Un soupir las s’échappa de mes douces lèvres alors que j’entendais cette voix désagréable résonner dans ma tête comme une désagréable chanson qu’on n’arrivait pas à chasser. Regardant pour la énième fois ma montre, je tentais de me persuader que cette torture allait bientôt prendre fin mais, je ne me faisais aucune illusion, ce n’était pas pour maintenant. Je ne savais pas si j’aurais le courage ou même l’envie de supporter cette insupportable voix pendant encore longtemps. Brillante que j’étais, je me devais d’être la meilleure dans tout ce que j’entreprenais, malheureusement, supporter cet homme ne faisait pas partie de mes dons. J’en avais parcouru du chemin pour en arriver là, à San Francisco, à Berkeley. Les souvenirs de mon passé douloureux n’étaient jamais loin, me rappelant à chaque fois d’où je venais et qui j’étais réellement. J’étais peut-être, aujourd’hui, la fille d’un réalisateur de renom et d’une brillante avocate mais, ça n’avait pas toujours été le cas. Je me souvenais très bien de ces sombres jours où j’avais dû me battre corps et âme pour espérer vivre un jour de plus. Un sourire apparu malgré cela sur mon visage. Cette époque était loin derrière moi, ce qui n’était pas pour me déplaire. Bien que la vie en Russie me manquait, je ne regrettais en rien d’avoir atterrit chez les Bowman. Ils étaient des parents exceptionnels, une famille que je n’avais jamais rêvée d’avoir même dans mes rêves les plus fous, des personnes qui se souciaient réellement de mon bien être. Toussant tellement fort qu'il me fit sortir de ma rêverie, je jetais un regard vers ce bruit désobligeant. Encore une fois, ce bon vieux professeur s’étouffait, à croire que tout ce qui sortait de sa bouche avait pour but de provoquer des maux de tête à son entourage. Pauvre homme. Je me demandais encore comment il avait pu survivre jusqu’à aujourd’hui. Car il fallait bien le dire, quoi qu’on en dise, il se rapprochait actuellement plus d’un fossile qu’à un être humain. Dire que la journée avait plutôt bien commencé. Me réveillant aux côtés de Matthias, j’avais eu du mal à quitter ses bras pour rejoindre un cours assez ennuyeux. Ceux qui m’avaient connu à Los Angeles n’auraient jamais pu croire une telle chose. Depuis Aymeric, j’avais mis un point d’honneur à ne jamais passer deux nuits de suite avec le même homme, histoire d’éviter les mêmes erreurs. Seulement, la donne avait changé avec le Iota, les choses étaient différentes et je comptais bien qu’elle le reste encore longtemps. Obligée donc de quitter ses bras, j’avais rejoint l’université sans trop me presser. Pourquoi en aurait été-t-il autrement ? J’étais assez intelligente pour ne pas avoir à m’enfermer comme un rat de bibliothèque dans mes bouquins dans l’espoir d’atteindre un jour la perfection. Laissant mes prunelles glisser vers la fenêtre d’à côté, un sourire sincère s’afficha sur mes lèvres. Ma Bêta préférée venait de faire apparition devant mes yeux comme si elle avait eu vent de mon mal être. Peut-être qu’en fin de compte tout n’était pas perdu. Je me retournais vers le professeur, encore concentré sur ce qu’il disait et qui ne semblait intéresser personne avant de me reconcentrer sur mon acolyte qui – je n’en doutais pas – avait une idée en tête.

