Noah & Alex

ENVIRON UNE SEMAINE PLUS TÔT ...

Noah aurait souhaité ne jamais vivre cet enfer. Il ne le souhaiterait à personne. Du haut de ses 34 ans, notre blondinet n'en était pas moins un homme à part. Rêveur, fragile, altruiste. De ceux que l'on rencontre peu et que certains surnomment, les artistes. Oui, il était un artiste parce qu'il écrivait, parce qu'il peignait, parce qu'il grattait. Il avait cette faiblesse de croire que tous les hommes ont le droit à une seconde chance, que le monde peut changer. Sauf que ce jour-là, loin du regard des curieux, il avait pris conscience que certaines âmes ne seraient jamais sauvées, à moins d'un miracle.

Il allait quitter l'université. Il n'était pas tard, tout juste midi. La plupart des étudiants et des professeurs étaient d'ailleurs allés se restaurer chez eux ou au restaurant universitaire. Lui avait d'abord fait un détour aux toilettes, histoire de se laver les mains, une habitude que bien du monde avait tendance à trop négliger. Il aurait sans doute suivi leur trace s'il avait su ce qui se passerait ce jour-là.

Le robinet coulait encore lorsque la porte s'ouvrit à nouveau sur ses pas. Un jeune homme, étudiant comme lui sûrement l'observait...le fixait même, avec cette insistance effrayante, morbide. Il sentait que quelque chose n'allait pas. Le dévisageant à son tour à travers le miroir, un sourire s'installa sur ses lèvres. Il n'avait jamais été très méfiant, tout juste surpris en cet instant.

« Est-ce que ça va ? Je peux vous aider ? »

Des mots qu'il regretta aussitôt. L'étudiant s'était brusquement approché. Trop près. Son regard ne l'avait toujours pas quitté. Il ne comprit hélas que trop tard ce qui l'avait attiré ici.

... AFFAIRE À SUIVRE.

Noah n'avait jamais aimé le sport. Non, correction : c'était les sports collectifs qu'il avait en horreur. Notamment les activités qu'il jugeait trop violente. Le handball, le basket, le rugby ou le football étaient regroupés dans une catégorie qu'il aimait à nommer : cauchemars sportifs. D'un autre côté, l'écrivain appréciait les randonnées de haute montagne, l'escalade, la course à la limite mais surtout, la natation. Se laisser submerger par l'eau froide d'un lac, combien de fois l'avait-il fait dans sa prime jeunesse, à Hampshire, en Angleterre ? Un passé, des souvenirs qui lui manquaient terriblement. Alors vous pensez bien que lorsque notre blondinet avait appris qu'il y avait ici une piscine universitaire, il s'était promis d'aller vérifier par lui-même.

22h00. La plupart des étudiants étaient déjà rentrés chez eux. Seuls les sportifs aguerris, ceux qui faisaient partie des clubs de la faculté devaient être en entraînement dans le gymnase ou sur le terrain. Qu'importe, ils ne viendraient pas le déranger avant des heures.

22h20. Vêtu d'un maillot blanc, semblable à un boxer puisque malheureusement, l'on ne pouvait plonger avec un short de bain – détail qui a son importance quand on connait la pudeur légendaire de Noah – l'homme fit quelques brasses, appréciant le contact de l'eau sur sa peau nue, fermant même les yeux en se laissant porter par le courant, dos sur l'eau, jusqu'à ce qu'une voix ne le tire de sa rêverie. Pitié, non. NON. Ce ne peut être ...

Alex & Noah

ENVIRON UNE SEMAINE PLUS TÔT ...

L'étudiant ne lui avait pas encore répondu, se contentant de le fixer avec ce rictus mauvais sur les lèvres, de quoi le faire frissonner à travers le miroir. Noah n'avait pas vraiment l'occasion de rencontrer ce type de personnes, celles qui le regardaient comme le faisait ce jeune homme actuellement, et pourtant, il pouvait sentir ses mauvaises intentions là où était. Immobile, surpris, il vit la porte se refermer sur ses pas. Etre verrouillée même. Qu'avait-il en tête pour qu'ils ne puissent être dérangés ?

Alors qu'il s'apprêtait à le lui demander, l'asiatique s'était d'ores et déjà rapproché, l'obligeant à son tour à reculer jusqu'aux murs glacés des toilettes. Son regard ne le quittait pas, cherchait à comprendre ce qui n'allait pas. Ce qui se passait alors. Son sourire avait disparu, seul un froncement de sourcils significatif avait pris place sur ses traits.

« Qu'est-ce que vous faîtes ? »

Murmura Noah dans un souffle alors qu'il n'avait plus aucune porte de sortie. A moins biensûr qu'il ne soit plus rapide. Etrangement, il avait préféré chasser cette idée folle de la tête. Quelque chose lui disait qu'il ne valait mieux pas contrarier cet énigmatique individu.

... AFFAIRE À SUIVRE.

C'était bien lui. Alexander. Ils avaient fait connaissance il y avait environ une semaine de cela. 'Connaissance' étant un bien grand mot pour juger ce qu'avait dû subir le pauvre écrivain. Quoiqu'il en soit, les mâchoires contractées, le regard soudainement devenu aussi noirs que le sien, il s'arrêta à un mètre du bord, près du transat sur lequel se trouvait l'asiatique. Tant qu'il resterait dans l'eau, il n'avait rien à craindre, n'est-ce pas ?

