Samuel en avait bavé étant jeune. Nathan avait été une horreur et Sam lui en avait aussi fait baver. Il n’avait pas tout comprit la première fois qu’il avait dormit dehors toute une nuit. Il avait pensé que c’était mérité, mais avec le temps et les coups, il avait voulu se redresser et prouver qu’il ne méritait pas ça. Seulement c’était Céline, sa mère, qui avait prit des coups. Samuel avait donc comprit que s’il protestait une seule fois, c’était sa mère qui aurait les coups. C’était un détail que ça personne ne savait. Samuel avait toujours voulu protéger ses frères et sœurs de cette vérité. Ils ne savaient pas que Céline avait tenté de l’aider, mais qu’elle aussi avait reçu des coups. Alors quand il expliqua à Logan que Nathan et Céline étaient ses parents, il pû lire sur son visage une expression qu’il ne connaissait que trop bien. Une expression qu’il avait lui-même encore aujourd’hui. Samuel n’avait pas tourné la page sur ce que lui avait fait Nathan, mais il savait faire la part des choses aujourd’hui. Parlant alors de Kilian, Sam essaya de faire comprendre à son petit frère qu’il n’aurait pas dû abandonner son fils. L’écoutant alors parler, il fronça les sourcils et le fixa dans les yeux. Il écoutait avec attention et le laissa parler jusqu’au bout.

Oui j’ai trouvé ça stupide, mais j’ai compris aussi pourquoi tu avais fait ce choix. Je sais ce que tu as vécu. Oui, nous avons des parcours communs et j’aurais préféré que tu ne vives pas ce que j’ai vécu Logan.

Sam serra la mâchoire. Il avait toujours voulu protéger ses frères et sœurs, mais il n’y était pas arrivé. Il avait vu les failles et il s’en était longtemps voulu pour ça. Il s’en voulait encore d’ailleurs.

Avoir abandonné ton fils, c’est avoir fait ce qu’à m’a fait subir Nathan.

Voyant le regard noir de son frère, Sam savait qu’il avait touché une corde sensible.

Tu n’as jamais levé la main sur Kilian, tu as été un bon père. Mais en l’abandonnant, tu l’as frappé. Tu l’as fait taire en coupant les ponts. Tu l’as frappé là où ça fait mal. Si je te dis ça, ça n’est pas pour te dire que tu es comme Nathan, mais tu as eu le même comportement. Seulement toi, tu as encore le temps de te rattraper. Kilian sait ce que tes beaux-parents lui ont dit de toi et ce que moi je lui ai dis aussi. Il sait qui tu es, mais pas à quoi tu ressembles. Alors ne gâches pas ça Logan. Apprends à le connaître, c’est vraiment un garçon qui mérite de laisser entrer dans ta vie.

Oui, Kilian était un jeune homme aujourd’hui, mais un jeune homme qui avait du potentiel. Il ressemblait beaucoup à Sasha. Il avait cette douceur qu’elle avait toujours eue. Ce fait de ne pas juger les autres malgré tout ce qu’on en dit. Kilian était un garçon posé et qui savait faire la part des choses. Mais il avait cette part d’ombre en lui. Il n’avait jamais connu son père que par des paroles ou quelques photos. Mais il ne l’avait jamais vu en vrai. C’était le moment d’avancer et d’apprendre à connaître l’autre. Puis, Samuel demanda à son frère dans quoi il allait travailler. Haussant les sourcils, il fut assez surprit, mais ne pû s’empêcher de sourire.

Oui, nous sommes collègues.

Hochant la tête, il fixa son frère.

Tu voudrais venir à la maison ? J’ai de quoi manger et boire ?

