Ce matin. Ou cette nuit, je ne sais pas. Il fait encore nuit en tout cas. Je me réveille. Ça ne m'étonne pas que ce soit encore en pleine nuit. Je ne dors en moyenne qu'une ou deux heures par nuit. Ça ne me dérange pas et je n'en éprouve pas d'avantage le besoin. Ça a toujours été comme ça. Parfois je m'endors quelques minutes au cours de la nuit en plus de cette une heure ou deux. Mais c'est assez rare et je me réveille vite.
Me voilà donc en pleine nuit, réveillé et tout à fait près à travailler. Ou faire quoi que ce soit d'autre. Et j'ai appris depuis longtemps que c'était bien utile de dormir moins en plus. En effet, on peut faire un tas de choses pendant ce temps là. C'est peut être bien comme ça que j'arrive à faire tout ce que j'ai à faire dans une journée. Je me perds tellement dans mes pensées parfois que je perds plein de temps. Même si ce n'est pas réellement du temps de perdu en fait. C'est rare quand je pense à quelque chose d'inutile. Ou alors c'est rien n'est inutile selon mon système de valeurs. Après tout, tout est plus ou moins utile suivant ce qu'on en pense, ce qu'on en tire, ce qu'on en crée.

La plupart du temps, je profite de ces quelques heures de gagnées pour faire quelques recherches pour ma thèse. Bien sûr, pas celles faites à la bibliothèque car elle n'est pas encore ouverte à cette heure, mais un peu sur internet, quand on sait où chercher, on peut être certain que ce ne sont pas des infos bidon. Mais je ne cherche que très peu sur le net.
Parfois je passe un coup de fil à mes parents aussi. Décalage horaire oblige.
Je rédige un rapport, j'écris une lettre, je téléphone au bout du monde pour avoir un renseignement par un scientifique étudiant déjà les trous noirs ou d'autres singularités.
Après tout ça de fait, je vais prendre une bonne douche, m'habille, me coiffe pour le début de la journée. En général, mon cerveau, mes pensées commencent à s'activer follement comme ils le feront tout au long de la journée. Voilà ça commence. Je pense à tellement de choses tout le temps. Je crois qu'un être humain normal ne pourrait pas le supporter. Quoi? Pourquoi? Je ne suis pas un être humain normal? Si d'une certaine manière, bien sûr. Mais d'une autre... mais je ne suis pas limité par les hypocrisies de la société. Je n'ai jamais mis de barrières à mon cerveau. C'est peut être ça. Ou bien les gens normaux utilisent le sommeil pour mettre en ordre tout et penser qu'aux choses qu'il leur faut. Mais peut être qu'à moi il me faut tout en même temps? Je trouve ensuite des schémas logiques, des ordres précis, tout ce genres de choses dans ces pensées. C'est ma manière de faire. Je les additionne, les soustrais. Tout un petit monde rien que dans ma tête. Ce n'est pas formidable? Non, je n'en ai jamais assez, ça ne me lasse pas, ne me fatigue pas. C'est bien comme ça. J'ai toujours été comme ça en même temps, je ne vois pas comment je pourrais désirer autre chose. Je ne sais pas comment c'est autre chose. On ne peut pas désirer ce que l'on ne connait pas.

Enfin bref! Après tout ça, je descends déjeuner. Tout frais et bien réveillé, de bonne humeur et tout. Comme tous les jours. Les autres sont là, comme en mode ralenti. Ils ont du mal à ouvrir les yeux pour choisir quoi manger. Et on même du mal à communiquer la plupart du temps. Les cheveux en bataille, pas très bien habillés, pour ceux que ne sont plus en pyjama, bien sûr. Manger au milieu des membres des la confrérie. Comme ça tous les matins. Je fais un peu tâche. Je suis le seul vrai actif. Même pas sûr qu'ils fassent attention à moi, je dois bouger trop vite pour leurs yeux encore fatigués! Ou sinon je suis tellement en forme que pour ceux qui me voient, je les fatigue encore plus. Ça devrait être marrant pour quelqu'un qui verrait ça de l'extérieur. Enfin, c'est comme ça tous les matins. Sauf le week end. Souvent je suis le seul debout à cette heure là. Ou alors ceux qui sont là sont ceux qui ont fait une nuit blanche.

