Cette impression ne me quittait plus depuis des mois, cette lourde impression de partir à la dérive, d’avoir perdu mon chemin ainsi que mon âme. C’est à peine si je m’étais rappelée de qui j’étais dés lors que j’avais ouvert les yeux dans cet hôpital. De longues journées plongée dans le coma, des journées qui avaient pourtant paru durer des mois entiers mais non, pas même une semaine ne s’était occupée après que j’ai perdu connaissance. Je ne me souvenais de peu de chose liée à mon accident, simplement le fait que je n’avais pas vu cette voiture déboulée sur ma droite, je ne savais même pas si c’était à lui la faute ou simplement à moi-même, une petite inattention de ma part ne m’aurait guère étonné entre le match que l’équipe de football avait remporté et la soirée de folie que je m’apprêtais à passer avec une bande d’amies. Je soupirais longuement alors que je refermais mon livre de neurochirurgie dans lequel j’étudiais depuis de longues minutes maintenant. Le jetant dans mon sac après m’être redressée de ma chaise, je me décidais à quitter la bibliothèque ainsi que l’université, direction les rues bondées de San Francisco. Nous étions en fin d’après-midi et le soleil commençait tranquillement à redescendre dans l’horizon. Je profitais donc des derniers rayons de soleil et arpentais les ruelles de la ville, ne sachant pas vraiment où me rendre à cette heure-ci. Je savais tout simplement que j’avais besoin d’un bon bol d’air frais, d’une petite promenade, d’une bonne boisson chaude également. Et l’endroit où me rendre pour cela était encore un véritable mystère. Un bar assez sympathique ? Peut-être pas, on ne sait jamais qui l’on peut croiser dans ce genre d’endroit. Un salon de thé fort sympathique ? Pas vraiment, on n’y trouve souvent des personnes âgées qui nous dévisagent sans cesse en nous faisant des réflexions à la noix, se disant qu’à leur époque elles n’étaient pas autorisées à porter des talons aussi hauts ou des vêtements qui laissaient dépasser de nombreux morceaux de peau. Puis j’y pensais. Le Starbucks Coffee. Pourquoi n’y avais-je pas pensé du premier coup ? Après tout, cet endroit était de loin le lieu dans lequel j’aimais aller, peu importe l’heure et peu importe le temps qu’il pouvait faire à l’extérieur. Je m’y étais après tout rendu sous tout type de temps, de la grosse canicule en passant par l’orage ou bien encore la grêle. Malheureusement, depuis mon accident, ce lieu me paraissait fort étrange et tout cela à cause d’une simple révélation que l’on m’avait faite.

Après plusieurs minutes de marche au cours des quelles j’avais flâné dans les rues, étant également tombée à deux reprises sur des connaissances qui m’avaient alors ralentie, j’arrivais enfin à destination, m’arrêtant devant la vitrine que je venais à observer de l’extérieur. J’y regardais les tables à l’intérieur, voyant les clients rire tout en sirotant les boissons posées devant leurs yeux. Poussant un soupir, la triste vérité me revint en pleine face. Logan, où la fille que je me sentais avoir trahie. Une longue histoire en y repensant, je n’y revenais pas d’avoir pu oublier une amitié qui semblait si forte avant tout cela. Oui, en plus de quelques jours dans le coma, j’avais hérité d’une perte de mémoire, pas vraiment importante, mais certains détails de ma vie m’avaient bel et bien échappé et le plus surprenant, était celui de la mort de ma mère. La première chose que j’avais demandé à mon réveil, c’était de la voir, mais voilà des années qu’elle nous avait quitté, mon père et moi. Je me décidais enfin à rentrer dans le magasin, m’approchant du comptoir pour ainsi donc commander un délicieux chocolat viennois recouvert d’une tonne de chantilly, un chocolat comme j’aimais le déguster. J’attendis don patiemment que ma commande soit prête avant de payer le serveur et de scruter la salle à la recherche d’une table de libre. Ce n’étais pas ce qui manquait, mais