Les vacances ... Moment que tous les étudiants, dignes de leur nom, attendent impatiemment, lorsque l'été pointe le bout de son nez. De plus, ces vacances s'annonçaient spéciales puisqu'une seule et unique destination était pendue aux lèvres des Berkeléens : Cancùn. On pouvait les comprendre, le Mexique, c'est le soleil, les Caraïbes à proximité, les palmiers, et les cocktails au bord de l'eau ... Parfait pour un Summer Break. Et puis, quand il s'agit d'un voyage tout frais payé, ça ne se refuse pas. Moi qui avait en plus quelques complications financières, cette bonne nouvelle suite à la victoire des Iota me fit sauter de joie. Dès la fin des cours, je sautai sur ma valise et quittai la Californie pour l’Amérique centrale, prête à profiter entièrement de ces quelques semaines qui s'annonçaient prometteuses. Lorsque je fis mon premier pas à Cancùn, je me sentais l'âme d'une enfant qui venait de tomber nez à nez avec le jouet de ses rêves. Je regardais autour de moi, me moquant bien des inconnus qui me dévisageaient, laissant les rayons du soleil chauffer ma peau. Venue en solitaire, je n'avais pas vraiment peur de m'ennuyer, il y avait tellement de choses à faire dans le coin. Et puis, je pouvais toujours trouver compagnie dans les bras d'un beau mexicain. Hum. Le meilleur moyen de les dénicher était de se rendre dans les coins sympas, comme ces bars au bord de mer, avec terrasse aménagée. Une fois mes affaires déposées dans l'hôtel du coin, je décidai donc d'aller siroter un verre. Habillée de mon maillot de bain blanc et d'une robe transparente, qui faisait office de voile, j'étais en direction de la plage la plus proche. Mais quelle surprise ce fut lorsque mes yeux s'attardèrent sur un blondinet qui m'était bien familier ... Nikolaï.

On m'a toujours dit qu'aimer était plus fort que d'être aimé. Mais peut-on vivre heureux d'un amour à sens unique ? Dans une relation, le bonheur se construit à deux. Alors si l'un des deux amants fait chambre à part, la dite relation fonce droit dans le mur. Pourtant, j'avais voulu tenter le coup. Je me disais qu'après tout, je n'avais rien à perdre. Mais, à l'époque, j'étais tellement aveuglée par les sentiments que j'éprouvais à l'égard de Nikolaï que je ne me rendais pas compte qu'en réalité, c'était moi qui fonçait droit dans le mur. En effet, ces sentiments, que je n'avais jamais auparavant ressenti, ce n'était peut-être que des illusions. Depuis la mort de mes parents, je me sentais seule, abandonnée. J'étais en manque d'amour. Alors quand ce beau garçon, aux yeux perçants, et aux mots charmeurs, est venue me sauver de cette solitude, j'ai fini par tomber amoureuse de lui. Ca se passe toujours de la même façon … La princesse qui attend sagement dans son grand château, et qui tombe dans les bras de son sauveur. Sauf que dans ce cas, mon héros ne savait pas vraiment dans quoi il s'engouffrait, et quant à moi, j'avais beau être la petite princesse de mon père, j'étais loin d'être celle digne de conte de fées. Nikolaï était pour moi une attache, il m'avait permis de ne pas sombrer alors je me retenais à lui comme s'il pouvait me faire rester à la surface. Les années avaient beau passées, je le respectais toujours autant pour ça. Il m'avait brisé le coeur, mais il ne l'avait pas vraiment voulu, alors je ne lui en tenais pas rigueur. Aah, je me détestais pour penser aussi stupidement. Je trouvais toutes les excuses du monde pour ne pas rejeter la faute sur sa gueule d'ange ! Mais le blâmer, ça dépassait mes capacités. C'est comme ... comme si, malgré le temps écoulé, j'étais toujours agrippée à ses filets, comme si j'étais encore persuadée, même convaincue, qu'un jour il finirait par m'aimer comme moi je l'ai aimé. Stupide ...

Le hasard nous avait réuni une première fois à Berkeley, et voilà maintenant qu'il nous rassemblait à nouveau à Cancun, sous le soleil brûlant du Mexique. Décidément, même pendant ce Summer Break, je n'allais pas pouvoir faire bronzette tranquillement. Assis au comptoir, sirotant un cocktail et ne se privant pas de mater les courbes généreuses de la serveuse, parfaitement moulés dans son maillot trop petit, le beau russe n'avait pas l'air malheureux. J'ai alors voulu changer ma direction, je ne voulais pas avoir affaire avec lui, mais alors que je commençais à revenir sur mes pas, son regard croisa le mien. Snap ! Je me mordis la lèvre inférieure et, n'ayant plus le choix, je me décidai à le rejoindre, tandis qu'il me saluait au loin de la main, affichant un large sourire. Alors que je prenais place à ses côtés, j'avais l'impression qu'il me narguait. En effet, avec son teint légèrement bronzé, ses lunettes de soleil et sa musculature bien mise en évidence, il était encore plus beau que d'habitude. Je commandai un "Sex on the beach" et me tournai vers le Delta. J'affichai un léger sourire au coin des lèvres, je ne voulais pas trahir mes pensées. Je passais ma main dans les cheveux, rapidement, comme j'avais l'habitude de faire. « L'air mexicain te réussit bien, on dirait ! » Ce furent les seuls mots que j'eus trouvé à dire. La serveuse me tendit ma boisson, en me jetant un regard de mépris. Héhé, et ouais, ça ne sera pas ce soir que tu pourras tirer ton coup ...

