu’il m’avait fallu près de deux ans pour oublier mon ex petite amie. Bref ! Astor avait remarqué mon changement de comportement envers elle. Je lui expliquais donc la raison. « On s’est marié… » Ma colocataire ne semblait pas bien prendre la nouvelle. Pourquoi ? Je ne comprenais pas sa réaction. Elle me rétorquait que ma vie sexuelle ne le regardait pas. [b] « Excuse moi… Ca ne se reproduira plus… » Je me sentais honteux. Je croyais pouvoir parler de ça avec celle que je considérais comme ma petite sœur. Dans l’espoir qu’elle puisse me conseiller peut être. Mais non. « On… On s’est marié le dix huit juillet. C’est… C’est depuis ce jour là que je sors avec Romane. Enfin… Je crois… » Je ne savais guère si mes propos étaient exacts ou non. Puis je fus surpris de la suite. Astor pensait que je l’aimais. Perdant mes mots, je la regardais un peu avant de baisser la tête de nouveau. « Je… Je ne sais pas quoi dire… » Romane au secours ! « Enfin si… Je… Je ne suis pas un homme dont les filles s’intéressent. Je ne suis pas un beau gosse. Très loin de là. Grand… Maigre… Timide… » J’haussai les épaules lançant un regard vers la mer partiellement cachée par la pénombre. « Je savais que tu ne t’intéresserais jamais à moi comme… » Devais je lui avouer ? Oui. « Comme je l’étais envers toi au début. J’ai honte de l’admettre. Tu ne peux pas savoir à quel point. Surtout que tu étais déjà avec ton petit ami. Je m’étais alors fait une raison. Puis Romane était là pour me consoler. Sauf qu’elle n’a jamais su que si j’ai eu des sentiments autre que d’amitié pour toi, c’était pour essayer de l’oublier elle. Mais tu avais déjà quelqu’un alors bon… Je ne t’ai jamais rien dit. J’espère n’avoir jamais dépassé les limites avec toi. Dis le moi si c’est le cas. »

Je n'aimais pas le mensonge non plus. Et même si j'en voulais à Pacey de ne rien m'avoir dit à propos de son mariage, je ne pouvais le lui reprocher. Il ne m'avait jamais menti. Il n'avait simplement rien dit. Et je ne lui avais jamais posé la question avant aujourd'hui ; et il avait été très honnête avec moi sans hésiter. Avec ma maladie, j'étais constamment forcée de faire exactement comme lui et de ne rien dire. Si à chaque personne que je rencontrais je me présentais comme étant souffrante de la fibrose kystique, je ne m'en sortirais jamais ! Alors je me taisais et ne me confiais qu'aux gens auprès de qui j'étais suffisamment proche pour qu'ils aient besoin de le savoir. La raison pour laquelle j'étais aussi triste était premièrement à cause de mes sentiments pour Pacey mais aussi parce que cette réflexion me faisait réaliser que je n'étais peut-être pas aussi proche de mon colocataire que je le pensais. Sinon, j'aurais été l'une des premières personnes à qui il l'aurait dit. Surtout si, au final, je m'étais complètement gourée et qu'il n'avait jamais éprouvé de sentiments envers moi. « Ma question était plutôt ... depuis quand es-tu amoureux d'elle ? » Il m'avait répondu la date de son mariage et du début de leur relation, qui était exactement la même. Je voulais donc savoir d'où sortait cette idée folle de se marier, et pourquoi ils étaient encore ensemble aujourd'hui. Des sentiments devaient bien avoir été enterrés auparavant pour ressortir comme ça, tout d'un coup. Je voulais seulement comprendre ce qui s'était passé. Et finalement, pour avoir le coeur net sur ses sentiments à mon égard, je lui fis part de mon incompréhension étant donné que je le croyais amoureux de moi. Il sembla extrêmement surpris, comme si ça n'avait pas sauté aux yeux dans les débuts de notre "amitié". Il m'avoua alors avoir été amoureux de moi, mais ne jamais me l'avoir dit parce qu'il "savait" que je ne m'intéresserait jamais à lui. Je m'emportai. « Merde Pacey. Aies un peu plus confiance en toi ! Tu vas passer à côté de tellement de choses si tu continues à toujours te fermer la gueule au lieu de dire ce que tu ressens ! » Je m'étais levée de mon banc, dans ma lancée. « T'as pas dépassé de limites, Pacey. En fait, t'en as pas assez dépassées, plutôt !!! Depuis que je suis avec Joe, la seule raison qui m'empêche d'être tout à fait certaine de ce que je veux, c'est toi !! Parce que je te veux aussi, Pacey ! » Quelle idiote. Il était marié. Heureux. Et voilà que je lui larguait cette bombe dessus. J'haussai donc les épaules. « Maintenant, ça n'a plus aucune importance. Je te souhaite une vie heureuse avec Romane. » Au moins c'était réglé. Il ne se passerait jamais rien entre Pacey et moi, point barre. Je pouvais laisser la place entière à Joe dans mon coeur.

