Je me souvenais de cette maudite fête organisée par les Omega. Tout avait pourtant au départ si bien commencé, l’alcool à foison, mes pilules se vendaient à la pelle, les gens étaient pour la plupart ivres ou drogués et je m’y amusais tout en étant en très bonne compagnie. J’aurais pu passer une soirée géniale rentrer chez moi de bonne humeur, décuver dans mon studio, vomir mes tripes sans la moindre élégance mais il en fut tout autrement. La soirée se termina très tard, et je n’en gardait qu’un très vague souvenir, dehors, il faisait déjà jour, le soleil se levait au dessus des Twins Peaks, et marchant dans les rues désertes vers mon appart je reçue un coup de fil, matinal, désagréable. Mon propriétaire, souhaitait récupérer le studio dans lequel je créchais pour y installer sa fille, au passage, il était bien content de me virer car je payais chaque loyer en retard et il en avait assez. Je n’avais pas la force de me lancer avec lui dans une discussion qui je le savais ne mènerait nulle part, raccrochant je lui promettait de déguerpir à la fin de la semaine. Il n’avait pas tort, j’avais fait une belle soirée certes, mais l’argent ne rentrait pas, c’était la galère, la reprise des cours, la fin des vacances, la merde. Je devais trouver une solution, partir, fuir, aller ailleurs il était temps pour moi de faire mes valises, de changer mon labo de place. Je partais oui, mais il était hors de question que je stoppe mon trafic, des endroits à San Francisco pour « cuisiner » ça ne manquait pas à commencer par les labos de Berkeley qui le soir venu étaient vides, et puis j’avais rencontrés des types du milieu qui je le savais m’aideraient. Au Mexique je m’étais débrouillé seule des mois durant, je n’avais pas peur de la rue, des plans foireux de dernière minutes, j’étais dans l’une des université les plus prestigieuses au monde et j’avais une intelligence bien plus développée que la plupart du gens, pourquoi aurais je du me faire du soucis ? Par ailleurs, mes seuls soucis étant actuellement de décuver, rattraper mes heures de sommeil en retard et avaler un bon cachet contre la migraine. Arrivant dans mon studio je me laissais négligemment tomber sur mon lit, attrapant mon téléphone au fond de mon sac. Une fille des gammas qui dans un pauvre texto m’annonçait :

Tu ne devineras jamais ! Les Omega ont dévastés toutes les maisons du chemin des grecs !

En temps normal, je n’en aurais strictement rien eu à faire sauf que, manque de bol, je comptais aller m’installer dans la maison des Gamma, et visiblement ce plan tombait à l’eau. Soupirant j’attrapai une cigarette qui traînait sur ma table de nuit et la porta à mes lèvres. Tout en pianotant sur l’écran de mon téléphone.

Et c’est quoi le plan ?
Ils vont ré ouvrir la Victor Hugo Residence .

Je fermais les yeux tout en inspirant de longues taffes de fumée toxique, la Victor Hugo Residence, ce bâtiment imposant au milieu du campus, une sorte d’immeuble moderne mais vide depuis un bout de temps, ils comptaient foutre tout le monde dans ce truc, un délire. Ca allait être la Guerre. Soit, j’allais en être et ce contre mon gré.

Quelques jours plus tard, je débarquais au pied de la résidence, mes valises sous le bras, toute ma vie dans deux vieux sacs de sports, l’un avec mes fringues, ma guitare, mes clopes et le reste de mes pilules, l’autre avec mes bouquins de chimie, mes cds, et de vieilles photos souvenirs d’une vie qui désormais était bien derrière moi. Je ne pris pas la peine de tout ranger, et monta dans la chambre que l’on m’avais attribué, balançant tout sur le lit, enfermant les choses de valeur à double tour dans mon armoire. J’avais envie d’un café, il devait bien y avoir une salle commune dans le coin. Traînant mon corps frêle à travers les couloirs ternes et interminables du lieu, j’avais le parfait look d’une gamma au bord de la crise de nerfs et prête à claquer le premier venu. Ma tenue était simple et sans prétention, un vieux jean brut fidèle Levis qui ne m’a jamais quitté, une paire de bottes marron en cuir défoncées par le temps et un pull blanc qui était pour le moment encore miraculeusement immaculé. Au bout d’une dizaine de minutes de marche, je trouvais la salle commune, entrant j’inspectais les lieux du regard à la recherche de la machine à café. Il était tôt, j’étais sur les nerfs, clairement cet endroit me déplaisait, et voir les sales tronches des Epsilons et de ces autres gosses de bourges à longueur de temps me saoulait déjà. Alors que je m’approchais de l’appareil tant désiré afin d’y insérer ma pièce j’entendit mon nom. Je me retourna vivement et eue la surprise de voir le visage enfantin et réconfortant de la petit Venia.

