Sombre. Vide. Cette sensation épouvantable de ne plus être maître de soi, d’être un vulgaire pantin, d’être un pion sur une partie d’échecs - le jeu de la Vie. Et moi, putain, j’étais qu’un pion, parmi tant d’autres, et Alexys, lui, c’était le fou. On était mal barrés, non . Malmenés par les rois, par les dames, piétinés, quasi détruits. Parce que, mieux vaut faire du mal qu’avoir mal. C’est la dure loi de la vie - règle qui s’applique à tous. Marche ou crève. Tombe et relèves-toi. Bordel, moi, ce que je voulais, c’était clamser, c’était disparaître, être libre, et tant pis si j’allais en enfer. J’en avais marre de vivre, j’en avais marre de souffrir, parce que j'étais bon qu’à ça, souffrir. J’avais sacrifié tout ce que j’avais avant pour un mec, et franchement, je sais pas si je regrette ou pas. C’est une de mes seules sources de bonheur, mais il m’a aussi tout volé. Mais quelle vie. Dire que y’en à qui sont paisibles, avec qu’une seule inquiétude ; quelle coiffure devrais-je porter aujourd’hui, ma dulcinée ? J’aime pas les gens heureux. Je crois que c’est une sorte de jalousie, quelque chose de viscéral, vraiment, qui bouffe tout mon être. Je crois que c’est ça qui me fait détester quasi tout le monde - j’ai juste envie de cogner sur ceux qui arrivent à sourire. Moi, je sais à peine comment faire. Je sais plus. J’ai oublié. Les vrais sourires, j’ai oublié - y a qu'Alexys, je crois, et peut-être deux ou trois personnes, qui arrivent à m’en arracher. Mais je sais plus faire semblant. Ça me fait mal de sourire pour de faux. Et puis, je me rassure en disant que ça creuse des rides dégueulasses. Au moins, j’en aurais pas, c’est déjà ça.

La sonnerie arracha Phoenix à ses sordides pensées, et ce dernier bouscula quelques élèves pour rejoindre sa planque. En effet, Alexys n’était pas là aujourd’hui, et le Corbeau ne savait pas affronter seul les ennuis. Il préférait donc se cacher, comme un lâche - parce que c’était ce qu’il était, au fond. Un lâche. Il ne défendait ni lui, ni celui qu’il aimait, pour la simple et bonne raison que c’était devenu une habitude pour lui, d’être détesté. Et puis, au fond, il ne pouvait pas dire grand-chose. Lui-même avait fait pareil, et il prenait ça comme un retour de bâton, une vengeance, c’était dégueulasse, mais voilà, il n'y pouvait rien. C’était la vie qui le voulait, le destin, tout ça. Tellement simple de se dire que ce n’était pas de sa faute. Tellement plus simple. Encore quelque chose de lâche.
Phoenix profita de la pause du midi pour monter - il retira le cadenas qui barrait l’accès aux toits, puis s’assit près du bord. Le bord. Il aimerait tellement pouvoir se jeter dans le vide, sauter, avoir ce courage, mais un lâche n’y arrive pas. Et puis, il y avait Alexys. Il ne pouvait pas le laisser tomber, il lui avait promis. C’était eux, contre tous. Eux, contre cette putain de vie. Eux. Et Phoenix ne pouvait pas le laisser, c’était impensable ; impossible.
Un bruit lui fit relever la tête, et il fixe la porte avec inquiétude - il avait peur de tomber sur un pion. Ou un connard qui le menacerait de le pousser dans le vide. Quoique, l’idée était plutôt tentante, et il se sentirait pas responsable de sa propre mort. Et il pourrait surveiller Alexys de là-haut.
Faudrait peut-être arrêter de penser de la sorte, ouais. Seulement, c’était plus simple aussi, de faire comme si on avait pas la force de tourner la page.

Une nouvelle journée de cours, une journée comme les autres, qui se ressemblent. Je m'ennuie à en mourir, je n'ai rien à faire, personne avec qui parlait et ça se passe mal avec Coleen alors ça me bouffe de l'intérieur. C'est encore plus compliqué qu'avant, depuis cette fameuse soirée.. Je regrette parfois de m'être assis à côté d'elle et d'avoir commencé à engager la conversation, mais après, je sais que j'aurais regretté de ne pas lui avoir parlé.. Alors tant pis, je laisse faire, je laisse totalement couler tout ça et j'oublie. Je l'oublie. Même si elle reste dans ma tête, dans mon coeur et que je la croise parfois dans les couloirs. Elle fait comme si on ne se connaissait pas et cela me rend totalement dingue. Je ne supporte pas quand elle est comme ça avec moi, mais cette fois je ne veux pas craquer. Je ne veux pas aller lui parler, aller la voir, m'excuser et tout ce qui s'en suit. Non, cette fois je veux être plus fort que ça et je veux qu'elle vienne elle-même. Je veux qu'elle me prouve que je compte à ses yeux malgré tout.. Je garde espoir. La sonnerie retentit enfin et je sors vite de ce cours, c'est enfin la pause et j'ai deux heures devant moi. Il faut maintenant que je trouve quelque chose à faire, quelqu'un avec qui restait.. C'est alors que je vois passer devant moi un mec, dont j'ai entendu parlait. Il y a de nombreuses rumeurs sur lui, enfin si on va par là, il y a des rumeurs sur à peu près toutes les personnes de cette université ! Malheureusement, je ne peux pas aller voir tout le monde pour savoir ce qui est vrai et ce qui est faux. Mais ce midi, je peux aller le voir à lui. Après tout, je n'ai rien à perdre. Puis j'ai bien envie de me renseigner, d'apprendre à le connaitre s'il le veut, bien évidemment. Car ce n'est pas obligé qu'il est envie de m'adresser la parole, même si cela n'est encore jamais arrivé jusqu'ici. J'ai toujours eu de la chance et ils ont toujours bien voulu me parler, heureusement pour moi. Je le suis alors que je le vois monter vers le toit, retirant le cadenas pour pouvoir y aller. Même si, je me fous sincèrement de cela et que j'aurais fait exactement la même chose si je voulais y aller. J'attends alors quelques minutes, avant de monter pour le rejoindre. Une fois en haut, je le vois là, sur le bord. « Salut ! » ou l'entrée la plus pourri que je n'ai jamais faites ! Bon cela dit, je ne vois pas ce que j'aurais pu dire de plus à cela. Je m'avance donc vers lui, le sourire aux lèvres alors qu'il n'a pas l'air content de me voir ici. « Si je ne me trompe pas, tu t'appelles Phoenix ? Moi c'est King, je ne sais pas si tu as déjà entendu parlait de moi ? » Je préfère directement demander, il a peut-être vu une de mes vidéos, il est peut-être fan, ou bien il a peut-être entendu des rumeurs sur moi, qui sait.. Je suis certain que des rumeurs sur moi court dans l'université, même si je ne les ai pas encore entendus, elles arriveront bien à un moment ou un autre jusqu'à moi. Je l'espère en tout cas. Je n'ose pas tellement m'asseoir et je ne sais pas trop quoi faire, car il m'a pas l'air d'être très sympathique. Alors je préfère tranquillement attendre debout, attendre de voir comment cela va se passer, attendre de voir comment il va me répondre.. Je pense que cette fois, ça ne va pas se passer comme les autres fois..