Etre convoqué dans le bureau de Maria O’Berkeley était une chose, mais se retrouver autour d’un café était tout autre. A vrai dire il se demandait encore pourquoi elle le lui avait proposé. Il était certain de deux choses en tout cas. Ils tentaient de faire des efforts pour s’apprécier un minimum et le Doyen avait un dossier contre lui mais qu’il ne pouvait pas encore utiliser. D’un côté, il préférait qu’elle veuille le voir pour tout autre chose que ce fameux dossier. Il savait que Maria était très respectueuse des règles et si elle venait à savoir qu’il couchait avec des étudiantes, il risquait sa place, il le savait. C’était jouer avec le feu, mais heureusement pour lui, il faisait toujours en sorte qu’il s’agisse d’étudiantes consentantes et qui soient discrètes, voilà pourquoi le Doyen n’avait aucun témoignage contre lui. De l’autre côté, il devait de toute façon aller voir la jeune femme. Ayant eu un rendez-vous avec Joe Shark, ce dernier lui avait permit de décrocher un entretien avec le PDG d’Universal et cet homme avait accepté de l’aider à financer son album et d’être son agent. Max avait donc déjà son planning de prévu. Cet été, il partait pendant la première moitié de juillet en France, pour voir sa famille, puis, la seconde moitié de juillet et tout le mois d’août, il serait dans un studio d’enregistrement avec les musiciens qui ont bien voulu jouer avec lui. Il allait avoir un été chargé, parce qu’il avait encore une partie de son album à jouer et chanter. Après ça, l’album serait amené à être à vendre et à partir de là, il verrait bien ce qu’il ferait. Soit ça serait vendu et les gens apprécieraient ou non les chansons, soit ça serait vraiment appréciés et il devrait parfois manquer des cours pour pouvoir partir en tournée.

Il avait parlé avec le PDG d’Universal en expliquant à ce dernier qu’il préférait partir en tournée pendant les vacances scolaires et tout l’été, mais ce dernier lui avait dit que d’autres dates pourraient être à ajouter au besoin. Maxence ne s’attendait pas à ce que ça marche aussi bien de toute façon. Après tout, c’était son rêve de gosse qui prenait vie, alors que ça marche ou pas lui importait peu. Maintenant, si ça venait à marcher, il ne savait pas vraiment comment il pourrait se débrouiller dans un univers qu’il ne connaît absolument pas. Seulement pour le moment, il était sur sa moto et il partait pour son rendez-vous avec Maria. Une fois sa moto garée pas trop loin du café, il marcha vers le lieu où il vit la jeune femme qui était déjà là. La saluant d’un signe de main, il la suivit dans le café et un serveur prit les commandes, avant qu’ils ne puissent s’asseoir dans un coin tranquille.

Vous vouliez me voir et me voilà.

Il sourit, mais il n’était pas vraiment à l’aise. Si le dossier du Doyen était la conversation principale, forcément il serait encore plus crispé. Du coup, il attendit de savoir ce que la jeune femme lui voulait vraiment.

ft. Maxence J. Delacre

Le quotidien était devenu fort ennuyant depuis qu’Edward n’était plus à la maison, et Maria se sentait affreusement seule ces derniers temps. Bien-sûr, elle se savait fautive de cette situation et refusait de blâmer Edward d’une quelconque manière. Cependant, la brunette avait parfois bien du mal à garder la tête hors de l’eau tout en sachant qu’elle était personnellement en train de faire sombrer son propre mariage. Mais encore une fois, elle en connaissait les raisons, et savait qu’il n’y avait – pour le moment – pas d’autre solution.

Voilà un moment maintenant qu’elle n’avait pas eu de nouvelles de son mari, et la rumeur d’une rupture avait vite fait son chemin au sein de l’université. Bien-sûr, Maria faisait tout son possible pour éviter les rumeurs et chuchotements à son passage dans les couloirs, mais cela n’était pas toujours aussi simple que certains pouvaient idiotement le penser. C’était d’ailleurs l’une des raisons qui faisaient qu’elle passait dorénavant beaucoup plus de temps dans son bureau, évitant ainsi les regards des autres sur elle. Maria préférait se faire petite, pour l’instant du moins.

Mais aujourd’hui, exceptionnellement, Maria avait ressenti le besoin de sortir, de se rafraichir la tête, de se changer les idées également. Ainsi et sans trop savoir pourquoi, elle avait saisi son téléphone portable avec lequel elle avait appelé Maxence en lui demandant s’il était d’accord pour qu’ils se voient dans la journée, autour d’un café. Maria n’avait absolument aucune idée derrière la tête, elle avait tourné la page avec Maxence, seulement elle le connaissait suffisamment pour avoir encore un minimum confiance en lui et savoir qu’il essaierait de lui remonter le moral. Et puis, s’il ne voulait pas le faire, et bien au moins Maria aurait essayé de renouer un lien avec l’Européen.

