La décision n’avait pas été simple à prendre. Cette situation là n’avait pas pour but d’enfoncer son frère, la tête sou l’eau avec l’espoir qu’il se noie. Bien au contraire, lorsqu’elle avait poussé la porte de cette hopital psychiatrique, elle entrevoyait une lueur, une solution et un espoir de retrouver le frère qu’elle avait toujours connu étant gamine. La guerre l’avait changé. Constat que beaucoup avait fait que se soit sur leur fils, leur mari, leur partenaire ou même leur sœur… Liam avait été marqué par une explosion une année plus tôt. Bien avant encore, un accident lui avait couté une jolie cicatrice à l’épaule. Si c’était parfait pour faire tomber les filles, c’était plus gênant pour la blondinette.

La paperasse de rempli et l’ensemble des démarches effectuées, Aengus soupira. Elle avait demandé à attendre qu’elle soit prés de son frère pour faire ce qu’il devait être fait. Trainant derrière elle quatre infirmiers et un médecin, elle monta les marches qui devaient la conduire à l’appartement. L’endroit était large, vaste. Un petit hall qui donnait sur une porte à gauche : salon cuisine, une à droite salle de bain et un couloir en face avec deux chambres. Aengus tourna la clef dans la serrure, le cœur serré. La nausée se faisait sentir, prête à rendre son déjeuné.

« L…Liam ? »

Mais se ne fut pas la voix de Liam qui l’interpella. Il y avait quelqu’un d’autre… Ne me dite pas que…Louna. Pourquoi Louna était ici ? Liam devait être seul toute la journée ! Pourquoi avait il changé son planning ? Est-ce que James était totalement inconscient de laisser Louna trainer avec Liam ? Aengus passa ses doigts dans ses cheveux, l’angoisse monta un peu plus fortement. Lorsqu’une main se posa sur son épaule, comme pour la rassurer, elle sursauta.

« Vous devriez éloigner la petite, mademoiselle. » la conseilla le médecin alors qu’il s’avança vers le salon ou Liam jouait avec Louna.

« Monsieur, je suis le docteur Greenberg. Nous sommes ici à la demande de votre sœur cadette, el… »

« ‘GUS ? » S’écria Liam sans bien comprendre ce qui se passait, le regard noir tombant sur sa cadette qui venait de franchir la porte pour s’avancer vers Mademoiselle O’Malley.

Liam, malgré ses blessures, restait imposant. Il devait mesurer plus d’un mètre quatre vingt dix. Sa musculature restait bien entretenue. Seule sa jambe avait reçu un éclat d’obus au point de le faire boiter à vie. Il lui manquait une part de son audition et avait perdu une partie de son pied. Malgré toutes ses lacunes, il restait toujours un adversaire de taille. L’armée d’infirmier et les seringues présentes, au cas ou, semblaient être là pour servir.

« Je… j’ai pas eu le choix. » Souffla Aengus de plus en plus livide en secouant la tête négativement. Jamais elle n’avait trahi son frère. Un sentiment de culpabilité et de haine envers elle-même l’habitait si fortement qu’elle était prête à vomir à tout moment. Les sueurs froides glissaient le long de son dos. Une respiration difficile s’improvisait. Jamais Liam ne parviendrait à lui pardonner cet acte. Elle le lisait dans son regard. Elle ressentait son incompréhension, sa colère. Il se sentait trahi, abandonné, rejeté. Elle pouvait le ressentir. Cette situation l’attristait. Elle avait été si proche de lui depuis son retour au pays. Mais, c’était pour son bien se répétait elle à chaque fois. C’était pour le protéger, pour l’aider. Elle tendit une main tremblante vers Louna. « Viens, s’il te plait. Il ne faut pas rester ici. »

Comme si les choses allaient être aussi simples. Liam ne l’entendait pas de cette oreille. Louna était sous sa responsabilité et il n’était pas prêt de confier la petite à une écervelée comme Aengus pas foutu de prendre soin d’elle.

« Qu’est ce que tu fais ? Restes ici Sin. » Ordonna t il sèchement.

« Ne vous faite pas Monsieur. C’est pour vous aider. N… » Commença le médecin

« Taisez-vous ! »

« Monsieur, il faut nous suivre à présent. » Déclara l’un des infirmiers en s’avançant vers Liam sur le qui vive.

« Tu veux me faire enfermer c’est ca ? Pourquoi ? Tu veux de l’argent ? C’est la pension qui t’intéresse ? L’appartement ? Mais regarde un peu ce que tu fais ! » S’écria Liam à sa cadette en montrant d'un main les invités surprises.