cette jeune femme attira mon regard dés lors que je la vis, c’était elle, mon amie, où ce qu’il en restait, si l’on pouvait dire cela de la sorte. D’une démarche pas très certaine, je me décidais à m’avancer dans sa direction, m’arrêtant en face d’elle, lui adressant un mince sourire. « Hey salut, je ne savais pas que tu étais ici. Je peux m’asseoir ? » Logan m’avait déjà parlé de la relation que nous avions avant que mon accident ne vienne à y mettre à terme. C’est fou comme la vie nous réserve de nombreuses surprises. Une rencontre qui peut changer une vie entière, des cadeaux qui nous suivent jusqu’au bout, des évènements tragiques qui nous brisent. La vie était en fin de compte une vraie boîte de chocolats, on ne savait jamais sur qui on allait tomber, ni même sur quoi, la vie n’était qu’une série de surprises et d’évènements imprévus. J’avais de la chance d’avoir eu Logan à mes côtés et je lui étais toujours et encore reconnaissante de ne pas m’avoir rejeté après qu’elle se soit rendue compte que je ne me souvenais de presque rien. Mon dernier souvenir remontait à notre rencontre, ici même, à l’une des tables du Starbucks Coffee, lorsque nous avons parlé pour la première fois. Je me souvenais l’avoir déjà vu auparavant, mais cela n’était que pour une poignée de secondes, au détour d’un couloir, au cœur de la bibliothèque, lors de fêtes entre confréries, mais jamais nous n’avions échangé le moindre mot, jusqu’à ce fameux jour bien évidement. Pas un seul jour ne passait sans que j’essaie de me souvenir de nos discussions lointaines, de ce lien si fort qui nous liait jusqu’à ce fameux drame, mais je n’y arrivais pas. Ce n’est pas que je ne voulais pas, c’était juste que les morceaux du puzzle ne voulaient pas se recoller bien que je faisais tout pour le résoudre. Malgré tout, je ne perdais pas espoir, ce n’était pas dans mes gênes de baisser les bras et je n’arrêterais que lorsque j’y verrais enfin clair dans cette histoire.

Tenter de se concentrer ne servait strictement à rien et pourtant elle tentait de le faire depuis près de vingt bonnes minutes. Assise dans la salle commune à tous les Alphas, face à la table et tous ses livres étalés devant elle, sa concentration se dissipait de plus en plus au fur et à mesure que les minutes s’écoulaient mais elle faisait tout pour continuer de l’être ne serait-ce que pour terminer le commentaire qu’elle était supposée rendre dans deux jours. Cheveux blonds attachés négligemment, un crayon dans ces derniers pour les retenir, elle mordillait nerveusement le capuchon de son stylo, le nez au-dessus des notes qu’elle avait pris grâce à aux quelques livres qu’elle avait emprunté à la bibliothèque de Berkeley. Finalement, lorsqu’elle prit définitivement conscience qu’elle serait incapable de rester concentrée plus longtemps, l’Américaine se redressa sur sa chaise et étira son dos avant de laisser sa tête tomber en arrière, les yeux fermés. Elle inspira et expira lentement pour faire disparaître la frustration qui la gagnait. Logan était une perfectionniste ce qui, parfois, pouvait se révéler être un véritable problème lorsqu’elle ne parvenait pas à ses fins. Elle se donnait toujours des sortes de missions et ce jour-là elle s’était donnée comme but de finir son commentaire afin d’être tranquille au cours des deux jours qui allaient suivre avant qu’elle n’ait à rendre son papier, mais rien à faire, ce n’était décidément pas la journée pour qu’elle travaille sérieusement et la jeune femme savait pertinemment que se rendre à la bibliothèque n’allait pas plus l’aider. « Tu devrais prendre l’air Wyatt. » Lentement, la jeune femme ouvrit les yeux et aperçu une de ses amies et Alpha à l’envers près d’elle. Elle resta ainsi, la tête à l’envers, à la fixer avant de soupirer et de se redresser. Elle regarda les livres devant elle et les ferma chacun leur tour, puis se tourna vers l’étudiante toujours derrière elle.