Lui ayant donné rendez-vous dans un Starbucks, Maria décida de s’installer à une table avec une boisson tout juste commandée au comptoir. Elle avait pris un grand café, sachant qu’elle en aurait besoin pour rester éveillée tard ce soir, encore une fois. Il fallait dire qu’elle passait dorénavant la plupart de ses soirées la tête dans le boulot. C’était encore ce qu’elle avait de mieux à faire. Un quart d’heure passa jusqu’à ce qu’une silhouette imposante arrive à la table. « Vous vouliez me voir et me voilà. » Ah non. Elle soupira. Pas de ça, pas comme ça. Pas aujourd’hui du moins. « Ce n’est pas la patronne qui voulait te voir, Max. » Il allait de suite comprendre que quelque chose n’allait pas. Il la connaissait suffisamment.

A l’écoute des propos de la jeune femme, il fit une grimace.

Ouais, il faut que je retrouve le truc pour virer le vouvoiement.

A vrai dire, c’était sortit tout seul. Dun côté, il ‘avait pas fait attention et de l’autre, il se disait que si c’était la dire tectrice qui devait lui parler, il valait mieux rester professionnel. C’est vrai qu’il devrait la tutoyer, vu les efforts qu’il avait accepté de faire pour qu’ils se rapprochent de l’amitié. Seulement, il n’était pas encore habitué. Il savait que si ça venait à se savoir, qu’ils se voyaient en dehors de l’école, ça allait faire jazzer, mais surtout, que l’irlandais, le mari de la jeune femme, risquait encore de venir le voir pour en arriver aux mains et cette fois-ci, il était même capable de l’envoyer à l’hôpital directement. Non pas qu’il avait peur d’Edward, il avait tellement eu l’habitude d’être frappé petit, que ça ne le dérangeait plus. Seulement, il préfèrerait éviter ce genre d’évènement fâcheux. Buvant une gorgée de son breuvage, il regarda alors sa partenaire.

Tu voulais me voir et me voilà.

Il esquissa un sourire et regarda la jeune femme. Il ne savait absolument pas pourquoi elle lui avait demandé de venir et il devait avouer que le silence n’était pas quelque chose qu’il appréciait énormément. A vrai dire, il savait qu’il devait lui parler de l’album, mais il ne savait pas encore comment. Autant d’abord savoir si elle comptait lui parler du pseudo dossier de Doyen, ou si elle voulait parler d’autre choses, le tout étant qu’elle n’ait pas demandé à Edward de venir, pour qu’ils fassent amis amis, parce que là il savait qu’il partirait directement en voyant l’irlandais arriver dans les lieux. Déjà qu’avec elle, il faisait des efforts, alors il ne fallait pas pousser si c’était pour lui. Il voulait bien travailler dans le même établissement, mais delà à devenir amis, il ne fallait pas pousser non plus. Surtout que la dernière fois le couple battait de l’aile et l’irlandais ne semblait pas apprécier le retour du français qui pourtant lui avait comprendre qu’il n’était pas là pour Maria, mais pour avoir un emploi. Il but une nouvelle gorgée de sa boisson, attendant que la jeune femme lui explique enfin ce qu’ils faisaient là.

ft. Maxence J. Delacre

Il n’était pas évident de faire face à un homme qu’on a détruit, mais lorsque celui-ci ne fait absolument aucun effort pour se montrer coopératif, cela se révélait encore plus difficile que prévu. Bien-sûr, le connaissant, Maria ne doutait pas un seul instant qu’il pensât faire des efforts présentement, mais s’il en faisait réellement, alors il lui aurait très certainement demandé ce qui n’allait pas. Peut-être ne cherchait-il pas à s’impliquer émotionnellement, peut-être ne le désirait-il tout bonnement pas. A vrai dire, Maria ne lui en tenait guère rigueur et au contraire, elle le comprenait presque. « Je suis désolée de t’avoir demandé de venir comme ça, à l’improviste mais…je ne savais pas vers qui me tourner. » N’étant pas idiote, Maria savait pertinemment qu’il n’était pas forcément la meilleure personne pour parler de ce dont elle voulait présentement lui parler. « Ça ne concerne absolument pas le travail. A vrai dire…c’est à propos de moi. » Il y avait certainement mille meilleures façons de démarrer une conversation difficile, mais la brunette n’avait jamais été très douée à ce sujet. Ainsi, Maria essayait comme elle pouvait, même si cela n’était pas parfait.

