❝ ILS ÉTAIENT AMIS, DES AMIS PROCHES. ILS ÉTAIENT PRÊTS À TUER POUR L'AUTRE. MAIS ILS ÉTAIENT DIFFÉRENTS. ❞

ODESSA&MAXWELL ♦ Il y a des moments comme ça où l'on regarde en arrière, on se revoit heureux et on essaie de comprendre comment tout ça a commencé, comment on en est arrivé là. On se demande alors s'il n'y aurait pas moyen de changer le cours de l'histoire pour que, d'un coup de baguette magique, l'on soit transporté dans un autre présent, plus radieux. HARLAN COBEN © Loon

Quand je pense à l'enfance, je pense au goût sucré des sucettes à l'ancienne, aux goûters en rentrant de l'école, et je pense à Disneyland, aussi. Quel enfant ne rêverait pas d'y passer ses journées ? Rien que pour le décor, digne d'un monde à part. Et sans oublier les attractions. J'aimerais y emmener Zadig. Partager ça avec lui. Comme n'importe qui aimerait partager ça avec une personne qu'il aime. Partager un rêve éveillé, dans un monde merveilleux. Disney crée des moments inoubliables. Comme ma rencontre avec Odessa. Les oublis sont souvent futiles. On oublie d'éteindre la lumière en allant au boulot. On oublie un anniversaire, maladroitement. On oublie qu'à côté de nos malheurs, il y a la vie qui s'éloigne, alors on finit par en oublier de vivre. Mais ça, c'est une oubli fatal, car on ne rattrape pas le temps perdu. Moi j'avais simplement oublié mes billets. Alors je m'étais retrouvé coincé devant l'entrée du parc. Il y avait tous ces gamins, sourire aux lèvres, qui en franchissaient les portes. Je ne faisais que de les regarder, d'imaginer c'est qu'ils allaient vivre, de l'autre côté. Puis Odessa est venue me sauver. Avec sa chevelure d'or. On aurait dit la fée Clochette. Elle avait tout arrangé en un clin d'oeil. Son père était le propriétaire du parc. Alors elle m'avait fait rentrer, sûrement en voyant ma mine désespérée devant l'entrée de Disney. Je ne lui avais rien demandé, et elle avait fait ça pour moi. Alors que nous ne nous connaissions pas. Avec elle à mes côtés pour la journée, j'avais eu le droit de passer en priorité pour toutes les attractions. C'était il y a dix ans, mais pourtant, je me rappelle encore de cette journée dans le moindre détail. Et quand il avait fallu quitter le parc, j'avais gagné une amie. Une amie pour la vie. Car nous étions restés en contact, évidemment. Et malgré la distance, nous parvenions à nous voir régulièrement. Ce qu'il y a d'incroyable, c'est qu'aujourd'hui nous vivons tous les deux à San Francisco. Et comme depuis Disney, je me sentais redevable envers elle, je l'avais invitée à un concert avec moi la semaine dernière. J'avais gagné les places en jouant à un jeu sur une radio. J'aurais préféré être tiré au sort pour remporter le home cinema, mais au lieu de ça, j'avais eu le droit à des places privilégiées pour aller voir les One Direction. Donc je lui en avais fait profiter. Et si elle n'en avait pas voulu, je les aurais revendu à des groupies qui pour sûr n'auraient pas craché dessus. Et même si au final le concert n'avait pas été exceptionnel à mes yeux, je crois qu'Odessa en a profité. Puis nous avions passé une bonne soirée au final. Et ça m'avait fait du bien ce moment avec elle. Car à chaque fois que nous nous voyions, les choses étaient simples. Simples mais sincères. C'est ce que je préférais dans notre relation.

On touche rapidement le fond. Sans même s'en rendre compte. On est en train de couler, mais on ne s'en aperçoit pas. Ça arrive comme ça. Du jour au lendemain. Après la perte d'un proche, après un divorce. Ou même les deux. Nathaniel me manquait. Je n'avais jamais vraiment réussi à réaliser qu'il était parti pour de bon. S'il avait été là, je sais qu'il m'aurait été d'une grande aide, comme seul lui savait m'en apporter. Parce qu'il voyait toujours les choses d'un oeil différent, et qu'il savait toujours apporter autre chose que ce que les autres pouvaient apporter. Nate était unique. Et il me manquait, comme il manquait à notre famille toute entière. Puis bien sûr, pour couronner le tout, il y avait eu le divorce. J'avais perdu deux piliers, aussi facilement que l'on pouvait perdre deux billets d'entrée pour Disney. Et voilà que j'avais commencé à boire la tasse le soir où j'avais couché avec cette première fille dont j'ignorais même le prénom. Ce soir là, j'ai compris qu'elle ne serait que la première d'une longue liste. J'ai compris qu'il ne me restait plus que ça pour me sentir un minimum vivant. Et voilà où j'en suis aujourd'hui. À habiller mon fils pour aller le déposer chez Odessa. En espérant qu'elle accepte de le garder. Et c'était loin d'être gagné. Car j'avais un rendez-vous avec Natasha. Ou Laura. Je sais plus. "Zadig mon coeur, arrête de pleurer. Tout va bien." J'embrasse mon bonhomme sur le front, avant de sécher les quelques larmes qui coulent le long de ses joues. Il est fatigué. Alors je lui tends sa tétine et ses doudous. Et il commence à se calmer, tout doucement. J'attrape son sac, tandis que je le porte dans mon autre bras, puis nous quittons l'appartement. Je le dépose doucement dans son siège auto, l'attache, et range le sac dans le coffre, puis nous voilà en route. "On va faire une surprise à Odessa mon ange, je suis sûr qu'elle sera ravie de nous voir." Ou pas, d'ailleurs. Nous arrivons chez elle plutôt rapidement. Zadig dans mon bras gauche, son sac sur mon épaule droite, je laisse pour l'instant le lit pliant dans la voiture. Il ne quitte jamais mon coffre à vrai dire, puisque mon petit ange dort régulièrement chez son parrain Nattéo. Je prends une inspiration, puis toque à la porte. Et quand elle s'ouvre, je fais mon plus beau sourire. "Surprise !"