« C’était justement ce que je pensais. » Mentit-elle. Pas un seul instant elle n’avait pensé à aller prendre l’air, que ce soit sur le campus de Berkeley ou dans les rues de San Francisco, bien qu’elle ait une nette préférence pour la seconde option. Depuis son retour sur le campus elle s’efforçait d’éviter au maximum les étudiants qui allaient probablement lui faire passer l’envie de ressortir. Elle évitait les commérages à son sujet le plus possible sentant qu’elle n’allait pas tarder à craquer. La bibliothèque et sa confrérie étaient les endroits où elle se sentait le plus en « sécurité » et le monde extérieur lui faisait presque peur même si Logan s’efforçait de sortir le plus possible. Un nouveau soupire lui échappa tandis qu’elle entassait livres et notes avant de mettre au-dessus de cette pile sa trousse soigneusement fermée. Elle se leva de la chaise et attrapa la pile qu’elle cala contre elle. « Je vais aller au Starbuck si jamais quelqu’un me cherche. » Phrase qu’elle savait pertinemment inutile puisqu’en plus d’être une adepte de la nouvelle technologie, l’Américaine doutait sincèrement que quelqu’un cherche à la trouver dans les heures à venir, la plupart des étudiants étant de sortie. Ainsi, une fois ses affaires posées sur le bureau dans sa chambre, elle attrapa sa veste, son sac et quitta la résidence puis le campus pour affronter les Californiens qui fourmillaient dans les rues de San Francisco. Le soleil déclinait déjà quelque peu lorsqu’elle arriva devant le Starbuck en prenant la direction du comptoir pour commander son habituel Mocha Blanc et un muffin à la banane. Sa commande payée puis servit, elle balaya la pièce du regard et trouva une table encore libre dans un coin de la salle et l’Américaine ne tarda pas à s’engager pour y prendre place. A peine assise, elle s’empara d’un livre qu’elle avait depuis quelques jours au fond de son sac et le lut en sirotant de temps en temps son café ou en mangeant lentement sa pâtisserie sans prêter attention aux gens alentour.

Finalement, c’était sans doute de cela que la jeune femme avait besoin : de temps pour elle loin du monde universitaire, au sein d’un monde qui ne connaissait pas ce par quoi elle était passée, sa fausse couche, son départ et la douleur lancinante qui grandissait chaque jour de ne pas pouvoir être auprès d’Aidan. « Hey salut, je ne savais pas que tu étais ici. Je peux m’asseoir ? » Cette voix, Logan l’aurait reconnu entre mille sans même avoir à lever les yeux de son livre – ce qu’elle eut du mal à faire. Si elle éprouvait des difficultés depuis son retour de New York, elle avait également dû affronter le fait que l’une de ses plus proches amies avait eu un accident duquel avait découlé une perte de mémoire qui l’obligeait à ne pas se souvenir d’elle. Kirby. Cette petite tête blonde dont elle avait été proche et dont elle espérait que la relation redeviendrait comme par le passé sans voir de réelle amélioration, cette jeune femme se tenait devant elle et Logan n’eut pas à se forcer pour lui adresser un sourire sincère. « Hey ! Oui vas-y, un peu de compagnie ne pourra pas me faire de mal. » Déclara-t-elle en refermant son livre qu’elle posa juste à côté de son gobelet de café. Elle resta silencieuse le temps que la jeune femme s’installe sans se départir de son sourire et croisa les mains sur la table. « Comment tu vas ? » Question qu’elle trouvait particulièrement idiote étant donné sa situation, mais malheureusement c’était la première chose qui lui était venue à l’esprit, une formule de politesse que tout le monde prononçait à chaque début de conversation. « Ça fait un moment que je ne t’avais pas vu. » Et Logan ne pouvait pas la blâmer car si elle passait les trois quarts de son temps à éviter les gens, Kirby devait probablement passer son temps à tenter de se remémorer les petites choses qu’elle avait oublié lorsqu’elle n’était pas plongée dans ses cours.