« Avoir abandonné ton fils, c’est avoir fait ce qu’à m’a fait subir Nathan. » J'étais totalement surpris qu'il ose tenir ce genre de propos. Comment osait-il me comparer à l'homme qui se disait être mon père ? Il était clairement en train de me trouver des points communs avec le pire des salopards, avec un monstre. Ainsi, je fronçais subitement les sourcils en marquant davantage ma ride du lion, alors que je lançais un regard si noir à Samuel que je lui faisais comprendre de cette façon qu'il n'avait pas intérêt à répéter cela une seconde fois. C'était terriblement vexant. Je sais que je n'ai certainement pas agi de la meilleure des façons, même si je ne trouvais présentement aucun autre moyen de faire face à ma dépression sans avoir, à l'époque, à ce que la situation ne déteigne sur mon fils. Nathan, lui, était un enfoiré, un sale type qui trouvait intéressant de frapper sur une personne beaucoup plus faible que lui, sur un enfant, juste sous prétexte que sa femme l'a trompé. Qu'est-ce qu'il avait demandé Samuel ? Certainement pas à venir au monde. Il n'a pas choisi ses parents et je trouvais d'une très grande injustice que le chef Salaun lui ai fait payé pour une erreur qu'à commise notre mère. Donc non, il n'avait pas le droit de me comparer à lui. J'avais agi d'une façon qu'il n'appréciait pas, certes, mais ça partait d'une bonne attention. Ce que je souhaitais, c'était que Kilian puisse obtenir le meilleur, qu'il n'ait pas à supporter un père dépressif alors qu'il était encore bien jeune.

J'écoutais mon frère reprendre la parole. Ça ne me rassurait pas vraiment. Et, à peine il eut terminé, que les mots sortaient de mes lèvres comme une averse de pluie lors d'un orage, et ce, dans un très bon français. Inutile d'utiliser des mots anglais avec lui, c'était bien plus simple de s'expliquer dans notre langue maternelle. « J'ai peut-être abandonné mon fils, mais il n'a pas livré à lui-même ! Je me suis arrangé pour qu'on l'élève dans les meilleures conditions, afin qu'il ne manque de rien. Pendant dix ans, j'ai mis une petite partie de ma paye sur un compte qui lui était destiné pour qu'il puisse s'offrir des études et une vie étudiante convenable ! » Je passais mes mains dans mes cheveux, alors que j'étais clairement en colère face au fait qu'il puisse me comparer à mon père biologique. « Tu n'as pas le droit de dire que je suis comme Nathan. C'est totalement différent ! Qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? J'ai été faible sur ce coup là, lorsque Sasha est décédée ! Tu espérais quoi ? Qu'il allait réussir du haut de ses six ans et demi à faire à manger, à s'occuper de lui tout seul, et à faire les courses ?! » Mes sourcils toujours froncés, je ne quittais pas un seul instant mon frère aîné du regard. « Avec un père en dépression dans les pattes, il allait se voir voler sa jeunesse. Est-ce que tu peux comprendre ça ?! Donc non, certes, il n'a pas pu me connaître davantage, mais j'ai agi de la sorte pour qu'il ne manque de rien ! Tu dis... tu me diras sûrement que la présence d'un père est plus importante que tout, mais crois-moi, ça ne l'aurait pas soulagé de devoir s'occuper de moi parce que je déprimais tant que je me fichais pas mal de me nourrir. Tu pourras dire tout ce que tu veux, je sais que je me suis planté, mais je n'avais pas de meilleures solutions ! » Je baissais enfin mes yeux entre le marron et le vert, sur le sol, avant de les reposer sur Samuel. « Donc non, je ne suis pas comme Nathan. J'ai toujours voulu le meilleur pour mon fils, pas lui mener la vie dure en le frappant, en le faisant dormir dehors ou bien en lui faisant prendre des douches glacées ! Il a fait ça par amour lui peut-être ? Je ne pense pas non. »

Présentement, je me fichais pas mal qu'il m'invite ou non à venir chez lui pour prendre un verre ou je ne sais quoi. Nous avions clairement besoin de remettre les points sur les « i » depuis mon absence.

En comparant Logan à Nathan, Samuel savait que son frère le prendrait mal. Seulement, il voulait le bouger, le faire réagir. C’est en effet ce qui fut fait. Laissant Logan parler, il l’écouta jusqu’au bout, sans rien dire. Seulement la fin de ses propos, firent froncer les sourcils de Sam.

