Cela fait maintenant près de 4 ans que Leyna est arrivée sur le continent américain et quelques semaines qu’elle avait recommencé les cours. Passionnée par l’art, la jeune et jolie australienne de 22 ans vient d’entrer en 3e année de photographie. Elle prend des cours de langue à côté, pour la simple et bonne raison qu’il est selon elle important de pouvoir se débrouiller un minimum dans les langues les plus parlées au monde. Mais enfin, du fait de la rentrée des cours, Leyna était débordée et avait déjà plusieurs projets à rendre dans les petites semaines qui allaient suivre. Non seulement le temps à disposition pour réaliser ses travaux était plus que limité, mais cela est sans compter le fait que certains étudiants ne sont pas riches et n’ont pas forcément le luxe de ne pas avoir besoin de travailler à côté pour payer le loyer et certaines dépenses mensuelles indispensables. Ainsi, Leyna travaille depuis plusieurs années au bar du coin pour arrondir ses fins de mois, et ce entre quatre et cinq fois par semaine. Certains soirs, la demoiselle n’a vraiment pas envie de se rendre au boulot et le temps passe très lentement, tandis que d’autres soirs, certains clients sympathiques et réguliers viennent et font la conversation à Leyna durant toute la durée de son service. Parfois, elle se fait même draguer, ce qui peut être lourd mais aussi flatteur, d’autant plus que sa vie amoureuse est au point mort. Cette fois, la journée avait été longue et Leyna n’avait pas beaucoup dormi, d’où son humeur peu commode. Bien que connue pour sa joie et sa bonne humeur, il arrivait à Leyna de parfois être un peu ronchonneuse. Et aujourd’hui était une de ces fois là. Sans doute parce qu’elle n’était pas censée travailler ce soir là ; son patron l’avait appelé à la dernière minute pour venir remplacer une collègue “malade”… Ainsi, elle opta pour un collant noir semi-opaque et une petite robe noire discrète ; rien de très affriolant, sans quoi elle se ferait certainement taper sur les doigts. Une touche de maquillage et un brin de parfum, et la voilà parée pour se rendre à son lieu de travail. Lorsqu’elle arriva, fatigue et tête baissée, elle ne regarda pas qui étaient les clients déjà presents et alla vite enfiler son petit tablier, dont le port est obligatoire, et se mis derrière le bar. C’était une soirée calme, surtout pour un soir de week-end, seul quelques petits tables étaient remplies et peu d’entre elles étaient bruyantes ou consommaient beaucoup. Du coup, Leyna n’avait pas grand chose à faire, si ce n’est attendre que l’heure passe, en espérant que cela se fasse plus ou moins vite. Puis, elle senti comme un regard pose sur elle. Elle tourna ainsi la tête et vit son ami Aaron Storm, un habitué du bar. Quelle honte, il se trouvait tout à l’autre bout du bar et elle ne l’avait meme pas remarqué, tellement elle avait la tête ailleurs. Sa presence lui remonta instantanément le moral. « Hey, qu’est-ce que je te sers ? », lança la jeune fille en souriant, mettant son humeur de chien de côté, se rappelant qu'elle se devait d'être aimable lorsqu'elle travaillait et en se disant que finalement, les choses semblaient s’arranger de part la présence de son ami.

