C'était nerveux. Jouer avec mon crayon, le faire tourner entre mes doigts pour chercher l'inspiration. Je cherchais le concept, la nouvelle perception qui me ferait changer. Bon ok, c'était uniquement un dossier sur lequel j'étais plongé depuis quelques semaines mais là vraiment, j'étais en panne de motivation, j'avais épuisé la case inspiration. Je n'avais pas bougé de cette chaise depuis plus de quatre heures, je m'étais levé juste pour aller chercher une bière et encore, j'étais revenu entre deux pour éviter de perdre la moindre idée aussi infime soit-elle. Je m'arrachais les cheveux, j'avais envie d'hurler, de passer ce dossier par la fenêtre et aller me changer les idées. Pourtant, il fallait que je le finisse, il fallait que j'avance, c'était mon mémoire de fin d'année, j'avais encore de bons mois devant mais je voulais qu'il soit parfait, je voulais peaufiner le moindre détails et pouvoir aller loin grâce à cela. Balançant mon crayon contre le mur, je poussai un cri de rage sans précédent, suivi d'un jolie et mélodieux « Putain ! » Je me balançais désespérément sur ma chaise comme-ci cela allait me donner une quelconque inspiration. La sonnerie de mon portable vint me déranger dans mes pensées, je mis vraiment un temps avant de comprendre que quelqu'un cherchait à me joindre. Ne vérifiant même pas le nom sur l'écran, je décrochais sans vraiment me montrer agréable. Mon timbre de voix se changea radicalement lorsque je compris que Petra était au bout du fil.

En quelques secondes, elle me demanda de lui venir en aide et il me fallut encore moins de temps pour accepter. C'était étrange, pourquoi moi ? Pourquoi Petra m'avait appelé moi et pas quelqu'un d'autre ? Apparemment, elle était tombé en panne à quelques kilomètres de là. Je me levai rapidement, rangea maladroitement mon dossier avant d'enfiler une veste et d'attraper mes clés de voiture. Je dévalais les escaliers quatre à quatre avant de me retrouver sur le parking et de chercher rapidement ma voiture. Vingt miles questions se bousculaient dans ma tête. Petra était-elle toute seule ? Pourquoi m'avait-elle appelé ? Comment cela allait se passait ? En fait, c'était la première fois depuis qu'elle m'avait quitté que nous allions réellement nous retrouver ensemble, que allions devoir parler. C'était perturbant, je dois l'avouer. Me plaçant au poste de conduite, je mis en marche ma voiture et comme pour me donner du courage, je pris une grande inspiration. Une fois sur la route, je roulais vite, j'étais pressé d'y aller mais aussi j'aimais la vitesse, je mettrais cela sur le compte du stress tout simplement. Alors que je la cherchais des yeux, une silhouette féminine se dessina au loin, pas de doute, c'était bien elle. Pas très prudent pour une jolie brune d'être arrêté comme ça sur le bord de la route. Je m'arrêtais un peu plus haut, on ne pourra pas me reprocher cela : j'avais vraiment fait vite pour arriver. Allez, courage ! Je stoppai la voiture avant de descendre et de me diriger calmement vers Petra. Elle semblait tellement soulagée de me voir, tu m'étonnes ! Lorsque mon regard croisa le sien, je ne pu m’empêcher de regarder ailleurs. Ouais je l'avoue, je n'ai pas oublié cette fille et j'ai quelques regrets/remords à son sujet. « SOS dépannage. » J'affichais un large sourire avant de m'approcher d'elle, de passer ma main derrière son dos et de déposer un chaste baiser sur sa joue. Ce contact avec elle ... Je me reculais rapidement avant de regarder l'état de la voiture. « Alors ? On fait des folies sur la route ? »