Faire du mal à mes amis n’avait jamais vraiment été dans mes gênes, je ne crois même pas avoir blessé quelqu’un, hormis si cette personne l’avait fait juste avant. J’étais plus que rancunière, j’en avais bien conscience et là était l’un de mes plus grands défauts à ce jour, mais je n’étais pas une traitresse, je ne faisais pas de mal sans raison apparente. Jamais encore je n’avais parlé sur le dos de ceux qui ont toujours été là pour moi et qui le sont toujours à l’heure actuelle. Je suis l’une de ses filles un peu trop gentille et un peu trop naïve, qui croit limite que la vie est rose et que les amis seront toujours fidèles mais les trahisons arrivent sans prévenir et le jour où l’une s’abat sur vous, c’est le choc émotionnel assuré. C’est tout du moins ce que je pensais mais difficile d’y croire vraiment dés lors que cela ne vous soit pas encore tombé sur la tête. Peut-être que cela a un jour été le cas, mais à l’heure actuelle, je ne m’en souvenais guère, ma mémoire me jouant des tours cela était bien évidemment plus que probable. Des jaloux, j’en avais fait et ce tout au long de ma scolarité. Ma beauté, mon intelligence, tant de choses auraient pu faire la différence et ce même quelques paroles déformées. Mais peu importait, cela ne devait être qu’une idée loufoque qui me vint en tête, pure imagination de mon cerveau à moitié instable. J’adressais un sourire à Logan qui venait tout juste d’accepter ma présence, de quoi me rassurer quelque peu. Après tout, elle aurait pu dire qu’elle était bien trop occupée, qu’elle avait des choses plus importantes à faire que d’adresser la parole à quelqu’un qui avait oublié une amitié si forte. « Merci. », murmurais-je alors que je posais mon chocolat sur la table avant de venir prendre place en face la jeune femme, abandonnant mon sac qui contenait quelques affaires de cours à mes pieds. Croisant mes jambes sous la table, mon regard resta posé sur la blondinette qui se trouvait à quelques centimètres à peine de moi. « Ça va, on fait aller entre les stages, les cours et tout le reste. Et toi alors, tout va bien ? » En somme, j’allais parfaitement bien, malgré le fait que les séquelles de mon accident étaient toujours là mais ça, je devrais m’y faire, tôt ou tard, le médecin m’avait après prévenu, il était fort probable que certaines parties de ma vie ne me revienne jamais en tête. Mais je ne baissais pas les bras, je continuais malgré tout à me battre cela me donnait au moins un objectif à atteindre, quelque chose qui donnait pratiquement un sens à ma vie, ce autour de quoi tout était en train de tourner ces derniers temps. « Oui je sais, désolée, j’étais pas mal prise ces derniers temps… » Entre le mystère concernant mes sentiments envers Sloan, les problèmes récents qu’avait rencontrer Noah et le fait que je l’aidais à s’en sortir comme je le pouvais, et effectivement, les cours et les stages que j’avais à l’hôpital, j’avais mis de côté la plupart de mes amis, Logan n’était pas la seule dans le lot au final.

