the great escape
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.



 
AccueilAccueil  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  
Le Deal du moment :
Cdiscount : -30€ dès 300€ ...
Voir le deal

Partagez

(willevan) + your soul is haunting me and telling me that everything is fine, but I wish I was dead.

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
AuteurMessage
Invité
Invité
avatar

(willevan) + your soul is haunting me and telling me that everything is fine, but I wish I was dead. Empty
MessageSujet: (willevan) + your soul is haunting me and telling me that everything is fine, but I wish I was dead. (willevan) + your soul is haunting me and telling me that everything is fine, but I wish I was dead. EmptySam 9 Fév - 19:22

“ people who are meant to be together will always find their way back to each other.”
EVAN PAIGE CALLAWAY-CARMICHAEL - OCTOBRE 2022. Les yeux rivés sur son écran, Evan n'avait pas quitté son ordinateur depuis au moins trois bonnes heures. Elle peinait à ne pas s'endormir sur son clavier, mais continuait de taper frénétiquement sur les touches, sans faire de pause, pas même pour aller se nourrir ou boire un verre d'eau. L'écran indiquait 2h du matin. Lentement, elle étira ses bras, secoua la tête avant de frotter ses yeux épuisés par autant d'activité. Pourtant, elle n'avait pas d'autre choix que de continuer. Le patron avait été formel, il avait besoin de l'article demain, autrement elle pouvait dire adieu à sa promotion, et par conséquent, adieu à ses envies d'un métier un peu plus gratifiant que de simples articles people. Elle n'avait jamais été faite pour ça, Evan. Elle, elle rêvait d'aventure, de frisson, de danger, et au lieu de cela, elle se retrouvait cantonnée au rôle de la journaliste-potiche, qui devait rédiger des chroniques sur la vie des stars. Comme si elle s'y intéressait. La seule star qu'elle avait un jour fréquentée, elle l'avait épousé et avait eu deux enfants avec, avant d'en divorcer parce qu'elle ne supportait plus son boulot et sa vie d'épouse et mère modèle. Deux ans qu'elle avait signé les papiers marquant la fin de sa plus belle histoire d'amour et elle restait désespérément au même point. Un sourire amer se glissa sur ses lèvres. Finalement, est-ce que ça avait valu la peine, de le quitter, pour qu'au final elle n'avance ni dans sa carrière, ni dans sa vie ? Toujours résidente de San Francisco, qu'elle n'avait pas eu le cœur de quitter, toujours journaliste dans ce magazine miteux censé lui ouvrir des portes. Elle sentait qu'elle touchait son rêve du bout des doigts et qu'elle allait enfin gravir les échelons, mais le pas l'y amenant lui semblait insurmontable, infranchissable. Evan poussa un soupir de frustration, son écrit ne ressemblant à rien de cohérent, et finit par abandonner. Elle referma l'écran de son ordinateur portable d'un geste sec, rageur, avant de se lever et de se poster face à la fenêtre. D'ici, la vue était splendide, ne put-elle s'empêcher de noter. Appartement petit, au confort sommaire, avec juste assez de place pour accueillir son fils et sa fille lorsque William passait les déposer, chaque semaine. Appartement petit, mais bien situé, dans le centre de San Francisco. Divorcée, Evan avait du commencer à faire attention à des choses qui ne l'avaient jamais inquiétée, avant. Economiser, un concept jusqu'alors abstrait, qui était devenu un quotidien nécessaire. Elle avait refusé la pension que lui proposait William. C'était elle qui partait, il ne lui devait rien. Elle s'était efforcée de maintenir un contact avec lui, régulièrement. Si elle regrettait qu'il l'ait surprise, dans les bras d'un autre ? Non. Mais elle regrettait tout le reste, chaque jour. Parfois, la nuit, les souvenirs la prenaient par surprise, venaient hanter ses rêves et elle revoyait des moments de leur vie de couple. Sans doute que son subconscient essayait de lui envoyer un message, qu'elle se refusait néanmoins à écouter. Fière, orgueilleuse, l'idée d'un jour revenir, dans l'hypothèse même où il accepterait, aurait été un échec. Elle avait quémandé si ardemment son indépendance que, maintenant qu'elle l'avait, elle ne voulait pas abandonner. Pourtant, elle sentait qu'un élément manquait, comme une pièce de puzzle qui ne s'imbriquait pas avec les autres. Deux ans de célibat, pour lui comme pour elle, avait-elle constaté avec amertume. Lui non plus ne semblait pas décidé à passer à autre chose, vraiment, et les regards lancinants qu'il lui lançait parfois, lorsqu'ils se croisaient, chez lui, chez elle, la meurtrissaient toujours un peu plus. Elle se faisait violence pour ne pas le supplier de revenir et elle restait éternellement muette, son visage fermé et froid, comme à l'accoutumée. Les années n'avaient en rien apaisé son caractère glacial et même lorsque chacun de ses sens priaient pour qu'elle cède, son esprit restait démesurément calme et placide. Têtue, elle refusait d'avouer ses faiblesses, d'avouer qu'il lui manquait, qu'il était sa faiblesse. Chaque fois qu'elle posait son regard attendri sur Andrea et Catahleen, à l'aube de l'adolescence, tout chez eux lui rappelait invariablement son ancien mari, meilleur ami, amant. La sonnerie de son téléphone brisa le silence, lui arrachant un sursaut de surprise. L'instant de peur passé, elle s'avança vers son bureau. Numéro inconnu. Elle fronça les sourcils. Personne ne l'appelait jamais, encore moins à une heure aussi indue de la nuit. Peut-être était-ce l'instinct de mère, l'instinct de femme, ou l'étrange connexion que possédaient deux âmes sœurs, mais elle avait un mauvais pressentiment. Elle décrocha, répondit d'une voix assurée. « Mademoiselle Callaway ? » demanda une voix de femme haut perchée. « Carmichael » asséna-t-elle froidement. Elle avait refusé obstinément de reprendre son nom de jeune femme, malgré le divorce. Ainsi, une petite part de leur relation subsistait au quotidien. Pas pour le prestige de la gloire qu'il pouvait lui apporter, Evan n'ayant jamais été femme sensible à la notoriété, simplement par habitude, par besoin viscéral de conserver quelque chose de lui. « Etes-vous l'épouse de William Carmichael ? » poursuivit la voix haut perchée. Le cœur de la jeune femme se mit à tambouriner dans sa poitrine. Le même mauvais pressentiment. « Son ex-femme. Que se passe-t-il ? » Elle pouvait sentir l'inquiétude à l'autre bout du téléphone et resta debout pendant ce qui lui sembla être des heures. « C'est M. Carmichael. Il a... » La voix vacilla et la personne avait l'air de chercher ses mots. « Il a été victime d'un accident de voiture. Vous étiez la personne à contacter en cas d'urgence. » Incapable de répondre quoique ce soit, Evan fixait la fenêtre et la vue, qu'elle admirait encore quelques secondes plus tôt. « Qu'est-ce que... Comment... Est-ce qu'il va bien ? » s'enquit-elle d'une voix tremblante. Elle entendit un soupir et son cœur se serra. « Il n'a pas survécu à ses blessures » acheva-t-elle finalement, et l'on sentait qu'elle-même semblait avoir du mal à le dire à haute voix. Si son cœur s'était serré, à présent, elle avait plutôt l'impression qu'il avait complètement disparu. La douleur sourde s'emparait déjà d'elle et les yeux écarquillés, sous le choc de la nouvelle, elle lâcha son téléphone, qui vint s'écraser brutalement contre le sol alors même qu'elle se mettait à trembler, de tout son être. Elle ne prêtait plus attention à rien, ni à l'écho de la voix qui s'échappait encore de son portable, ni à l'agitation qui régnait encore dans les rues de San Francisco. En une seule fraction de seconde, son monde tout entier venait de s'effondrer. Pas tout à fait certaine de réaliser, pas tout à fait certaine de comprendre, elle était devenue en un instant l'ombre d'elle-même. Les larmes ne coulaient pas, pas encore, pas tant qu'elle ne prendrait pas la pleine mesure de ce qui était en train de se produire. D'un coup, elle trouva ridicules ces scènes que l'on voyait dans les films, où les gens s'effondraient sur le sol en pleurant de tout leur saoul, en hurlant leur douleur au ciel. C'était faux. Dans ce genre de moment, on restait simplement debout, le regard perdu, sans savoir quoi faire, quoi dire, les yeux grands ouverts, et on avait la douloureuse sensation de suffoquer, que chaque once d'air présente dans ses poumons devenait torture insupportable et que jamais, jamais, on ne parviendrait à respirer à nouveau. Son cœur venait tout juste de s'arrêter de battre et elle n'était pas sûre qu'il puisse un jour se remettre à le faire. Alors, seulement, son esprit se remit en marche et sa première pensée fut pour ses enfants. Leurs enfants. Son cœur se remit à battre, plus rapidement que jamais, tandis que la terreur s'emparait d'elle. Elle prit son téléphone, pour réaliser que l'infirmière au bout du téléphone avait déjà raccroché, voulant sans doute lui accorder un peu de temps pour elle-même. Elle ne savait même pas qui appeler pour avoir des réponses à ses questions. Et l'image de William refusait de quitter son esprit, et elle suffoquait de nouveau, prise cette fois d'une violente crise d'angoisse et enfin, seulement, s'autorisa-t-elle à pleurer. Les larmes dévalèrent ses joues de porcelaine en torrents incessants, ses jambes se dérobèrent sous son poids et elle tomba contre le parquet. La tête contre ses genoux, elle pleurait à n'en plus pouvoir, avec l'impression qu'elle n'arrêterait jamais.
***
bad day, looking for a way, oh, looking for the great escape.

