❥ so you say you can dance?

MAXWELL, ALAINA

Beaucoup voient en leur occupation préférée une échappatoire à leurs soucis quotidiens. Pour Alaina, c’était la danse. Certes, on ne pouvait réellement parler d’occupation préférée dans ce cas précis car la jeune femme exécrait bien malgré elle cette discipline à laquelle elle s’adonnait depuis plus de quinze ans. Ce n’était pas tant le sport en lui-même auquel elle avait des reproches à adresser, mais plutôt la manière dont elle avait été contrainte de le pratiquer, forcée par ses grands-parents à continuer la danse classique et le ballet même lorsqu’elle en avait marre et voulait passer à quelque chose de plus moderne. Résultat, la jeune rousse évoluait avec une grâce de cygne et était l’élégance incarnée dès lors qu’elle enfilait sa tenue de danse, mais le cœur n’y était pas, tant elle avait été dégoûtée. Pourtant, dans les moments de tension intense, danser était comme une solution logique, un moyen évident pour évacuer toute la colère et la frustration qu’Alaina avait facilement tendance à accumuler, étant du genre colérique et possédant un sang chaud qui lui avait valu des tonnes d’ennuis, car Alaina ne manquait jamais de réagir au quart de tour. À chaque fois qu’elle finissait par laisser le dernier mot aux autres, la jeune femme sentait une dose de frustration l’étouffer et avait trouvé la danse comme meilleur moyen pour évacuer tous ses soucis. Elle pouvait y passer des heures, mouvant inlassablement dans un des grands studios à disposition des étudiants sur le campus. Lanie avait l’habitude d’être seule et pour tout dire, c’était bien mieux ainsi, car la demoiselle ne raffolait pas de la compagnie d’autres personnes avec qui elle n’avait pas forcément d’affinités, et qui ne verraient rien de mieux à faire que de l’interrompre et de l’interpeller pour la féliciter sur ses qualités de danseuses – car c’est vrai qu’avec toute l’expérience qu’avait acquise Alaina, celle-ci avait atteint un niveau assez rare pour une amatrice. Sa mère aurait sûrement voulu qu’elle devienne ballerine, et d’ailleurs, cela avait été le rêve d’Alaina lorsqu’elle n’était pas plus haute que trois pommes et qu’elle avait reçu sa première paire de pointes. Maintenant, elle avait bien changé et avait rangé ses rêves dans un placard fermé à double tour, préférant profiter des quelques moments de paix et de sérénité qu’elle pouvait parfois trouver lorsqu’elle daignait mettre ses nerfs à vif de côté. Et c’était ce qu’elle faisait à chaque fois qu’elle dansait. Oublier, l’espace de quelques instants, le temps de reprendre son souffle et de remettre ses idées en place avant d’affronter à nouveau ce monde frustrant et injuste dans lequel elle peinait parfois à évoluer sans vouloir se frapper la tête contre le mur.

Aujourd’hui, la cause de ce désir de cogner tout ce qui bougeait était un certain Iota, répondant au prénom de Matthias. Au début, Alaina avait cru qu’il était tout ce qu’il y avait de plus charmant, grand, élancé, beau, souriant, blond aux yeux bleus, avec une voix douce et charmeuse et un air réservé sans être froid qui avait tout de suite su percer la garde d’Alaina. Mais cette lune de miel fut de très courte durée car Matthias, qui était censé collaborer avec elle dans le cadre d’un projet pour leur cours de psychologie, n’en faisait qu’à sa tête et ça, à tel point qu’ils avaient fini par se disputer à grands renforts de sarcasmes et de remarques bien basses, au beau milieu de la bibliothèque universitaire dont ils avaient fini par se faire expulser, jugés trop bruyants par la bibliothécaire et par tous les étudiants présents dans les alentours. Cela faisait longtemps qu’Alaina n’avavit pas été aussi furieuse, outrée que Matthias refuse de voir ses torts et qu’en plus de cela, il ait retourné la situation afin de faire passer Alaina pour la coupable et la plus insupportable des deux, alors que c’était lui qui ne faisait que ralentir leur travail depuis le début. Outrée, elle avait fini par mettre fin à la conversation en le plantant là – ou était-ce l’inverse ? Alaina n’en avait plus la moindre idée et à vrai dire, peu lui importait. Tout ce qu’elle voulait , c’était oublier cet imbécile, et vite. La simple évocation de son visage mettait Alaina dans une colère sans pareille et elle ne désirait pas laisser ce crétin arrogant gâcher le reste de sa journée. Alors, Alaina avait aussitôt pris la direction de son sanctuaire bien à elle, s’était rendue dans les vestiaires pour se changer en vitesse et s’apprêta à entrer dans le studio qu’elle s’apprêtait à voir vide… À la différence près qu’il ne l’était pas. Stupéfaite, Alaina, toujours tapie dans l’ombre de l’entrée de la pièce, vit bouger sous ses yeux un jeune homme de toute évidence tout aussi doué qu’elle, si pas plus. Un léger sourire aux lèvres, elle le regarda faire sans prononcer le moindre commentaire. Mais au bout de quelques minutes, elle n’y tint plus et décida de faire son entrée – exactement au moment où la chanson sur laquelle bougeait l’inconnu touchait à sa fin. Alaina devina que c’était la dernière pour le moment, car déjà, les mouvements de l’individu ralentissaient – ou était-ce parce qu’il l’avait repérée en train de l’observer au beau milieu de ses exercices ?