Que venait-elle diable faire ici ? Pourquoi s’obstinait-elle à vouloir le revoir et lui parler ? Ah oui, elle s’en souvenait. Ils devaient parler une bonne fois pour toute, régler leurs problèmes et voir ce que cela donnerait par la suite. La partie n’était pas gagnée. Et c’était encore à elle de faire le premier pas et surement le dernier. Pas la peine de penser à une prochaine fois, la jolie grecque offrait sa dernière chance à l’Epsilon, dernière chance de recoller les morceaux et s’il ne faisait rien pour que ça marche, elle partirait sans se retourner. Quelle idée aussi avait-elle eu d’écouter Dylan et de suivre ses conseils ? Elle aurait pu continuer à vivre normalement, ne se souciant que de ce qu’elle allait faire de la soirée et de la journée qui suivrait, rien d’autre. Elle aurait pu continuer à aller voir Andrea et à passer un bon moment en sa présence avant de retourner chez elle ou tout simplement aller chez les Sigma ce qu’elle avait tendance à faire ces derniers temps, ce qui n’était pas plus mal. Le but de la manœuvre qui allait suivre ? Ah oui, éclaircir la situation avec le bel anglais avant que les choses n’enveniment.

Esmeralda s’était réveillée plus tard que d’habitude, sa maladie associée à la grossesse l’épuisait plus qu’elle ne l’aurait pensé, Victoire lui avait pourtant bien recommandé de se faire aider, une insuffisance cardiaque n’était pas à prendre à la légère. Elle se souvenait très bien de ce jour où elle lui avait annoncé sa maladie « reposez-vous ! » qu’elle lui avait conseillé. Ce à quoi la jeune femme avait acquiescé tout en sachant éperdument que cela relèverait du miracle. Non pas qu’elle se moquait de ce que le médecin disait ou qu’elle ne donnait aucune importance à ses conseils mais, déjà qu’elle arrivait tout juste à joindre les deux bouts, se reposer alors que maladie signifiait plus de charge à son compte n’était pas la meilleure solution si elle voulait garder son appartement et finir ses études tout en payant son traitement. Qui plus est, l’annonce de sa grossesse changeait à son tour la donne. Deux fois plus de boulot, deux fois plus de fatigue. Elle ne s’en plaignait pas mais voilà, son état laissait à désirer et si elle continuait de la sorte, c’était sur une table de morgue qu’elle risquait de se retrouver. La jolie brune avait ensuite rejoint la salle de bain pour prendre une bonne douche. Elle avait laissé couler l’eau chaude sur son corps tout en pensant à la meilleure façon d’annoncer à Dominic qu’il deviendra père dans près de cinq mois. Mauvaise idée que de penser à cela. Elle devait se ménager au lieu de broyer du noir. Elle avait ensuite pris son petit-déjeuner, assez copieux ce qui était tout à fait normal pour une femme enceinte. Déjà qu’en temps normal, elle était une gourmande dans l’âme. Se faisant, elle avait pris sa voiture pour rejoindre l’appartement de Dom et de Sydney car oui, ils vivaient ensemble. Ce ne serait peut-être pas plus mal.

Devant la porte de chez eux, la jeune femme prit une profonde respiration. Déjà dix minutes qu’elle était arrivée et à chaque fois qu’elle se décidait enfin à sonner à la porte, elle se ravisait la seconde d’après. Malheureusement, elle n’allait pas pouvoir jouer à ça pendant toute la journée, un voisin pourrait passer et la prendre pour une folle ou pire encore, appeler la police. Quoique la dernière option ne lui aurait pas déplut si Maya avait été là. Elle se souvenait encore de leur petit passage par la case prison avant de s’évader comme si elles avaient été des fugitives. Encore aujourd’hui, ce souvenir réussissait à lui arracher un sourire sincère. Le bon vieux temps quoi ! Se décidant enfin, elle toqua à la porte et attendit qu’on vienne lui ouvrir. « Salut ! Je viens voir Dom… » ‘Bonne entrée en matière, comme si elle allait croire que tu étais venue pour elle, ma pauvre Esme !’ , pensa-t-elle. La blondinette ouvrit la porte pour la laisser passer. Mauvaise idée, très très mauvaise idée. Venir en territoire ennemi et inconnu pour régler ses problèmes n’était pas la meilleure idée qu’elle avait eue. Le moment de vérité, on y était.