THIS IS JUST A RESTLESS HEART SYNDROM. + FLASHBACK, JUIN 2009.
Le vent soufflait sur San Francisco, d'une brise chaude et agréable. Evan, tout juste âgée de 21 ans, se trouvait assise dans cette vieille cabane en bois, décrépie par le temps, les jambes battant le vide. A côté d'elle, une silhouette arrogante, les mains posées contre le sol et le regard plongé sur elle. Elle ne le regardait pas, les yeux fixés au loin, vers un point non distinct, peut-être les lumières de la ville. Elle avait un peu bu, elle s'en rappelle encore, du goût des trop nombreux cocktails dans la bouche, et de la tête qui lui tournait légèrement. Le silence était pesant, et la Sigma se sentait mal à l'aise, à ne pas savoir quoi dire face à William Carmichael. Carmichael, la star de la chanson et du cinéma, qui se pavanait en roi dans les couloirs de Berkeley, et que l'on avait désigné comme binôme pour un projet commun. Elle se souvenait avec précision de leur première rencontre, aussi houleuse que le serait le reste de leur relation. Bornée, comme à son habitude, elle s'était fermement opposée à leur association, et le lui avait fait clairement savoir. Moqueur, il avait répondu sur ce ton sarcastique qu'elle haïssait tant, en lui signifiant qu'ils n'auraient pas le choix et que le seul but était d'obtenir une note décente, peu importe le mépris qu'ils vouaient l'un à l'autre. Carmichael, le playboy de l'université, avec la terre entière à ses pieds. Callaway, cette fille au visage toujours froid et hautain, solitaire et sarcastique. Ce soir-là, ils étaient tombés l'un sur l'autre, dans ce bar de la ville qu'elle ne fréquentait pourtant jamais. Sans vraiment savoir pourquoi, comment, il s'était retrouvé à la suivre dans les rues agitées du centre-ville, et elle avait accepté sa compagnie. Sans doute que la quantité d'alcool dans le sang ne l'aidait pas à prendre des décisions rationnelles. Il l'avait suivie, elle l'avait laissé faire, et ils se retrouvaient là, assis dans cette cabane en bois, sans savoir trop quoi dire. Ils ne se parlaient pas, jamais autrement que pour s'égosiller l'un sur l'autre et se balancer des répliques cruelles à la figure. Elle ne l'aimait pas, il ne l'aimait pas, fin de l'histoire. Et pourtant, ce soir-là, les mots lui vinrent plus facilement qu'elle ne l'aurait cru et elle se trouva à lui conter la triste histoire d'Evan Paige Callaway, petite fille oubliée de ses parents, grande sœur mise de côté par une cadette peste. Evan, cette fille attirée par les sirènes de la facilité et de l'oubli, qui s'était abandonnée dans les bras des plaisirs dangereux. Evan, cette fille qui s'était un jour retrouvée sans souvenir de la veille, avec pour simple rappel une douleur terrifiante dans le bas ventre, et qui s'était dès lors juré de s'en sortir, pour elle, pour prouver aux autres qu'elle pouvait le faire, seule, sans l'aide de personne. Elle l'avait fait. En dépit des attentes inexistantes des autres, elle l'avait fait. Plus jamais, s'était-elle promis. Et plus jamais elle ne céda, en effet. Et William lui conta alors l'histoire de cet enfant star et de sa sœur jumelle, un jour découverts par un producteur, et la vie qui bascule, l'argent, le succès, la gloire, les filles. Beaucoup trop de filles, et si peu intéressantes. Aucune qui ne vaille la peine de s'attarder plus de quelques secondes sur elle. Playboy désabusé, il n'aspirait, au fond, qu'à rien d'autre qu'un peu de calme. Il profitait des plaisirs de la vie, mais il ne les appréciait pas tant que ça, finalement. Pas depuis qu'une fille avait saisi l'occasion pour se faire mousser, en révélant les secrets du célèbre Carmichael, à la suite d'une rupture douloureuse. Elle se souvenait avec précision du moment où il l'avait prise dans ses bras, pour l'empêcher de pleurer, les souvenirs douloureux remontés à la surface. Et plus encore, elle se souvenait avec une exactitude effarante de ses lèvres pressées contre les siennes. Même encore maintenant, elle ne savait plus ce qui lui avait pris, pourquoi cette solution lui avait alors parue réconfortante. Mais elle se rappelait la sensation de gêne qui s'était emparée d'elle après cela, la gêne, mais aussi les papillons dans le ventre, et la certitude que, dès ce moment, William serait le seul à qui elle offrirait un jour son cœur.
tonight, we are young, so let's set the world on fire, we can burn brighter than the sun.

