L’année 2012-2013 avait déjà bien avancé. Et si les derniers mois avant la seconde période de partiels passeraient vite, déjà, je pensais à la future année. En effet, dans la mesure où les étudiants peuvent changer d’activités hors-cursus à chaque rentrée, je décidais de mettre en place un cours d’initiation où étaient conviées aussi bien les personnes qui pratiquaient déjà le théâtre, que ceux qui pouvaient éventuellement en être intéressés. Une journée placée sous le signe de l’amusement et de la surprise. C’est pourquoi j’avais organisé une après-midi complète de théâtre, dans les rues de San Francisco. Chacun aurait quelques défis à réaliser et devront tenter d’être crédible face à un public important : les passants. Cela permettrait aux étudiants qui souhaitent s’initier, de prendre conscience de ce que cela implique et de se rendre compte si leur motivation est réelle ou non. Quant à ceux qui sont déjà mes élèves, ils pourront parrainer les nouveaux, et s’entraîner davantage.

A ma grande surprise, l’idée d’une telle journée fit son petit bout de chemin dans l’université, si bien que de nombreux étudiants décidèrent de s’y inscrire. De cette façon, j’avais décidé de faire des groupes et de réitérer l’évènement dans les jours à venir. Ainsi, je pouvais prendre un effectif plus petit et me concentrer sur eux. Et dans la mesure où la directrice, Maria O’Berkeley, m’avait donné son accord, je n’avais pu qu’à me réjouir.

- Bonjour à tous, et merci d’être venus jusqu’ici pour ce cours de théâtre en extérieur.

En face de moi, une quinzaine d’étudiants, en tenue légère, sous le soleil californien d’une belle journée de Printemps. Les rues étaient bondées, comme chaque jour. C’est pourquoi j’avais donné rendez-vous à mes étudiants dans un parc à proximité du centre-ville. Une façon de pouvoir débuter le cours, leur expliquer mes attentes et leur donner à chacun un défi.

- Certains d’entre vous n’ont jamais fait de théâtre. Ce sera donc un cours d’initiation pour vous. A savoir si cela vous plaira au point de souhaiter vous inscrire à mes cours dés la rentrée prochaine. Pour les autres, qui sont déjà mes étudiants, j’imagine que vous êtes venus pour vous divertir et louper une après-midi entière de cours.

J’esquissais un sourire sous la mine innocente de quelques-uns de mes élèves. Tous formaient une ligne en face de moi, et je marchais devant eux comme un militaire gradé sur le point de s’adresser à ses recrues. Comme quoi, l’armée laisse des traces. Il faut dire que j’avais la carrure et l’image du grand dur au cœur tendre, dans toute l’université. Il faut avouer que j’étais devenu beaucoup plus agréable avec le temps, que lors de mon arrivée à Berkeley, en début d’année 2011.

- Le cours se traduira par des défis donné à chacun, tout d’abord individuels, puis en binômes. Le public sera les passants de San Francisco. Ceci est bien loin de l’idée de rôle à jouer. Aujourd’hui je souhaite vous tester et voir si vous êtes capable d’agir malgré la gêne. Enfermez-vous dans votre défi, coûte que coûte, malgré ce qu’il peut advenir.

Je pris plusieurs minutes à leur expliquer exactement le déroulement de la journée. Et lorsqu’il n’y eut plus de question, je m’avançais vers eux, afin de leur donner à chacun un défi. Pour ceux que je ne connaissais pas, d’un simple coup d’œil, je tentais de connaître ce qui pouvait en soit les gêner afin de repousser leur limite. Cependant, je ne comptais pas improviser dans les défis. Je retirais le chapeau de la tête d’un étudiant, avant d’y mettre quelques papiers. Papiers sur lequel étaient inscrits les défis. Certains aisés, d’autres plus loufoques, et enfin des complètement dingues.

Je m’avançais pour commencer vers un étudiant en fauteuil roulant, aux cheveux châtains et aux reflets cuivrés. Je lui tendais le chapeau, afin qu’il puisse piocher un bout de papier. Une fois cela fait, je le reprenais afin de le lire à voix haute.

- Monsieur Scott. Voici votre défi : sur la place de la mairie, à une heure d’affluence, tenir le rôle du crieur public. Texte à la main, annoncer la météo du jour, les mariages de la semaine, une bonne blague et une petite chanson, en commençant par “Oyez, Oyez, braves gens”.

Petit sourire en coin, je poursuivais.

- Vous pourrez remercier votre professeur de littérature : monsieur Shark. Il a écrit une bonne partie des défis.

Au suivant. Je m’avançais vers un brun à la barbe naissante. Un étudiant à l’apparence studieuse, qui devait faire craquer bien des femmes. Je le laissais piocher et encore une fois, je lisais son défi à voix haute.

- Je suis l'amant d'une femme mariée. Son mari est rentré plus tôt. J'ai dû sortir par la fenêtre et me retrouve en pleine rue, nu, avec pour seule « couverture » : un coussin. Maintenant, je dois rentrer chez moi. Bon courage, monsieur Morello.

Cette fois-ci, je me dirigeais vers un jeune homme blond, aux cheveux longs et au visage androgyne. Un étudiant qui possédait un cursus en art. Même punition pour lui, il dû piocher et me confier le papier.

- Voilà pour vous, monsieur Andreï : vous devrez vous incruster dans un mariage en maillot de bain. Faire une photo avec la mariée et expliquer au mari que c’est une ex.

Enfin, ce fut au tour d’une jeune femme, blonde, au sourire mutin et chaleureux. Celle-ci, je la connaissais. Elle faisait ses études dans le cinéma, et m’avait donc pour professeur lors de ses cours de comédie. Une dénommée Nélia Pitruzzela.

- Mademoiselle, vous devrez pique-niquer au milieu d’un terrain de foot pendant un match, au moins le temps de manger 4 tranches de saucisson et de boire un petit verre de rouge.

Je lui adressais un sourire amusé. Lorsque j’eus donné le défi à chacun, je les entraînais jusqu’à mon Pick Up où se trouvait de nombreuses affaires afin de réaliser les défis. De cette façon, je donnais à Isaac une clochette afin d’attirer l’attention de la foule, un chapeau qui faisait très « Moyen-âge », ainsi qu’une longue feuille de papier enroulée sur elle-même. Aidan, lui, eut le droit uniquement à un coussin, tandis que pour Evgeny, ce fut un maillot de bain. Enfin, pour Nélia, j’apportais jusqu’à elle une nappe ainsi qu’un panier de pique-nique.

- A vous de jouer les jeunes. Vous passerez un par un. Qui souhaite donc commencer ?

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