« Venia, ça faisait longtemps tu vas bien ? Toi aussi tu es condamnée à vivre ici ? … Avec qui tu partages ta chambre ? Rosenbiatch et Martin ? »

Je ne pu m’empêcher de rire, ses deux pestes d’Epsilon s’en prenaient à Venia, elles étaient stupides et immatures , qu’ajouter d’autres, sous prétexte qu’elles avaient du fric elles se croyaient haut dessus des lois et des gens, bande de connes ! Appuyant sur le bouton du café, un gobelet se mit en position prêt à accueillir le précieux liquide noire, vital à cette heure ci. Me tournant vers Venia, j’ajoutais.

« Un café, miss ? »

« Il ne faut jamais juger les gens sur leurs fréquentations. Tenez, Judas, par exemple, il avait des amis irréprochables. » ► VERLAINE

La soirée de la vieille avait été riche en émotions, il ne m’en restait que de vagues souvenirs noyés par l’alcool, les verres de whisky s’étaient enchaînés, les petites pilules multicolores n’aidant en rien. Je ressemblais à une junkie en manque de sa dose, bientôt on me confondrait avec Keith Richards, question de temps. Mes cheveux étaient totalement désordonnés et quelques mèches me tombaient devant les yeux, j’avais des cernes monumentales et impossibles à planquer, le manque de sommeil, l’alcool et la drogue, c’est mauvais pour le teint. J’étais ailleurs, à moitié déconnecté dans le brouillard, j’avais besoin d’un café bien noir et ultra serré. Ma vie partait en live en ce moment, rien n’allait comme je le voulais, toujours les mêmes problèmes de fric, de logement, de ventes de pilules. En venant à Berkeley j’avais voulue croire au rêve américain moi aussi, mais ce n’était apparemment pas si facile que ça. L’espoir je n’en avais plus depuis bien longtemps, la vie avait été une garce et plus rien ne me touchais désormais. Je n’étais pas du genre à me plaindre ou a faire des caprices, mais la j’en avais clairement marre. Heureusement Venia débarqua de sa voix mélodieuse afin d’égayer ma matinée. Venia était enfantine, attachante, intelligente et avait un humour que j’affectionnais tout particulièrement, j’aimais jouer aux grandes sœurs protectrices avec elle, la prendre sous mon aile. Nous avions des points communs, toutes deux surdoués, arrivées trop jeune dans une université trop grande, et elle en voulait la petite, elle savait ou aller et comment faire pour parvenir à ses fins, et j’aimais ça chez elle. « Je ne vais pas me plaindre, pour le coup je ne suis pas trop mal tombé, pas de foutu Epsilon dans ma chambre …c’est déjà ça ». Venia aborda alors le sujet de mon appartement, me mon visage prit un air bien plus sombre, oui avant j’avais un petit studio en ville, avant que