***
“ all around me are familiar faces, worn out places, worn out faces.”
Plus digne que jamais, ses yeux rougis cachés derrière des lunettes de soleil qui n'étaient d'aucune utilité, Evan se tenait au milieu de la foule, venue en nombre pour l'enterrement. Amusant. Elle n'avait pourtant pas eu l'impression que ces personnes se soient un jour souciées de William, avant qu'il ne décède. Tous des vautours, venus récupérer leur heure de gloire. A côté d'elle se tenaient Andrea et Catahleen, les mains pressées l'une dans l'autre. Tous deux regardaient la scène qui se déroulait sous leur yeux, l'arrivée des gens, certains avec un mouchoir dans les mains et elle eut envie de vomir tant elle était écoeurée par le manque de respect qu'ils pouvaient tous avoir à son égard. De l'autre côté, Estrella, qui, fidèle à son nom, rayonnait même dans la douleur. Depuis quelques jours, elles ne se quittaient pas. Elles étaient les deux seules à comprendre, à souffrir atrocement, et son soutien lui était précieux, en dépit de relations qui avaient toujours été houleuses. Vêtue de noir, selon la tradition, Evan n'accordait qu'un regard froid aux gens venus lui présenter leurs condoléances. Elle acquiesçait poliment, néanmoins, tel un pantin que l'on guide, un robot sans plus de conscience, ayant perdu le sens de la réalité. Elle entendit Estrella renifler, mais elle, elle restait impassible et calme. Si l'on ne connaissait pas l'ampleur de sa douleur, on aurait pu penser qu'elle était indifférente. Mais elle n'était pas indifférente. Les quelques jours qui avaient suivi la nouvelle avaient été les plus durs qu'elle ait jamais eu à vivre. Bien trop vite, elle avait pensé à tout ce qu'elle avait toujours voulu lui dire, sans jamais l'avoir fait. Elle pensait qu'ils auraient le temps, une éternité devant eux pour se réconcilier et s'aimer. C'était ironique, au fond. Tellement certaine qu'elle lui dirait un jour ce qu'elle avait sur le cœur, qu'elle n'avait au final jamais pris le temps de le faire réellement. Elle ne se souvenait même plus de la dernière fois qu'elle lui avait dit qu'elle l'aimait. Probablement qu'elle l'avait un jour balancé comme ça, au téléphone, en sachant que quelques heures plus tard elle dormirait dans les bras d'un autre, sans que cela ne lui pose de cas de conscience. Pauvre idiote. Elle ne haïssait personne plus qu'elle ne se haïssait elle-même, à cet instant précis. Tout ce qu'elle avait à lui dire, tout ce qu'elle ne lui dirait jamais. Plus d'une fois, elle avait voulu, pourtant, mais les mots avaient refusé de franchir ses lèvres, parce qu'elle était comme ça, Evan, elle n'arrivait pas à dire ce qu'elle avait sur le cœur. Même lorsqu'elle s'énervait, ce n'était jamais qu'une colère froide, tellement plus redoutable que tout accès de fureur qu'un autre aurait pu avoir. Elle se rappelait avec précision l'expression de William, lorsqu'il avait déposé les enfants dans son appartement miteux. Elle se rappelait mieux encore les quelques mots qu'il avait prononcé, comme ça, négligemment. « Tu sais, tu n'es pas obligée de vivre ici... Je pourrais t'aider financièrement... Tu sais que je le ferais sans hésiter, n'est-ce pas ? » Elle avait acquiescé avec un sourire triste. Elle ne voulait pas de son aide, elle s'en sortait très bien par elle-même, du moins était-ce ce qu'elle s'évertuait à afficher aux yeux de la terre entière. Elle n'avait jamais besoin de personne, bien trop fière de l'indépendance qu'elle avait récupérée. Mais elle n'était pas indépendante. Le cœur bien trop meurtri de l'absence de son ancien mari, elle ne parvenait jamais à le faire disparaître complètement de son esprit et ne vivait encore que pour lui, sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte. « Merci mais... ce n'est pas utile, je m'en sors très bien comme ça » avait-elle répondu, sourire timide aux lèvres. Ses grands yeux azurs plongés dans ceux de William, sa main négligemment posée sur son bras, d'une pression qui se voulait rassurante et qui criait pourtant son désespoir et le manque de lui. Il avait hoché la tête, et était reparti, la laissant seule avec ses deux enfants, ses deux merveilles. Une voix près d'elle la sortit de ses pensées. « Evan, je suis désolée. Je te présente toutes mes condoléances, je n'ose pas imaginer l'épreuve que tu dois être en train de vivre. » Elle n'était plus très sûre de savoir à qui elle avait affaire, quelqu'un qu'elle avait connu à l'université, qui avait sûrement suivi les péripéties de leur relation mouvementée. Ses lèvres se retroussèrent en une moue grimaçante, vaine tentative de sourire qu'elle ne donnait même plus la peine d'offrir à quiconque. Même ses enfants n'y avaient plus droit. Elle avait perdu le goût de sourire, le goût de la vie, le goût de tout ce qui n'était pas William. Le manque se faisait atrocement ressentir, chaque jour, chaque heure, chaque minute sans lui semblait insurmontable. Elle ne savait pas tout à fait ce qu'elle faisait encore debout, quand chaque parcelle de son corps menaçait de la laisser s'effondrer, comme elle l'avait fait dans son appartement. Sans qu'elle n'y prenne garde, les larmes revinrent la submerger, d'un coup, et elle détourna la tête pour ne pas que l'on lise la détresse sur son visage, malgré les grandes lunettes de soleil qui masquait ses prunelles. Elle sentait une pression sur sa main et son regard vrilla sur Catahleen, qui venait de l'attraper et la serrait très fort entre ses doigts. Elle la sentit alors. Elle avait presque oublié qu'elle continuait à la porter, malgré les mois de séparation. Son alliance. Elle ne la quittait jamais, et la fois où elle avait failli la perdre, elle pensait que son monde allait s'effondrer. William était en voyage, naturellement, et Evan commençait à sentir leur couple battre de l'aile. Elle avait ôté l'alliance, pour se laver les mains, et d'un geste maladroit, l'avait faite tomber dans l'évier. Il lui avait fallu des heures et l'aide d'un plombier pour récupérer le précieux anneau, et elle l'avait remis à son doigt avec précipitation et soulagement. Cet anneau, il voulait tout dire, elle n'aurait pas supporté de le perdre. La symbolique qu'elle y associait était si forte qu'elle craignait que sa perte ne signifie la perte définitive de leur couple. Même après leur divorce, elle avait continué de la porter chaque jour, comme un souvenir, comme pour se rappeler ce sur quoi elle avait fait une croix, et qu'elle n'oubliait pourtant jamais. Alors, les souvenirs la submergèrent à nouveau, et durant quelques secondes bienheureuses, elle oublia l'enterrement, les gens, la colère, la douleur, et se laissa transporter.
***
i love you, always have, always will.