« Je sais que tu m’en veux toujours énormément pour ce qu’il s’est passé entre nous et je le comprends tout à fait. Seulement, aujourd’hui j’avais simplement besoin d’une oreille attentive, et je sais que tu…enfin tu m’avais dit que si besoin… » Son comportement était égoïste, elle en avait malheureusement bien conscience, mais elle ne se voyait pas non plus agir autrement pour le moment. Elle aussi avait bien le droit à un peu de réconfort, même venant de la personne la plus improbable de tout son répertoire, sans doute. « J’ai quitté Edward. Enfin, non. En fait, il m’a quitté, mais c’est de ma faute. Ne me regarde pas comme cela, je sais que tu détestes que je parle de lui mais…s’il te plait. J’ai simplement besoin d’évacuer un peu, d’accord ? Je ne peux pas te dire pourquoi, mais je devais faire ce que j’ai fait à Edward. Je le devais. Enfin, c’est ce dont j’essaie de me convaincre. Il fallait que je l’éloigne le plus possible de moi tant qu’il en était encore temps. » Après tout, c’était l’exemple parfait encore Maxence et elle. Maria l’avait blessé, il était parti voulant l’oublier. Et il avait réussi. Alors, idiotement elle avait pensé user de la même manière avec Edward…

Revoir des ex n’était pas dans les habitudes de Maxence. Evidemment, il pouvait faire des efforts, mais ça restait encore dur pour lui. Avec la mère de Maxwell les choses se tassaient, mais ça faisait quand même plus de vingt quatre ans que cela avait eu lieu. Alors pour faire face à Maria, ça risquait d’être aussi long. En tout cas, il se demandait pourquoi il était là aujourd’hui. Est-ce que ça avait un rapport avec le Doyen et son dossier sur lui ou alors sur quelque chose en rapport avec son travail d’enseignant ? Ca, il n’en avait pas la moindre idée pour le moment et du coup, il attendit de savoir ce que son interlocutrice lui voulait. Elle n’avait pas encore parlé, du coup il ne savait absolument pas pourquoi ils devaient être là. Buvant de sa boisson, il l’entendit alors reprendre la parole. Bon au moins, elle semblait bien lui dire la raison de sa convocation. Elle s’excusait ? Pourquoi ? Ca semblait vraiment sérieux, du coup, il fronça les sourcils, se demandant de quoi elle pouvait bien avoir besoin de parler. L’entendant ajouter qu’il s’agissait d’elle, il haussa les sourcils et hocha simplement la tête. D’accord, il était près à écouter … ou pas. En effet en entendant le nom de l’irlandais, il se crispa et sera les dents, mais il écouta tout de même. Soupirant, il leva les yeux.

Non seulement tu veux me parler de lui, mais en plus tu ne veux pas me dire pourquoi ? A quoi ça sert que je sois là alors ?

Haussant les épaules, il regarda la jeune femme. En quoi ça le concernait, mais surtout pourquoi ne pas tout lui dire comme ça au moins, elle pourrait sans doute avancer.

Temps de quoi Maria ? C’est à cause de ses problèmes cardiaques ?

Il était au courant de cette histoire. Il savait que l’irlandais pouvait mourir à tout instant, seulement il semblait aller bien, du coup il ne voyait pas pourquoi elle l’avait repoussé. Seulement plus il parlait et plus il sentait qu’il n’était pas tendre avec elle, mais Ed et lui n’étaient pas du tout en bon termes et il ne voyait pas pourquoi il mâcherait ses mots.

ft. Maxence J. Delacre

« Non seulement tu veux me parler de lui, mais en plus tu ne veux pas me dire pourquoi ? A quoi ça sert que je sois là alors ? » Si elle ne s’était pas retenue, Maria se serait bien volontiers cogner la paume de sa main gauche contre son front, tant l’homme face à elle se refusait à comprendre que tout ne pouvait pas forcément être dit, même dans des situations comme celle-ci. Maria aurait peut-être dû songer à lui expliquer le pourquoi du comment, seulement si elle ne l’avait pas fait avec Edward, ça n’était certainement pas pour tout balancer comme cela à son ex. Elle avait un minimum de respect envers son mari malgré ce qu’elle lui faisait présentement vivre, Maria en avait bien conscience. « Temps de quoi Maria ? C’est à cause de ses problèmes cardiaques ? » D’accord, cette fois-ci ça devenait carrément difficile de se taire. Après tout, Maria avait demandé à Maxence de bien vouloir la rejoindre ici, et ça n’était certainement pas pour garder le silence pendant toute la durée de leur ‘entretien’. Mais cela ne l’empêchait pas de vouloir garder le silence quant aux raisons qui l’avaient conduite à agir comme elle avait décidé de le faire envers le seul homme qu’elle puisse aimer aujourd’hui. « Non, non. Il va bien. Enfin, bien…il n’est pas mourant. Ecoute, je voulais en parler mais je me rends compte que ça ne serait pas correct, j’ai déconné et c’est à moi de prendre sur moi-même justement. Je n’aurai pas dû t’ennuyer avec tout cela, je me rends compte que c’était tout à fait déplacé de ma part après tout ce que j’ai pu te faire subir dans le passé. » Le pire dans tout cela, c’est que si c’était Edward qui n’allait pas bien, alors les choses seraient presque plus évidentes, plus simples à gérer. Oui, presque. Mais il n’en était strictement rien. Rien du tout, même.