Nathan l’a fait parce que je le lui avais demandé.

Se passant les mains sur le visage, il savait qu’une partie de la vérité allait être révélée. Il avait voulu protégé cette partie, mais aujourd’hui, il fallait que ça soit dit.

Il a commencé à me frapper que tu n’étais pas encore né Logan. Ensuite, j’ai découvert qu’il n’était pas mon vrai père et je lui ai dit, comme une claque en plein visage. Il le mériterait et il mériterait que je lui rappelle encore chaque jour. Seulement quand j’ai essayé de faire cessé tout cela, il s’en ait prit encore plus à moi et maman s’est interposé.

Serrant les dents, il n’aimait pas parler de ça et encore moins s’en souvenir.

J’avais fais tomber sa bière. Il regardait la télévision et il voulait une bière. Maman faisait la cuisine et elle ne pouvait pas la lui amener, alors elle m’a demandé de le faire. Seulement, je me suis prit les pieds dans le tapis du salon et la bière s’est renversée sur lui. Il m’a frappé jusqu’à ce que je ne sente plus mes bras et mes jambes. Maman a voulu qu’il se calme, qu’il s’arrête, seulement il s’en ait prit à elle. Il l’a frappé aussi fort qu’il l’a toujours fait avec moi.

Sentant les larmes lui monter aux yeux, il détourna les yeux et sentit sa respiration qui s’accélérait petit à petit.

Elle avait des bleus sur le visage et sur le corps. Je lui ai dit de ne plus jamais s’interposer. Que je pouvais gérer ça seul. Elle ne voulait pas m’écouter, mais elle a finit par comprendre que je m’en faisais pour elle. Seulement je préférais recevoir tous les coups et qu’elle n’ait rien. J’ai préféré protéger notre mère et j’ai demandé à Nathan de me frapper autant qu’il le voudrait, mais qu’il devait laisser maman tranquille.

Fixant Logan dans les yeux, il réussit à ravaler ses larmes, même si c’était difficile.

Les coups de ceinture, ceux de ses mains, de ses pieds, les nuit à dormir dehors, les bains glacés, mais également la violence psychologique, en me disant que je n’étais rien pour lui, que je ne serais jamais son fils, que je n’étais qu’un meuble, un objet de décoration dans la maison, c’était pour moi, mais aussi ce qu’il voulait faire subir à maman quand il était énervé après elle. N’étant pas le fils de Nathan, c’était plus simple pour lui de faire ça avec moi. Toi, notre frère et nos sœurs, vous êtes ses enfants, son sang, sa chaire et j’ai toujours essayé de faire au mieux pour vous protéger de lui. Mais je n’ai pas eu besoin de le faire, vous êtes ses enfants, alors j’ai subit, mais je la fermais.

Serrant la mâchoire, il continua de fixer son frère dans les yeux.

Alors toi avec Kilian, non tu n’as pas fait la même chose ! Seulement, tu l’as obligé à avoir un père fantôme, un père qu’il dont il ne se souvient pas. Un jour il m’a demandé si tu ne l’aimais plus. Que veux-tu répondre à ça ? Je ne suis que son oncle Logan.

Se passant les mains dans les cheveux, il savait qu’il ne devait pas s’énerver contre son frère, mais oui ils devaient parler.

Tu savais que quand Sasha est morte tu pouvais compter sur moi. Tu aurais laissé Kilian chez tes beaux-parents et tu serais venu vivre chez moi. J’étais passé par tout ça aussi et j’aurais pû t’aider. Tu aurais alors été présent pour ton fils. Tu dois être présent pour lui, parce que l’argent n’est rien comparé à l’amour que porte un fils à son père.