« Non, elle est ouverte. Si on a un pass. »

Sous-entendu : lui en avait un. Seuls ceux qui avaient pris l'habitude de pratiquer une activité à des horaires régulières pouvaient se permettre ce privilège. Mais lui, comment était-il entré ? Sans doute que le gardien de nuit était allé faire sa ronde. Il avait bien choisi son moment.

« Qu'est-ce que tu fais ici, Alexander ? »

Non, il ne flancherait pas. Malgré ce qu'il avait enduré la fois dernière, Noah ne se laisserait pas intimider par ce gamin. Même si, au vu de son caractère altruiste et de sa douceur légendaire, ses défenses étaient bien faibles en comparaison.

« Va t-en. Tu n'as rien à faire ici. »

L'interrompit aussitôt le britannique en nageant jusqu'à l'autre bout de la piscine, comme pour échapper à ce regard persistant qui ne l'avait pas lâché depuis qu'il était entré et l'avait toujours mis mal à l'aise.

Alex & Noah

ENVIRON UNE SEMAINE PLUS TÔT ...

Une fois plaqué contre le mur, et dans l’impossibilité de bouger, Noah détourna les yeux de l’étudiant. Quoique très naïf en général, il n’en était pas moins stupide au point de ne pas avoir compris le manège auquel se prêtait l’asiatique. A moins qu’il ne s’agisse que d’une façon de l’effrayer. Dans tous les cas, il était doué. Noah n’avait jamais cherché les ennuis. C’était généralement les ennuis qui venaient à lui. Et ce jour-là, dans ses toilettes verrouillées par les soins de cet inconnu, le british se demandait clairement s’il allait en ressortir indemne.

Alexander le dépassait d’une bonne tête. Quoique plus fin au niveau des traits et de sa taille, - les asiatiques étaient considérés comme les plus tenues de par le monde – Noah n’en voyait pas moins des muscles clairement dessinés sous ses vêtements. Signe qu’il ne faisait pas le poids. D’autant plus que ce dernier devait maîtriser l’art du combat. Telle était bien la légende au sujet des habitants de ce continent, n’est-ce pas ?

Jouant dans ses boucles blondes, Noah gardait le silence, mâchoires et poings serrés, parfaite attitude de l’homme soumis. Ou, dans son cas, tétanisé. Mais il n’avait pas dit son dernier mot. L’écrivain avait beau être doux comme un agneau, il n’en restait pas moins un homme. Et il ne se laisserait pas faire. L’écoutant à moitié, cherchant avant tout une issue de secours, le blondinet avala sa salive de travers lorsqu’il entendit le mot ‘jouet’ s’échapper de ses lèvres. Attendez, un jouet pour …quoi, au juste ? L’asiatique venait de caresser sa joue devenue aussi pâle que le reste de son corps. Maintenant, c’était clair.

« Je ne suis pas un jouet. Et encore moins le vôtre. »

Souffla Noah en fronçant les sourcils et plongeant son regard azur dans le sien. Le laissant le jauger comme un vulgaire objet sexuel – ce qu’il avait l’intention d’en faire, s’il avait bien compris – ses lèvres s’entrouvrirent pour former un « o » muet à sa dernière réplique.

« Quelles choses ? Je ne vois pas de quoi vous ... »

Il le connaissait. La belle affaire. Noah était un écrivain de renommée mondiale, bien qu’il soit moins connu aux Etats-Unis, ayant percé sous le ciel européen à la base. Alexander avait sans doute lu un article sur son compte, et alors ? Cela ne voulait pas dire qu’il le « connaissait ».

... AFFAIRE À SUIVRE.

Alexander se trompait sur son compte. Une erreur terrible qui aurait tôt fait de porter préjudice à l’écrivain. A moins qu’il ne s’agissait que d’une volonté délibérée de satisfaire ses propres envies. Non, Noah n’était pas gay. Ni bisexuel d’ailleurs. Il n’avait jamais aimé les hommes. Même s’il devait admettre que beaucoup de personnes, sans le connaître, jugeait à tort qu’il en faisait partie, se fondant uniquement sur sa personnalité avenante, son charisme certain, et la douceur dont il faisait preuve au quotidien. Quelle idiotie ! Alors comme ça on ne pouvait même plus être altruiste sans passer pour un homosexuel ? Le monde est navrant.

Atterré de constater qu’Alexander avait lui aussi obtenu un pass, et même plusieurs, Noah déglutit, tentant de ne pas perdre définitivement son sang-froid. Sans écouter un mot de plus, l’écrivain s’était alors éloigné du bord, là où se trouvait l’asiatique, évitant soigneusement de songer à ce qu’il venait de dire quelques secondes plus tôt. Non, il n’oserait tout de même pas …

Un bruit de jet d’eau attira son attention derrière lui. En se retournant, il constata avec panique qu’Alexander venait de plonger. Sentant déjà sa respiration devenir irrégulière, Noah nagea plus vite vers l’autre bord, espérant vainement qu’il y parviendrait avant lui.