Et puis après, je vais me promener dans les parcs. Et oui, voilà nous y sommes. L'estomac bien plein d'un bon vieux petit déjeuner anglais. Œufs, bacon, tout ça. C'est tellement bon. Et au moins je reste au moins un peu rattaché à chez moi comme ça. Comme avec mon thé. Oh j'aime le thé!
Je change un peu de direction, vers les parcs proches de la maison de la confrérie Alpha. Il devrait y avoir Chuck dans le coin. Si elle est déjà levée. J'espère.
Chuck, c'est une jeune fille qui peut être considérée comme ma meilleure amie. Même si des fois je me demande si elle ne pourrait pas faire une parfaite petite sœur. J'adore sa présence et je serais toujours là pour elle. Elle doit être une des personnes les plus importantes de ma petite existence. Et ce n'est pas peu dire vu le peu de personnes que ça représente.

Elle se levait de plus en plus tôt ces derniers temps. En réalité, depuis que le soleil avait fait sa réapparition et que le climat était au beau fixe. L'absence de nuage gris avait le don de la mettre d'excellente humeur. Elle devait cependant faire un effort surhumain pour ne pas réveiller l'ensemble de ses colocataires, mais à force elle réussissait à se déplacer en faisant un minimum de bruit. Du moins, lorsqu'elle ne trébuchait pas sur un objet qui traînait en s'étalant de tout son long. Heureusement, tel ne fut pas le cas ce matin là. Une fois à l'extérieur, elle descendit les escaliers de la confrérie jusque dans la cuisine. Elle avait une faim de loup et un bon petit-déjeuner ne serait pas de refus. Elle attrapa un paquet de céréales dans le placard et se servit généreusement dans un bol, puis se prépara un thé. Elle sourit. Rien n'était plus agréable que sentir le pavillon vide au petit matin. Elle sentait que les vacances approchaient, et cette perspective était des plus agréables. Elle avait hâte de revoir sa famille, en particulier sa mère, qui vivait à l'étranger et lui manquait beaucoup.

Elle évitait cependant de regarder trop loin vers l'avenir. Elle ignorait si elle serait encore là dans quelques semaines, dans quelques mois. Elle avait constamment la sensation d'avoir une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Le mieux à faire était de ne pas trop y songer. Plus facile à dire qu'à faire. Comment pouvait-elle ne pas y penser alors que cette maladie était une partie intégrante de sa vie, alors que tout le monde autour d'elle commençait à le savoir et à la regarder comme si elle allait tomber raide morte d'un instant à l'autre ? Subir le regard des autres était plus dur que de devoir garder tout ceci secret, mais elle n'avait pas tellement le choix, après tout. Elle était déjà loin d'être la fille la plus sociable et populaire du campus, mais à présent il semblait qu'encore plus d'étudiants la regardaient comme si elle débarquait tout droit de Mars.

Après avoir terminé son petit-déjeuner, elle eut envie de sortir un peu. Elle était toujours en pyjama et en robe de chambre, mais ça ne la gênait pas vraiment. Et puis, prendre des affaires pour s'habiller était risquer de réveiller ses colocataires, ce qu'elle voulait éviter à une heure aussi matinale. Elle n'était pas un monstre au point de les priver de quelques heures de sommeil tout de même. Et même si elle les aimait beaucoup, elle devait bien avouer que parfois, un peu de solitude ne lui faisait pas de mal. Une fois dehors, elle attrapa l'une des chaises qui étaient empilées devant le pavillon et la posa un peu plus loin, dans l'herbe. Elle s'y installa, pour profiter un peu du soleil.