Travailler sur ma mémoire était également passé au seconde plan, le temps de quelques jours seulement, le temps d’aider une personne qui était dans le besoin et le temps de ne pas flancher dans mes études. Mais j’aurais pu faire un effort, d’autant plus envers Logan qui s’efforçait de m’aider ces derniers temps. J’avais peur qu’elle ne voit en ma réaction une espèce de rejet, le fait peut-être que je ne vienne à faire aucun effort envers elle qui m’avait tant apporté ces derniers temps, elle qui devait être l’une des personnes qui m’avait le plus aidé après mon accident. Posant mon regard sur mon chocolat chaud posé devant moi, je soufflais un bon coup, fermant pendant de courtes secondes les yeux avant de reposer ces derniers sur Logan, prenant mon courage à deux mains pour vraiment lui parler. Pas la peine de lui mentir ou quoi que se soit d’autre, tôt ou tard tout cela finira par s’apprendre. « En fait c’est juste que… je me sens mal vis-à-vis de toi, je vois bien que toi et moi, enfin notre amitié, te tenait vraiment à cœur et je suis désolée de te décevoir autant. Encore aujourd’hui et ce malgré tout l’aide que tu as pu m’apporter. » J’essayais sans arrête de retrouver ne serrait-ce que le moindre petit flash mais c’était comme si ma mémoire bloquait sur ce sujet, comme si elle gardait bien précieusement dans un coin certaines informations que j’aurais tant aimé retrouvé. Je disjonctais à moitié alors que j’étais en train de me dire que tout cela était un coup monté de mon cerveau qui se moquait littéralement de moi, qui aimait me voir être au plus bas, le moral à zéro, le cœur qui se déchirait de tous les côtés. Je détestais cette sensation, cette idée de ne plus avoir le contrôle sur quoi que se soit dans ma vie bien que je m’efforçais à paraître forte pour ne pas passer pour une moins que rien du jour au lendemain. C’était celle que j’étais devenue après mon accident, une fille forte, une fille facile, intelligente, profiteuse, une battante qui refusait d’avancer la tête baissée dans les couloirs du lycée. Je m’étais rapidement refaite une réputation à la rentrée et je comptais bien la tenir jusqu’à la fin de ma scolarité à Berkeley. Ce personnage me collait à la peau à présent, je n’en pouvais plus m’en passer, c’était comme cela que j’étais dorénavant et rien ni personne ne pourrait me faire revenir en arrière. Retrouver ma place n’avait pas été si facile que cela, faire comme si de rien n’était non plus mais j’étais plutôt fière de celle que j’étais dorénavant. Ce n’était qu’à quelques détails près, malheureusement, et quand je parle de quelques détails, c’était en grande partie cette amitié perdue, celle que je m’efforçais de retrouver sans grand succès, à mon plus grand désarroi.

Life is a bitch. Elle ne pouvait qu'être en accord le plus total avec cette phrase. Rien n'était simple, rien n'était gagné et ça elle n'avait pas eu d'autre choix que de s'en rendre compte bien trop tôt. Elle n'était qu'une enfant à l'époque et pourtant, à tout juste neuf ans elle n'avait eu d'autre choix que de grandir d'un coup, d'apprendre à devenir indépendante puisque, clairement, il n'y avait que sur elle qu'elle pouvait réellement compter. Sa mère avait quitté ce monde beaucoup trop tôt, laissant l'enfant qu'elle était plus seule que jamais puisque son père n'avait plus posé son regard sur la petite fille que pour lui porter des coups quelques années plus tard. C'était durant cette période qu'elle avait dû se rendre à l'évidence que la vie n'était pas aussi simple que dans les histoires qu'on lui contait pour dormir quelques années auparavant, que rien n'était aussi merveilleux et magique que dans les livres qu'elle lisait pour échapper à son quotidien. En grandissant, et alors qu'elle vivait encore en Caroline du Sud, elle avait dû affronter les moqueries des lycéens qu'elle connaissait pourtant depuis le jardin d'enfants. Elle était la pauvre petite orpheline de mère qui se faisait battre par son père et à qui personne s'intéressait puisque, bien qu'au courant, aucun habitant - pas même le reste de sa propre famille - n'avait levé le petit doigt pour elle. Toutefois, elle avait appris à se défendre, à remettre à leur place les personnes qui tentaient de la blesser et, petit à petit, Logan était parvenue à retrouver un minimum de respect et à être vue différemment.

