L’Italie, pays cher à mon cœur. Pourtant, j’avais décidé de le quitter pour des raisons qui étaient – je le pense bien – plus que raisonnables. On ne marie plus ses enfants de force aujourd’hui, c’est une pratique interdite ou qui devrait l’être parce que je trouve cela rabaissant et totalement à l’encontre de la liberté de chacun. Malheureusement, mon père n’est pas du même avis. Pour lui, il est important que l’héritière Ferrazzini soit mariée avec un homme qui vient du même milieu qu’elle et surtout qui soit un disciple de mon paternel. Fabio n’était pas méchant, mais il n’avait d’yeux que pour Andrea Ferrazzini et pour lui, épouser la fille de cet homme était la consécration d’une vie. Moi, ce n’était pas ce que je voulais faire de mon existence. Moi, je voulais vivre, je voulais profiter de cette deuxième chance que m’avait offert cet inconnu et m’enfermer dans une union où je ne serais jamais heureuse n’était pas mon destin, ce que j’avais rêvé depuis toute petite. Voilà pourquoi j’avais trouvé tous les moyens possibles et imaginables pour m’enfuir, pour éviter une cérémonie couteuse qui se solderait par un échec. Sous prétexte de vouloir développer la société Ferrazzini à l’étranger, j’avais choisi des études de commerce international et m’était envolé pour la prestigieuse université de Berkeley. Voilà pourquoi ce matin, j’observe la ville de San Francisco en prenant mon petit-déjeuner à la terrasse d’un café, un magazine ouvert à ma gauche.  Habillée d’une petite robe fleurie, signe de l’été qui commençait, je révisais un peu avant la journée de cours qui m’attendait. Soudain, un portable sonne. C’est le mien et c’est Andrea. Je soufflai. Je n’avais pas envie de lui parler du tout, mais bon, il faut toujours décrocher quand Monsieur Ferrazzini téléphone. « Bonjour Giusy ! » Son ton était froid et accusateur comme d’habitude. « Bonjour Andrea ! Que me vaut l’honneur de cet appel ? », sifflai-je dans l’appareil. Je savais pertinemment que ce n’était pour me dire simplement bonjour qu’il m’appelait. « J’ai appris pour…ton gigolo. Tu es fiancée, Giusy, tu n’as pas le droit du tout de tromper Fabio. » Je levai les yeux au ciel. « Papa ! Arrête ! Je t’ai dit que je n’épouserai pas Fabio et l’homme avec qui je suis ici en Amérique a un nom, il s’appelle Andrea. » Malheureusement, oui, j’avais choisi un homme qui portait le même nom que mon père pour jouer mon faux petit-ami, mon alibi pour échapper à mon mariage. « Et puis, il n’est pas gigolo et je l’aime. D’ailleurs, je voulais vous le présenter pour que vous voyiez que c’est un homme bien. » Je réfléchis alors à ce que je venais de dire. Et merde ! Alors que je priais pour que mon père ne me prenne pas au mot, mes souhaits ne furent pas exaucés. « Et bien, puisque tu as l’air de vouloir nous le présenter, présente-le nous ! Mi-juillet, à l’anniversaire de ta mère, il est invité. » Je déglutis péniblement et fut dans l’obligation d’accepter la proposition de mon père. Maintenant, il fallait vraiment que j’en parle à Andrea. Cependant, je remettais ça à plus tard car là, j’avais rendez-vous. Dans l’après-midi, je me décidai à appeler mon ami. Je lui expliquai qu’on devait se parler, qu’on devait discuter de notre fausse histoire d’amour. Le rendez-vous était pris, 20h30 dans le meilleur glacier italien de San Francisco. Cet endroit avait une importance culturelle pour nous puisqu’il nous rappelait un peu notre botte méditerranéenne, le pays des meilleures glaces du monde. C’est ainsi que vers 19h00, je mangeai puis je me préparai. Inconsciemment, je me faisais belle comme si j’allais au restaurant pour un rendez-vous galant. En effet, j’avais mis un robe noir – simple mais quand même classe –, des hauts-talons et je m’étais maquillée et coiffée. Parfumée, j’embrassai Aurea et descendit pour aller prendre ma voiture. Je ne mis pas longtemps avant de me garer et à 20h30 pile, je passais la porte du glacier d’Ocean Drive. Andrea était déjà présent. Je m’avançai vers lui en souriant. « Andrea, quel plaisir de te voir ! » Je l’embrassai et m’assis en face de lui. « Alors, qu’est-ce qu’on commande ? »