« Il va très bien de ce côté-là et moi je pars complètement en vrille. Entre les enfants et le travail je ne sais plus où donner de la tête et j’ai l’impression que je vais devenir folle, mais finalement je n’ai pas trop à me plaindre, je suppose. Je l’ai choisi. » Ah ça. Il était clair, net et précis que si Maria se retrouvait dans cette situation présentement, ça n’était que par sa faute et non celle des autres, encore moins celle de son époux d’ailleurs.

La brunette restait silencieuse quand aux raisons qui la poussait à éloigner Edward d’elle. Seulement le français ne pouvait pas l’aider en quoi que ce soit si elle restait muette. Il n’était pas télépathe, ni devin, donc elle allait devoir dire au moins « en gros » ce qui se passait pour qu’il ait une petite idée. Il parla des problèmes cardiaques de l’irlandais. C’était peut-être cela qui posait problème après tout. Mais aux propos de la jeune femme, ça ne l’était pas. Soupirant, il prit une gorgée de sa boisson, mais resta silencieux. Tant qu’il n’aurait pas un minimum d’indice, il ne pourrait pas faire grand-chose et encore moins parler.

Alors prends du recul.

Haussant les épaules, elle ne laissait rien filtrer. Elle ne voulait vraiment pas lui dire clairement les choses. Elle lui avait brisé le cœur, alors ce qu’elle faisait à Ed ne pouvait pas être pire que ça. En tout cas c’était ce qu’il pensait et il n’était pas là pour la juger. Seulement, comme elle ne voulait pas parler des véritables raisons de ses problèmes, il la fixa quelques minutes.

Tu devrais mettre tes enfants chez des amis et prendre du temps rien que pour toi. Pars quelques jours en vacances ou dans ta famille ou pars avec des amies.

Ca ne pourrait sans doute pas lui faire de mal. Ca lui permettrait de se ressourcer et de faire le point.

Maria, tu es une femme censée et adulte. Seulement, si tu te retrouves dépassée par les évènements, pars. Laisse les autres tomber un peu et penses à toi. Fais en sorte d’être seule un temps pour faire le point. Ca ne pourra pas te faire de mal.

Il haussa à nouveau les épaules, lui faisant comprendre que de temps en temps, ça faisait du bien de lâcher prise et de simplement aller loin de notre vie quotidienne pour pouvoir décompresser et penser uniquement à soit.

ft. Maxence J. Delacre

« Tu devrais mettre tes enfants chez des amis et prendre du temps rien que pour toi. Pars quelques jours en vacances ou dans ta famille ou pars avec des amies. » L’idée que venait de lui proposer Maxence avait tout son sens, mais était cependant impossible à réaliser. Elle ne pouvait pas tout quitter du jour au lendemain comme elle le voulait. Il se trouvait qu’elle eut des responsabilités qui lui menaient tout simplement la vie dure, ainsi il lui était tout bonnement impossible de dire « Salut, je pars ! » à qui voudrait l’entendre, tout cela parce qu’elle se sentirait légèrement dépassée par une situation. Tout le monde n’agissait pas forcément comme cela. Fuir n’avait rien d’évident pour Maria qui se refusait donc à le faire. « Ce n’est pas aussi facile que ça, Maxence. Je ne peux pas simplement partir et laisser tous mes problèmes derrière moi pendant un certain laps de temps. Ils seront toujours là mon retour, de toute manière. Je sais que je dois faire face, mais je suis juste épuisée. Excuse-moi de t’ennuyer avec tout cela, tout en sachant que je ne peux t’en dire plus, qui plus est. C’était égoïste de ma part de te demander de venir pour te déballer mes soucis. »

Changer de sujet, passer à autre chose. C’était encore ce qu’elle avait de mieux à faire présentement. Bien qu’elle eut envie de tout raconter à Maxence, Maria se refusait tout simplement à le faire, en respect à Edward qui ne connaissait lui-même pas les vraies raisons du comportement de la brunette de ces dernières semaines. « Parlons d’autre chose, veux-tu. J’ai entendu dire que tu étais devenu un homme pas mal occupé ces temps-ci. » Un petit sourire en coin, se voulant rassurant, bien que non assuré, Maria regarda l’homme assit face à elle, avec sa boisson, et attendit tout simplement qu’il veuille bien changer de sujet. Il fallait avouer qu’elle ne se sentait plus vraiment capable de parler d’elle à cet instant. Elle avait simplement besoin de parler d’autre chose, de changer de sujet, de se changer les idées également.