Toute son enfance et son adolescence s'étaient résumées à se battre contre les mauvais côtés de la vie et même lorsqu'elle avait fui sa ville natale pour San Francisco, cette vision du monde ne l'avait pas quitté. Sa fierté était restée là, bien ancrée en elle pour lui venir en aide dès qu'elle en aurait besoin, mais puisque dans cette ville californienne personne ne connaissait son passé, le mensonge avait bien vite était son meilleur ami. S'il n'y avait pas eu Aidan pour la sortir de la misère, la jolie blonde savait pertinemment qu'elle se serait enfoncée de plus en plus profondément dans son mensonge pour finir par complètement se noyer, mais l'Irlandais lui avait sauvé la vie de bien des manières. Cependant, depuis quelques mois, depuis sa fausse couche et son départ pour New York, Logan ne pouvait plus réellement compter sur celui qui avait été son petit ami pendant près de six années pour la simple et bonne raison qu'il était bien trop touché par ce qui lui arrivait. La fierté qui la caractérisait s'était envolée et la jeune femme était désormais plus bas que terre, incapable de s'en sortir comme elle avait toujours su le faire jusqu'alors. Par moment, elle en venait même à envier l'amnésie de Kirby puisqu'ainsi elle aurait sans doute la chance de pouvoir tout recommencer à zéro sans avoir à éprouver cette douleur qui lui lacérait sans cesse le cœur dès qu'elle ouvrait les yeux le matin. Cependant, penser de la sorte était égoïste et Logan chassait toujours ce raisonnement au plus vite pour se focaliser sur quelque chose de plus joyeux même si dernièrement c'était un véritable challenge. Entre sa fausse couche, sa relation plus que tendue avec Aidan et son retour difficile à Berkeley s'ajoutait la perte de mémoire d'une de ses plus proches amis et autant dire que l'Américano-Irlandaise éprouvait une certaine difficulté à tout encaisser quand bien même faisait-elle de son mieux pour aider l'étudiante à se souvenir de leur amitié tout en cachant sa frustration.

Ce fut ce qu'elle fit une nouvelle fois en entendant la voix familière de Kirby s'adresser à elle alors qu'elle lisait tranquillement un de ses nombreux livres pour se changer les idées. De la compagnie ne lui ferait pas de mal même si elle avait cette fâcheuse tendance à repousser tout le monde dernièrement, mais elle ne pouvait décemment pas agir de la sorte avec l'étudiante, raison pour laquelle elle accepta qu'elle prenne place face à elle sans le moindre mal. « Merci. » D'un simple mouvement de la tête, Logan lui fit comprendre qu'elle n'avait pas besoin de la remercier et lui adressa un léger sourire. De toute manière, dans tous les cas, la jeune femme ne se serait pas vue refuser une telle demande. « Ça va, on fait aller entre les stages, les cours et tout le reste. Et toi alors, tout va bien ? » Elle la croyait sur parole. Au moins elle s'occupait contrairement à Logan et n'avait donc pas à trop se torturer avec ce par quoi elle passait. Elle-même en faisait de même, elle se concentrait au maximum sur ses cours - comme elle l'avait toujours fait en réalité - et sur son service depuis qu'elle avait repris sa place de serveuse dès son retour à San Francisco. Cependant, Logan n'arrivait jamais totalement à ne pas passer à mal, raison pour laquelle elle fit une légère moue mal à l'aise lorsque vint la question fatidique. « Ça va ... » Mentit-elle en baissant les yeux. Ce n'était peut-être pas très intelligent de cacher des choses alors qu'elles essayaient de retrouver un tant soit peu leur lien, mais Logan n'avait pas la moindre envie de déballer ses problèmes alors que Kirby avait bien assez à faire avec les siens.