Juste à côté de nous passaient les voitures à une allure folle. Je ne vais certainement pas les blâmer, moi, adepte de la vitesse et du danger. Mais il est vrai que de ce point de vue là, il y avait un certain risque. Heureusement que Petra avait un minimum de lucidité et s'était garé bien sur le côté, laissant une marge assez grande entre sa voiture et la route. Ce n'était pas mon genre de faire attention à cela, je me surpris même en train de la regarder voir si elle n'avait rien. Je ne me permis pas de demander puisqu'au vue de la voiture, elle n'avait certainement pas fait d'accident. C'était déjà une bonne chose. Pour éviter de croiser une nouvelle fois son regard, j'analysais l'état de la voiture. J'étais comme ça moi, beaucoup de chose passait pas le regard. La première fois que je vois une fille, je vais regarder ses formes bien entendu mais j'accorde une importance assez primordiale à son regard. Je trouve que beaucoup d'émotions passent par les yeux. Bref, la voiture semblait clean, pas d'"accrochage. En même temps qu'elle me parlait, je fis le tour de la voiture histoire de voir si elle n'avait pas crevé. Sait-on jamais. « Oh.. en fait je ne sais pas trop ce qui s'est passé. La voiture a commencé à trembler et à faire des bruits bizarres, alors j'ai préféré l'arrêter. » Lorsque j'entendis ses paroles, je me sentais un peu con d'avoir fait le tour de la voiture pour rien. En effet, si la voiture avait tremblé, ce n'était certainement pas à cause des pneus. « Oh, je vois. » Je pris un air énigmatique avant de m'avancer juste devant la voiture.

Calmement, je me risquais de jeter un petit coup d'oeil dans sa direction, elle regardait ailleurs. Ainsi j'en avais le coeur net, le malaise était bel et bien partagé. Pourquoi ce malaise était si présent entre nous ? J'avais bien sûr la réponse mais je ne voulais pas l'admettre. Rien n'était réellement terminé entre nous mais peut-être est-ce mieux ainsi. « Désolée de t'avoir dérangée, mais tu es le seul que je connaisse et qui peut m'aider.. tu as été avec moi lorsque j'ai acheté cette voiture. Alors tu dois bien connaître ce modèle. Je dois t'avouer que je suis nulle.. mais ça tu le sais déjà. » Machinalement, je laissais glisser mes doigts en dessous du capot pour trouver le levier et l’enclencher. Je soulevai alors délicatement le capot avant de la voiture en prenant soin de le faire tenir par la petite barre métallique, histoire qu'il ne me retombe pas sur le coin de la gueule. « Mais c'est normal, je n'allais pas te laisser là sur le bord de la route à la merci de n'importe qui. » J'eu un petit rire à la fin de ma phrase. Bon ok, ce n'était pas très futile de ma part mais c'était uniquement pour détendre l’atmosphère. Je lui fis un clin d'oeil avant de me pencher vers l'avant pour inspecter de plus prés cette sublime mécanique. Cette voiture était, à sa façon, une pure merveille. Je me souviens encore lorsque Petra l'avait acheté, je l'avais accompagnée pour éviter qu'elle ne se fasse rouler par tout ces vendeurs sans scrupules. Ahlala, souvenirs, souvenirs. Je parcourais des yeux les différents mécanismes avant de lui répondre. « Tu n'es pas nulle, c'est juste très compliqué ... un peu comme une femme. » Je me reculais et la regardai avec un large sourire. Malgré le malaise, je voulais vraiment que l’atmosphère se détende un peu. J'avais dit cela sur un ton amusé, en aucun cas je me prenais au sérieux. « D'ailleurs, tu vas m'aider. Mets-toi au poste de conduite et démarre la voiture, s'il-te-plait. »