HELL IS EMPTY AND ALL THE DEVILS ARE HERE + FLASHBACK, FEVRIER 2012.
A bout de souffle, Evan, William et Andrea s'étaient terrés dans ce qui ressemblait à une salle de cours déserte, dont la porte était bloquée par une chaise. Ce qui devait être le bal de la Saint-Valentin venait de tourner au bain de sang et tous couraient pour sauver leur vie. Seextine venait de se faire abattre, de sang-froid, et tous trois avaient du s'enfuir pour ne pas suivre le même chemin qu'elle. La terreur sourde dans son corps, la blessure à la jambe et la peur de ne pas s'en sortir vivants la tenaillaient, et elle crut plusieurs fois défaillir. Seul Andrea dans ses bras parvenait à la calmer. Lui, et les mots de William. Dire qu'elle était simplement venue récupérer son fils et laisser le jeune homme profiter de sa soirée, tandis qu'elle ferait de même. Au final, elle s'était retrouvée comme les autres, prise au piège. Les corps avaient commencé à tomber dès la salle de bal où la fête était organisée. A présent, elle ne savait plus qui était en vie, qui ne l'était pas, et elle eut l'impression de perdre toute raison, toute pensée cohérente. Manon venait de l'informer qu'elle allait bien, et Camille ne répondait toujours pas à ses nombreux messages, qui se faisaient chaque fois plus désespérés. On aurait dit une fille démente, et il fallut toute la force de William pour la ramener à la raison et la faire se calmer. Son corps tremblait, sans qu'elle ne sache si elle le devait à la quantité de sang perdu, au froid, ou à la peur. Alors, les mots franchirent ses lèvres et résonnèrent à ses oreilles comme la plus douce des mélodies, en dépit du contexte apocalyptique. « Je t'aime Evan. Je t'aime et je m'en fous que tu sois partie sans me donner de nouvelles, je m'en fous de toutes les horreurs qu'on a pu se balancer par le passé. Je m'en fous et j'ai plus envie qu'on se déchire. J'ai plus envie qu'on s'engueule. J'ai juste envie qu'on se retrouve, comme avant. » Ni l'un ni l'autre ne purent poursuivre la déclaration et très vite, ils durent tous trois reprendre la fuite, courant aveuglément dans les couloirs, sans aucune échappatoire possible. Quelle ironie. Il fallait qu'ils soient sur le point de perdre la vie pour s'avouer leurs sentiments. Ils s'enfermèrent à nouveau quelque part, un endroit plus réduit encore, un placard à balai, espace confiné dans lequel elle vécut pourtant l'un des plus beaux moments de sa vie. Elle avait décroché la chaîne qui ne la quittait jamais, où se trouvait l'alliance qu'il lui avait un jour offerte. Une demande en mariage qu'elle avait déclinée, parce qu'elle ne pouvait pas épouser cet homme, alors qu'ils n'étaient plus ensemble, qu'elle était dans une relation avec quelqu'un d'autre, en dépit des sentiments évidents qu'elle éprouvait encore pour lui. Le timing n'était pas le bon, avait-elle pensé à l'époque. Et pourtant, alors qu'il n'aurait pas pu être pire ce soir-là, tout lui sembla parfaitement propice à une nouvelle demande en mariage, véritable cette fois, qu'elle accepterait parce que c'était l'évidence. « Mademoiselle Evan Paige Callaway, me feriez-vous désormais l'immense honneur de bien vouloir devenir ma femme ? En mettant de côté tout ce qui a pu nous séparer par le passé, en oubliant le mal que l'on s'est fait et en ne se focalisant que sur le futur, notre futur, avec Andrea, toi, moi, une maison loin d'ici, loin de tout ce superflu, loin des drames. Un renouveau, un nouveau départ pour nous et notre couple. » Elle avait acquiescé vigoureusement, avant de réprimer un sourire grimaçant. Sa jambe lui faisait toujours atrocement mal et elle savait qu'elle ne tarderait plus à sombrer dans l'inconscience. Elle avait perdu tout repère temporel, son portable vidé de sa batterie. Ils n'étaient plus qu'eux trois, dans ce placard à balai, et étrangement, c'était l'un de ses plus beaux sourires. Il ne l'avait pas demandée en mariage parce qu'ils allaient mourir. Il l'avait fait parce qu'ils allaient parfaitement s'en sortir, tous les trois. Ils avaient déjà tout vécu, que cette suite n'était rien d'autre qu'une évidence, la suite logique de leur couple dysfonctionnel. Ils avaient déjà bien trop attendu. Après tellement de disputes, de rancoeurs, de départs, de retours, de bonheur, de douleur, d'amour, qu'auraient-ils pu vouloir de plus ? Son regard s'était alors posé sur Andrea qui, comme à son habitude, s'endormait partout. Paisible comme un ange, elle se rappelait avoir alors pensé qu'il était le petit être le plus parfait au monde, leur réussite, la preuve qu'ensemble, ils ne pouvaient pas faire les choses mal et qu'ensemble, ils étaient invincibles. William avait glissé la bague à son annulaire, avant de sourire, comme si la situation y était propice. A peine quelques heures plus tard, ils s'en sortaient. Epuisés, mais vivants, en sachant qu'à présent, il n'y avait plus rien qui pourrait venir se mettre en travers de leur bonheur.
- - - - - -
8 MAI 2012. + Tout le monde ou presque avait répondu présent à leur invitation. Après trois années difficiles, le plus beau commençait enfin. William et Evan se mariaient. Lumineuse comme un ange dans sa robe écrue, elle laissait son regard dévisager son futur époux, plus rayonnant que jamais. Elle n'arrivait pas à croire qu'ils sautent enfin le pas et surtout, que personne ne vienne ruiner ce qui devait être le plus beau jour de leur vie. Le plus beau jour de leur vie ? Il le fut, assurément, et leurs amis veillèrent personnellement à ne laisser rien ni personne gâcher quelconque instant de la cérémonie, émouvante et sincère, à leur image. Elle se rappelait encore de la difficulté à écrire ses vœux, tant il était délicat de poser des mots sur tout l'amour qu'elle éprouvait pour lui. Pourtant, elle le fit, avec tendresse, ses prunelles bercées d'une affection inégalable. Evan n'avait jamais été plus belle que ce jour-là, et William non plus. « Moi, Evan Paige Callaway, te prends toi, William Luke Carmichael, pour mon époux. Je jure de t'aimer et de te chérir, dans la richesse comme dans la pauvreté, dans la santé comme dans la maladie, jusqu'à ce que la mort nous sépare. » Les mots transpiraient de sincérité. Elle pensait chaque syllabe prononcée, et accueillit le consentement de William avec un sourire presque amusé, et tendre. Les vœux dits, les alliances échangées, le prêtre lança d'un ton quasi joyeux « vous pouvez embrasser la mariée ! », ce qu'il fit, sans se faire prier. Quelques instants plus tôt, il avait promis, devant toute la salle, que ce soir-là, il lui ferait un deuxième enfant. Promesse tenue. Neuf mois plus tard, ils accueillaient Catahleen Seextine Callaway-Carmichael, une fille, prénommée d'après leurs meilleures amies respectives et Evan n'aurait jamais imaginé pouvoir être plus heureuse que ce jour-là, tout comme elle n'aurait jamais imaginé pouvoir l'être moins.
and if you're homesick, give me your hand and i'll hold it.