Contrairement à ce que pouvais penser Astor, elle était la première personne à qui j’annonçais mon mariage avec Romane. Je ne parlais pas de ma vie privée au travail. Je n’avais au réalité que très peu d’amis. Qui se résumait réellement à deux personnes qui me tenaient très à cœur : mon épouse et ma colocataire. Puis ayant fait une union plus ou moins à l’improviste, nous n’avions pas encore acheté nos alliances Romane et moi. Ce jour là, en guise d’anneau, sur le délire du moment, on s’était contenté de bagues en bonbons. Donc sans cette preuve irréfutable, il était très difficile de deviner que je n’étais plus célibataire et ma moitié non plus. Astor me demandait des précisions sur la longévité de mon amour pour Romane. « Je… Euh… Je ne sais pas vraiment. En fait, tout ce que je peux dire, c’est que… C’est elle qui me guérit de ma déception avec Viktoria. Ca fait un peu plus d’un an que je connais Romane. On s’est tous les deux retrouvés dans un groupe de personnes dépendantes suite à une rupture douloureuse. Pour elle, c’était l’alcool. Me concernant, c’étaient les anti-dépresseurs. Le courant est vite passé entre Romane et moi. Tout… Tout comme entre nous Astor. » Je ne me sentais pas des plus à l’aise à parler de cela avec ma colocataire. Mais je lui devais bien la vérité. Astor essayait de me faire comprendre quelque chose. Mais je n’arrivais pas à déchiffrer quoi. « Si je… Si je préfère me mettre en retrait en gardant le silence aujourd’hui, j’ai mes raisons. Il y a deux ans lorsque j’ai rencontré Vik, j’ai eu le coup de foudre pour elle. Immédiatement, je lui en avais fait part. A l’époque j’étais gauche avec les filles. Je le suis toujours d’ailleurs. On est sorti ensemble, transgressant le règlement qui interdit toute relation intime entre professeur et étudiant. Je savais au début qu’elle ne m’aimait pas. J’ai cru qu’elle avait fini par partager mes sentiments mais finalement j’en doute. Bref c’est du passé. Tout ça pour te dire que je ne voulais pas revivre de déception amoureuse. Je n’avais jamais rien dit ou tenté quoique ce soit avec Romane non plus. Après le mariage, c’est elle qui a parlé de ses sentiments en première. Je n’arrive pas encore à croire qu’elle m’aime. Je… Je ne suis pas un homme assez bien. Ni pour elle. Ni pour toi… Viktoria m’avait bien fait comprendre que je n’étais bon qu’à aller m’expérimenter avec les prostituées parce qu’aucune femme ne voudrait d’un pauvre type comme moi. Et je ne comprends pas ce que Joe a à voir avec notre amitié Astor !? Parce que tu m’as aussi… Enfin on vit ensemble, c’est ce que je voulais dire. Alors que Romane n’est encore jamais venue à l’appartement. » Ce n’était en aucun cas un reproche bien au contraire. C'était la première fois même que je dévoilais autant de détails sur mon ex. « Merci Astor. Je t’aime tu sais. Tu es la petite sœur dont j’ai toujours rêvé. Et j’espère que mon mariage avec ma meilleure amie ne changera rien entre nous. » Je pris ma coloc dans mes bras pour lui faire un câlin.