Des clients, Leyna en voit passer des dizaines et des dizaines. Des centaines, même, depuis le temps qu’elle travaille dans ce bar. Des dépressifs aux alcooliques, des dragueur aux lourdingues… elle avait tout vu. Enfin, c’est ce qu’elle croyait avant qu’elle ne rencontre Aaron Storm, qu’elle ne pouvait mettre dans aucune catégorie. En effet, l’homme en question était bien particulier, mais une chose était sûre ; il avait toujours été gentil avec Leyna. La seule catégorie qui pourrait lui aller serait celle de bavard. En effet, Leyna avait relativement vite cerné le personnage, qui d’ailleurs aimait bien lui raconter un peu sa vie, ce qui ne la dérangeait absolument pas. Elle savait que, bien souvent, ces gens là ont besoin de parler. Et comme elle aussi, l’échange est bénéfique aux deux protagonistes. Ainsi, Leyna connaissait maintenant Aaron plutôt bien, ils se tutoyaient et elle le considérait parmi ses amis. Elle se souvient de la fois où elle avait du le jeter hors du bar, tellement il avait bu. Elle détestait faire ça, vraiment, mais elle se disait toujours qu’elle faisait ça dans l’intérêt du consommateur. Mais enfin, aux vues de ce que venait de commander son ami, Leyna savait qu’Aaron n’avait pas trop le moral. Et que ce n’était très certainement pas son premier verre de la soirée. « Alors, encore un de ces rendez-vous au tribunal ? Qu’est-ce qui se passe exactement cette fois ? » lança-t-elle sur un ton compréhensif et doux. Des problèmes, Aaron en avait, mais sa petite fille de 18 mois était ce qu’il avait de plus précieux ; il lui en parlait tellement souvent. « Oh, rien de bien spécial de mon côté. J’ai recommencé les cours depuis quelques semaines maintenant et j’ai déjà un boulot de dingue à faire. Je sais pas comment je vais pouvoir rendre mes projets à temps, mais bon, ça fait partie du jeu. Et sinon, eh bien, toujours pas de nouvelles de mes parents, alors tout va pour le mieux » continua-t-elle, n’ayant pas envie de s’attarder sur le fait qu’elle venait découvrir qu’elle avait une sœur jumelle. Aaron l’écoutait, mais avait semblé distrait par la réception d’un sms. Leyna, un peu curieuse, lui demanda « Oula, contrarié ? Rien de grave j’espère ».

Leyna trouvait Aaron Storm plutôt sympathique ; en effet, il était tout à fait le genre de client qu’elle était plutôt contente de voir passer la porte du bar, même lorsqu’il est tard et que son service est bientôt terminé. Il y a tellement de clients déprimés, de clients saoûls, de clients agressifs… Aaron n’était rien de tout cela. Certes, il lui arrivait de boire un coup de trop où d’être triste pour ses histoires de tribunal, mais n’importe qui aurait réagit comme lui. Après tout, Leyna aimait bien le métier de barman puisqu’elle aimait bien être à l’écoute des gens. Non pas de les écoutes se plaindre, mais juste de les écouter déballer leurs problèmes ou leurs souffrance la rendait contente, puisqu’elle savait à quel point parler pouvait faire du bien. De plus, Leyna trouvait Aaron plutôt rigolo lorsque son ex-femme le laissait voir ses enfants, ce qui, selon ce qu’avait compris Leyna, ne devait pas arriver bien souvent. « Et bien, personnellement, je suis plutôt de ton côté. Il n’y a pas d’autres moyens peut-être plus rapides pour que tu puisses voir tes enfants plus souvent ? Il faut toujours essayer de voir le côté positif des choses, même si ce n’est pas toujours évident. En tout cas, si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais que je suis là » dit Leyna sur un ton sincère. La jeune australienne avait toujours rêvé de trouver l’homme de ses rêves et d’avoir des enfants. Deux, trois ou quatre… elle s’en fichait pas mal, tout ce qu’elle voulait, c’est avoir au moins une fille et un garçon ; un de chaque. Après tout, quoi de plus merveilleux que de mettre un enfant au monde. Leyna avait un certain nombre de copines qui éprouvait une grande aversion pour les bambins, ce qui la dépassait totalement. Leyna comprenait que quelqu’un ne veuille pas d’enfant, ou simplement que ce ne soit pas le bon moment, mais dire que les enfants sont la pire choses qui puisse vous arriver, non, elle ne pouvait pas comprendre. « Mmmh, je vois très bien ce que tu veux dire… mais tu sais, autant rentrer chez toi et regarder un bon film ou prendre un bon bain, parce que si tu collectionnes les femmes et que ça venait à se savoir, ta femme pourrait encore utiliser cela contre toi ! Franchement, ça vaut mieux, parce qu’une de ces femmes faciles en boîtes ne va te soulager qu’une petit moment, mais ne va pas te sortir de ta situation. Courage, je ne suis pas à ta place mais je me doute que c’est loin d’être facile… » continua Leyna. « Eh bien, je ne vais pas te mentir, j’aurais préféré que mon père soit plus présent dans ma vie ; un père, c’est important, très important même. Mais ne t’inquiètes pas, tu n’as rien à voir avec lui ! Et tu sais pourquoi ? Non seulement mon père n’était pas présent, mais en plus il ne démontrait aucune marque d’affection envers moi. Et toi, de ce que je vois, tu sembles être un bon père, tu aimes tes enfants et surtout, tu te bats pour eux. C’est peut-être un long combat, mais c’est un combat qui en vaut la peine. Ne perds pas espoir, tout finira un jours par s’arranger, et si ta femme continue à agir ainsi, tes enfants se rendront compte un jour de ce qu’elle a fait » ajouta Leyna. On lui disait souvent qu’elle était de bon conseil, mais la brunette avait toujours peur de paraître trop amicale, surtout lorsqu’il s’agissait de clients du bar. Se mêler des affaires des autres, bien peu pour elle.