Je ne pensais pas que nous aurions en premier lieu cette conversation, Samuel et moi, lors de nos retrouvailles. J'étais stupide, car dans le fond, c'était assez inévitable. Qu'espérais-je ? Que nous allions nous serrer l'un dans les bras de l'autre, parler du bon vieux temps comme si rien de s'était passé, comme si nous n'avions pas été séparés depuis un peu plus d'une décennie ? N'importe quoi. À croire que je croyais encore au Père Noël. Mais ce dont je ne m'étais définitivement pas attendu, c'était à ce que mon frère aîné me dévoile certaines choses concernant l'histoire avec Nathan Salaun. Chacune de ses phrases me firent l'effet d'un couteau se plantant dans mon dos avec violence, et sans aucun sentiment de pitié. Presque une vingtaine de coups au final. Il me prouvait davantage que le type qui me servait de père était un véritable monstre, qui frappait doublement mon frère aîné juste pour ne pas lever la main sur sa femme. Car en plus de s'en prendre à un enfant, il devait également « se mesurer » au sexe opposé ? Quel homme peut agir ainsi ? Il lui manque sérieusement une case. Et alors que les paroles sortaient au fur et à mesure des lèvres de Samuel, mon poing se serrait davantage, jusqu'à ce que mes ongles courts fassent apparaître une légèrement douleur dans la paume de ma main. Néanmoins je ne lui coupais pas la parole. Là, c'était décidé. Si un jour mon chemin recroisait celui de Nathan, il faudrait me stopper pour que je ne lui retire pas la vie. Il est rare que je ressente une haine aussi profonde pour quelqu'un. Mais certaines personnes parfois vous énerve tant, que vous ressentez le besoin de les frapper, de les faire saigner comme des porcs, si bien que même l'idée de leur fracasser la tête contre un mur de briques vous soulage. Encore faut-il passer à l'action certes, mais tout de même. Je me fais peur lorsque ce genre de pensées envahissent mon esprit et pourtant, on dit que c'est purement humain et que l'on ressent cela au moins une fois dans sa vie.

J'étais tout simplement très vexé que Samuel pense que j'étais comparable à Nathan. Il venait tout juste de prouver que ce dernier était encore un peu plus salopard que je le pensais, mais non, mon frère devait continuer à me comparer à lui. Ça me blessait, ça me vexait, ça m'énervait également. Mais je savais qu'au final, il n'y avait pas de discussion possible. Il resterait campé sur son point de vue. Je savais que j'avais mal agi, mais je savais néanmoins clairement que j'étais bien meilleur que Nathan Salaun, sans l'ombre d'un doute. Samuel pouvait penser différemment s'il le souhaitait, je trouvais juste dommage que mon propre frère ait un tel apriori sur moi. Et, tant ça me bouffait, je sentais les larmes me monter aux yeux si bien que ces derniers venaient de rougir. « Je savais que tu dirais ça, c'était trop prévisible. Mais sincèrement, j'aurais préféré avoir un père comme moi, un père « fantôme » comme tu dis, plutôt qu'un père comme Nathan. On est peut-être tous les deux des salops, mais quoi que tu dises, le degré n'est pas le même. Je ne suis pas aussi blâmable que lui. » Je passais mes mains dans mes cheveux. C'était un geste typique des Salaun. Nous nous passions toujours les mains dans les cheveux lorsque nous étions gênés, énervés, nerveux, etc... Et c'est en ce geste là que je reconnaissais Samuel.

« Qu'est ce que tu veux que je te dises de toute façon ? Tu penses que je suis un enfoiré et j'aurais beau m'expliquer, ce que j'essaie de faire depuis tout à l'heure, tu ne voudras toujours rien entendre. À quoi bon discuter de ça alors ? Nous n'arriverons jamais à trouver un terrain d'entente. » Et je n'avais pas tord. Quoi que je puisse dire, Samuel continuait de me voir comme un véritable salopard. Si son point de vue ne pouvait changer sur ma personne, autant que nous en restions là. Qu'espérait-il ? Que je me flagelle pour un acte de pénitence ? C'était totalement stupide. Il devait m'accepter ainsi, ou bien nous devrions nous considérer dés à présent comme des inconnus, ce que je n'espérais pas, bien évidemment.