Journée de repos aujourd'hui pour Sydney. La semaine avait été plutôt riche en émotions... Depuis son triomphe à la Fashion Week de Barcelone, la belle avait déposé la première pierre de l'édifice qu'elle souhaitait consacrer à sa carrière de créatrice et styliste. Modeuse comme peu de femmes pouvaient se targuer de l'être, elle caressait enfin le doux espoir de vivre de sa passion et ne pas passer pour une banale accro au shopping. Ainsi, depuis ce coup d'éclat, elle était devenue la protégée et la découverte d'Anna Wintour, rédactrice en chef du magazine - ou Bible, selon les goûts - Vogue, de cette businesswoman et génie de la mode inégalée jusqu'ici. La Bêta jouissait de ce statut en ayant ainsi accès à de nombreuses célébrités qui commençaient tout doucement à lui passer commande pour des tenues. De gala, la majeure partie du temps, mais l'avantage étant que ces célébrités lui faisaient une excellente publicité, un bon moyen de financer ses études et d'enrichir son book de création tout en appliquant les cours qu'elle recevait à Berkeley. L'époque où elle se contentait de répondre au téléphone en tant que simple réceptionniste était bel et bien révolue.
Ajoutez à cette vie professionnelle et étudiante plutôt chargée la garde de son neveu adoptif, Max. Suite au récent drame familial qui avait mené à l'extinction définitive de la famille adoptive de Sydney, cette dernière avait pris sur elle de s'occuper du jeune garçon âgé de seulement 5 ans - bientôt 6, ne cessait-il de scander haut et fort - et l'héberger ici avec le feu vert de Dominic. Fort heureusement pour elle, Max n'avait rien d'un enfant capricieux, turbulent ou désagréable, c'était même tout l'inverse. Et surdoué, qui plus est, ce qui signifie qu'au niveau scolaire il ne rencontrerait sans doute jamais de grandes difficultés. Un petit garçon de son âge maîtrisant un nombre effrayant de langues étrangères ainsi que toute une batterie de matières réservées souvent à des personnes de dix ans ses aînés, on se figure que son avenir sera prometteur. Néanmoins, s'occuper d'un petit garçon, quel qu'il soit, reste un sacré investissement.

C'est pourquoi elle avait voulu profiter de cette journée pour respirer un peu. Max était chez Logan pour la journée, chose qui ne gênait ni le petit garçon ni celui qu'il considérait désormais comme un père de substitution, toutes ses créations étaient à jour et ses cours... eh bien ils reposaient tranquillement dans sa chambre pendant que la miss sirotait un petit cocktail de jus de fruits devant la télé, armée d'un chargement de sucreries en tous genres. Oui, c'était une entorse à son perpétuel régime drastique, mais elle faisait du sport pour compenser. Quant à Dominic, lui, il était soit occupé dans sa chambre - seul, pour une fois - soit il y roupillait comme un bienheureux.
Scotchée devant un épisode de Desperate Housewives, la blondinette n'entendit pas tout de suite la sonnette de la villa retentir... ce n'est qu'au deuxième coup qu'elle réussit à arracher ses yeux de Susan Mayer et de Renée Perry pour s'intéresser à ce qu'il y avait autour d'elle. Pas de mouvement à l'étage de la part de son cher frère, c'était donc à elle de se déplacer... Ou d'ignorer avec superbe la personne qui voulait apparemment rentrer. Au terme d'une bonne minute d'hésitation, la fashionista se résigna à se lever et aller à la porte d'entrée.

En l'ouvrant, elle tomba sur Esmeralda. "Tiens, ma gitane préférée !" lança-t-elle joyeusement en regardant la présidente des Sigma. Comprenez par-là qu'il n'y avait rien de vexant, Sydney n'arrivait simplement pas à dissocier le prénom de la jeune femme de l'héroïne de Walt Disney. Du moins, quand on sait que le terme de gitan s'applique aussi à une personne au style vestimentaire douteux selon l'égyptienne, on peut parfois se poser des questions. Une chance, Esme' étudiait elle aussi dans son domaine de prédilection, raison de plus de l'apprécier autant sans parler de l'impact qu'elle avait sur Dominic. Cependant, lorsqu'elle lui fit savoir qu'elle venait voir l'Epsilon, la jolie blonde arqua un sourcil en déposant sa main sur sa hanche, l'air légèrement vexé. "Et depuis quand je ne suis pas assez fabuleuse pour qu'on vienne me rendre visite, hein ?" lâcha-t-elle du tac au tac. C'était typique de la Bêta, lâcher ce qu'elle a en tête avant de reconsidérer éventuellement ses paroles. Elle roula des yeux puis s'écarta en ouvrant davantage la porte. "Bon, ça va pour cette fois... mais la prochaine fois que tu te pointes avec le même discours et sans boîte de chocolats pour t'excuser, je te claque la porte au nez." Le plus troublant dans ce que la présidente des Sigma pouvait entendre, c'est qu'il était clairement impossible de savoir si Sydney plaisantait ou si elle était sérieuse.