mon propriétaire ne me foutes à la porte pour retard de paiement de loyer. Je n’avais pas assez de garantie pour en reprendre un nouveau dans l’immédiat et n’avais donc eu d’autres choix que de venir poser mes valises ici, ce qui à un moment ou un autre allait poser problème dans mes petits trafics. J’attrapais mon café, et lui répondit d’un ton qui se voulait évasif. « Je vivais hors du campus en effet, mais j’ai eu quelques problèmes avec mon proprio alors me voici ici … j’aurais préféré être ailleurs c’est clair mais bon il y a pire que cet endroit, et puis comme je te le disais je ne suis pas tombée en colocation avec les plus insupportables de cette université ». Trempant mes lèvres dans mon café brûlant je grimaçais, tout en écoutant Venia commenter son nouveau logement. Me passant une main dans les cheveux je tentais une nouvelle de dompter la crinière qui me servait de chevelure sans succès. En regardant plus attentivement Venia, je remarquais que cette situation ne l’enchantait guère, partager son intimité avec d’autres étudiants ne devait pas être sa tasse de thé. Je lui proposai alors un café qu’elle refusa, craignant les effets d’un excès de caféine sur son organisme. Je pu m’empêcher de pousser un petit rire, comparant dans ma tête les effets de la caféine et de mes pilules magiques, je l’imaginais prendre une de mes pilules, sure qu’après elle ne refuserait plus jamais un petit café. « Ok, tant pis pour toi ». Je reportai mon attention sur Venia, à vrai dire je n’étais pas très bavarde et je ne savais pas vraiment quoi lui dire, ma seule envie était de dormir, de rattraper mes précieuses heures de sommeil. Mais soudain Venia adopta un ton bien plus sérieux, comme si quelque chose d’important venait de se produire et qu’elle devait se confier à quelqu’un. J’imagina toute sorte de scénarios invraisemblables et acquiesça d’un signe de tête. « Tu me fais peur … » Je levais un sourcil interrogateur en sa direction, elle venait d’attiser ma curiosité, qu’avait elle de si important à me dire ? Le tout à l’abri des oreilles indiscrètes ? Venia désigna un coin à l’écart dans la pièce et me fit signe de la suivre. Elle se mit assise sur un gros pouf et je pris place sur celui à coté d’elle, m’asseyant confortablement je bue une nouvelle gorgée de café, moins bouillante cette fois. Je la regardais avec sérieux, mais j’étais tout de même impatiente de savoir ce qu’elle avait au bord des lèvres, et à première vue ça ne semblait pas si facile à dire même a une « amie », mais je détestais tourner autour du pot, je voulais qu’elle crache le morceaux. « Vas y crèves l’abcès, dis moi … »

