26 mai 2010, en matinée. 'Oui mais encore?' Mais encore? Je levais un sourcil d'un air perplexe, passais ma main gauche dans mes cheveux. Vieux tic qui reflétait à quel point j'étais mal à l'aise devant ce jeune professeur de medecine. Soins intensifs. Tel était le titre de ce cours si vaste, tel était mon premier examen de cette deuxième année. Et là, pour l'instant, c'était plutôt moi qui allait avoir besoin d'être hospitalisé en soins intensifs. Et ce d'urgence. Je n'avais jamais aimé les examens oraux, et c'était bien simple, je n'avais jamais su les gérer correctement. Alors moi, l'Alpha, j'avais bossé dur ce cours, tout au long de l'année. Et pourtant, je me retrouvais là, devant ce professeur sans savoir quoi dire. Que répondre à une question dont on ne connaît plus rien sur le sujet? Trou noir. Je venais à en avoir des sueurs froides. Décidément, c'était pas ma journée. Le professeur nota quelques mots sur sa feuille mais son écriture était tellement petite que je n'arrivais pas à la lire. Minable, pathétique, rendez-vous en septembre.Je n'avais aucun mal à imaginer ce genre de discours sortant de la bouche de ce jeune medecin. Il devait certainement se sentir fort, se croire plus malin que les autres. En tout cas pour déstabiliser les étudiants, il était parfait. Je poussais un mince soupir, baragouinant quelques phrases que j'avais déjà dites deux réponses auparavant. Tu radotes mon vieux. Non et puis était-ce une idée de mettre un examen fin mai dans un local où on refaisait les fenêtres? C'était tout juste si on s'entendait. Alors pour la concentration, je ne te dis pas comme c'est facile. Bref, je râlais déjà et j'imaginais parfaitement la tête de Maria quand je lui dirais que j'avais raté en beauté. Tout comme j'imaginais le sourire éblouissant d'Erwan. Cette première session débutait très mal pour moi mais j'étais certain que pour lui, première année, elle se déroulerait sans embuche. Il allait me battre à plate couture. Et ça, c'était insupportable pour moi. Qu'est-ce qui m'avait pris d'accepter cette petite compétition avec le jeune Alpha? J'avais sans doute pensé que ce serait facile de rivaliser. Après tout, j'avais eu d'excellent résultat l'année dernière. Et je m'étais donc dit que ce serait certainement une manière de me forcer à étudier encore plus, de me booster. En avais-je vraiment besoin? Car de la motivation, j'en avais déjà à revendre. J'avais une idée bien précise de mon avenir: j'allais me spécialiser en oncologie, trouver le remède contre la leucémie. Pour Marouane. Pour qu'il n'y ait plus jamais d'enfants qui meurent à cause de cette maladie. Surréaliste? Sans doute. Mais je m'accrochais à ce projet. En mémoire de mon petit frère parti trop tôt. 'Bien Monsieur Cavazzini, vous pouvez disposer' Le professeur du lire dans mon regard de l'étonnement car il laissa échapper un petit rictus. Il me restait encore une question à répondre et de toute évidence, il ne jugeait pas utile de me la poser. Tu es un cas désespéré, triple idiot. Alors que je pensais déjà à ma reconversion -car il était bien clair que je l'avais raté cet examen- je me levais de mon siège, saluais le professeur et sortit de la classe. Je fis une petite moue dépitée à Lucy, qui m'attendait. 'Trou noir. Là, j'ai complètement foiré. Et en beauté. Ca te dit un café?' Je lançais tout de même un petit sourire à mon amie. Lucy, cela faisait maintenant deux ans qu'on effectuait le même cursus. On avait décidé de s'aider, de s'épauler et on s'était donc rapproché. La jolie demoiselle faisait à présent partie de mon cercle d'amis les plus proches. Je pouvais presque tout lui raconter, je savais qu'elle me comprenait. Tout comme je savais qu'elle allait encore avoir les mots justes pour me remotiver. C'est d'ailleurs ce qu'elle fit dans l'instant avant de me dire qu'elle avait un autre examen l'après-midi -le mien était programmé pour le lendemain matin- Elle semblait réellement désolée et je lui administrais un gros bisous sur la joue pour lui prouver que je ne lui en voulais pas. 'File réviser. Et appelle-moi dès que tu sors' Je la serrais dans mes bras, histoire de lui donner toutes les ondes positives possibles et me dirigeais seul, vers le Starbuck. Le Starbuck était l'endroit où il faisait les meilleurs cafés de la ville et je savais de quoi je parlais, moi qui n'était pourtant pas friand de caféine. Cependant aujourd'hui, j'en avais réellement besoin. Petit coup d'oeil à ma montre. J'avais un peu de temps libre mais il ne fallait tout de même pas que je traîne. Je savais qu'il allait avoir une longue file là-bas, les trois quarts des étudiants commençaient seulement leur session d'examen dans une semaine.

Un quart d'heure plus tard. Je n'avais pas pris la peine de repasser chez les Alphas pour me changer. C'est donc habillé d'un costume bon marché -chemise blanche, pantalon&veston noirs- que je pénétrais chez Starbuck. Comme toujours, je ne pu m'empêcher d'observer les environs et de remarquer que j'avais eu entièrement raison. Les étudiants se pressaient ici, certains entamaient leurs révisions, d'autres papotaient gaiement. Un sourire apparu sur mon visage quand je reconnu l'une de mes camarades de classe. Je lui lançais un petit signe de la main avant de me diriger vers la file d'attente qui était longue. Beaucoup trop longue. Mon regard se posa enfin sur la personne devant moi. Une demoiselle que je ne connaissais que de nom: Thea. Et pour être parfaitement honnête, je n'avais vraiment pas envie de voir l'Epsilon. Nous ne nous étions jamais réellement parlés, nos conversations s'arrêtaient à des petites piques. Elle me snobait, me détestait. Et je croyais savoir pourquoi: je ne faisais pas partie de son monde tout en argent. Et ça, elle me le faisait très bien ressentir. Alors rien qu'à savoir qu'elle allait peut-être se retourner, qu'elle allait me regarder de haut et qu'elle daignerait peut-être m'adresser la parole, j'avais juste une envie: faire demi-tour. Mais la perspective d'un bon café me décida à rester. Quoiqu'il en soit, j'avais eu une mauvaise matinée et de toute évidence, elle allait se prolonger. A moins que la demoiselle ne me remarque pas. Je croisais les bras, attendant donc patiemment mon tour, le plus silencieusement possible quand mon gsm se mit à sonner. Pour être discret, là c'était bel et bien fichu. Je fouillais mon veston alors que la musique se faisait de plus en plus bruyante. Je finis par retrouver mon portable dans la poche de mon sac à bandouillère. En le tirant, je le fis tomber maladroitement. Et merde. Quand je vous disais que ce n'était pas vraiment pas mon jour. A présent, plusieurs regards s'étaient tournés vers moi et il y avait beaucoup de chance pour que Thea me remarque.