Une fois l'invitée à l'intérieur, la miss Khelos referma la porte et cria pour se faire entendre dans un périmètre d'une équivalence de trois kilomètres environ vu le degré des décibels. "Dominic, t'as de la visiiiiiiiite !!" Même avec une boîte complète de somnifères et en pleine hibernation, sa marmotte de frangin aurait été réveillée sans le moindre problème par la Bêta. Celle-ci invita Esmeralda à passer au salon. "Dis donc, tu as une petite mine toi... je te sers quelque chose ? Café, chocolat chaud, jus de fruit...?" Suspicieuse, Sydney l'était. Esme' avait la tête d'une femme qui est sur le point d'annoncer quelque chose d'énorme... et comme l'égyptienne était friande des scoops ou des potins, ce genre d'attitude ne lui échappait jamais.

Se retrouver sous le même toit que l’Epsilon ne s’était pas produit depuis bien longtemps. La dernière fois avait été à leur retour de Grèce, un voyage qui restait inoubliable. C’était d’ailleurs à ce moment là qu’elle avait appris que son père de cœur et Dominic se connaissaient. Tant mieux, cela lui avait évité de se sentir stressé en présentant le jeune homme à celui qu’elle considérait actuellement comme son père. Malheureusement, ils ne se retrouvaient pas au même endroit pour les mêmes raisons que quelques mois plutôt. Dire qu’ils en avaient parcourut du chemin depuis le temps. La jeune femme n’aurait jamais cru que cela pouvait être possible. Elle avait l’impression qu’ils avaient fait de sacrés bons en arrière. Esme avait cru qu’avec le temps, les choses se seraient arrangées mais, le fait que Dom ne donnait plus aucun signe de vie, elle était dans l’obligation de faire le premier pas. Ce rôle commençait sérieusement à l’épuiser seulement, Dylan avait raison, elle devait mettre les choses au clair, ne serait-ce que pour son bien être à elle. C’est pourquoi, elle avait pris son courage à deux mains avant de se rendre chez lui.

« Tu es plus que fabuleuse, je te rassure et promis, la prochaine fois, je te kidnappe et on dévalise les boutiques ensemble…Enfin, si tu en as envie, bien sûr ?! » Entre deux folles de mode, la question ne se posait même pas. Sydney restait une personne adorable même si certains pourraient la trouver un peu trop franche. Cela ne dérangeait pas sa gitane préférée comme elle aimait appeler la Sigma. Ce surnom lui plaisait assez, d’ailleurs. Pénétrant dans la demeure, elle attendit que la jolie blonde prévienne son frère qu’il avait de la visite. « Le boulot me prend toutes mes forces, j’avoue ! » Lâcha-t-elle en riant. Ce n’était pas totalement faux après tout. « Café…Heu, non…Je prendrais plutôt un jus de fruit, s’il-te-plaît ! » Le café état plus que tentant mais, cela n’était pas très sérieux et autant s’expliquer avec Dom, mieux valait pas avoir de la caféine dans le sang, cela risquait de très vite tourner aux règlements de compte, les hormones suffisaient. Les retrouvailles allaient être pour très bientôt. Se sentait-elle prête pour affronter le regard du beau brun ? Pas le moins du monde mais, pouvait-elle lui cacher encore longtemps qu’il allait devenir père. Bientôt cela se verrait et se saurait, elle ne voulait pas qu’il l’apprenne de quelqu’un d’autre qu’elle. Pire encore, son mariage avec Drea risquait de jeter le doute dans les esprits quand à la paternité. Elle risquait d’être au cœur de toute cette agitation et elle ne voulait pas avoir à se justifier devant Dom, du moins, pas devant tout le monde. N’obtenant aucune réponse de la part du jeune homme en question, Esme soupira tout en croisant le regard de la maitresse des lieux. « Je sais qu’il est là sinon, je ne me serais pas déplacée alors, s’il-te-plait, j’ai vraiment besoin de lui parler… » C’était incorrect par rapport à Sydney. Elle n’avait pas à se retrouver entre deux feux, elle ne méritait pas de se retrouver en plein milieu de toutes ces histoires. Seulement, elle restait le dernier espoir de la jolie grecque, elle était la seule à pouvoir parler avec l’Epsilon et à le convaincre de l’écouter. C’était d’autant plus frustrant car en temps normal, Esme n’aurait pas eu de mal à parler avec lui, elle se serait même fait un plaisir de débarquer chez lui sans prévenir pour lui faire la surprise. En temps normal, cette grossesse l’aurait réjouit encore plus qu’aujourd’hui. En temps normal, elle se serait sentit comme chez elle chez lui. « Dis-moi, ce n’est pas trop difficile de se retrouver sur les bancs de l’université après t’être habituée à la vie active ? » L’Epsilon se faisait désiré et l’attente ne la laissait pas indifférente mais, elle était là pour régler un problème et elle ne comptait pas partir sans l’avoir fait. Lorsqu’elle avait une idée en tête, personne ne pouvait la lui retirer. Tant pis pour lui, elle resterait autant de temps qu’il le faudrait. Qui plus est, elle se trouvait en excellente compagnie alors, autant en profiter.