Evidemment que tu n’es pas aussi blâmable que Nathan. Lui a été un vrai salopard et je sais de quoi je parle, mais toi, tu as fais du mal à ton fils. Il a toujours voulu qu’on lui en dise plus sur toi, jusqu’au jour où moi et les parents de Sasha n’avions plus rien à lui dire, vu que nous n’avions pas de nouvelles. En tout cas moi je n’en avais pas.

Samuel savait ce que son frère avait vécu. Lui aussi avait perdu la femme qu’il avait aimé. La mère d’Antoine. Cette femme qui avait fait le premier pas vers lui et qui était décédée sans qu’ils voient les choses arriver. Ecoutant Logan reprendre la parole, Sam fronça les sourcils.

Si, on le peut.

Il fixa son frère.

Si tu acceptes de me parler de ce que tu as fais pendant tout ce temps. Si tu acceptes de me dire qui tu es aujourd’hui et surtout si tu peux m’assurer que tu resteras ici et que tu ne partiras plus sans donner de nouvelles.

Même sil était le plus âgé des deux, Sam avait besoin d’être rassuré. Il avait besoin de savoir que son frère n’allait pas disparaître du jour au lendemain. En tout cas, il ne le laisserait pas faire, pas cette fois.

Ces derniers temps ma vie n’a pas été des plus simples, alors si tu dois repartir c’est maintenant. Parce que tu sais que je suis du genre à m’attacher. En plus tu es mon frère, alors si tu dois repartir, je préfère ne plus de voir à partir de maintenant pour ne pas souffrir à nouveau. J’ai déjà assez donné de ce côté-là.

C’est vrai qu’il avait été au plus bas et qu’il avait vraiment touché le fond. Il voulait s’en sortir désormais et il avait besoin de savoir si oui ou non Logan comptait partir. Il lui avait dit qu’il allait désormais enseigner ici, mais il ne voulait pas qu’un jour il lui dise qu’il allait partir.

Mais sache que si tu restes, je serais là.

Il le fixa dans les yeux, pour lui faire comprendre qu’il serait là quoi qu’il arrive. Il prenait toujours à cœur son rôle de grand frère, donc si Logan restait vivre ici, il serait là.

Je me demandais ce que Kilian pouvait penser de moi. Me voyait-il comme quelqu'un de bien, comme aurait pu lui dire ses grands-parents ainsi que Samuel ? D'ailleurs je voyais bien ce dernier lui expliquer, quand il était plus jeune, que son papa était parti sauver le monde. Ça aurait bien été son genre. Mon frère aîné aurait toujours tout fait pour rendre le sourire à un enfant. Ou bien au contraire, il devait me prendre pour un grand looser, un type incapable d'affronter la mort de quelqu'un, qui a fuit par lâcheté, et qui préférais mourir plutôt que de réussir à tourner la page. Mais lorsque l'on ne vit pas une telle tragédie, il est difficile de se faire une image, qu'elle soit positive ou non, de la personne qui l'a subie. Quoi qu'il en soit, un jour, le jour où j'aurais la force d'aller voir mon fils pour lui parler, pour refaire sa connaissance, le jour où il acceptera de m'écouter, de m'accorder quelques minutes pour discuter ensemble, je tâcherais de m'expliquer, de trouver les mots justes, les plus adaptés pour qu'il soit en mesure de comprendre mon point de vue, sans que je n'ai à lui faire un roman. Pour le moment, je ne saurais pas vraiment quoi lui dire, donc je préférais reculer l'instant où j'aurais à aller à sa rencontre pour rattraper le temps perdu. Mais il est désormais grand. Kilian n'a plus besoin de moi. Je ne serais donc pas étonné qu'il me réponde quelque chose du genre : « Quand j'étais gosse, tu n'étais pas là, j'ai toujours fait sans la présence de mon père. Maintenant je suis adulte, donc tu n'as pas à entrer dans ma vie. » C'était un risque à prendre, c'était même fort probable qu'il me lance ce genre de paroles. Mais au moins, j'aurais essayé, j'aurais tout fait pour rétablir un lien fort entre nous deux.

