Il y avait peu de gens que je pouvais considérer comme mes vrais amis. Certes, je connaissais beaucoup de monde à Berkeley, et avais la chance d'être plutôt appréciée sur le campus. C'était vraiment un soulagement, moi qui avais appréhendé l'université et son flot d'élèves. Mais je ne pouvais pas dire qu'il y en avait beaucoup qui me connaissaient par coeur. La plupart des gens pensaient me connaître par coeur, parce qu'ils me voyaient souvent, définissaient mon caractère de la même façon entre eux, et avaient entendu les mêmes rumeurs sur mon changement de nom, ou sur mes histoires de coeur. J'étais une fille assez normale, n'avait pas un caractère de bitch, n'était pas de ces filles mystérieuses qui cachent de nombreuses blessures en se piquant le soir à l'abri des regards. J'étais simplement une fille normale, avec une vie plutôt mouvementée. Et souvent, les gens pensaient connaître le genre de fille que j'étais par coeur. Ils se trompaient très largement. Affalée dans mon canapé, un paquet de céréales à la main, j'avais l'air d'une grosse loque, tandis que Léandro travaillait dans sa chambre. Il me traitait de fainéante, parce qu'il avait l'impression que je ne travaillais jamais. Il fallait avouer que les études de musiques étaient un petit peu plus légères que les autres niveau intellectuel. Je n'avais pas à mémoriser des tas de noms compliqués pour diagnostiquer une quelconque maladie, n'avais pas à faire des expériences dangereuses avec des acides toxiques, n'était pas tenue de lire des bouquins d'Oscar Wilde ou de Voltaire... Je faisais ce qui me plaisais, et même si nous avions de nombreuses choses à faire en histoire de la musique, les autres matières étaient pour moi souvent une question d'improvisation ou d'inspiration. Je me retrouvais souvent à me lever à quatre heures du matin pour écrire une chanson, mais ce n'était même pas quelque chose qui me dérangeait. Résultat : les gens me prenaient pour une grosse fainéante. Ce que bien sûr, je n'étais pas. Enfin.. je ne l'étais pas, si ? Une moue sceptique s'étala sur mon visage sans que je puisse le contrôler. Il était bientôt dix-neuf heure, et un sourire accueilla cette nouvelle. J'avais rendez-vous avec ma Chuck chérie dans la salle de danse. En voilà une, une vraie amie. Chuck me connaissait par coeur. Et pourtant, nous avions eu des vies très très différentes, mais rien ne nous séparait pour autant. Nous avions beaucoup de mal à l'expliquer, mais notre amitié étaient de celles sur lesquelles on ne peut apposer de mots. Nous nous aimions comme des soeurs, voilà tout. Levant mon gros popotin du sofa, je filai dans ma chambre, posant la boîte de céréales au-desssus du frigo en passant. Je me mis à farfouiller dans mes affaire pour trouver mon jogging rouge et mon débardeur blanc préféré. Puis, toute guillerette, j'attrapai mon sac et les clés de ma petite voiture. "A tout à l'heure lééééééééooooooo." Lancai-je, toute joyeuse. "Je ramène du mexicain pour ce soir en revenaaaaaaaant." Je l'entendis lancer un petit cri de joie alors que je fermai la porte.

En un rien de temps, j'avais fait le chemin, et avais traversé le campus pour me rendre dans la salle de danse de l'université. Quelques étudiants en danse, dont quelques sigmas que je connaissais de vue finissaient leurs répétitions à l'autre bout de la salle. J'espérais qu'ils s'en iraient vite et que je pourrais profiter des "cours" de ma petite Chuck sans leur professionnalisme qui me donnait l'impression d'être un phoque qui apprend à danser. Je ne restai pas longtemps assise sur le plancher en face du miroir, feuilletant un magazine féminin. Chuck n'était jamais en retard pour notre rendez-vous habituel. Lorsqu'elle passa le pas de la porte, je me mis à sourire immédiatement. Il y avait ces amis qui vous foutent un sourire au lèvres quand vous les voyez, même s'ils ne parlent pas. Juste parce que leur visage nous évoque de bons souvenirs, vous donnent une impression chaleureuse. Je me levai à la hâte, et avant qu'elle ai pu faire quoi que ce soit, je lui sautai dans les bras, comme si je ne l'avais pas vu depuis des années. "YOUHOUUUUUUUUUUUUUUUUUU" criai-je dans ses oreilles, plus qu'heureuse de la revoir. Je la serrai si fort que j'aurais pu lui briser les côtes. "Tu m'as manquéééééééééééééééééééééééé." continuai-je. "On s'est vu ce matin, espèce de blonde", répondit-elle en riant. "Ben alors ? Tu m'as manqué quand même !" dis-je, la lâchant enfin, et la prenant par la main qui ne tenait pas un sac pour l'emmener dans notre petit coin fétiche de la salle.