Je ne comprenais pas comment ce mariage pouvait être sérieux s’ils n’en parlaient à personne. D’accord, peut-être était-ce quelque chose de plutôt intime, mais après tout, une fois que l’acte est posé, pourquoi ne pas l’annoncer au grand jour ? Un mois, c’est long. Enfin, tout est relatif, certes, mais pour un secret pareil, je trouvais que c’était limite louche que personne ne le sache. Pourtant, Romane et Pacey prétendaient s’aimer. Je ne savais plus que penser, honnêtement. Puis il me raconta dans quelles circonstances il avait rencontré sa meilleure amie, et tout d’un coup, je me sentie tellement exclus de la vie de mon colocataire. Romane savait réellement tout de lui, elle avait été là pour le soutenir dans les pires moments. Je n’avais rien fait de tout cela. C’était plutôt le contraire, même ; je dépendais de l’aide de Pacey. Je baissai les yeux vers mes pieds, honteuse, déçue, me sentant ridicule. Puis il compara sa première rencontre avec Romane à la mienne. « Visiblement, le courant a passé pas mal plus entre vous deux que nous deux, n’est-ce pas ? » J’esquissai un faible sourire. Je n’étais pas heureuse, je n’étais pas fâchée. J’abandonnais. J’essayai tout de même de lui expliquer mes sentiments, ce qui me poussait à agir de cette façon aujourd’hui. Mais Pacey étant Pacey, il ne comprenait rien à rien. Il me déballa ce discours sur Viktoria et le fait qu’il n’était pas assez bien ni pour elle, ni pour Romane et ni pour moi. Il parla de Joe, il me rassura en me disant que je l’avais dans ma vie, et il me remercia en m’enlaçant. Je le repoussai vivement, brutalement. J’étais sa petite sœur. Mon cœur se brisa en mille morceaux. « Ta petite sœur !? » Je m’éloignai de lui, m’avançant vers la mer. « Ta petite sœur … » Des larmes coulèrent de plus belle le long de mes joues. Le jeune homme ne tarda pas à me rejoindre, ne comprenant toujours pas le problème entre nous. Il resta à côté de moi, silencieux, attendant que je m’explique un peu mieux. S’il ne savait pas lire entre les lignes, j’allais le lui écrire noir sur blanc. « Ça changera tout, Pacey. Je ne veux pas être ta petite sœur. Je ne veux pas t’avoir dans ma vie comme je t’ai en ce moment. Quand je te dis que je t’aime, ce n’est pas comme toi tu m’aimes. C’est comme toi tu aimes Romane, ou comme tu as aimé Viktoria. Je t’aime d’amour, putain, Pacey. Tu comprends maintenant ou j’dois te faire un dessin dans le sable !? » Je repris mon calme, respirant profondément. Je n’avais plus qu’envie d’une chose : aller me réfugier dans les bras de Joe. Au moins, une chose maintenant était claire : c’était avec lui que je devais être. Mon cœur avait balancé entre mon colocataire et mon amant un peu trop longtemps. La décision était peut-être facilitée mais je ne doutais pas que ce serait la bonne. Même si je ne saurais jamais ce que ma relation aurait pu être avec Pacey. « Je ne serai pas dans vos pattes très longtemps, à Romane et toi. Je vais retourner sur le campus de Berkeley. » Lui assurais-je sans pour autant le regarder.

Romane ne savait pas tout de moi. Très loin de là. Elle savait juste en partie ce que j’avais vécu avec Viktoria oui. Mais surtout les conséquences que cela a eu sur ma personne. Quoique… Sur le plan intime de notre couple présent, il ne se passait réellement rien concrètement. De par ma faute. De par celle de mon passé amoureux. Et aujourd’hui c’était ma femme qui en subissait les conséquences ! En revanche, ce que je ne comprenais pas… Pourquoi Romane n’essayait pas de faire le premier pas vers moi ? Bref… Peut être qu’on s’était marié trop vite et qu’en fin de compte elle ne me désirait pas… Tout ceci était une autre histoire. Là maintenant, je devais me concentrer sur Astor. « Pas plus qu’avec toi non. Elle ne connaît rien de mon enfance. Toi seule entre vous sais pour le décès de ma mère, les familles d’accueil, le rejet de mon père… Romane non. » N’y avait il pas un problème de communication avec ma moitié ? A ma connaissance non. Je n’étais pas un homme qui se livrait aussi facilement. Astor connaissait ces points noirs de ma vie parce que nous avions une maudite maladie en commun. Quoique sur les trois points de me liste que je viens de lui énoncer, je n’étais même plus certain les deux derniers avaient déjà été sujets dans nos conversations. Vive la mémoire de poisson rouge ! Quoique Doris dans Némo n’est pas de cette teinte là. Enfin bref. Astor me bouscula violemment lorsque je voulais la prendre dans mes bras. Surpris par ce geste, je tombais même les fesses dans le sable. Qu’avais je encore fait de mal ? Sans rien comprendre, je me relevais et la suivais. Elle se dirigeait vers la mer. J’avais peur que ma colocataire fasse une bêtise. Surtout que dans le cas présent, si elle décidait d’aller se noyer, je me noierai avec elle pour la sauver. Je ne savais pas nager. Dans ces explications, Astor me disait m’aimer d’amour. Bouchée Bêe, je n’arrivais pas à y croire. Dira qu’il y a deux mois, je rêvais encore d’encore ça entre ces bouches. J’aurai donné qu’importe quoi pour sortir avec Astor. Mais aujourd’hui tout était différent. J’étais un homme marié. Et fidèle à ma femme. « Non ce n’est pas possible… Tu… Tu te trompes ! Tu… Et Joe ? Vous êtes ensemble depuis combien de temps maintenant ? Non tu ne peux pas m’aimer. Tu… Tu doutes de tes sentiments parce que tu… Parce qu’on est… Qu’on est proche. QU’on vit ensemble. C’est tout. Mais non tu ne m’aimes pas d’amour.C’est pas possible. Tu… » Elle m’annonça son futur déménagement. « Tu ne me gênes pas. Romane, elle…. Elle a déjà un chez elle avec sa cousine. Elle… On n’a pas encore parlé de vivre ensemble. Et puis, heu.. Le… Le jour où ça arrivera, ça changera quoi sur notre colocation dis moi ? C’est moi qui t’avais proposé à l’original de venir vivre à l’appartement . Il est hors de question que je te mette à la porte. Il est aussi hors de question que tu te sentes obligée de partir à cause de Romane. Astor… Je t’en pries. Laisses moi continuer à t’aider. Je veux servir à quelque chose d’utile dans cette vie. Laisse moi rester ton ange gardien… Arrête d’avancer comme ça dans l’eau Astor ! Reviens avec moi sur la plage. S’il te plait… » J’avais très peur pour Astor. Les larmes aux yeux, je refusais de la perdre.