***
“ i see signs now all the time that you're not dead, you're sleeping.”
Assise sur une chaise inconfortable, Evan n'eut même pas le courage de se lever pour saluer les dernières personnes qui quittaient la maison Carmichael, sur le bord de plage de San Francisco. Face à elle, une Estrella épuisée tentait pourtant de ranger la pièce. Andrea et Catahleen étaient partis jouer, dans le jardin. Elle enviait leur innocence, qu'elle-même avait perdue bien trop jeune. Ils étaient proches de l'adolescence, à présent, surtout l'aîné et elle peinait à réaliser combien le temps avait si vite glissé. Perdue dans ses songes, elle n'entendit qu'à peine la voix douce de la jumelle de William, qui s'était approchée si discrètement d'elle que sa présence la fit sursauter. « Tu devrais aller te reposer » murmura-t-elle et l'ancienne Sigma accueillit sa remarque par un sourire triste. A dire vrai, elle était épuisée, et ne comprenait pas comment elle pouvait encore tenir debout. Des jours qu'elle ne dormait plus. Chaque fois qu'elle s'autorisait un instant de repos, les images de William venaient la hanter. Les moments heureux et surtout, ce corps glacé, sans vie, dont on lui avait imposé la vision sans qu'elle ne demande rien. Il fallait quelqu'un pour l'identifier, et Evan s'y était prêtée par obligation. Jamais elle n'oublierait la vue de ce corps inanimé, de ces paupières éternellement closes. Il semblait paisible, allongé sur le chariot froid de la morgue, au milieu de cette lueur bleutée et pâle. Son cœur s'était douloureusement serré lorsqu'elle avait acquiescé à la question du médecin légiste. Oui. Il s'agissait bien de William, il n'y avait aucun doute là-dessus. En l'admettant, elle avait alors réalisé que jusqu'à cet instant précis, une part d'elle avait refusé d'y croire, en se persuadant qu'il y avait eu une erreur et pourtant, aucune erreur, simplement l'oeuvre d'un destin cruel qui semblait prendre un malin plaisir à faire partir les meilleurs en premier. Lorsqu'elle avait du expliquer à ses enfants que leur père n'était plus de ce monde, elle avait pensé ne pas pouvoir y parvenir sans que sa voix ne se brise et que les sanglots ne reprennent de plus belle. Elle avait tenu bon, pourtant, contre toute attente, elle avait tenu bon tandis qu'ils la regardaient avec leurs grands yeux, si semblables à ceux de leur père. Ils avaient hérité de sa beauté, de son charisme évident, de tout ce qui rendait William si parfait à ses yeux. La main d'Estrella sur son bras la fit réagir, comme si on la sortait d'une léthargie douce amère. Le flot des vagues venant s'écraser contre le sable la berçait, et elle entendait les quelques protestations de Catahleen, sans doute vexée d'un geste malencontreux de son frère. « Je n'ai pas sommeil » répondit-elle calmement, alors même que ses yeux cernés prouvaient le contraire. Estrella hocha la tête, et se proposa de faire la vaisselle. Sans doute était-ce sa façon à elle de tromper le temps et d'oublier, par des gestes mécaniques, le souvenir douloureux de son jumeau. Evan l'observa quitter la pièce, gracieuse, mais ses yeux ne voyaient plus, ne comprenaient plus. Elle n'était plus qu'une coquille vide, guidée par l'instinct primaire et les sensations les plus basiques qui soient. Manger. Boire. Elle ne parlait plus que par monosyllabes, la plupart du temps, quand on ne la forçait pas à dire plus. Ses nuits n'étaient rien d'autre que des nuits sans rêve, sans sommeil, et ses journées, la perpétuelle prolongation de l'heure précédente. Son cœur se serra douloureusement lorsqu'elle posa les yeux sur les photos posées sur un meuble en chêne massif, à quelques mètres d'elle. William, Andrea, Catahleen et elle, au parc, sur la plage, à Noël, et tant d'autres moments qu'elle pensait avoir oubliés. Pourtant, ils revinrent avec une vivacité surprenante dans son esprit et elle revit chacun de ces instants avec une précision effrayante, depuis leurs tenues, jusqu'à son état d'esprit. La dernière photo avait été prise seulement quelques mois avant leur divorce, avant qu'il ne la surprenne dans les bras de Maxim, avant qu'elle ne lui assène la dure vérité et qu'elle clame son besoin irrépressible d'indépendance. Ils semblaient heureux, tous les quatre, sur la photo. Mais elle ne l'était pas. Elle se souvenait des sourires forcées, de ce besoin de prétendre vivre un bonheur complet, quand elle se sentait étouffer, recroquevillée dans un univers sur lequel elle n'avait aucune prise. Déjà à ce moment, l'idée de quitter William lui avait traversé l'esprit, une ou deux fois, sans que jamais elle ne se sente le courage de mettre la menace à exécution. Par habitude, par besoin, peut-être par amour, elle ne pouvait le quitter et ruiner près de dix ans de vie commune. Alors elle avait continué à se cantonner dans ce rôle de mère et d'épouse modèle, quand elle se sentait l'âme rebelle d'une adolescente prête à tout envoyer valser pour son plaisir égoïste, quelques temps encore, juste assez pour qu'elle le lui annonce comme ça, sans qu'il ne s'y attende, froidement.
***
i'm in here, can anybody see me, can anybody help.