« Il ne faut jamais juger les gens sur leurs fréquentations. Tenez, Judas, par exemple, il avait des amis irréprochables. » ► VERLAINE

Venia devait me parler et je n’avais aucune idée de la chose qu’elle voulait me dire. Elle pointa du bout du doigt un coin de la pièce, à l’écart et nettement plus discret que la machine à café. Dans ma tête j’imaginais toutes sortes de scénarios plus ou moins improbables. Peut être voulait elle quitter Berkeley, qu’elle se sentait trop jeune par rapport aux autres, pas à sa place. Peut être devait elle se confier à quelqu’un sur quelque chose de très personnel et que j’étais la meilleure personne pour répondre à ses question. Pour l’instant je n’en savais rien, mais la patience n’avait jamais été une de mes qualités, et elle se doutait que je n’étais pas le genre de fille à prendre avec des pincettes. J’étais forte, prête à tout encaisser elle pouvait y aller, tout me déballer. Je la suivais en traînant des pieds, elle prit place sur l’un des nombreux canapés et ne me quittait pas du regard, ce qui était presque inquiétant. Je me laissais ensuite tomber négligemment étendant mes jambes, je lui lançais plusieurs regards interrogateurs tout en passant mes mains dans mes cheveux. Venia semblait tellement fragile, tellement innocente, elle était l’enfant prodige dont mes parents auraient rêvés mais tout ne s’était pas exactement passé comme prévu. Mon père s’était fait descendre en Afghanistan, ma mère était tombé en dépression suite à sa mort et avait finie par trouver refuge dans la bouteille, moi j’avais fuit. Fuir, c’était lâche je le savais, mais j’étais jeune et j’avais des projets, des rêves. Faire de grandes choses, aller dans de grandes universités et devenir quelqu’un, quelqu’un de bien. Personne ne m’avait dis que pour faire des grandes choses dans ce monde il fallait commencer par en faire des mauvaises, sans mes conneries, mes écarts à la loi jamais je n’aurais pu intégrer Berkeley, jamais je n’aurais eue les moyens de venir ici. Ca ne justifiait pas tout, mais pour le moment on devait se débrouiller et gérer, moi et ma conscience. J’avalais une énième gorgée de café tout en tentant d’oublier mes pensées destructrices et rapporta mon attention sur Venia. Je lui demandais de cracher le morceau et ajouta un mince sourire à la fin de ma phrase comme pour l’encourager. Elle ne souriait pas, et le silence qui pesait entre nous était troublant, je sentis dans son regard qu’elle tentait de se donner du courage. Qu’avait elle de si terrible à me dire ? « Je sais tout. ». A c’était donc ça, ma respiration se coupa un instant et je failli avaler de travers mon café. Elle savait tout quoi, c’était vague, mais j’avais peur qu’elle parle de moi et non d’elle. Des tonnes de questions me brûlaient les lèvres, mais je compris à son visage et à son expression qu’elle n’en avait pas finie. Je restais silencieuse les bras croisés ne quittant pas mon regard du sien. « Je sais que ces formules que tu regardais la première fois qu'on s'est rencontré, ce n'était pas pour des simples petites recherches en physique/chimie, je sais que tu n'as pas simplement un petit boulot comme les autres pour pouvoir payer ton appart et tes études, et je sais que tu vends de la drogue! ». Eh merde ! Tout ce qu’elle venait de dire n’était que la plus pure et la plus simple des vérités, que pouvais je ajouter de plus ? Avais je besoin de me justifier auprès d’une gamine qui venait de me démasquer, devais je lui dire pourquoi je faisais tout ça ? Je voulais prendre la parole mais ce n’était apparemment pas encore mon heure. Je ressentais un certain stress, une gêne venant de Venia, elle n’aimait pas me dire toutes ces choses, elle était mal à l’aise parce qu’elle me considérait comme une amie. Les découvertes qu’elle venait de faire à mon sujet étaient un peu hallucinantes, j’ignorais si je la décevais, mais je devais admettre qu’elle avait plutôt du cran pour me parler comme elle était entrain de le faire. Personne depuis longtemps ne m’avait balancé de telles vérités en pleine figure. Elle me promit de ne jamais le dire à personne, de ne pas me dénoncer, mais je sentais qu’elle voulait comprendre pourquoi je faisais ça, si ce n’était qu’une question d’argent ou si j’avais des motivations plus fortes. Elle voulait savoir si je n’avais pas peur de me faire arrêter par la police, mais je ne savais même pas si j’avais réellement conscience des conséquences de mes actes. La prison je ne voulait pas y aller, mais la fabrication et la vente de pilule était le seul moyen que j’avais trouvé pour m’en sortir et pour le moment les choses