Faire redémarrer cette voiture n'allait pas être chose facile, déjà rien qu'à voir l'état de la voiture. La plupart des réservoirs étaient vides, cela signifiait bien a quel point l'entretien d'une voiture n'était pas le truc de Petra. En même temps, si je peux me permettre de critiquer, c'est parce que la mécanique a toujours été un sujet qui me fascine, j'avoue être un gros nul quand il s'agit de parler plus délicat. Chacun son truc, voilà tout. La jolie brune accepta immédiatement de m'aider, cela n'était pas étonnant, c'était sa voiture d'une part mais aussi parce qu'elle était gentille naturellement. Je souris en la voyant se placer au poste de conduite. Moment de vérité. Elle inséra la clé dans la serrure avec d'essayer de démarrer. La voiture fit un bruit sourd et refusa de se démarrer. Au vu de la fumée qui sortait de l'un des éléments, c'était sans doute le moteur qui était touché. « ça n'a pas l'air de marcher.. » Non, effectivement, je me décalais pour apercevoir Petra, elle semblait désemparé. Pas étonnant, ce genre de réparation coûtait une fortune et puis, elle ne pouvait pas laisser sa voiture là. « Non, je crois que ça viens du moteur ! » Je lui fis un petit sourire rassurant, nous allions trouver une solution. Même si nous étions à quelques kilomètres de la prochaine ville, tout n'était pas perdu, loin de là. Elle m'avait moi, tu parles, la bonne blague.

L'ambiance était palpable et extrêmement tendu, je ne savais pas comment me comporter avec elle, comment réagir. Je n'avais pas peur mais beaucoup de choses remontaient à la surface. Des sentiments que je pensais vraiment éteint. « Y'a autre chose que je pourrai faire? » On pouvait sentir la déception dans sa voix, ce qui était amplement légitime. La pluie commençait à tomber, génial, il manquait plus que cela. Je vins me placer dans sa voiture côté passager, juste à côté d'elle. J'avais bien entendu prit soin de bien refermer le capot pour éviter d'aggraver la situation. Je la regardais, cela me rappelais pleins de souvenirs. Notamment lorsque Petra venait d'acheter sa voiture et qu'elle avait tenu à m'emmener faire un tour avec, nous avions roulé quelques heures, parlant de tout et de rien. Nous étions au même endroit, avec juste quelques mois de décalage. « Malheureusement, je crains que nous soyons obligés d'appeler le dépanneur. » Je jetai un coup d'oeil à ma montre, en espérant qu'il ne soit pas trop tard. Sait-on jamais ! Apparemment nous étions encore dans les temps, je pris alors mon portable qui était soigneusement rangé dans ma poche et composa le numéro du dépanneur. Manque de chance, le répondeur tomba directement, laissant un message du genre " Le garage machin est fermé pour une période de deux semaines " et bla bla bla! Manque de chance ou coup du destin ? Un peu des deux certainement. « Je crois qu'on peut oublier de dépannage. » J'étais pas bien pour Petra, vraiment elle semblait gênée par la situation. Alors que la pluie s'intensifiait dehors, nous n'allions pas rester là toute la soirée. Je la regardais alors avec un petit sourire sincère, peut-être attendait-elle que je prenne les choses en main, que je ne la laisse pas tomber. Pourtant, connaissant notre passé, il serait légitime que la laisse se débrouiller et pourtant, je tenais quand même à elle. Donc, hors de question de la laisser en galère. « Je crois que nous n'avions pas d'autre choix que de laisser la voiture ici, j’appellerai un ami demain histoire qu'il jette un coup d'oeil. Je te ramène ? » Attendant son accord, je crois que c'était la seule solution. Je ne pouvais pas l'appeler maintenant car il ne rentrait que demain sur Berkeley. Nous quittâmes alors le véhicule pour rejoindre le mien. Rien que le fait de traverser, nous étions trempé. Une fois à l'intérieur du véhicule, je démarra et mis le chauffage. La température avait énormément chuté. « Ça va aller ? »