Finalement, Samuel m'expliqua qu'il avait besoin d'être rassuré, de savoir si je comptais repartir un jour et ne plus jamais donner de nouvelles. Je baissais un instant les yeux. Oui, je l'avais fait souffrir et j'en avais conscience. Jamais je ne me permettrais de recommencer une fois de plus. Non, je ne comptais pas repartir. Je voulais garder un œil sur Kilian, qu'il m'accepte ou non dans sa vie ; je voulais pouvoir me recueillir sur la tombe de ma femme ; je voulais compter de nouveau Samuel dans mon entourage proche ; je voulais redevenir quelqu'un de bien, retrouver un minimum d'humanité, oublier toutes les horreurs que j'ai pu voir lorsque j'étais encore dans l'armée. J'avais toute une vie à reconstruire, et c'est ici, à San Francisco que je le ferais. « Promis. Je reste ici, et je te promets que si je dois m'absenter, tu auras de mes nouvelles tous les jours. » Je lui adressais un faible sourire, avant de lui tendre ma main, afin de la lui serrer, comme pour lier ce nouveau pacte, cette promesse. Puis je m'approchais de lui pour une accolade virile.

Et lorsque je me détachais de lui, je posais un instant mes yeux marrons clairs sur la tombe de Sasha. Je m'approchais de cette dernière et faisais le signe de croix, avant d'effleurer la pierre. Puis je me retournais vers Samuel. « Viens, je t'offre un café. », lui lançais-je avant de quitter avec lui le cimetière pour nous asseoir à la terrasse d'un petit café non loin de là. Il faisait beau, donc autant en profiter, non ? Je sortais mon paquet de cigarettes et en calais une entre mes lèvres, avant de l'allumer avec mon zippo. Puis je présentais ce même paquet à mon frère, ne sachant pas s'il fumait. Quoi qu'il en soit, je lui faisais comprendre qu'il pouvait se servir s'il le souhaitait.

Il refaisait sa vie, il avait alors besoin de certitude pour certaines choses, comme celle de savoir si son frère allait rester dans le coin, où s’il finirait par partir. Lui expliquant donc qu’ils pouvaient se revoir comme avant, il donna plus de précisions. S’il pouvait dire que oui, il restait bien vivre ici, c’était déjà un début. Ensuite, ils pourraient se refaire confiance et reprendre là où ils ne s’étaient plus vus. L’écoutant alors dire qu’il aurait des nouvelles tous les jours, si jamais il devait partir, Sam se mit à sourire.

T’as intérêt, sinon je viendrais te chercher moi-même.

Voyant Logan lui tendre la main, il la serra en retour. Voyant alors son frère se rapprocher de lui, Sam attendit de savoir ce qu’il comptait faire, avant de se retrouver dans ses bras. Faisant la même chose en retour, il apprécia cette accolade. Retrouver son frère, c’était quelque chose qu’il aimait vraiment. Se retirant de son étreinte, Sam regarda son petit frère fixer la tombe et il ne dit rien. Seulement, il réagit à la proposition de son frère en souriant. Marchant avec lui jusqu’à un café, Sam prit place et pû commander un café. Voyant son frère son paquet de cigarette, Samuel hésita à en faire autant. Il était sur un nouveau départ, mais fumer ? Il avait déjà son foie qui pouvait le lâcher à tout moment, alors il préféra simplement refuser poliment. Mais il savait qu’il fumerait, pas des cigarettes, mais les Sampi avaient bien mieux à lui proposer et il comptait bien leur rendre visite pour ça. Se retrouver comme étudiants, dans ses années de fac, à faire le mur et fumer des pétards, ça n’était pas pour lui déplaire. Remerciant le serveur, quand il leur apporta leurs commandes, il but une gorgée de son café, avant de regarder à nouveau Logan.

Dis-moi tout.

Il était sérieux et Logan devait le savoir.

Qui es-tu aujourd’hui ?

Après tout, ils allaient devoir réapprendre à se connaître, alors autant qu’ils commencent tout de suite et qu’ils soient sincère l’un envers l’autre.