Un sourire profondément amusé et supérieur flotta sur les lèvres de Sydney : si elle devait avoir une belle-soeur, il est certain qu'Esmeralda rentrait en haut du classement. Lorsque Dominic lui avait parlé d'elle après qu'ils aient découvert leur lien de parenté biologique, elle avait fait preuve d'une certaine forme de curiosité mêlée à de la réticence en imaginant qu'une autre femme partagerait déjà sa vie avec lui. D'une façon égoïste, l'égyptienne voulait profiter allègrement de son grand frère avant de consentir à le laisser filer dans les bras d'une femme avec qui il pourrait s'établir. Cependant, lorsqu'elle avait fait la connaissance de la présidente des Sigma, toutes les questions et tous les préjugés qu'elle avait pu avoir s'était envolés bien vite : Esmeralda était une personne absolument formidable et chacun des moments passés avec elle mettait la Bêta en joie. Enfin une femme qui ne se vexe pas à chacune de ses remarques si franches. "Si tu m'enlèves pour ça, je pourrais bien tomber amoureuse de ma kidnappeuse." répondit-elle avec un petit clin d'oeil avant de se rendre dans la cuisine ouverte sur le salon pour aller chercher les boissons. Jus de fruit... ça va, c'est pas encore trop compliqué à faire.
Une fois de retour dans le salon, la blondinette fronça un peu les sourcils. Esme' n'avait pas tort, Sydney ne comprenait pas ce qui lui prenait autant de temps. Il ne fallait pas lui dire qu'elle n'avait pas crié assez fort, quand même : si un cimetière s'était trouvé à proximité, les morts à l'intérieur auraient presque pu porter plainte pour nuisance sonore. Elle déposa leurs verres sur la table avant qu'elles y prennent place. "Bien sûr qu'il est là, sinon je n'aurai pas crié dans le vide ! Blonde, mais j'ai des limites..." Elle secoua ses mèches en arrière avec un petit sourire avant de boire une gorgée en attendant que l'Epsilon fasse son apparition.

Alors qu'elle avait ses yeux posés sur l'escalier duquel Dom' était censé descendre, la question que lui posa l'invitée la fit un peu sourire. "La vie active... c'est pas non plus comme si répondre au téléphone, ça me passionnait ! Pour les blagues téléphoniques, fouiner dans les dossiers de tout le monde, draguer les livreurs, passer des coups de fil personnels sur le compte de l'université, c'était le pied... mais être étudiante, ça fait du bien. Surtout quand on étudie dans un domaine aussi passionnant. Enfin, ce n'est pas à toi que je vais l'apprendre !" L'égyptienne lui adressa un petit clin d'oeil complice avant d'entendre son téléphone sonner un coup pour lui signifier qu'elle avait un texto. Elle l'attrapa et le lut en fronçant les sourcils... "Sérieusement ?" lâcha-t-elle en parlant toute seule, les yeux posés sur son portable.
Non mais on est où, là, en primaire ? Techniquement, Sydney était presque toujours du côté de ce frangin qu'elle aimait sans la moindre condition... mais là, c'est puérile. D'autant plus qu'elle aurait parié sa colossale garde-robe qu'il était encore profondément amoureux d'elle et elle également. Chose qu'elle n'aurait jamais fait si elle n'avait pas été sûre de gagner, précisons-le. Finalement, la blondinette releva les yeux sur Esmeralda et hésita un bref instant avant de se décider. "Lèves-toi. J'ai besoin de régler un truc ennuyeux pour faire sortir Timide de sa chaumière aux Sept Nains, il n'ose pas venir voir Blanche-Neige." lui murmura-t-elle à l'oreille avant de l'emmener par le bras. En douceur, elle lui indiqua de se cacher derrière les placards de l'îlot central de la cuisine après s'être assurée que Dominic ne pourrait rien voir, qu'importe où il se trouve. Sydney fit signe à la jeune femme de ne pas bouger et ne pas faire de bruit avant de marcher jusqu'à la porte d'entrée.