Commence chaque journée comme si elle avait été écrite pour toi

Notre amitié est une perfection. Elle est parfaite. Elle est tout ce que j’ai de plus cher. Je regardais Tessa dans cette salle de classe, dans cet amphithéâtre immense. Mais, il ne me fallut pas longtemps pour la repérer. Au fond de la pièce sur le côté, le plus près de la fenêtre, pour avoir quelque part à regarder quand la vision de ce professeur commencerait à lui tourner sur l’estomac. Qu’est-ce que je faisais là ? Je n’étais pas allé à mon cours d’histoire. Je n’avais pas envie de gaspiller du temps, aujourd’hui. J’avais surtout envie de faire un paquet de conneries. J’avais envie de sortir du campus, de profiter de cette journée. La personne parfaite pour être mon acolyte était ma meilleure amie. Enfin réunis, pour le meilleur et pour le pire. Berkeley était une des meilleures choses qui me soit arrivé. Je le savais. J’en prenais conscience. Mais, je ne pouvais pas m’empêcher de vivre. Je ne pouvais pas retenir cette folie qui me guide souvent à travers les vents et les marées. Je ne pouvais pas être différente de celle que je suis, depuis des années. Différente de cette fille que j’aime être. Même si je ne fais pas l’unanimité à l’université ou dans ma confrérie, je suis satisfaite et surtout épanouie. Et personnellement, c’est tout ce qui compte mon bonheur. Alors, avec cette bonne humeur qui me collait à la peau, j’avais envie de retrouver Tessa et de lui dire de me rejoindre ; J’aurais pu me satisfaire d’un message sur son portable. Cependant, je préfère la surprendre comme il se doit. Avec cette façon d’agir, elle ne pourrait pas me refuser cette sortie, cette virée improvisée. J’étais prête à aller la chercher en classe, s’il le fallait. Quitte, encore une fois, à me faire remarquer. Le doyen sait déjà comment je m’appelle, donc on aura peut-être plus de choses à se raconter, si un entretien vient à être imposé. La discipline me manque cruellement, je le sais. Justement, je trouve que ça me va plutôt bien. Etre cette fille qui n’a pas de règle, qui profite, qui ne se sent pas gêné, qui n’est pas effrayé. Surtout, quand je sais que je n’ai pas toujours eu ce cran. Parce qu’à une époque, j’étais plutôt celle qui occupait le premier rang en cours. Celle qu’on ne regardait pas. Celle qu’on évite comme la peste. Celle qui n’avait qu’un nounours comme meilleur ami. Avec ces kilos que j’avais en trop. Avec cette différence de poids qui en faisait rire plus d’un. J’étais cette petite et fille fragile. Je n’osais pas lever le regard. Je n’osais pas observer mon reflet. Je n’arrivais surtout pas à m’assumer. Je n’étais rien. Je n’étais personne. Alors, maintenant que j’ai fière allure et que je n’ai pas peur de plonger mon regard dans le regard de quiconque souhaite me défier. Je profite, avant d’éprouver le moindre regret. Avant d’attraper mes premiers cheveux gris ou ma première ride, parce que je ne serais pas éternellement jeune. Je me plantais alors derrière cette grande vitre qui donnait vue sur la cour principale de l’université. La majorité des classes qui m’entouraient, pourraient voir le spectacle que j’allais donner. En direct et à l’attention de ma très chère Tessa. Je remarquais alors son regard. Elle m’avait vu et je la fixais. Donc, me connaissant, elle devait se douter de quelque chose. Je préparais un plan et dans son sourire, elle ne demande qu’à comprendre. J’ouvris mon gilet et laissais place à mon haut sexy que je venais de saboter pour écrire quelques mots dessus. Avec un marqueur de couleur rouge, j’avais écrit une grosse lettre : « MAISY + TESSA = JOURNEE DE FOLIE » Il ne me restait plus qu’à espérer qu’elle se joigne à moi, qu’elle accepte ce délire et qu’elle quitte la classe en plein milieu du cours. Si j’étais là, c’était surtout pour ne pas attendre. Elle me connaissait impatiente et il n’y avait aucun remède à ça. Interdiction de trainer et d’hésiter, elle devait sortir de cette pièce. Je lui faisais donc plusieurs signes. En lui montrant ma montre et en effectuant des cercles dessus, histoire de lui faire comprendre que le temps filait. Je voulais également qu’elle sache, que je ne comptais pas revenir sur mon idée. Me rapprochant de la fenêtre, je décidais d’articuler au mieux mes propos, mes mots. Tessa allait devoir lire sur mes lèvres pour constater ma détermination. « Sors de cette classe où je viens te chercher. » Avec le large sourire que j’affichais, la jeune femme devrait comprendre que ça n’a rien d’une urgence. Je veux juste l’emmener avec moi. Je veux juste passer du temps avec elle. Je veux juste que cette soirée ne soit pas aussi ennuyeuse. Surtout qu’elle ne semble pas captiver par ce cours, par ce professeur et que je n’ai remarqué aucun jeune homme mignon. Il n’y a donc aucune raison qui pourrait la retenir sur cette chaise. « Je te promets de t’offrir une portion du meilleur tiramisu de la ville. Alors, grouille ton joli popotin. » Souriante et rayonnante, je resterais contre cette vitre jusqu’à ce qu’elle décide d’agir. Même si du coup, tout le monde nous regardait. Toutes les personnes présentes dans cet amphithéâtre, y compris le professeur. J’étais devenu le numéro de foire, de ce cours ennuyant et je ne comptais pas m’en arrêter là, si Tessa ne se décidait pas rapidement.