J'avais un don pour la comédie. Enfin, du moins, pour ce qui était de masquer mes sentiments. Ou alors, c'était Nikolaï qui ne se rendait compte de rien, peut-être. Peu importe. De toute évidence, le reste de mes sentiments envers lui restait bel et bien secret. Je n'avais aucune idée s'il s'agissait d'une bonne chose ou non. Car à chaque fois que je passais du temps avec lui, à chaque fois que je le rencontrais par mégarde comme aujourd'hui, je feignais que tout allait bien. En quoi ça allait arranger les choses ? En rien, je suis d'accord. Il se montrait tellement gentil avec moi, tellement attentionné qu'il ne se rendait pas compte que ce rapprochement entre nous me faisait du mal. Quand il me souriait en plongeant son regard dans le mien, il ne savait pas que ma seule envie sur le moment serait de le lui arracher. Mais je ne pouvais rien y faire. Qu'est-ce que je devais lui dire ? "Arrête de jouer avec mes sentiments" ? "Arrête de me considérer comme un vulgaire objet" ? Non, il n'en savait rien. Et c'est toute seule que je fonçais droit dans le mur. Pour lui, notre amitié était sans ambiguïté. On était comme deux ex-amants, qui avaient préféré rester amis. Après tout, après les années passées, ça pouvait paraître évident. Pourtant, c'était loin d'être le cas ... pour moi. Je restais accrochée à lui, comme s'il était un des piliers essentiels de ma vie. Quant à lui, à ses yeux, je n'étais qu'Albane, une petite amourette d'adolescence, une sangsue qui pouvait parfois le faire rire, mais si je venais à quitter la Californie, il n'en serait pas plus attristé que ça. Voilà comment je le percevais. Ça me blessait à chaque fois un peu plus, ça me détruisait petit à petit, mais je ne pouvais pas m'empêcher d'y penser.

Il était donc là, assis devant le bar, à siroter je ne sais quel cocktail. Quand je pris place à ses côtés, il déposa un baiser sur ma joue, sans savoir l'impact que ce geste pouvait avoir sur moi. Je sentis une forte pulsation dans ma poitrine, et je détournais simultanément le regard. D'accord, vous pouvez penser que ma réaction est exagérée, voire pathétique, mais c'est plus fort que moi. Cependant, je ne pouvais quitter ce sourire aux lèvres car, quoique je dise, quoique je pense, sa présence m'était toujours agréable. Je savais pertinemment que ses petits gestes de tendresse à mon égard me faisaient plaisir, mais lorsque je m'apercevais que ce n'était ni plus ni moins des marques d'affection, alors je me rendais compte que j'étais simplement stupide. Stupide de croire qu'il m'aimait autant que moi je l'aimais. Quand on essaye de détester quelqu'un, c'est toujours l'inverse qui se produit ... Je voulais m'écarter de lui, desserrer nos liens, et pourtant, cette situation prouvait bien que je n'y arrivais pas.

"Comment tu vas ma chère Albane ? Cancùn, ça change de San Francisco non ?"

J'aurais voulu répondre : "Non, tu es toujours là", mais je me renfrognais, sachant bien que je n'avais aucune envie, ni aucun intérêt, de lui faire part de mon fouillis mental. Comme tous les élèves, au début des grandes vacances d'été, je répondis un banal : « Super, je commençais à étouffer avec les cours et les exams ... ». Je me retournai, dos au comptoir, et croisai les jambes tout en sirotant mon Sex on the beach. J'ajoutai alors, en regardant fixement un groupe de jeunes mexicains : « Pour sûr que ça change de San Francisco, il y a des tas de beaux mecs à la pelle. C'est pas en Californie qu'on en trouve des comme ça ... » Je détournai la tête vers Nikolaï, et lui tirai la langue, d'un air moqueur. Je le charriais, mais c'était en connaissance de cause. Je savais très bien que Nikolaï avait conscience de son pouvoir de séduction. A vrai dire, beaucoup d'étudiantes à Berkeley pourront témoigner ... Même la serveuse du bar qui ne le connaît que depuis quelques minutes. Je trouvais ça totalement ridicule, mais bon. On est Delta, ou on ne l'est pas. Je crois bien que lui est né avec ça dans le sang. J'ai la nette impression qu'il n'a aucun mal pour draguer une fille, il les met rapidement à l'aise et le reste n'en devient que trop facile. Moi, c'est une toute autre histoire ...