Elle ne resta pas seule bien longtemps. Elle leva les yeux, et vit au loin une personne approcher. Une personne qui était loin d'être n'importe qui aux yeux de la jeune femme. Seth. Il n'était pas qu'un ami à ses yeux, mais aussi le grand frère qu'elle n'avait jamais eu et même s'il n'était pas son frère de sang, elle le considérait pourtant comme tel. Elle se sentait toujours bien avec lui, plus joyeuse. Lui au moins ne la regardait pas comme une extraterrestre. Elle arbora un large sourire. Lorsqu'il fut près d'elle, elle se leva et l'embrassa sur la joue.

« Tu es matinal à ce que je vois. Il y a des chaises là-bas, si tu en veux une. »

Passer un peu de temps avec Seth ne pouvait qu'être annonciateur d'une très belle journée. Aux yeux de bien des gens, il était considéré comme complètement fou, et c'était l'une des choses que Chuck appréciait particulièrement chez lui. Il y avait bien peu de personne au sujet desquelles elle pouvait affirmer être aussi proche.

J'étais heureux de marcher un peu comme ça, dans l'air tranquille du jour que se levait et surtout tranquille parce que presque personne n'était encore levé à cette heure-ci. Ou encore en train d'essayer de se sortir du lit.
C'est pour ça que ça me plaisait. L'air sentait encore un peu la rosée du matin parce que malgré que l'on soit en Californie, le temps était tout de même plus frais la nuit. Pas beaucoup, mais il suffisait qu'on bon nuage passe et la rosée apparaissait. Moi j'aime la rosée. Si là je n'étais pas en train de marcher dans l'allée de graviers, je serais en train de marcher pieds nus dans l'herbe humide. Mais bon, ça paraitrait peut être un peu étrange aux gens. Oui oui, même si il n'y a personne. Enfin, des fois on ne remarque pas quand il y a du monde autour de soi. Ca arrive, oui. Et puis il ne fallait pas oublier ceux qui ouvraient leurs volets ou leurs fenêtres pour faire entrer la lumière et aérer un peu. Enfin, peut être que ça il n'y a que moi qui le fait en fait. Je ne suis pas sûr que la plupart des étudiants se soucie de l'aération de leur chambre...
Enfin, le soleil montait doucement dans le ciel et promettait une belle journée. Enfin, il était rare d'avoir de moches journées en Californie en même temps. Surtout quand on avait un système de valeur Anglais au niveau météo. Oh, c'est pas qu'en Angleterre on a du mauvais temps tout le temps, il ne faut pas croire tout ce qu'on dit, on a de superbes étés quand même. Mais chez nous, l'hiver ça existe vraiment. Ici, la température baisse juste un peu, pas de neige, pas de verglas... Quand c'est Noël, c'est pas vraiment Noël. Enfin, pour moi qui aime voir la neige derrière la fenêtre quand le sapin est installé dans le salon, qu'on regarde les vieux programmes télé qui passent tous les ans à cette période de l'année. Noël devrait être comme ça partout... Je sais bien que c'est impossible avec les climats, les saisons inversées, tout ça, mais bon. Je suis sûr que ça émerveillerait n'importe quel enfant de voir cette couche de neige part terre, dans laquelle il a joué tout l'après-midi avant d'aller se coucher pour attendre le Père Noël, se dire qu'il regardera discrètement par la fenêtre quand il entendra la neige crisser sous les sabots des rênes, les planches du traineau et enfin sous les bottes du gros homme rouge. Ca n'a tout de même pas le même effet que de se dire qu'il va ruiner la pelouse de papa-maman en atterrissant. Certes, c'est plus drôle, mais c'est moins magique.
Enfin bref, comme d'habitude, je me perds dans mes pensées. Heureusement, il ne m'est jamais arrivé de foncer dans quelque chose ou dans quelqu'un, c'est déjà ça. Mais je crois que c'est parce que une partie de mon corps reste attentive à ce qui se passe autour de moi et change de trajectoire pour éviter l'impact. C'est bien pratique. Mon corps est tout de même bien fait. Bon, des fois il a des réactions que je ne comprends pas toujours, ou bien que je n'apprécie pas forcément. Mais c'est des choses qui arrivent. Il faut bien que je ressemble à la plupart des gens. Un peu. C'est vrai, j'aime être différent, mais c'est loin d'aider à mon intégration dans des groupes quelconques. Mais comme je ne cherchais pas forcément ce genre d'intégration, ça ne me gênait pas trop.