Toujours cette même voix désagréable qui résonnait dans ma tête. A croire que cet homme était sourd en plus d’être ennuyeux à mourir. Ne s’était-il jamais entendu parler ? J’en doutais sérieusement. C’était impossible sinon. Faisant le tour de mes camarades de cours pour voir s’il n’y avait possibilité de se divertir autrement en attendant la fin de mon calvaire, quel ne fût pas mon désespoir en remarquant qu’aucun des présents n’était digne de moi. Malédiction. Parfois, je me demandais ce que je faisais encore ici, j’aurais très bien pu quitter cet amphithéâtre pour aller je ne sais où mais, le problème était là : où aller et puis, avec qui ? Ecoutant d’une oreille distraite ce qui se disait, un sourire sincère apparut sur mon visage tandis que je voyais la belle brune en face de moi. Debout en dehors de la salle de cours, la voix désobligeante de mon professeur disparu comme par enchantement tandis que je suivais du regard tous les gestes de Maisy. Je ne pu retenir un rire franc et sincère de passer la barrière de mes lèvres alors que tous les regards se retournaient vers moi. Qu’aurais-je pu faire d’autre ? Maisy était tellement imprévisible que je me doutais bien que ce qu’elle venait de faire n’était qu’un maigre aperçu de ce qui allait suivre. Oubliant l’ombre d’un instant de l’endroit où je me trouvais, je me tournais totalement vers ma meilleure amie dans l’attente de ses projets, la connaissant, je savais qu’elle n’allait pas en rester là et je devais avouer que ça me plaisait assez. Ma brunette avait le don de débarquer quand j’en avais le plus besoin et aujourd’hui ne faisait sans aucun doute pas exception à la règle. Depuis que nos routes s’étaient croisées quelques années plutôt, nous étions devenues inséparables. Elle me comprenait, elle savait comment me convaincre ou ce qu’il me fallait. Elle lisait en moi comme dans un livre ouvert. Ne détachant pas mes prunelles de ma belle tandis qu’elle s’approchait de la vitre et qu’elle articulait ses lèvres. La laissant continuer ainsi, je me délectais du spectacle qu’elle m’offrait. Maisy dans toute sa splendeur. La voix du professeur s’éleva dans la pièce m’obligeant à me retourner vers lui. Non pas que ce qu’il avait à dire m’intéressait, au contraire, j’étais bien heureuse que la Bêta vienne me sortir de là. Fronçant les sourcils lui faisant comprendre au passage que sa voix me donnait la migraine, je ramassais mes affaires avant de me lever. « Non pas que votre cours m’ennuie mais, c’est le cas ! » Lançais-je en me dirigeant vers la sortie. « Et entre nous, personne ne semble très intéressé par ce que vous dites alors, un petit conseil : prenez votre retraite pendant qu’il vous reste un semblant de dignité, l’humanité entière vous en sera reconnaissante à commencer par vos étudiants… » Ne lui laissant pas le temps de répliquer quoi que ce soit, je laissais la porte claquer derrière moi, mon parfum étant la seule preuve de mon passage dans cet amphithéâtre. Comment avais-je pu tenir aussi longtemps ? Je me le demandais. « Tu es folle ma chérie, tu le sais au moins ! » Lui dis-je en riant avant de la prendre dans mes bras. De l’autre côté, les pairs d’yeux continuaient de nous observer tandis que le silence qui avait plané dans la salle subsister toujours. Ce n’était pas plus mal. « Si j’ai bien compris, tu me dois en plus d’une journée de folie, du tiramisu, non ?! » La prenant par le bras, je l’entrainais avec moi vers la sortie de Berkeley. On n’avait plus rien à faire ici, surtout pas avec nos projets. J’ignorais ce que Maisy avait prévu mais, nous connaissant, nous n’allions pas être à court d’idées pour remplir cette journée qui s’annonçait inoubliable. Comme à chaque fois qu’on se retrouvait ensemble. « Alors, qu’as-tu prévu pour me faire oublier le calvaire que je viens de vivre ? »