« Oui je sais, désolée, j’étais pas mal prise ces derniers temps… » De nouveau, la demoiselle opina du chef. Ses questions lui paraissaient être vraiment stupides par moment, mais elle ne pouvait pas nier le fait qu'elle se sentait toujours mal à l'aise en présence de la demoiselle depuis qu'elle avait remarqué qu'elle n'avait pas le moindre souvenir la concernant, mal à l'aise et frustrée. Toutefois, ce ne devait pas être pire que ce que Kirby pouvait ressentir en sa présence. « En fait c’est juste que… je me sens mal vis-à-vis de toi, je vois bien que toi et moi, enfin notre amitié, te tenait vraiment à cœur et je suis désolée de te décevoir autant. Encore aujourd’hui et ce malgré tout l’aide que tu as pu m’apporter. » Logan posa son regard sur la jeune femme face à elle, tout d'abord silencieuse, pesant chacun des mots qu'elle venait de prononcer. Si la frustration ne l'avait pas de nouveau gagné jusqu'alors, désormais c'était chose faite. L'Américano-Irlandaise était épuisée, lessivée et tellement au bout du rouleau que bien malgré elle une légère pointe de colère l'envahit. « T'inquiète pas pour moi, j'ai l'habitude des sales coups de la vie. » Lâcha-t-elle plus froidement qu'elle ne l'aurait voulu. Logan se redressa sur sa chaise et prit appuie contre le dossier de cette dernière, bras croisés contre sa poitrine tandis qu'un soupire lui échappait. « Ça ne sert à rien de te forcer, si ça ne revient pas, ça ne revient pas, tu n'y es pour rien et on a plus qu'à s'y faire. » Encaisser encore et toujours, c'était là la seule chose à faire finalement. Néanmoins, l'étudiante commençait à saturer sans être capable de laisser s'évacuer un minimum de pression. Elle se connaissait par cœur ou presque si bien qu'elle sentait qu'elle allait exploser sous peu à force de garder en elle toute cette frustration, ce désarroi et cette culpabilité qui la rongeaient.

Est-ce que je m’en étais déjà voulu autant dans toute ma vie ? Je ne crois pas vraiment pour tout avouer, c’était bel et bien la première fois que je me sentais aussi mal à l’aise, et Dieu seul savait dans quelle situation farfelue je m’étais déjà retrouvée. Ces derniers temps, les histoires quelque peu étranges m’étaient plus que souvent arrivées. Il y avait d’abord Benn, mon correspondant qui finalement s’avérait être un homme que j’avais fréquenté plusieurs mois auparavant, un homme que je croyais ne jamais pouvoir revoir puisqu’il était censé être quelqu’un d’autre, quelqu’un que je n’aurais jamais du revoir et encore moins dans l’enceinte de l’université. Il y avait entre temps eu Noah, ce fameux médecin avec qui je travaillais lorsque je faisais des stages à l’hôpital. Le retrouver complètement ivre et avoir franchi avec lui une limite que je m’étais donnée le lendemain soir m’avait totalement retourné l’esprit et pourtant, je n’avais aucun regret d’être passé à une relation bien plus que professionnelle, au contraire, j’en redemandais encore. Puis Clapton, avec qui les choses n’étaient pas des plus simples. Dés que je le voyais, j’avais une sensation des plus étranges au fond de moi, de quoi me faire perdre pieds à chaque fois que son regard croisait le mien ou que ses doigts effleuraient ma peau. Et Bendikt, qui me faisait presque enragée avec sa Tacha, ou encore Aengus qui était revenue de nulle part et avec qui j’avais partagé ma chambre à la station de ski. J’avais l’impression de devenir complètement folle ou alors je l’étais déjà, je ne savais plus vraiment où j’en étais dans toutes ces histoires et en plus de cela, il y avait Logan avec qui j’avais apparemment entretenu une forte relation mais rien ne me revenait. Pourtant je faisais tous les efforts du monde mais elle ne semblait pas les voir. J’avais même fait appel à son ex petit-ami, avec lequel je travaillais sur ma mémoire pendant pas mal de temps, lui-même essayant de me faire rappeler le bon temps que j’avais pu passer avec Logan. Pour le remercier, je lui avais promis de l’aider avec celle qu’il aimait tant. Je n’avais pas trouvé meilleure affaire mais le bonheur de Logan faisait en grande partie le mien, et savoir qu’elle pourrait à nouveau retrouver Aidan me ferrait vraiment plaisir. La boule à l’estomac, j’avais pris place en face de la jeune femme, allant jusqu’à lui mentir pour ne pas qu’elle puisse voir le mal-être qui s’était emparé de moi depuis que je lui avais adressé le premier mot. J’étais terrifiée, presque tétanisée à l’idée qu’elle soit vexée en voyant qu’une fois de plus, rien ne me revenait en mémoire concernant notre ancienne relation. J’avais mal pour elle, de la voir dans un tel état, savoir qu’elle était torturée par la relation qu’elle menait actuellement avec Aidan puis par la notre, le fait que je me souvenais seulement de lui avoir que très peu adressé la parole.