A ma grande surprise, et à mon plus grand soulagement aussi, j'étais heureux de retrouver mon frère aîné, celui qui avait été mon modèle depuis mon enfance. Je pensais avoir perdu tellement d'humanité depuis ces douze dernières années que je pensais ne rien ressentir en retrouvant les personnes qui sont censées m'être chères. Pourtant non. Je ressentais du bonheur en tenant Samuel dans mes bras. Du bonheur... je n'en avais pas ressenti depuis tellement longtemps que j'en avais oublié la sensation. Oui, j'ai oublié comme c'était bon. Au fond, il me restait quelques petites choses qui font encore de moi un homme, et pas seulement un animal en cage qui ne demande qu'à sortir pour répondre à ses instincts. Quand j'ai revu pour la première fois Kilian, j'ai ressenti du soulagement, mais également beaucoup de honte et de culpabilité, si bien que le bonheur était resté encore un peu distant avec moi.

Nous nous retrouvions tous les deux sur la terrasse d'un café. Il était tant d'avoir une discussion sérieuse sur nos vies respectives depuis que nous nous étions quittés. Ou plutôt, lorsque j'ai coupé les ponts avant de m'isoler dans une autre partie du monde, sur un continent plus lointain. « Dis-moi tout. Qui es-tu aujourd’hui ? » La question que je redoutais, dans la mesure où c'était tellement long à expliquer, tellement gênant aussi pour un homme comme moi qui éprouve une grande difficulté lorsqu'il s'agit d'exprimer des sentiments. Je restais un instant silencieux, tirant une nouvelle latte sur la cigarette. Samuel venait de refuser d'en prendre une. Je hochais la tête. C'était tout à son honneur. Le serveur arriva à notre table. Je laissais mon frère aîné choisir ce qu'il désirait en premier, puis je pris la parole. « Pour moi ça sera un café. » Il retourna à l'intérieur, et je reposais mon regard marron, qui était présentement en train de virer au vert avec le rayon de soleil que je me prenais dans la figure, sur mon frère.

« Quelqu'un de très différent du Logan que tu as connu. », lui avouais-je sur un ton peu fier, presque dans un chuchotement. Je savais qu'il entendait également par cette question « Raconte moi tout ce que tu as fait depuis que tu es parti, je veux tout savoir. ». Je le sentais dans son regard bleuté. Je baissais un instant la tête, avant de commencer mon récit, d'une façon assez lente, avec quelques pauses. « Comme je te disais... la mort de Sasha a été une grande défaite personnelle. On a lutté main dans la main, mais ça n'a pas suffit. Quand elle est décédée, je suis décédé aussi, avec elle. J'avais l'impression d'être spectateur de mon état. C'est... difficile à expliquer. C'est comme si j'étais devenu quelqu'un d'autre, je ne me reconnaissais pas. J'ai... donc confié Kilian à ses grands-parents et suis reparti en France. J'ai abandonné les planches. » Et Dieu sait que je m'épanouissais dans mon travail de comédien, d'autant plus que j'étais reconnu dans le métier. « Je n'avais plus goût à rien. Je me suis enfermé dans l'appartement. J'ai... d'abord songé à me tuer sauf que je n'avais pas le courage de le faire moi-même. Et comme j'avais besoin de me défouler, je me suis engagé dans l'armée. Je trouvais que c'était un bon plan. » Je croisais le regard de Sam. « Je pouvais me défouler, faire ressortir toute la colère que je pouvais ressentir. Et avec un peu de chance, je me disais que j'arriverais peut-être à perdre la vie. » Je n'en étais pas bien fier et pourtant... « J'ai commencé comme simple recrue à l'armée de terre. Je me suis retrouvé la première année en Afrique, où j'ai rencontré Andrew Holden... je ne sais pas si tu le connais, mais il travaille à l'université lui aussi. Bref... J'ai commencé à prendre goût à la guerre. Ne crois pas que ça m'a plu de voir des gens de faire massacrer devant moi. Mais je me sentais utile. J'appréciais faire tout mon possible pour venir en aide à des familles. Et puis, j'étais un des meilleurs. » Je ne suis pas du genre à me vanter. Mais ma forme physique et mon côté stratégique ont fait de moi une bonne recrue. « Ensuite j'ai été nommé sous-officier, et adjudant quelques années après. On faisait des missions en Afrique, en Asie, au Moyen Orient. Partout où il y avait des tensions, des terroristes. Il y a moins d'un an, je me suis fait tiré dessus. » Je posais ma main entre mon cœur et mon épaule gauche, puis avalais ma salive. « J'ai été rapatrié. J'ai dû suivre une rééducation, et comme j'en avais terminé avec l'armée, c'était l'occasion de recommencer une nouvelle vie. Quand... quand j'ai été à l'armée, j'ai... perdu beaucoup de ce qui fait de chaque personne un humain. J'ai besoin de retrouver du bon sens, pas de rester un animal. Donc me voilà... »