Pacey tenta alors de me faire comprendre que Romane n’en savait pas plus que moi sur lui. Et pourtant ils étaient mariés. Je ne considérais pas que je connaissais tout de la vie du jeune homme, au contraire, j’avais l’impression qu’il savait tout de moi et que je ne savais rien de lui. Alors si Romane n’en connaissait pas plus, je me demandais vraiment comment ils pouvaient être mariés en étant aussi étranger l’un à l’autre, au fond. Je n’étais pas catholique, mais je venais d’une famille pour qui la religion était plutôt importante. J’avais donc été élevée selon des valeurs uniques du christianisme et le mariage portait donc beaucoup de significations dans mon cœur. Je ne comprenais pas que l’on veuille se marier sans éprouver un amour intense tout en connaissant entièrement notre douce moitié, de A à Z. Le fait de savoir que les sentiments que Pacey et Romane éprouvaient l’un pour l’autre s’étaient manifestés surtout après leur union me semblait tout à fait incohérent, donc. Mais ce n’était pas de mes affaires, je n’avais pas à m’en mêler. Je n’avais surtout pas mon mot à dire. « D’accord. Tu lui diras un jour, j’espère. C’est quand même la moindre des choses que tu partages ces moments importants de ta vie avec ton épouse. » Loin de moi l’envie de lui faire la leçon, mais je voulais tout de même lui faire comprendre que la situation dans laquelle il était n’était pas des plus communes. Alors que l’ancien professeur voulut me faire une accolade, je me détachai bien vite de lui et marchai d’un pas rapide vers la mer. Pas une seconde je n’avais pensé à m’y jeter. J’aimais Pacey, et je vivais présentement une profonde déception déchirante, mais pas de là à me noyer. Je me noyais déjà presque de l’intérieur et c’était une mort qui m’affolait, alors je n’allais pas la provoquer en plus. J’avouai donc dans des mots clairs et précis à Pacey que je l’aimais, d’amour. Il ne comprenait pas. Il mentionna Joe. Je soupirai en fermant les yeux. « Je suis avec Joe depuis à peine deux mois, Pacey. Je ne suis pas amoureuse de lui. C’est passionné, c’est beau, c’est romantique, mais nous n’en sommes pas à un point où il connaît tout de moi … Toi, tu connais mes habitudes, mes manies, ce que j’aime et ce que je n’aime pas … Et ce n’est pas que parce qu’on vit ensemble. C’est bien plus que ça. » Je lui assurai toutefois que j’allais bientôt déménager. Les nouveaux mariés ne m’auraient pas dans leurs pattes pour longtemps encore. « Pacey. Inévitablement, vous vivrez ensemble bientôt, si tu dis que vous vous aimez réellement. Vous êtes mariés, putain. Et le jour où ça arrivera, désolée mais je ne tiens pas à être la pauvre fille qui vit avec un couple marié. C’est ridicule et pathétique. » Pacey m’ordonna finalement de cesser de m’avancer dans l’eau. Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas ce qu’il voulait dire par là, et en me tournant vers la mer, je constatai qu’effectivement, j’avais avancé dans l’eau beaucoup plus que je ne le voulais. Mes shorts étaient mouillés. Pacey avait les larmes aux yeux. Je me tournai vers lui. Je ne savais plus quoi dire, je ne savais plus quoi faire. « Sans ton aide, je suis perdue, Pacey. Mais je ne peux pas rester non plus, c’est trop dur … » Je pleurais aussi. J’avais envie, oui, de me laisser emporter par l’eau. Ne plus rien ressentir. Ne plus penser à quoi que ce soit. Mais je ne le ferais pas.