« Ça va ... » Logan baissa la tête et j’en profitais pour me pincer la lèvre inférieure. Non, ça n’allait pas et je le savais de la bouche d’Aidan. En fin de compte, la blondinette me ressemblait pas mal. Bien souvent, je baissais aussi les yeux quand je mentais et c’était quelque chose qui ne passait jamais inaperçu. Pourquoi donc réagir de la sorte si tout va pour le mieux ? J’avais posé l’une de ses questions dont on devrait s’abstenir, ce n’était pas mon fort de faire dans la dentelle, notamment depuis mon accident où j’avais décidé de ne plus garder la langue dans ma poche. « T'inquiète pas pour moi, j'ai l'habitude des sales coups de la vie. » Je sursautais presque au ton glacial qu’elle vint alors à empoigner, ce ton qui me noua alors un peu plus l’estomac. J’étais mal, j’avais envie de partir au courant, je voyais bien que la situation était en train de dégénérer. Prenant mon chocolat en main, j’en bus deux petites gorgées alors que je voyais Logan qui se coller contre le dossier de sa chaise, croisant au passage les bras contre sa poitrine avec un œil presque mauvais. Le soupir qu’elle lâcha ne laissa rien présager de bon et je m’attendais au pire, comme toujours. J’étais plutôt du genre à m’imaginer les pires scénarios dans ma tête et ce n’était peut-être pas une faute que de me préparer à la possible tempête qui pourrait éclater d’ici quelques minutes. « Ça ne sert à rien de te forcer, si ça ne revient pas, ça ne revient pas, tu n'y es pour rien et on a plus qu'à s'y faire. » Reposant mon chocolat sur la table, j’osais à peine lui adresser un regard à cet instant tandis que mon sang battait à tout rompre dans ma tête, de quoi la faire éclater à tout moment. Le regard plongeait sur le bord de la table, j’essayais de trouver les mots, ce qui permettraient de ne pas engendrer la colère de Logan qui devait sans aucun doute être à deux doigts de se montrer. « Je baisse pas les bras, je m’accroche et je lâcherais pas l’affaire avant qu’un fragment ne me revienne. », avouais-je en remontant lentement mon regard jusqu’au sien, évitant malgré tout de le fixer, me concentrant plutôt sur les traits de son front ou encore sa longue chevelure blonde. C’était éprouvant comme situation, le fait de savoir qu’à cause d’un accident des plus stupides, je perdais celle qui avait été une grande amie. « Ecoute, il n’y a pas un seul jour où je ne me bats pas pour recouvrir la mémoire alors désolée si ça ne me vient toujours pas, désolée que tout cela prenne du temps mais je ne peux pas faire plus de mon côté, je fais déjà tout. » Je m’étais moi-même surprise à hausser quelque peu le ton, sans aucune méchanceté bien évidemment mais je voyais bien qu’elle ne comprenait pas tout les efforts que je faisais, le combat quotidien que je menais afin de me souvenir, ne serrait-ce qu’une seule minute, de la relation que vous avions pu entretenir. Bien évidemment, je m’abstins de parler d’Aidan et de l’aide qu’il m’apportait depuis plusieurs jours maintenant, elle risquerait de sauter au plafond et de s’imaginer bien des choses, sait-on jamais alors mieux fallait garder le silence à ce sujet. Puis parler d’Aidan ne ferrait qu’ouvrir une nouvelle blessure et je ne pouvais me permettre de lui faire plus de mal qu’à l’heure actuelle.