"C'est ça, tu pourras repasser quand il sera là ! Je n'ai pas dû l'entendre partir, tout à l'heure ! Bisous !!" scanda-t-elle à haute voix après avoir ouvert la porte, pour mimer le départ de la présidente des Sigma. Suite à cela, la mise en scène se ponctua d'un magistral claquement de porte qui devait ainsi assurer à l'Epsilon que sa redoutée interlocutrice était normalement partie de la maison. Une fois revenue dans le salon, elle déposa ses mains sur ses hanches. "C'est booooon, tu peux descendre, elle est partiiiiie !!" Vicieuse, la Sydney ? Non, ça s'appelle tout simplement le génie créatif féminin. Elle attendit que son cher frère pointe enfin le bout de son nez dans le salon. Sans le lâcher de ses yeux verts, elle leva la voix pour donner le signal à sa complice du moment. "C'est bon, tu peux sortir Esme' !" Lorsque la présidente des Sigma se présenta hors de sa cachette, Sydney fixa Dominic en secouant la tête avant de rouler des yeux. "Oh, je t'en prie, pas de regard accusateur... un peu de savoir-vivre, bon sang ! J'ai pas envie d'avoir deux petits garçons à élever, chéri..." lui dit-elle simplement sur un ton légèrement blasé en retournant à son verre de jus de fruit pour les laisser discuter tranquillement.

Il n’y avait plus soulagé que Dominic. Ce dernier poussa un soupir de soulagement lorsqu’il entendit la porte d’entrée claquer. C’était sûrement Sydney qui voulait exprimer son mécontentement au beau brun. Sans doute qu’elle n’était pas d’accord avec la décision de l’Epsilon d’éviter Esméralda. Ou qu’elle n’était tout simplement pas ravit de mentir à sa camarade. Elle avait quand même fait, après tout Dominic était son frère et la famille ça passe avant tout. Le jeune adulte sourit en coin lorsqu’il entendit sa sœur crier. Elle voulait tout simplement lui indiquer que la voix était libre. Esméralda n’était plus un problème désormais. Rien n’empêchait l’anglais de rester enfermer dans sa main à présent. Il était maintenant grand temps pour l’ancien Delta de passer un excellent moment avec sa frangine. Cette même frangine à qui il avait menti. Il n’avait guère l’intention de rappeler la grecque. Il ne planifiait pas non plus la revoir d’ici peu. Pourquoi? Aucune idée, pourtant il l’aimait et il savait que ce long silence allait finir par les séparer pour de bon. Ce qu’il faut savoir de Dominic, c’était qu’il ne faisait jamais le premier pas. C’était un peu l’histoire de sa vie. Lorsque rien n’allait ou ne fonctionnait dans ce qu’il faisait ou dans ses relations amoureuses ou lorsqu’il faisait face à des problèmes majeurs, il avait tendance à fuir. Il choisissait la fuite plutôt que de les faire face. Aujourd’hui ne faisait pas exception, Esmé venait encore une fois de faire les premiers pas et il refusait de l’affronter.’’ Ok je suis là dans deux minutes, on se commande quelque chose?’’ Dit-il à voix haute avant de tourner la poignée de la porte de sa chambre puis il la franchit et la referma derrière lui.

