Il l’aimait. C’était la dernière chose qu’il avait dit avant de sombrer dans l’inconscience. D’abord paniquée par ce qu’il lui arrivait, elle avait néanmoins réussit à rassembler ses esprits et le conduire à l’hôpital. Dom avait été pris en charge dès son arrivée et ses jours n’avaient plus été en dangers. Malheureusement, la brunette avait ressentit ce besoin de prendre ses distances, de penser à elle avant tout. Elle l’avait donc laissé aux bons soins de sa meilleure amie Aislynn, une jeune femme vraiment adorable. Tout ce qu’elle avait réussit à faire était de compliquer encore plus la situation, enceinte d’un homme, marié à un autre et aucune idée de comment régler ce problème. En avait-elle seulement l’envie ? Dominic lui manquait plus qu’elle ne le laissait paraître mais, la légèreté d’Andrea était plus tentante. Avec l’un, elle pensait à l’avenir tandis qu’avec l’autre, elle vivait son présent ce qui n’était pas plus mal. Indécise. Perdue. Elle devait parler à quelqu’un et au plus vite avant que cela ne l’affecte encore plus, elle n’avait pas le droit à l’erreur, son état de santé ne le lui permettait pas. Elle se devait de régler le problème des deux Epsilon une bonne fois pour toute avant qu’elle ne soit la seule et l’unique perdante et dans tous les sens du terme. Préférant laisser sa voiture, la jolie grecque avait décidé de marcher, cela ne lui ferait que du bien ou du moins, elle l’espérait. Rendre visite à son psy n’était pas pour lui déplaire, cet homme l’avait aidé à surmonter bien des problèmes par le passé. Elle qui, en temps normal, détestait cette discipline et tout ce que cela évoquait. Ils n’étaient bons qu’à vous soutirer des sous sans pour autant vous aider. Sa vision avait changé du tout au tout lorsqu’elle-même en avait eu besoin. Bien que réticente à parler à ce parfait inconnu qui ne la connaissait pas et qui ne comprenait surement pas par quoi elle passait, elle avait finit par lui parler, lui ouvrant son cœur et lui permettant par la même occasion de se libérer d’un poids bien trop lourd pour ses épaules. Aujourd’hui encore, la jeune femme se rend chez lui lorsque cela devient nécessaire même si certains se plaisent à penser que cela reste une perte de temps. Marchant le long des rues de San Francisco comme par automatisme vers une destination qu’elle ne fréquentait que trop, la jolie grecque repensait à sa rencontre d’il y a quelques temps avec une brunette qui l’avait marqué. Cette rencontre ne la laissait pas indifférente, elle ne savait comment expliquer ce sentiment qui la rongeait depuis ce jour là mais, le fait que tout son être lui crier qu’il y avait anguille sous roche. Seulement, elle ne pouvait rien lui reprocher, la jeune femme avait été polie et aimable mais, cela ne l’empêchait pas de se poser des questions. Ses pas la guidèrent sans même qu’elle ne s’en rende compte vers la rue où se trouvait le cabinet de son psy. Plongée dans ses pensées, elle n’avait pas remarqué cette présence derrière elle qui la suivait depuis un bout de temps, en même temps, la présence de l’agent Andrews dans les parages avait tendance à lui faire oublier toute vigilance. Elle préférait lui laisser cette tâche surtout en ce moment, se stresser pour un rien n’était pas conseillé pour une femme enceinte en temps normal alors quand celle-ci souffrait d’une insuffisance cardiaque, cela n’arrangeait rien. Ce n’est qu’en entendant cette voix qu’elle avait déjà entendu auparavant qu’elle se retourna, observant un spectacle qu’elle n’aurait jamais cru voir un jour.

« Agent Andrews, pourquoi la suiviez-vous ? » La voix de l’agent était sans appel. Il était préférable pour la Gamma de trouver une réponse en béton si elle voulait qu’il la laisse tranquille.

Andrews était très protecteur avec la Sigma, encore plus maintenant que le père de la jeune fille était sortit de prison et qu’il essayait par tous les moyens de la retrouver. Qui plus est, perdre le seul témoin pouvant le renvoyer directement et pour un sacré bout de temps en prison n’était guère envisageable, ni pour lui, ni pour ses supérieurs. Ne pouvant détacher son regard de celui de la brunette, elle resta silencieuse quelques minutes, le temps pour elle de comprendre ce qu’il se passait.

« Amy ? Que fais-tu ici ? »

"Si j'étais vous, j'éviterais de faire de l'humour dans ce genre de situation, Mademoiselle!" Siffla-t-il tout en la retenant plaqué contre la voiture. Esmeralda regarda la scène d'un air dubitatif, bien qu’elle avait apprécié de discuter avec Amy lors de leur rencontre, elle n’appréciait pas le fait que la Gamma la suive de la sorte. Ses explications ne la rassurèrent aucunement quand aux intentions de la brunette, la mettant encore plus mal à l’aise. L’agent Andrews semblait être du même avis, n’appréciant pas plus que ça la réponse d’Amy. Esme se posa encore plus de questions à son sujet. Que voulait-elle réellement ?