Retrouver son petit frère était quelque chose d’inattendu pour Samuel. Il n’avait plus de novelles depuis des années, il s’était donc toujours dit, qu’il n’aurait plus jamais de nouvelles. Il avait souvent entendu sa mère lui dire qu’une personne de l’armée viendrait leur annoncer la mort de Logan, mais rien jusqu’à présent et là, il venait de voir un revenant. Après quelques explications de misent, ils purent sortir du cimetière, pour aller boire un café. Prenant place dans un endroit choisit par l’ex militaire, Sam ne fit que suivre. Puis, il demanda à Logan qui il était aujourd’hui. Il voulait réapprendre à connaître son frère. Il savait qu’il n’était plus le même que par le passé. Il restait sans doute des choses inchangées, mais il y avait sans aucun doute plus de choses qui avaient changés. Ecoutant alors son frère parler, Sam fut tout ouïe. Samuel n’aurait jamais pensé entendre tout cela de la part de son frère. Il avait été bien plus détruit qu’il ne l’avait imaginé. Sam aussi avait ressentit ce genre de choses quand il avait perdu sa femme, la mère d’Antoine. Mais lui n’avait pas essayé de se suicide, il avait pensé avant tout à son fils. Ce petit garçon qui venait de perdre un parent. Il ne pouvait pas l’abandonner ainsi. Evidemment, il l’avait fait après, quand il avait sombré dans l’alcool, mais il avait toujours essayé d’être là pour son fils. Le besoin de se défouler, il l’avait ressentit aussi, mais il l’avait mit dans la boxe et le base-ball. Il n’avait pas sû comment faire au départ et il avait commencé à boire, avant de se dire qu’il devait élever Antoine. Alors, le sport lui était venu naturellement. Entendant finalement parler d’Andrew Holden, Sam avait déjà entendu ce nom. Cherchant dans sa mémoire, il repensa à Cheyenne. Il appréciait la jeune femme et il l’avait souvent vu avec un homme et un jour, il lui avait demandé qui il était et elle lui avait parlé d’Andrew. Mais il n’en savait pas vraiment plus sur lui, à part la matière qu’il enseignait, mais c’était tout. L’armée, Samuel l’avait faite aussi. C’était encore l’époque du service militaire obligatoire pour lui. Lui aussi tué des gens et ça avait été difficile ensuite de revenir à la vie civile. Il espérait que Logan n’aurait pas ce genre de problèmes. Mais en entendant son frère dire qu’il s’était fait tirer dessus, Sam ouvrit de grands yeux. Il n’avait jamais été mit au courant. Il ne dit rien à ce sujet et il ne voulait pas non plus l’interroger, pour qu’il soit mal à l’aise.

Nous sommes tous des animaux. Seulement les situations que l’ont vie, font que ce côté animal prend le dessus ou pas.

Samuel fixa son frère. Ce dernier lui avait dit toute la vérité et il devait avouer qu’il ne s’était pas attendu à certaines choses.

Tu veux te comporter comment face à Killian ?

Il devait le savoir. Sam avait plusieurs fois eu des contacts avec son neveu, il voulait donc savoir ce que Logan comptait faire face à son fils.