‘’Hey’’ ! Ce dernier se retourna, confus, en direction de sa charmante petite sœur. ‘’Syyyyyyydneeeey?’’ Sa mère lui avait toujours dit de ne jamais sous-estimer une femme. Elle, la femme était capable d’en surprendre plus d’un. Aussi inoffensive qu’elle pouvait sembler, elle était capable de mettre en œuvre les magouilles, les idées les plus folles. L’égyptienne avait bien réussi son coup. Et bien chapeau à la blondinette, elle était rusée et avait fait de Dominic une pauvre petite victime. Il n’allait quand même pas en vouloir à Sydney. ET même s’il voulait faire croire au monde entier qu’il n’avait point envie de voir Esméralda, une chose était sûr, le regard qu’il lui lança lorsqu’il aperçut, donnait amplement raison à Sydney d’avoir agi contre les volontés de Dominic. Sydney avait bel et bien raison, un peu de savoir-vivre. Il reposa ensuite son regard sur Esméralda suivit d’un sourire tout à fait nerveux. Il ne savait pas trop quoi dire à la grecque, ni comment amorcer la conversation. Devait-il s’excuser? Il avait intérêt, sachant qu’Esméralda était au courant qu’il n’avait nullement envie de la voir aujourd’hui. Rien vraiment pour améliorer leur relation, partie déjà en couille. Elle était toujours aussi joli se disait-il la fixant du regard. Espérant la séduire de ses magnifiques yeux bleus. À l’époque cela marchait à merveille, mais aujourd’hui était une autre époque et bien entendu miss Williams n’avait guère l’intention de montrer ses belles dents blanches. Elle était à une distance raisonnable de ce dernier. C’était incroyable les émotions qu’il traversait au fin fond de lui-même. S’il y avait bien une femme sur cette planète, susceptible de lui faire ressentir ce genre d’émotions, c’était bien la présidente des sigmas. L’Epsilon fit un pas en avant, en direction de la brunette. Puis un deuxième, un troisième, puis il s’arrêta distrait par Sydney qui se dirigea vers son jus d’orange, laissant nos deux cœurs perdus se retrouver.

Hey…bab’’ Il ne valait mieux pas pour lui qu’il termine ce qu’il sur le bout de sa langue. Il n’avait pas mérité ce droit là et il le savait lui-même. Les yeux de l’anglais brillaient, vous ne savez à quel point faible il pouvait se sentir lorsqu’elle se trouvait autour de lui. Il était très important qu’il se ressaisisse et qu’il garde son calme. Et surtout qu’il n’oublie guère de s’excuser, ce qu’il fit après une grande respiration, bien méritée. ‘’Je suis un idiot, pas besoin de me le dire. Ce sera plutôt dur pour toi d’avaler ce que je m’apprête à te dire, mais c’est la vérité. Tu me manques et même à cet instant présent. Le fait de ne pas t’appartenir, le fait de te savoir à des centimètres de moi et ne pas pouvoir te toucher me fend le cœur en mille morceaux. Esméralda je suis désolé. Je suis désolé pour aujourd’hui, pour toutes les autres fois où j’ai foiré. ‘’ La jeune femme était devant lui et ne bronchait pas. Elle aussi semblait avoir une multitude de choses dans la tête. Sa relation avec Dominic était loin d’être la plus simple, la plus exemplaire. L’important c’était l’amour qu’ils ressentaient, chacun envers l’autre. Aaaaaah Domalda !

