13h58. Kilian courait dans les rues du nord de San Francisco à la recherche d'un taxi qui veuille bien s'arrêter pour le faire monter, le tout dans le but de retourner sur le campus pour s'enfermer dans sa chambre universitaire. Pourquoi s'enfermer ? Simplement parce que depuis des semaines de journées ensoleillées et où la chaleur était quasiment intenable, il eut fallu qu'il pleuve ce jour précisément. Et les choses que Kilian adorait faire les jours de pluie, c'était rester dans sa chambre, dans ses draps, à regarder des rediffusions de séries télévisées à succès tout en mangeant ses bonbons préférés, vous savez, les longs fils élastiques rouges qui se laissent manger même sans faim. Mais pour accomplir ces choses-là, il était nécessaire pour le jeune étudiant qu'un taxi s'arrête. Il aurait bien pris sa voiture aujourd'hui si seulement cette foutue caisse n'était pas tellement vieille qu'elle avait subitement cessé de fonctionner. Un confrère des sigma lui avait aidé à la faire remorquer jusqu'au garage automobile le plus proche et il fallait apparemment changer la paroi du ventilateur. Bref, la mécanique ce n'était pas tellement son rayon. Le garagiste lui a annoncé alors, d'un ton des plus impassibles, qu'il pourrait récupérer sa voiture dans trois longues semaines. Comment allait-il pouvoir se déplacer pendant tout ce temps ? Il n'aimait pas devoir toujours se reposer sur les autres, mais il avait eu l'idée de se déplacer qu'avec des taxis comme ça il ne gênait aucun de ses proches et il pouvait néanmoins aller où il voulait, quand il le désirait. Seulement, s'il avait su une seule seconde que c'était si long pour un de ces petits véhicules jaunes de s'arrêter devant lui, il aurait cherché une autre idée qui soit plus efficace.

Pour connaître toute l'histoire de sa folle matinée, autant commencer par le commencement : c'est aux aurores, presque six heures du matin, que le beau Kilian s'était révéillé. On pourrait croire qu'il était tombé du lit ou qu'il était complètement fou de se lever à une heure aussi matinale. Et effectivement, nous allons pencher pour la seconde hypothèse : s'il se levait si tôt, c'était de son plein gré. Il s'est mis en tenue de sport avant d'aller effectuer un petit jogging en faisant tout le tour du campus. Trois quarts d'heure plus tard, après une douche et un bref petit-déjeuner, il prend le premier taxi pour aller dans un énorme building de San Francisco où Kilian devait passer une audition des plus importantes. En effet, il auditionnait pour un rôle dans une pièce de théâtre où le réalisateur offrait une version contemporaine des Liaisons dangereuses. Il connaissait son texte par coeur, chaque ligne, chaque mot. Le jeune étudiant travaillait son jeu de scène depuis des semaines déjà, et avait demandé une tonne de conseils techniques à un professeur de théâtre de Berkeley, ce dernier s'étant révélé très content de pouvoir lui venir en aide. Et, à sa grande surprise, l'audition s'est déroulé de manière plus que bonne ! Il a été bien reçu, il a mis toute l'émotion nécessaire à son texte, et avait probablement bien réussi à se démarquer des autres postulants pour ce premier rôle masculin. Bien entendu, il ne pouvait affirmer de source sûre que c'était lui la prochaine vedette du spectacle, mais il était assez serein à ce niveau-là. De toute manière, il aurait une réponse d'ici une semaine ou deux, au grand maximum.

Et maintenant, le voilà qu'il se retrouve à errer sous la pluie, et on peut vous assurer que ce n'était pas des petites gouttelettes de rien du tout, tout seul, et commençant à avoir froid à cause de ses vêtements trempés. Au bout de dix minutes d'attente où ses nerfs commençaient à s'échauffer, il se décida à rentrer dans le Starbucks Coffee qui se trouvait à deux pas. Il poussa les portes transparentes avant d'aller au comptoir afin de regarder les différents types de cafés qui étaient proposés à la dégustation. Après quelques secondes de réflexion, il opta pour un frappuccino. La caisse pour commander était presque libre, mais un mec aux cheveux blonds devant lui, qui était au téléphone, le forçait à patienter. « Excusez-moi mais je pense que c'est à vous de commander. », dit le jeune étudiant à la personne devant lui qui bloquait l'avancée de la file d'attente. Kilian lui tapota alors l'épaule de manière à ce qu'il se retourne. « Oh non, ne me dis pas que même en ville, je dois forcément tomber sur toi. » Kilian s'était exclamé peut-être un petit peu trop fort car une personne à côté s'était juste retournée. Bien sûr, l'étudiant avait dit ça sur le ton de la rigolade. C'était certain qu'il croisait Dévléo de plus en plus souvent ces derniers temps, principalement sur le campus de Berkeley, et bien qu'il prétende le contraire, ces rencontres fortuites étaient loin de lui déplaire.