allaient plutôt bien, du moins aucun flics ne m’avaient prise la main dans le sac. Néanmoins je me demandais comment elle avait pu découvrir tout ceci à mon sujet, elle n’était pas du genre à espionner les gens ou à se renseigner sur eux, quelqu’un lui avait dit ou étais-ce plus compliqué ? Les réponses à mes ultimes questions arrivèrent sans que je n’aie eu le temps de lui demander quoi que ce soit. Elle m’avoua m’avoir vue après notre première rencontre à la bibliothèque à la fin de l’été. Elle m’avait suivie pour me rendre l’un de mes carnets de recherches et elle m’avait vu entrain de refourguer de la dope à deux types louches, puis elle avait fuit. Elle me regarda de nouveau dans les yeux, je sentais qu’elle craignait ma réponse maintenant qu’elle m’avait tout dis. La vérité avait enfin éclater et elle n’était pas franchement belle, je n’avait pas une vie rêvée je n’étais pas qu’une vulgaire étudiante et ça l’effrayait. Le monde de la drogue ce n’était pas un truc pour une fille comme elle, c’était un monde dangereux dans lequel tous les coups étaient permis. Elle n’y connaissait rien, que les reportages qu’elle avait pu voir à la télévision et toutes ces émissions dans lesquelles les flics montraient leurs butins. Moi j’y étais complètement immerger depuis un bon nombre d’années maintenant, je vivais ça de l’intérieur et c’était encore pire. Je devais répondre à ses questions, je voulais qu’elle me comprenne, mais en serait elle capable ? Je savais qu’après ça elle ne me verrait plus jamais comme avant, je savais que je prenais le risque de perdre son amitié, mais à quoi bon nier ou lui mentir ? Elle avait tout vue, elle savait tout et je ne voulais pas me défiler une fois de plus, pas avec elle, elle méritait la vérité parce que Venia était une fille bien l’une des meilleures personnes que j’ai pu croiser ici à Berkeley. Malgré son jeune age, Venia était l’une des personnes les plus mature de l’Université, elle connaissait la valeur des choses, elle savait faire la part des choses, discerner le bien du mal, elle faisait partie de ces rares personnes à qui je n’avais pas envie de mentir. Posant mon gobelet de café à mes pieds, je rapprochais mon pouf du sien et esquissa un nouveau sourire, inspirant un grand coup je me lançais. Place aux révélations, à la vérité, et elle n’était pas des plus jolies. « Par où commencer … Tout ce que tu viens de dire est vrai, inutile de nier … Je pourrais te mentir et inventer une histoire des plus saugrenues mais je n’en vois pas l’intérêt, t’as tout vue et tu mérites de tout savoir. Oui je vends de la drogue pour payer mes études, d’autres se prostituent moi je vends, c’est pas glorieux mais c’est comme ça. Je n’ai pas de riches parents prêts à signer d’énormes chèques pour que je fasse mes études ici. ». J’hésitais quelques instants à lui dire la vérité au sujet de mes parents et me ravisa au dernier moment, ce n’était ni le moment ni l’endroit. « En revanche je ne me contente pas de vendre de la drogue, je la fabrique d’où mes recherches, j’ai un don depuis longtemps pour les maths et la chimie, je pourrais mettre ce don au service de choses plus glorieuses mais pour ça il me faut mon diplôme, c’est un cercle vicieux … j’ai fait pas mal de conneries dans ma vie, des choses dont je n’ai pas envie de te parler pour le moment, tu en sais assez pour aujourd’hui. Je te remercies de garder ça pour toi, d’autres m’auraient déjà balancé, mais non je n’ai pas peur de me faire prendre, et puis si ça devait arriver … Honnêtement je préfère ne pas y penser. Mais qu’on soit clair, je ne deale pas pour le plaisir, c’est pas un choix, c’est ma solution, elle est stupide mais c’est la mienne. Je ne vais pas faire ça toute ma vie je te rassures, j’ai des projets bien plus louables …, bref j’ignores ce que tu en penses et si tu préfères t’éloigner de moi pour qu’il ne t’arrive rien je comprendrais ». Je repensais à Zak, si j’avais décidé d’étudier la chimie c’était pour lui rendre hommage, pour enfin mettre mes compétences au service de la médecine, pour un jour sauver le monde, mais j’en étais loin, la dealeuse de Berkeley était le seul titre auquel je pouvais prétendre pour le moment, d’ailleurs je savais exactement qui consommait quoi ici et ce n’était vraiment pas glorieux, un bon nombre d’étudiants consommaient ici mais ils étaient suffisamment discrets pour que personnes ne s’en rende compte. Je me redressais, attrapait mon gobelet vide et l’envoya dans la poubelle un peu plus loin. J’étais sur le point de partir mais je regardais une nouvelle fois Venia, j’ignorais si nous en avions tout à fait fini.