Le sourire que lui offrait Sydney lui réchauffait le cœur, c’était déjà ça de pris. Au moins, sa relation désastreuse avec Dom n’avait en rien affectait son amitié avec la jolie blonde. Tant mieux, elle ne se voyait pas vraiment perdre l’homme qu’elle aimait et une très bonne amie en même temps, cela aurait été le coup de grâce. « Je pense que ça règlera nos problèmes avec les hommes ! » Dit-elle un sourire amusé sur les lèvres. Il était vrai que se retrouver en bonne compagnie, à faire les boutiques était plus que tentant. Surtout que Sydney n’était pas uniquement de bonne compagnie, elle était aussi une jeune femme qui avait bon goût et qui connaissait la juste valeur de la mode et des vêtements, pas comme ces écervelées qui pensaient qu’il suffisait de porter de la marque pour être bien habillé. Foutaises. Qui plus est, la jolie Bêta avait ce grain de folie qui arrivait à vous faire sourire même dans les pires moments. A dire vrai, sa présence avait tendance à rassurer la brunette, c’était ça de pris. Se mettant à son aise tandis que son amie apportait leurs boissons, elle sourit en entendant sa réponse. Il était vrai que secrétaire n’était pas le boulot rêvé, cela restait néanmoins différent de la vie d’étudiant qui semblait bien satisfaire sa vis-à-vis. « J’avoue que pouvoir faire ce qu’on aime et ce qui nous passionne est bien plus plaisant…N’empêche que parfois, j’aimerais bien ne pas avoir à supporter tous les regards qui n’attendent qu’une seule chose : que tu te ramasses ! » Elle laissa échapper un léger rire. Ciel qu’elle aurait aimait être une petite souris et passer inaperçu. Ces derniers temps, ses histoires de cœur avaient pris de telles ampleurs qu’elle avait l’impression que tout le monde la fixait pour savoir qu’elle allait être les dernières découvertes de sa vie privée. Elle aurait voulu qu’on ne la reconnaisse pas, le temps pour elle de remettre de l’ordre dans le chaos qu’était devenue sa vie. Seulement, la vie ne nous donnait que rarement l’opportunité de souffler, elle préférait de loin nous tenir en haleine jusqu’à ce qu’on déclare forfait. « Un problème ? » Questionna-t-elle aussitôt. Elle pensait toujours au pire et elle espérait seulement que Sydney ne venait pas d’apprendre une mauvaise nouvelle ce qui ne semblait pas être le cas au vu de sa réponse. Lançant un regard incompréhensible à la belle Khelos avant de comprendre le plan de la jeune femme. Il fallait toujours se méfier des femmes et de leurs idées, elles étaient toujours prêtes à tout pour gagner. Et Sydney ne faisait pas exception à la règle. Cachée derrière les placards, la présidente trouvait que la situation était plus que ridicule. Ils en étaient vraiment là, à ne plus vouloir se parler, à craindre la présence de l’autre dans la même pièce. Qu’était donc devenue cette complicité qui avait vu le jour à la seconde où ils s’étaient adressé la parole pour la première fois ? Qu’était donc devenue cette impatience de retrouvait l’autre et de se lover dans ses bras ? A croire qu’ils n’étaient pas les mêmes personnes que quelques mois plutôt. A ce stade là, la discussion devenait plus qu’urgente. Elle ne sortit de sa cachette qu’après avoir entendu son prénom prononcé par la voix mélodieuse de Sydney. Son regard rencontra celui de son ex petit ami tandis qu’une multitude de pensées s’abattait sur son esprit déjà assez épuisé. Sa présence le dérangeait-il tant que ça ? N’avaient-ils plus rien à se dire au point qu’il ne veuille même plus la voir ? Une chose était sûre : elle ne remercierait jamais la jolie blonde pour l’avoir aidé comme elle venait de le faire. Si seulement elle savait ce que cela signifiait pour elle. Son sourire lui avait tellement manqué, il lui avait tellement manqué. Malheureusement, elle n’avait aucune envie de lui faciliter la tâche, le bel Epsilon l’ayant surement compris, il tenta de se rapprocher avant de s’arrêter et de s’excuser. « J’aimerais t’en vouloir Dom’, j’aimerais pouvoir te détester mais, je n’y arrive pas…Je n’y arrive pas et ça fait mal parce que si je pouvais te détester, te faire sortir de ma vie, ce serait beaucoup plus simple pour moi ! » La Sigma était lasse, lasse de se battre, lasse de toujours souffrir et surtout lasse de ne pas pouvoir tout simplement être heureuse. Mais, elle le voulait, elle le voulait lui et personne d'autre. « Et je me suis rendue compte que tu n’étais pas le seul à blâmer, on est tous les deux responsable de ce désastre… » Elle se tût quelques instants avant de reprendre beaucoup moins sûre d’elle. Elle ne gardait cela encore plus pour elle et de toute manière, il l’apprendrait bien assez vite, si cela n’était pas déjà fait. Néanmoins, il y avait autre chose qu’elle devait lui dire et pas des plus faciles. Soit, il n’y avait plus de marche arrière possible. « Je…Je suis mariée et…Enceinte… » Elle releva instinctivement son regard pour croiser celui de l’Anglais dans l’espoir de pouvoir lire en lui. Il savait, il connaissait enfin la vérité même si cela ne présageait rien de bon pour la suite.