Enfin bref, n'était pas là la question actuellement.
Je m'approchais de la maison des Alpha. En fait, je crois que je devais faire ça un peu tous les matins, après mon réveil et tout le bazar que je fais après. Je sortais et j'allais faire un tour du côté de cette maison. Des fois, il était trop tôt pour que je croise Chuck. Parce que oui, il arrivait que je me lève encore plus tôt qu'aujourd'hui. Il suffisait que je m'endorme plus tôt la veille (ou parfois le jour même, enfin, même plus souvent le jour même vu que je ne dors qu'une petite paire d'heures en général) pour que je me réveille plus tôt. Aujourd'hui, ça allait, je ne m'étais pas levé trop tôt.
En effet, au fur et à mesure que j'avançais, je distinguais une personne assise tranquillement sur une chaise dans la pelouse de la maison. Encore en robe de chambre et ses longs cheveux auburn flottant doucement dans la brise matinale, le soleil se reflétant si bien dessus. Je souris, c'était bel et bien ma petite Chuck qui prenait l'air.
J’accélérais le pas et bientôt, quand je fus près d'elle, un large sourire sur son visage répondit au mien et elle m'embrassa sur la joue comme à son habitude. Je la serrais dans mes bras un instant et déposais un bisou sur son front. Toujours souriant.
Parfois je me disais que cet échange de tendresse fraternel devait paraître étrange aux autres et que si nous avions une manière différente de nous embrasser – pas ur la joue et le front quoi – ils se diraient qu'on sortait ensemble. Mais à moi ça ne m'est jamais venu à l'esprit. Pas à cause de sa maladie, loin de là, je ne fais pas de discrimination, j'en ai jamais fait, je ne vois pas pourquoi j'en ferais maintenant. C'est juste que comme je l'ai presque toujours considérée comme ma petite sœur, je ne peux pas imaginer qu'on ai une relation amoureuse. Je suis sûr que vu sous cet angle, tout le monde est d'accord avec moi.

« Oh il y a des jours où je me lève plus tôt ! Mais tu n'es pas encore levée ces jours-là. C'est moins drôle. Je souris un peu. Puis hochais la tête. Je vais m'en chercher une, je reviens tout de suite ! »

Je me dépêchais d'aller chercher une chaise là où elle me l'avait indiqué et me battit un instant avec la pile d'assises. Il y a des jours comme ça où je ne suis pas très doué. Mais finalement j'y arrivais et revins vers mon amie.
Je posais la chaise près de la sienne et me laissais tombé dessus. Je crois que la plupart du temps, je me laisse toujours tomber sur les chaises ou les fauteuils, les canapés. Enfin tout sur quoi on peut s'asseoir. Sauf quand j'avais quelque chose entre les mains ou qu'il ne fallait tout simplement mieux que j'évite de le faire suivant la compagnie que j'avais.
Mais avec Chuck, je n'avais pas besoin d'essayer d'être différent de ce que j'étais. Sinon elle aurait trouvé ça étrange. Et elle m'aurait surement tapé dessus jusqu'à ce que redevienne normal. Je souris juste à cette pensée.

« Alors ! Bien dormi ? Moi ça allait. Mais j'ai eu un peu chaud. Je crois que je ne m'habituerais jamais au climat californien. Et puis j'ai fais un drôle de rêve. Je ne me souviens plus exactement de quoi il parlait, mais je sais que au moment de le faire, ça me semblait bizarre ce qui s'y déroulait... »

Voilà, on pouvait dire que je commençais réellement la journée maintenant, commencer à parler, parler, sans presque m'arrêter au fur et à mesure que les pensées arrivaient dans mon crâne, pas forcément avec un ordre logique, c'était là que je savais que débutait une journée. J'allais être comme ça presque tout le temps jusqu'à ce que je retourne me coucher cette nuit.