« Tu aurais pu venir me voir à Berkeley, pas me suivre de la sorte ! »

Le ton dur qu’avait employé la Sigma ne laissait pas de place à une mauvaise réponse. Elle voulait savoir ce qui la poussait à agir ainsi, ce qui lui avait traversé l’esprit pour la suivre. Ces derniers temps n’étaient pas des plus rassurant pour elle, elle craignait toujours que son père ou l’un de ses hommes fasse son apparition dans sa vie. La fusillade avait elle aussi laissait un mauvais souvenir à la jolie grecque, la peur de ne plus revoir ceux qu’on aime, la perte d’êtres chers à nos cœurs et des souvenirs qui remontaient à la surface, faisant plus de mal que de bien. Et tandis qu’elle se remémorait tout ce qu’il s’était passé depuis cette soirée de bal, les mots d’Amy résonnèrent dans son esprit. Elle resta un instant silencieuse, le regard fixé sur la jeune femme qui venait de prononcer ces quelques mots mais, pas des moindres. Elle se retourna pour croiser le regard de l’agent Andrews, ils pensaient à la même chose et cela ne présageait rien de bon.

« Je doute que tu aies entendu telle conversation de ma part… » Commença-t-elle avant de s’approcher d’elle pour comprendre le fin mot de l’histoire. « Je te conseille de nous dire la vérité et au plus vite si tu ne veux pas avoir des problèmes… » Continua-t-elle en jetant un regard appuyé à Andrews. Cet homme avait tous les droits de faire ce que bon lui semblait si cela s’avérait nécessaire pour la protection de la jeune femme et cette dernière voulait que la Gamma le comprenne. Peut-être que enfin, elle pourrait avoir des réponses à ses interrogations. Même si elle ne laissait rien paraitre, cette situation l’effrayait bien. Qui était réellement Amy ? Que lui voulait-elle précisément ? Et pourquoi elle ? Tant de questions et aucune réponse, elle chercha un peu de réconfort dans les yeux de l’agent du FBI. Depuis le temps qu’ils se connaissaient, il savait lire en elle comme dans un livre ouvert, il savait apaiser ses peurs et elle en avait besoin à cet instant précis. « J’aimerais savoir une chose Amy, notre rencontre…Ce n’était pas le fruit du hasard, n’est-ce pas ?! » Elle avait eu un genre de pressentiment à leur première rencontre, un sentiment qu’elle n’arrivait pas à expliquer à l’époque mais, aujourd’hui, dans cette rue, cela ne semblait pas si absurde.

C’était sincèrement pas de chance. D’une part, elle devait aborder une fille qui fréquentait des agents du FBI et d’autre part, elle avait une jumelle sorcière dotée d’un sixième sens. Le comble de l’horreur la poussait à se retrouver le bras presque tordu par une brute épaisse et le torse coincé contre un capot de bagnole. Dansons mes petits agneaux, dansons. Elle eut un rire à la réplique de l’agent. Si lui il avait tout un tas de dons miraculeux et surtout une arme à feu, elle, elle avait un cadeau du ciel bien plus grand : l’humour. Merci Seigneur, elle avait au moins eut le droit d’être desservie dans ce partage injuste de mère nature. Elle ne le prenait pas au sérieux. Ni lui, ni Esmée, ni personne en faite. Elle passait son temps à vadrouiller. Elle avait vécu la plus grande partie de sa vie à frapper, à rencontrer des poings, des pieds, des fronts ou des bagnoles et trottoirs. Parfois il arrivait même qu’elle parvienne à lutter assez fort pour que l’adversaire soit obligé de la plaquer au sol avec un genou dans le dos.

Tout ce qu’elle voulait c’était voir sa mère biologique. Et elle ne laisserait personne l’en empêcher, pas même un agent du FBI. Depuis qu’elle avait apprit son adoption, elle avait rêvé de ce moment ou elle pourrait avoir l’air humaine dans les yeux de quelqu’un. Elle le savait, si elle rencontrait sa mère, cette dernière pourrait lui rendre le morceau d’elle qui lui manquait. Son âme agonisait et personne ne pouvait la réparer, pas même elle. Un monstre s’était faufilé dans sa vie au point de croquer un pan entier de son essence. Il n’y avait qu’une mère pour réparer ce genre de maux. C’était évident qu’elles étaient toujours connectées. C’était sûr qu’elle, elle la reconnaitrait. C’était sa mère. Elle l’avait portée, mise au monde et elle espérait qu’au moins une fois, elle avait serré le bébé qu’elle était dans ses bras. Esmèe n’était qu’un obstacle de plus. Amy la boufferait comme pour le reste même si pour l’instant, elle ne pouvait rien y faire. Esmée avait plus d’un atout de son coté, un agent du FBI ne devait pas se promener là pour rien. On ne mobilisait pas un agent de la sorte. Pourquoi était il seul ? Etait il seul ? Si c’était le cas, alors il était réellement idiot. Si elle avait voulu tuer Esmée, elle aurait utilisée un appât, comme elle, pour la suivre dans la rue et attirer l’agent. Ensuite, une fois l’agent à découvert, elle aurait utilisée une arme à feu pour loger une balle en pleine tête de la cible avant de se retourner contre l’agent, puis contre l'apat. Elle était certaine qu’avec un bon tireur, ce serait parfaitement pensable.