NO HOPE NO LOVE NO GLORY, NO HAPPY ENDING + FLASHBACK, NOVEMBRE 2020.
« Mais ce n'est pas assez ! Quand est-ce que tu le comprendras ?! On se voit une fois tous les deux mois, quand on est chanceux, tu ne sais pas ce que je vis, ici. Je tourne en rond, je stagne, je régresse même sur d'autres plans. JE N'EN PEUX PLUS. Tu le comprends ?! Toi tu t'en fous, t'as un métier que tu adores, et tu sais que quoiqu'il arrive, quand tu rentreras, tu retrouveras ta femme et tes deux enfants. Tu sais ce que moi je vis au quotidien ? L'attente. L'ennui. La solitude. Je n'ai aucune perspective d'avenir, parce que j'ai toujours tout fait en fonction de TES envies, de TES attentes. J'ai mis de côté les miennes, j'ai rangé mes aspirations et mes désirs, pour être sûre que TOI, tu puisses avoir ce que tu voulais. Mais je ne peux plus, William. Je suis malheureuse. Et je préfère être malheureuse sans toi, plutôt qu'avec toi. » Son ton était froid, sans appel, et pourtant elle éprouvait une infinie tristesse face à la véracité de ce qu'elle lui assénait. Si elle était malheureuse ? Comme elle ne l'avait jamais été, sans pouvoir affirmer qu'il en était l'entier responsable. Comme à sa fâcheuse habitude, Evan remettait la faute sur lui, parce que tout lui paraissait tellement plus simple lorsqu'elle pouvait blâmer quelqu'un d'autre qu'elle, quand elle pouvait éviter l'introspection douloureuse. Tout ce dont elle était certaine était qu'elle lui en voulait atrocement de la délaisser, de la faire se sentir inutile, reléguée au rang d'épouse que l'on ne voit qu'une fois tous les trois mois. Elle ne voulait pas être ce genre de femmes, elle ne voulait pas être comme sa mère, qui tolérait les écarts de son mari par impuissance, par faiblesse. Elle ne voulait pas être faible, pas avec lui. Elle ne voulait pas devenir de ces couples perdus dans une sempiternelle routine, aux gestes mécaniques. Un baiser sur la commissure des lèvres pour se dire au revoir le matin, une main enserrant la taille au retour, le soir. Elle ne voulait pas de ça. Ils avaient vécu tellement plus, tellement mieux, que la pensée d'être comme ces autres couples, avec leurs forces, leurs fragilités, la terrorisait. Incapable de s'épanouir tant la peur la tenaillait, elle confondait tout et pourtant, cela lui paraissait limpide. Le métier de William détruisait leur couple, c'était aussi simple que cela. Mais ce n'était pas vrai. Son métier ne les détruisait pas, au contraire, c'était peut-être ce qui les faisait encore tenir, dix ans après. C'était elle qui les détruisait, parce qu'elle ne savait pas faire sans drame, qu'elle en avait besoin pour se sentir exister, pour ne pas être fade comme toutes les autres femmes. Elle avait besoin de leurs disputes, de se balancer des choses au visage, de hurler jusqu'à s'en briser la voix pour s'assurer qu'ils pouvaient encore s'aimer démesurément, trop passionnément. Et pourtant, jamais un trouble, jamais de voix qui se hausse, rien du tout, le néant, l'encéphalogramme plat. A présent, elle repoussait plus loin encore les limites de la folie, en allant jusqu'à vouloir divorcer, sans aucune certitude de pouvoir jamais le récupérer. Mais elle s'en moquait, Evan, parce qu'elle ne s'était jamais sentie aussi vivante qu'à ce moment précis. Parce qu'elle pensait qu'elle aurait le temps de le récupérer, un an, deux ans, dix ans s'il le fallait. Tout pour que la flamme de leur amour destructeur ne s'éteigne pas. Elle voulait s'accomplir en tant que femme, avant d'accepter ce rôle d'épouse et de mère dans un foyer bercé par la quiétude. Se prouver des choses à elle-même, aux autres. Eternelle control-freak, elle éprouvait le besoin viscéral de sentir qu'elle dominait tout, y compris sa vie sentimentale et maritale. S'abandonner dans les bras d'un autre ? Un moyen de s'assurer qu'elle pouvait toujours être désirable. Vouloir se jeter corps et âme dans sa carrière ? Un besoin de se prouver qu'elle pouvait réussir. La complexité et l'ambivalence paradoxale de son caractère ressortaient plus clairement que jamais. Et puis, la fin, aussi brutale qu'elle l'avait espérée. De vulgaires papiers remplaçaient d'autres vulgaires papiers, ne laissant plus rien qu'une douleur sourde à la place de son palpitant, un trou béant dans sa cage thoracique. Elle les avait signé de son écriture majestueuse et était partie du cabinet d'avocat hors de prix, sans éprouver le moindre soulagement. Elle ne prenait pas encore pleinement conscience de l'erreur qu'elle venait de commettre, mais sentait que quelque chose n'allait pas, comme un morceau de puzzle qui refusait de s'imbriquer dans l'autre pour créer l'image parfaite, l'image d'Epinal. Elle qui avait désiré si ardemment sa liberté se retrouvait à prier pour la perdre à nouveau. Elle n'en voulait pas, de sa foutue liberté, pas s'il n'était pas là pour la partager avec elle. Ironie du sort, elle ne prenait conscience de la puissance de son amour pour William seulement lorsqu'elle ne pouvait plus le lui crier. Seule sa fierté, toujours bien trop mal placée, l'avait empêchée de faire machine arrière, de venir déchirer les papiers du divorce pour tout annuler, de supplier William de leur laisser une deuxième, troisième, centième chance. Elle était restée stoïque, digne, et rongée par l'amertume de l'échec.
i'm fearing it all, stuck inside these walls, tell me there is hope for me.