« Il ne faut jamais juger les gens sur leurs fréquentations. Tenez, Judas, par exemple, il avait des amis irréprochables. » ► VERLAINE

Aussi loin que je me souvenais, rien dans mon enfance ne m'avais prédestinée à un tel avenir, rien n'aurait pu de près ou de loin me conduire dans le monde de la drogue. Mais c'était sans doute ça aussi le destin, avoir conscience que d'un jour à l'autre tout peu basculé. Déjà un brin rebelle pour mon age, j'étais plus la terreur des bacs à sables que le dealeuse du coin, un coté garçon manqué et un peu grande gueule faisait que j'avais bien plus d'affinités avec les garçons de mon age qu'avec les filles. Je me souvenais aussi de l'admiration que je portais à mon père, j'adorais enfiler son uniforme de militaire qui était bien trop grand pour moi, j'admirais son courage, sa force et sa détermination, il m'a toujours poussé à avancer, et à aller de l'avant, à me battre pour obtenir ce que je désire, à ne rien lâcher jamais, à ne jamais laisser une chance à l'ennemi, quitte à mourir. Si je décidais d’arrêter mon trafic aujourd'hui, je pouvais également mettre une croix sur Berkeley et ce n'était pas mon genre de baisser les armes si facilement. Clairement les conséquences de mes actes étaient secondaires, je voulais ce fichu diplôme avant d'aller potentiellement en prison, j'avais l'intelligence requise pour l'obtenir mais pas le fric. C'était donc ça le monde réel ? Lorsque l'on a terminé de planer et que la drogue ne fait plus effet. Toutes les portes ouvertes aux élites, et fermées aux autres, fallait il vraiment être le fils ou la fille de pour prétendre à une université telle que celle ci ? Je refusais d'y croire, si bien que même si mon trafic comportait un nombre incalculables de risques je n'étais pas prête d'y mettre un terme. Seulement voilà, je ne pouvais pas dire toutes ses choses à Venia, pas parce qu'elle ne les comprendraient pas, mais parce qu'elle était trop lucide, trop prévoyante, tandis que moi je jouais avec le feu, bafouais les règles, et étais têtue comme personne d'autres. Résultat je me contentais de lui avouer la partie émergée de l'iceberg. Je ne niais rien de mon trafic qu'elle aurait de toute façon finie par découvrir tôt ou tard. Sur le point de quitter l'endroit, elle me rattrapa par le bras au dernier moment. J'avais pris ce silence pesant comme un signe que la discussion était close, comme une façon pour elle de me dire sans le moindre mot ce qu'elle pensait de tout ça. Clairement non, je ne m'attendais pas à ce qu'elle me retienne après ce qu'elle venait d'apprendre à mon sujet. "Lux, t'es pas obligée de partir! Je … Je ne veux pas arrêter d'être ton amie!". Tout ce que je voyais des les yeux de Venia c'était de la sincérité, cette petite tenait réellement à moi, j'étais son amie, sa protectrice en quelque sorte ici à Berkeley, j'aurais aussi pu être sa grande sœur, nous n'étions pas si différentes, toutes les deux surdouées et embrigadées dans un monde et un univers qui ne nous convenait pas totalement. « Je n'ai pas non plus envie d’arrêter d’être ton amie Venia, mais maintenant que tu connais une partie de la vérité tu ne penses pas que les choses vont être différentes ? Tu n'auras plus jamais la même image de moi, et puis tout ce monde de la drogue, c'est dangereux, bien plus que ce qu'on en dit crois moi ». J'avais peur pour elle, peur que si nous continuions à être amie, je deviennes nuisible pour elle, pire que je devienne un véritable danger pour sa sécurité. Je n'avais pas peur de finir derrière les barreaux, mais j'avais peur qu'il lui arrive quelque chose par ma faute. J'avais déjà fait dans le passé suffisamment de dégâts, et je ne voulais pas que les choses se répètent encore une fois. « Ne sois pas morte de trouille pour moi, mais prends plutôt soin de toi, quand tes parents te disaient de faire attention à tes fréquentations ils parlaient des gens comme moi, tu vois, ceux qui dans l'ombre vendent de la drogue, les marginaux, ceux qui ne rentrerons jamais dans le moule. Bientôt si l'on restent aussi proches je te dirais tout Venia c'est promis. Mais si tu veux vraiment me rendre la pareille fais attention à toi, double de vigilance, tu sais comment c'est Berkeley, tu as bien vu à quelle vitesse les rumeurs peuvent faire le tour du campus. ». Venia lâcha alors ma main, et je vis un sourire se dessiner sur ses lèvres, un sourire plein d'espoir, de conviction quant au futur, elle voulait me rassurer me dire que tout irait bien car tant que je serais la pour veiller sur elle, elle veillerait aussi sur moi. C'était ça l'amitié la vraie, pouvoir compter l'une sur l'autre, et traverser des épreuves ensemble main dans la main en se fichant des risques. « Il est hors de question que l'on cesse d’être amie, mais ce n'est pas a moi de prendre cette décision, c'est a toi de voir si les risques pris en valent la peine, de peser le pour et le contre. »

« Il ne faut jamais juger les gens sur leurs fréquentations. Tenez, Judas, par exemple, il avait des amis irréprochables. » ► VERLAINE