« Et bien dommage pour moi, vous n’êtes pas à ma place. » Souffla Amy rageuse.

Le seul problème restait son ouïe. Les sons ne lui parvenaient pas ou dans une bulle épaisse comme si on avait plongé sa tête dans un bocal. C’était à peine si elle avait perçu la voix d’Andrew. Elle avait réussi à comprendre Esmèe en lisant sur ses lèvres mais une grande partie de son audition l’empêchait de suivre la conversation.

Cependant, il y avait d’autres choses plus amusantes telle qu’attirer l’attention. En pleine rue, les gens s’interrogeaient sur la scène, lançant des regards dans leur direction. Amy ne savait pas ou elle avait mit les pieds. C’était quoi Esmée ? Une espèce d’espionne ratée ? Qu’importe, Amy avait besoin des autres autour, d’avoir le plus de témoins possibles pour s’assurer qu’aucune maltraitance ne lui serait faite. Elle avait déjà vu plus d’un flic abuser de sa position. De son torse, elle secoua le capot de la bagnole, plissant le nez en sentant l’agent tordre un peu plus son bras. Bordel il allait le lui casser ou lui démettre l’épaule à force ! La voiture se mit alors à hurler, sifflant pour alerter tout le monde qu’on la malmenait sa carrosserie.

La situation n’était pas à son avantage mais elle avait au moins envie de pouvoir récupérer son bras en état et de ne pas se faire cogner dessus pour lui tirer les vers du nez. Le propriétaire de la voiture accourait pour sauver son bien gueulant d’une voix puissante.

« Hey ! Qu’est ce que vous foutez ? J’appelle les flics ! »

La plaque sous le nez de l’inconnu eu le mérite de le calmer alors qu’il ouvrait la voiture pour pousser cette dernière à se taire. Aussi intrigué et curieux qu’effrayé, l’homme resta malgré tout non loin, répétant qu’il fallait faire attention à sa voiture, son seul moyen d’aller travailler. Peu importe, le temps s’était écoulé et Amy ne comprenait pas pourquoi l’agent l’interrogeait ici alors qu’il pourrait le faire tranquillement ailleurs, dans un coin plus paisible. Si Esmèe était si importante, pourquoi la laisser dans la rue avec une potentielle menace ? C’était à n’y rien comprendre.

« Je voulais voir ta mère. Seulement je n’arrivais pas à la trouver. J’ai des trucs importants à lui demander pour retrouver la mienne. »

S’était une belle façon de contourner le problème. Alors ? Ils avaient quoi à dire maintenant ? Pourquoi l’agent lui écrasait un peu plus la poitrine contre le capot ? Elle avait encore fait une erreur de calcul ? Son regard remontait sur Esmée, plus particulièrement sur ses lèvres afin d'être certaine de ne pas rater un morceau de sa réponse. Certes, c'était une façon détournée d'arriver à la vérité, de tâter le terrain. Mais peut être qu'ainsi, elle aurait le droit de lui rendre une petite visite, même deux minutes, ou juste une. Juste pour la voir.

« C'est très important. Pas longtemps, cinq minutes même deux ou une. Je vais pas la manger. L'autre ours n'a qu'à venir s'il veut. Je suis pas armée de toute façon. C'est le seule moyen que j'ai pour la retrouver... S'il te plait. »

Elle sentait que des données lui manquaient. L'ombre recouvrait lentement son cœur, restreignant l'accès à tout espoir. Elle doutait. Allait elle pouvoir la voir? Elle était fatiguée de lutter, à croire que tout le monde se dressait pour l'empêcher de récupérer la pièce manquante aux rouages de ses sentiments. La machine faiblissait, rouillée de trop larmes passées. Le trou noir dévorait sa poitrine ouvrant un gouffre béant, la poussant à des extrêmes qu'elle n'aurait jamais cru possible. Dire "s'il te plait", demander poliment et gentiment ne faisait pas parti des coutumes de la brunette. Le regard planté sur Esmée, elle attendait, agacée!