***
“ there's no release, I feel you in my sleep telling me I'm fine. ”
Evan poussa lentement la porte de ce qui longtemps avait été leur chambre, leur refuge. Les draps étaient faits, tirés, donnant l'impression que personne n'y avait dormi depuis des mois. Elle avait obstinément refusé de s'y coucher, parce qu'elle n'était pas certaine de pouvoir se relever si elle s'y allongeait. Un sourire amer se dessina sur ses lèvres quand elle reconnut les draps, les premiers qu'ils avaient choisi ensemble. Prise d'une nostalgie douloureuse, elle laissa ses doigts frôler l'étoffe, alors que les larmes roulaient sur ses joues, délicatement, silencieusement. Elle ferma les yeux, comme pour revivre l'intensité de leurs moments passés ici, comme si en se concentrant, elle pouvait encore le voir, sentir son parfum, laisser sa bouche caresser de mille baisers sa nuque, comme s'il était là, à quelques centimètres d'elle, allongé sur le lit, en pleine lecture d'un nouveau script tandis qu'elle rédigeait consciencieusement son prochain article. Elle rouvrit les yeux, brutalement, prenant conscience du vide de la pièce, de l'absence de chaleur, de lumière, de tout ce qui rendait autrefois cet endroit si apaisant. Elle avait la sensation de n'être plus qu'une étrangère ici, même si elle connaissait chaque détail par cœur. Ses yeux azur s'égarèrent sur la photo trônant sur la table de chevet. Leur mariage. Ses lourdes mèches blondes retenues en un chignon dégageant son visage, sa robe divine, et le bonheur qui se lisait sur le visage du futur époux. Elle attrapa la photo, caressa de son pouce le visage de William, souriant, avant de la reposer soigneusement à l'exact endroit où elle se trouvait originellement. Les larmes continuaient de couler, sans discontinuer. Alors, elle l'aperçut. Une enveloppe fermée, posée sur le bureau. La curiosité aiguisée, elle s'approcha avant de reconnaître l'écriture brouillonne de son ex-mari. Evan. Elle l'ouvrit, pour y découvrir encore d'autres photos, et une lettre, rédigée de ces pattes de mouche si familières. Elle observa chacune des images avec attention. La cabane abandonnée, Berkeley, leur mariage, la maternité quelques heures après la naissance de Catahleen, une fête entre amis, une soirée mondaine où elle avait accepté de se rendre uniquement pour lui faire plaisir, le baptême d'Andrea, leur premier voyage à quatre à New York, d'autres Noël, Pâques, Thanksgiving. Elle eut l'impression de voir leur vie défiler sous ses grands yeux, tandis qu'elle revivait chaque instant, le cœur noué par la tristesse. Ils avaient été heureux, tous les deux. Tellement heureux qu'elle peinait à croire qu'elle ne vivrait plus jamais ces instants. L'idée lui semblait si surréaliste, simple concept qui ne s'imposait pas encore à son esprit. Les jours défilaient, mais elle se surprenait parfois à refuser d'y croire encore, à s'attendre à la vision de William, débarquant de nulle part pour lui faire une surprise. Mais il n'était pas là. Elle s'assit sur le lit, la lettre dans les mains, et entama sa lecture avec curiosité, et une pointe d'appréhension.