Il semblait avoir totalement oublié Louna contrairement à Aengus qui se glissait vers elle pour lui éviter de prendre un coup. Liam avait toujours été impulsif et n’avait jamais hésité à frapper lorsqu’un homme se mettait en travers de son chemin un peu trop souvent. Aengus était prête à faire barrage entre Louna et le reste de la cohue. Hors de question que la petite se fasse blesser. Elle n’aurait jamais dû être là… Jamais. L’étudiante sentait les évènements lui échapper petit à petit. Elle devait réfléchir et vite. Parce que Liam se sentait de plus en plus menacé par la présence des infirmiers et il était clairement prêt à les mettre dehors par la peau des fesses au besoin.

« Sortez de chez moi ! » Tonna l’homme le regard menaçant « et ne vous approchez pas de Louna. Je ne vous laisserez pas lui faire de mal. »

Mais personne n’était venu lui faire du mal. Lorsqu’un infirmier s’approcha de Liam un peu trop prés, il réagit au quart de tour chopant le premier pour le pousser vers le second sans le moindre ménagement. Il entama un beau combat et Aengus dû attraper Louna de gré ou de force pour que la mettre en sécurité. Impossible de quitter le salon… Ca allait finir en carnage.

Spoiler:

« Est-ce qu'après on pourra faire un puzzle ? »
« Oui si tu veux. »
Elle sourit avant de retourner à la construction de leur château en légo. La fillette avait apprécié Liam à partir du moment où il était entré dans sa vie par le billet de Gus. Il était très différent de sa sœur, ça ne faisait aucun doute. Plus calme et avec lui, hors de question de faire des bêtises comme celles qu'elle avait pu faire avec Aengus. C'était une vraie grande personne mais un copain de jeu aussi puisqu'il était là à jouer avec elle alors qu'il aurait tout aussi bien pu s'asseoir dans le canapé et regarder la télé. Et si il y avait bien une chose que la petite Louna appréciait, c'est qu'on lui accorde toute son attention, sans condition et sans élément perturbateur. Et puis ses cicatrices et sa manière de marcher bizarrement la fascinait. Il ressemblait un peu à une poupée désarticulée parfois ou à un des jouets qu'elle laissait traîner dehors pendant des mois et qu'elle retrouvait l'été, complètement mangé par les ronces et cabossé par les changements de température. Même si elle se demandait comment il avait pu en arriver là -peut-être l'avait-on laissé dans un jardin toute une année, comme ses jouets en plastique ?- mais la question restait non formulée. Et puis il faut dire que l'homme avait de quoi impressionner. Alors elle ne trouvait pas vraiment le courage de se lancer, se contentant de profiter de ce moment au calme, à jouer tranquillement.

Mais le calme fut interrompu au moment précis où elle finissait d'empiler les briques de plastiques du donjon dans lequel elle imaginait déjà une princesse tout à fait dramatique, attendant sans fin l'arrivée de son prince charmant chevauchant sur son cheval blanc. Bon, ça elle n'allait pas le partager avec un garçon ! Parce que les trucs de fille, ça reste privé d'abord ! Elle sursaute tellement fort que la tour s'effondre dans un bruit désorganisé de plastique qui s'entrechoque et de bruits de pas. Sans qu'elle n'ait le temps de comprendre ce qui se passait que tout le monde était debout. Sans un bruit, elle glisse pour se réfugier derrière les jambes de Liam, s'accrochant autant que possible à sa jambe valide. Ces gens en blouse blanche étaient totalement effrayants. Ils ne souriaient pas et l'un d'eux se prétendait médecin. Qu'est-ce qu'il leur voulait ? Ils avaient rien fait de mal ! La main de Liam sur son épaule la rassure momentanément même si la situation est loin de s'améliorer. Elle a bien compris que ces gens bizarres ont été amenés par Gus même si elle ne s'explique pas pourquoi. Et vu le ton qu'employe son grand protecteur, c'est très vilain. Ce pour quoi elle ne répond rien quand la jeune femme lui tend sa main, se cramponnant encore plus à la cuisse de Liam, peu décidée à lâcher prise. Mais même si elle se glisse un peu plus vers la fillette, celle-ci enfouit son visage dans le jean de l'homme, essayant tant bien que mal de disparaître alors qu'elle sent déjà les larmes lui monter aux yeux.

Les voix montent, l'effrayant de plus en plus même si elle ne lâche pas prise, ses petites mans agrippant autant que possible le jean, les yeux solidement clos. Les larmes coulaient déjà le long de ses joues rosées. Elle ne voulait pas qu'il arrive du mal à Liam. Mais des mains finissent par l'attraper juste à temps pour qu'elle évite un coup de pied involontaire de son protecteur. Mais elle hurle et se débat comme une lionne, donnant des coups de poing dans tous les sens. Elle n'a même pas vu qui vient de l'attraper alors cela n'a rien de rassurant pour elle.
« LIAM ! LIAAAAM ! »
Mais il ne l'écoute déjà plus alors que les gens en blouse blanche tentent de le maîtriser. Mais si ils sont tous occupés, alors qui est-ce qui la tient ? Elle se calme un peu avant de se retourner et de croiser le regard de Gus. Et il n'en fallait pas plus pour raviver sa colère et reprendre ses coups de poing. Elle recommence à se débattre, ondulant comme un serpent enragé.
« Lâche-moi ! C'est ta faute ! C'est TA FAUTE ! Jte déteste ! Lâche-moi ! »
Elle hurle toujours et vu son jeune âge, les cris peuvent vite devenir horriblement aigus et désagréables. Surtout qu'à présent, les sanglots se sont joints aux gesticulations qu'elle n'est pas décidée à cesser tant qu'on ne l'aura pas reposé à terre.