Non vraiment je m'inquiétais pour elle, savoir comment elle allait m’intéressait énormément, ce n'était pas qu'une parole en l'air. Après tout, elle venait de passer une journée de merde : la voiture qui tombe en panne, elle appelle son ex et en plus de tout ça, elle venait de se prendre l'averse sur le coin de la gueule. Décidément, elle avait de quoi être perturbée. D'autant plus que le sort de sa voiture était loin d'être fixée. Il allait falloir la laisser sur le bord de la route quelques jours au moins, le temps de trouver un autre garage et de la dépanner. Elle ne s'allumait plus et cela ne présageait rien de bon. Il faisait froid ou est-ce l'ambiance qui était glaciale ? Je ne savais pas comment me comporter avec Petra, je ne savais pas quelle attitude adopter. J'avais l'impression de gêner, qu'il y avait un froid entre nous. Pas très étonnant d'ailleurs. Elle me répondit brièvement qu'elle allait bien, avant de remettre ses cheveux en place. Rien que le fait d'avoir changé de voiture, nous étions trempé et ses cheveux étaient plus qu'humide. Le temps qu'elle s'arrange un peu, je ne pu détacher mon regard d'elle. Petra n'avait pas beaucoup changé, elle avait toujours ce petit regard qui me plaisait tant.

La belle brune me regarda alors et me dit d'une voix hésitante. « Merci Jorden. Je ne pensais pas vraiment que tu allais venir quand je t'ai appelé mais.. tu l'as fais alors .. je t'en remercie. » Elle me fit un jolie sourire auquel je répondis immédiatement. Comment ça elle ne pensait pas que j'allais venir. Oh non, ce n'est pas parce que nous avions un passé un peu regrettable, que j'allais la laisser dans la merde comme ça. Je n'étais pas un connard. Quoi qu'un peu capricieux sur les bords, on peut compter sur moi quand même. Non mais je n'ai pas que des défauts hein. Je la regardais et je cherchais quelque chose à lui répondre. En effet, je ne pouvais pas lui répondre " de rien " comme un con. Franchement, peu importe ce que j'allais dire, il y aura toujours ce malaise. Il fallait briser la glace, il fallait qu'on se parle calmement et qu'on mette au clair notre relation passée. Je sais que je n'ai jamais été doué pour parler mais c'était la meilleure solution à faire. Nous ne nous étions pas parlés depuis des mois et je crois que ça ne va pas s'arranger si on ne faisait rien. J'allais donc lui répondre mais elle me devança. « Enfin tu vois, ça fait vraiment longtemps donc... » Oh ça c'est sur, cela faisait un an pour être précis. J'inspirai profondément et tournai la clé pour démarrer la voiture. Doucement, je sortis de la place où j'étais garé et pris la route. « Même si ça fait longtemps, je ne pouvais pas te laisser sur le bord de la route, à la merci de n'importe qui. » Quittant les yeux de la route, je posai mon regard sur elle. Je lui fit un large sourire amusé. Voilà, le moment était tout à fait propice aux explications et pourtant, je retardais l'échéance. Et quoi ? Je n'ai jamais été un gars mature et responsable. « Imagine qu'un gros routier se soit arrêté et t'aurai gentiment proposé de te raccompagner chez toi. » Je rigolais, je voulais une fois de plus détendre l’atmosphère, je retardais le moment où nous allions parler clairement. Malgré tout ce que je pouvais penser sur elle, j'étais content de la voir et de pouvoir parler avec elle. Malgré tout ce que je pouvais dire, elle me manquait et sa présence me faisait du bien, me réconfortait en quelque sorte. Sur le chemin, nous parlions un peu, laissant quelques blancs s'installer entre nous. Une fois devant chez elle, j'arrêtais la voiture et me tournais vers elle. La pluie claquait contre le pare-brise, de la buée s'était installé sur les carreaux. « Allez, ne pense plus à ta voiture, on s'occupera de tout ça demain. Repose-toi, tu as l'air fatiguée. » En fait, inconsciemment je n'avais pas envie de la laisser partir comme ça. Étrange.