Mon amour,
Je ne sais pas encore si j'aurai le courage de t'envoyer un jour cette lettre, mais je crois que j'ai besoin de l'écrire, pour me rappeler. Aujourd'hui, on aurait du fêter nos douze ans de mariage. Parfois, j'ai l'impression que c'était hier, parce que les souvenirs sont tellement clairs dans mon esprit que je ne peux pas croire que douze années se soient écoulées. Je ne sais pas où l'on est, où l'on va mais je sais que quelque chose ne va pas. On aurait pensé qu'après deux ans de séparation, je serais parvenu à t'oublier pour refaire ma vie, et pourtant, je me retrouve assis, à t'écrire une lettre que tu ne liras sans doute jamais, parce qu'aujourd'hui, plus encore que d'habitude, j'ai le mal de toi. Tu sais, t'es pas une fille facile à vivre, et j'ai beau avoir l'impression de te connaître par cœur, même encore maintenant, il y a des jours où je me dis que je ne sais rien de toi. La preuve, je pensais qu'on était heureux, et apparemment j'avais tort. Pourtant, moi j'étais vraiment heureux, comblé, avec deux enfants merveilleux et une femme que j'aimais de tout mon être. Tu vois, je parle au passé, mais c'est ridicule, en fait, parce qu'il n'y a pas de passé qui tienne. Pour moi, notre amour, ça sera toujours au présent, jamais au passé ni au futur, parce qu'il est sans fin. Peut-être que je me fais des idées, que tu vis mieux que moi notre séparation, mais je souffre de chaque jour sans toi. Tu sais, j'ai peur parfois, que tu ne veuilles jamais revenir, que tu m'oublies, que tu cesses de m'aimer. Peut-être même que c'est déjà le cas, tu es tellement complexe que je ne sais jamais vraiment ce que tu penses. Mais moi, je sais ce que je pense, de toi. Tu es terriblement agaçante, à toujours refuser l'aide des gens. Tu dis toujours que c'est une faiblesse, chez les gens, de demander de l'aide, mais je ne suis pas d'accord. On a besoin de l'aide des autres, on a besoin des autres, et tu le sais très bien. Il y a des jours où je te voue une haine éternelle, et où je prie pour que tu perdes cet air froid et indifférent, où je te déteste de m'infliger ça, et où je crèverais d'envie que tu le dises, que t'as besoin des autres. Et il y a d'autres jours où chacun de tes défauts me manquent. Parfois, j'ai envie de t'entendre râler parce que j'ai oublié de faire telle ou telle chose, parce que je dois repartir tourner un film, parce que je suis en retard pour notre dîner, et encore tellement de choses. T'as pas un caractère facile, et tu le sais. Je crois que c'est ça, le plus terrible. Tu le sais, mais tu t'en fiches. T'as toujours refusé de changer pour qui que ce soit, et au fond, je trouve ça admirable. Depuis tout le temps que je te connais, tu n'as jamais changé, tout juste as-tu évolué, mais dans l'ensemble, tu es restée la même. Exactement la même que cette femme dont je suis tombé amoureux, que j'ai épousé, qui m'a offert les deux plus belles choses au monde. Dans ces moments-là, je ne comprends pas pourquoi t'es partie, alors que tu es si semblable à celle que tu étais. Sans doute qu'une fois de plus, je ne te comprends pas vraiment. Oh, ne crois pas, je te déteste, de toutes mes forces, mais malheureusement, ça ne dure jamais longtemps. Il suffit que je te vois, quelques minutes toutes les semaines, pour être certain que je ne pourrai jamais te détester définitivement. Peut-être ai-je tort, mais j'ai l'impression que c'est la même chose pour toi. Je te sens parfois prête à dire quelque chose, et puis tu te tais, comme si t'avais peur de balancer quelque chose que tu regretterais après. Tu devrais les dire, pourtant, ces choses. Après tout, on ne sait jamais ce qui peut arriver, peut-être que tu regretteras justement de ne pas les avoir dites, un jour. Moi, je n'ai pas envie d'attendre ce jour et de vivre avec la culpabilité de ne pas t'avoir tout dit, et de n'avoir rien tenté pour te récupérer. J'ai essayé tellement fort de t'oublier que c'en est ridicule. Je n'y arrive pas. A chaque fois, il y a quelque chose pour me rappeler que tu es là, et que je t'aime tellement que ça en devient pathétique. Voilà. Je suis pathétique, et le pire, c'est que je m'en moque si ça veut dire qu'à la fin, tu reviendras. Il n'y a pas une seconde où j'ai cessé de t'aimer, pas une seule, même quand tu me faisais vivre l'enfer, même quand tu as choisi ce crétin de Plastic à Berkeley, même quand tu as refusé ma demande en mariage, même quand t'es partie à l'autre bout du monde sans rien dire, même quand tu as demandé le divorce. Pas une seule fois. C'est terrible, comme amour. Ca me bouffe, ça me consume, ça me ronge de l'intérieur et je ne peux rien y faire. Et je ne veux rien y faire. On s'y habitue, à cette sensation. La seule chose à laquelle je ne m'habitue pas, c'est que tu ne sois pas près de moi. Je pense que certaines personnes sont destinées à être ensemble, quoi qu'elles fassent. Je pense qu'on est comme ça, tous les deux. On aura beau se perdre, se laisser partir, on se retrouvera toujours, quoiqu'il arrive. Comme des âmes sœurs. Je sais que toi aussi tu crois à ces trucs-là, d'âme sœur. Tu es la mienne, et c'est bien la seule chose dont je sois sûr. Tu es mon âme sœur, et ça mérite que l'on se batte. Peut-être pas tout de suite, parce que c'est trop tôt, et que je suis encore amer, mais un jour. On se retrouvera, comme ça, comme deux idiots et on se dira qu'on est trop cons, qu'on a perdu trop de temps pour des bêtises, et on rigolera. J'en suis persuadé. Ne crois pas que je ne t'en veuille pas, parce que je t'en veux, tellement, tout le temps. Je t'en veux, sans doute parce que je t'aime trop et que ça me bouffe que tu aies choisi de partir, et surtout, que tu refuses de revenir. Mais je le sens, dans tes yeux, que t'as envie de revenir. Tu sais, cette petite lueur qu'on ne distingue que parce qu'on connaît trop bien la personne ? C'est celle-là que je lis, à chaque fois que je te vois. Je sais ce qu'elle veut dire, et c'est la seule chose qui me fasse encore tenir à nous, pour nous. L'idée que quelque part, toi aussi, tu m'aimes encore, et que tu refuses simplement de l'avouer. Oui, j'en suis persuadé. Alors si un jour tu lis cette lettre, tout ce que tu devras retenir, c'est que je t'ai aimé de tout mon être, et que je continue de le faire un peu plus chaque jour, même quand je te déteste, même quand je t'en veux. T'es ma moitié, mon tout, mon âme-soeur. Les personnes qui sont faites pour être ensemble se retrouveront toujours. Alors on se retrouvera, un jour. Dans l'attente, joyeux anniversaire de mariage Evan.
William.


La jeune femme avait peiné à lire la lettre jusqu'au bout. L'encre se brouillait, faisait disparaître les mots, et les larmes coulaient encore trop, encore plus. William avait toujours su poser les bons mots sur ce qu'ils vivaient, il avait toujours su comment lui faire prendre conscience de ses erreurs, et il continuait de le faire, même encore maintenant, même de loin. Mais tout ce qu'elle retenait de cette lettre était qu'il lui pardonnait tout. Ses erreurs, ses défauts, ses choix. Il pardonnait tout, comme à chaque fois, et Evan se haït plus qu'à n'importe quel autre moment de ne pas avoir été capable de se pardonner, elle aussi, de ne pas l'avoir fait à temps. Tout ce qu'elle retenait, était qu'il était trop tard, et que l'on n'a jamais le temps de rien, au final. Peut-être d'avoir trop pleuré, elle sentit le sommeil enfin s'emparer d'elle. Paupières lourdes, elle s'allongea sur le lit, la lettre toujours dans sa main. Bien trop vite, elle sombra dans les bras d'une Morphée compatissante et bienfaisante, l'amenant près, tout près de l'unique personne qu'elle aimerait jamais, au moins pour quelques heures avant que la vie ne reprenne son cours, et qu'elle ne se retrouve, plus vide, plus lasse, plus triste que jamais.
i's not love if you don't cry, it's not love if you haven't hated them at some time and it's surely not love if you don't feel to die at some point in time.
Revenir en haut Aller en bas
Adriel Eynsford-Baxter
there's no place like berkeley
Adriel Eynsford-Baxter
prénom, pseudo : julia.
date d'inscription : 20/02/2011
nombre de messages : 19702
avatar : francisco lachowski.

(willevan) + your soul is haunting me and telling me that everything is fine, but I wish I was dead. Empty
MessageSujet: Re: (willevan) + your soul is haunting me and telling me that everything is fine, but I wish I was dead. (willevan) + your soul is haunting me and telling me that everything is fine, but I wish I was dead. EmptySam 23 Fév - 22:45

:plop:
Revenir en haut Aller en bas

(willevan) + your soul is haunting me and telling me that everything is fine, but I wish I was dead.

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut
Page 1 sur 1

Sujets similaires

-
» your soul is haunting me and telling me that everything is fine, but i wish i was dead ☇ guselilah
» Dead or alive ? I choose dead - Alaina
» Just Married, ou presque • WILLEVAN
» i can't fight you anymore, it's you i'm fighting for. (willevan)
» “Il y a des chagrins d'amour que le temps n'efface pas” ★ WILLEVAN

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
the great escape :: flood and trash :: corbeille rp-