Voir arriver Blaithin rassura un peu la gamine qui saute littéralement des bras de Gus aux bras de sa tante. Complètement perdue, voilà ce qu'elle était. La situation ne correspondait à rien de ce qu'elle avait connu auparavant. On lui avait bien dit que les adultes pouvaient être cruels entre eux, qu'ils pouvaient agir sans explication en faisant des choses bizarres, mais jamais elle n'avait imaginé vivre un tel chaos. Dans sa vision simpliste du bien et du mal, elle ne pouvait expliquer tout ce qui se passait qu'en mettant toute la faute sur Aengus. Elle avait pensé que la jeune femme se plaçait dans la catégorie du bien mais apparemment, ce n'était pas le cas. Sa petite tête blonde s'enfouit dans le cou de sa tante, cherchant à fuir les événements se déroulant dans le salon.

Mais plus personne ne lui prête attention une fois qu'elle se retrouve poser sur le canapé. Elle attrape un coussin qu'elle coince entre ses genoux et son buste, cherchant à se boucher les oreilles du plat de ses mains. Les cris ne font pas partie de ses habitudes et elle a toujours eu du mal à les supporter. Deidi ne criait jamais contre elle, encore moins Alfred et la seule fois qu'elle avait entendu des adultes parlés aussi forts, c'était à la télévision. Mais ça ne sert à rien, les sons lui parviennent aussi distinctement que si elle ne se bouchait pas les oreilles. Ils parlent d'hôpital, d'alcoolisme, un mot qu'elle ne comprend même pas mais vu la façon dont Aengus vient de le dire, ça doit être quelque chose de très mal. Et là, tout s'embrouille dans son esprit de fillette. Tout le monde hausse le ton, personne ne surveille son langage alors qu'elle est juste à côté. Les larmes lui montent à nouveau aux yeux et coulent sur ses joues rosés par l'émotion que lui provoque toute cette scène. Et puis le monologue énervé de Gus sur tatie Blaith. Mais elle ne comprend rien. La rancoeur qui les anime tous est bien loin de ses considérations du haut de ses sept ans. Blaithin a toujours été un modèle pour elle, Liam un adulte de confiance et Gus une amie en quelque sorte. Et il avait suffi de ce seul événement pour balayer toutes ses certitudes comme si on venait de faire s'effondrer un château de cartes d'un coup de pied.

Elle aurait envie de hurler, de leur dire de se taire, d'arrêter de se disputer pour rien parce que Deidi lui a toujours dit qu'il n'y avait que les gens bêtes qui se disputaient pour des raisons futiles. Le silence retentit dans la pièce, suffisamment pour que les trois protagonistes de cette scène entendent une porte se claquer, celle de l'entrée. Aussi rapidement qu'un petit oiseau, les bruits de ses pas étouffés par les cris à répétition, Louna vient de prendre la fuite face à cette situation d'horreur pour ses convictions d'enfant. Une seule envie : celle de retrouver son père et le calme du château. Raison pour laquelle elle s'est levée du canapé pour filer en trombe vers la sortie de l'appartement. Plus vite qu'il n'en faudrait pour le dire, elle se retrouve dans les rues de San Francisco, seule, perdue et déboussolée. Elle n'avait pas pensé qu'il puisse y avoir autant de monde en plein après-midi. Tout le monde la dépasse de plusieurs têtes et elle n'arrive même pas à voir où elle va, se faufilant entre les groupes de gens et les passants pressés. Son cœur manque de s'arrêter quand au détour d'une femme au téléphone, elle trébuche du trottoir et se retrouve sur la route. Une voiture la frôle à toute allure, la fillette totalement invisible derrière le parechoc de n'importe quel conducteur.

Mais la fillette qui est loin d'être folle remonte rapidement sur le trottoir, seul lieu où elle est relativement à l'abri. Sa course reprend de plus belle, s'éloignant de plus en plus de l'immeuble de Liam. Elle ne sait même pas si elle va dans la bonne direction pour rentrer chez elle mais peu lui importe. Tant qu'elle s'éloigne. Mais loin de la rassurer, l'agitation de la rue ne fait qu'augmenter son angoisse. Les gens la bousculent, ne la voyant tout simplement pas et elle ne tarde pas à fondre à nouveau en larmes. Est-ce qu'elle ne sait pas tromper de sens ? Mais elle n'arrive même pas à voir le ciel de là où elle est et la panique commence sérieusement à lui peser sur le cœur.