Cette expression sur le visage de Dom', ce n'était que du bonheur. Qu'on ne s'y trompe pas, elle n'avait jamais été du genre à vouloir le rouler dans la farine et se payer sa tête, bien au contraire... les seules fois où elle se moquait de lui, c'était d'une façon "gentille" dans le simple but de le taquiner un peu. Cependant, elle aimait tellement son frère - et Esmeralda, cela va sans dire - qu'elle n'allait certainement pas rester les bras croisés à attendre sagement qu'ils veuillent bien de nouveau s'adresser la parole ou se contenter d'autre chose que ces yeux de merlans frits comme ils pouvaient avoir en ce moment même. Si la blondinette avait décidé d'agir de la sorte, c'était uniquement pour leur rendre service, voilà pourquoi elle n'accepterait pas que son cher frère puisse avoir ne serait-ce que l'idée de lui en vouloir. Rien qu'à la manière qu'il avait de regarder la présidente des Sigma, elle savait qu'elle avait bien fait de lui forcer un peu la main.
Ce qui la dépassait, en revanche, c'étaient les raisons qui les avaient poussé à ne plus se voir alors que l'Epsilon n'avait pas tari d'éloges au sujet de la grecque lorsqu'ils en avaient discuté. Il était fou amoureux, elle avait certainement des sentiments elle aussi, alors pourquoi s'éviter autant ? Par principe et par délicatesse - Dieu sait qu'il fallait que Dom' compte pour elle pour qu'elle se montre délicate - la Bêta n'avait pas posé de questions au britannique. Entre eux, c'était toujours ainsi que cela fonctionnait : elle ne lui posait pas vraiment de questions gênantes ou intimes mais était prête à en discuter si jamais il ressentait le besoin de venir lui en parler. C'est de cette façon qu'ils s'étaient liés autant en tant qu'amis avant d'apprendre leur lien de parenté et Sydney ne voulait pas que cela change. En revanche, cela l'ennuyait un peu dans le cas présent de ne pas être au courant de l'origine de leurs tensions.
La jolie blonde resta donc assise sur sa chaise en les regardant de loin, son verre à la main. Curieuse ? Oh que oui. Pas un seul instant il ne lui serait venu à l'idée de quitter la pièce pour les laisser seuls... et comment aurait-elle pu jouer les commères, sinon ? C'est ainsi qu'elle les écouta donc attentivement faire preuve de mea culpa tous plus niais et touchants l'un comme l'autre, chose qui eut don de lui faire rouler des yeux alors qu'elle attrapait un grain de raisin de la coupe de fruits en poussant un soupir. "Les sentiments, c'est si pathétique..." commenta-t-elle, juste pour apporter une petite touche de décalage à leur belle séquence émotion. Son attention fut très vite attirée par le chiot de Max qui arrivait dans la pièce d'un pas encore un peu maladroit dans les virages. Un petit bouvier bernois que son neveu avait ramené de New York en même temps qu'il était arrivé ici. "Logan, viens me voir..." Logan. Drôle de nom pour un chiot, me direz-vous... mais quand on connait Sydney, Max et leur entourage, ça n'a rien de très surprenant. Ce nom lui avait été donné en hommage à Logan Salaun, prof' de théâtre de son état et accessoirement l'un des plus proches amis - sinon le meilleur - de Sydney ainsi qu'une autre figure paternelle rassurante pour le jeune neveu orphelin de l'égyptienne. Pourquoi lui ? Parce qu'il est poilu, qu'il remue la queue quand il est content, qu'il aboie sur les inconnus... et parce que pouvoir crier "Logan, viens au pied !", ça vend du rêve. Bref, des tas de raisons différentes. Le chiot trottina jusqu'à la fashionista et s'assit face à elle avant qu'elle le prenne sur ses genoux. Elle en profitait maintenant, avant qu'il ne devienne irrémédiablement un bon gros toutou adulte.

Alors qu'elle s'amusait à le caresser et frotter le bout de son nez contre sa truffe, Sydney s'arrêta net en entendant une annonce plus que surprenante de la part de l'invitée du jour. Enceinte ? Mariée ? Et rien de tout ça n'était en relation directe avec Dominic ? Oh oh... Trouble in paradise, avait-il dit l'autre jour ? Le britannique semblait d'un coup bien loin du compte. Silencieuse et un peu choquée, l'égyptienne n'en était pas moins captivée. Elle qui était toujours à la recherche des potins les plus croustillants, là elle avait touché le jackpot. "Et moi qui voulais voir les derniers rebondissements de Desperate Housewives... j'ai trouvé mieux !" lâcha-t-elle avec un air tout à fait naturel, comme si la remarque qu'elle venait de balancer ne jetait pas un malaise supplémentaire sur l'échange entre son frère et la présidente des Sigmas. Même Logan semblait s'être vivement pris de passion pour la discussion animée par Esmeralda et Dominic. Elle fila un quartier de clémentine au chiot - allez savoir pourquoi ce chien adorait les fruits - et en mangea un autre sans lâcher des yeux la discussion comme si elle se trouvait sur le tournage de sa série préférée et qu'elle suivait le dénouement avec une envie non dissimulée. "J'pourrais venir avec toi pour les boutiques de puériculture ?! Ca serait marrant d'habiller un bébé en vrai !" ajouta-t-elle avec une petite voix surexcitée, inconsciente du choc qui pouvait avoir été provoqué chez son frère... du moins pas dans l'immédiat, cela changea rapidement. "Dom', tu devrais boire quelque chose, tu es tout pâle."