Il commençait à se faire tard et le bar se vidait petit à petit. Ces temps, sans doute parce que les fêtes de Noël approchaient, les soirées étaient bien moins mouvementées ; les gens restent chez eux. Bon, ce n’est pas en Californie que l’on peut utiliser l’excuse du "il fait trop froid dehors, j’ai la flemme". D’ailleurs, Leyna serait tout à fait du genre à rester chez elle, bien trop peu friande du froid ; ayant vécu en Australie puis en Californie, elle n’est habituée qu’à des températures particulièrement agréables. Tandis qu’elle tentait tant bien que mal de rassurer son client, la jeune demoiselle sentait bien qu’elle ne remportait bien un grand succès. Prônant l’honnêteté et la sincérité, elle se demande souvent si ses paroles sont trop franches, trop directes, ou si elles ne sont tout simplement pas bonnes à dire. Mais que voulez vous, parfois, le fait d’entendre la vérité de la part de quelqu’un est la seule chose qui vous fera réagir. Que ce soit en bien ou en mal. « Ah de nos jours, les avocats ne sont plus ce qu’ils étaient. De tout façon, je ne les supporte pas ; ils mentent comme des arracheurs de dents. Et puis, ayant un parent dans la profession, j’avoue que ce n’est pas moi qui vais aller les défendre » rétorqua Leyna en rigolant à moitié. « En tout cas, ne te laisse pas faire, continue à te battre pour ta fille. Tu es un père génial, et je le pense sincèrement. Ne laisse pas une avocate te faire du tord ». Leyna crevait de chaud ; en effet, elle ne comprenait pas pourquoi son supérieur ne voulait pas investir pour installer l’air climatisé. Tout en observant Aaron, Leyna ne pouvait s’empêcher de remarquer qu’il ne semblait pas apprécier son verre plus que cela, et qu’il les enfilait les uns après les autres. Son taux d’alcool dans le sang devait probablement monter en flèche, et en tant qu’employée – mais également en tant qu’amie – elle se devait de lui faire subtilement comprendre il devrait calmer un peu le jeu. « Dis voir, loin de moi l’envie de te prendre la tête, surtout ce soir, mais est-ce que tu es en voiture ? Je n’aimais pas trop te voir conduire dans cet état » lui avoua Leyna. « Ceci dit, elle est gonflée de dire des choses pareilles. Je ne parle plus à mes parents depuis un certain temps, mais si tu veux que je passe un coup de fil pour qu’on t’assigne une meilleure avocate, il n’y aucun problème » continua-t-elle. « Tu sais, c’est toujours difficile dans ces situations. Mes parents ne sont pas divorcés ou autre, mais j’ai quasiment été élevée par mes grands parents. Et même si je n’ai pas de superbes relations avec mes parents, je sais que mon père reste mon père et que ma mère reste ma mère. Personne ne pourra jamais changer cela, d’autant plus que tu n’es pas dans ma situation. Tu as de bonnes ententes avec ta petite fille ! Ne perds pas espoir, c’est tout ce que le camp adverse attend…» termina la jeune fille, en ramassant le verre vide de son ami.