Une envie de prendre l’air, rien de plus, pourtant depuis quelques semaines la jeune femme avait pris possession de la Bibliothèque. Pas tant pour étudier, mais plus pour éviter certaines personnes. Non pas que la Belle avait peur de la Société, juste qu’elle évitait les confrontations quand la personne concernée était elle ! Aucune envie de parler de son passé… Si elle était venue ici, c’était pour tourner la page, commencer une nouvelle vie et changer du tout au tout. Trois ans qu’elle était ici, et ceux qui avaient découvert le pourquoi de son comportement pouvaient se tenir sur les doigts d’une main et qui plus est, la majorité de ces personnes était féminine pour ne pas dire toute ! Et puis il y avait eu ce petit Français… Jules, Jules et sa petite avancée. Elle aurait dû rester ce jour-là, ne pas fuir comme elle l’avait fait. C’était certain qu’à force de fuir elle allait finir par éveiller les soupçons, déjà qu’elle ne fréquentait pas beaucoup d’hommes mais si en plus elle repoussait les seuls qui s’intéressaient à elle… On allait soit la prendre pour une lesbienne, soit deviner ce qui se tramait dans son esprit perturbé. Dingue ce que cette perspective ne la branchait pas du tout… Et pourtant plus elle y repensait plus elle était certaine qu’il avait compris, sa façon de se braquer lorsqu’il s’était approché d’elle. Connerie ! C’était injuste, elle était tellement plus joueuse et plus heureuse avant que ce salaud ne la viole ! Aujourd’hui, rare étaient les fois où elle osait sortir toute seule lors de soirée, et c’est ce genre de petites choses qui lui manquaient le plus.

Après trois heures passées à bouquiner, la jeune Thêta avait eu envie de changer d’air, marre de se prendre la tête sur les techniques de développement commercial alors la jeune femme avait embarqué toutes ses affaires et avait pris la poudre d’escampette, direction le centre ville, la Belle avait bien l’intention de faire flamber la carte bleue de son papa, après tout s’il la lui avait confiée c’est qu’il y avait une raison, alors autant en profiter ! Un petit sourire en passant devant son casier, juste un sourire amical pour dire bonjour à une amie qui passait par là, rien de bien passionnant me direz-vous mais bon, la vie est faite de choses futiles et inutiles mais pourtant indispensables.

Une porte franchie, et puis elle avait traversé le Parc avant de griller une chose, là encore futile mais bel et bien indispensable à la suite de sa journée… Ses clefs de voitures étaient dans sa veste, veste qui se trouvait à son grand dam dans son casier. D’un pas rapide elle avait regagné l’Université et lorsqu’elle avait voulu franchir la porte du hall principal, la jeune femme était tombée nez à nez avec son petit Frenchie préféré. Un sourire gêné et la jeune femme avait comme détourné le regard.

- Jules… Désolée j’ai… J’ai pas beaucoup de temps à t’accorder. Comment ça va ?

Vous devez tous surement vous demander à quoi ressemble mon quotidien. Eh bien pour tout vous dire, je vie une vie de fou dingue, constamment arraché à des activités pour aller en faire d'autre, constamment à devoir blablater sur une chose, en écrire une autre. J'étais un bosseur, un vrai et dur bosseur, et je passais la majorité de mont temps dans ma chambre à apprendre mes cours et à faire mes devoirs. C'était quelque chose que j'aimais bien faire, par habitude, car j'avais toujours été premier de ma classe, premier de mon école, et je voulais certainement être le premier de mes cours d'histoire de l'art. J'étudiais avec grande patience, ne me laissant perturber par aucune chose. De toute façon, personne ne pouvait plus me sortir de mon état semi comateux de quand je travaillais, à moins de me lancer un seau d'eau glacée sur la tête. Et encore. C'était ainsi que j'avais passé ma matinée à étudier, de longues heures qui passaient comme des secondes pour moi, et j'avais déjà fini les devoirs à faire dans plusieurs semaines. Avoir de l'avance était quelque chose de primordial à mon égard, car je ne pouvais jamais angoisser de ne pas avoir fait quelque chose à temps. Mais bon, angoisser, moi ? J'étais la figure même du stoïcisme et du calme. J'avais du mal à profiter du moment présent par contre, c'était un petit désavantage, même si les autres pouvaient avoir cette impression. Comme ils ne voyaient pas vraiment que je pensais être le meilleur partout et qu'ils n'étaient pas du même avis que moi. Si je laissais sortir toute ma personnalité, personne n'oserait même m'approcher, alors je me contenais.

Après avoir achevé mes devoirs, il fallait absolument que je fasse quelque chose pour me changer les idées. Je n'avais toujours pas trouvé la femme qui me convenait et la recherche était fastidieuse, mes critères de sélection étant .. assez stricts et élevés. En tout cas, c'était ce que l'on m'avait dit, moi, je trouvais tout à fait normal de chercher une femme aussi bien que moi. Je rangeais mes affaires et me dirigeais vers l'extérieur, afin de prendre un peu d'air, avant de me promener sur le campus au hasard. Finalement, je regardais ma montre et voyais qu'un de mes cours allait commencer dans un peu plus d'une heure, mais comme j'étais tout le temps en avance, il fallait que j'y aille dès ce moment précis. Je me retrouvais bien vite à l'entrée du bâtiment et .. quelle surprise.

Mestrellya. Je ne pouvais pas dire que son visage ne restait pas imprimé sur ma rétine et que sa voix marmonnait dans mes pensées. Je ne pouvais pas dire non plus que son attitude plus que dérangeante m'avait profondément perturbée et que je m'étais retourné dans mon lit en me demandant ce qu'elle pouvait bien avoir. Puisqu'il était impossible que je sois celui qui avait un problème, elle devait surement en avoir un. J'avais remarqué sa gêne ou son recul envers les garçons, ce qui me faisait me demander si elle n'avait pas vécu une sorte d'évènement traumatisant incluant des membres du sexe masculins. Ou un.

« On a toujours du temps à accorder à Jules, tu ne crois pas ? »

Je lui adressais un sourire, en espérant qu'elle prenne la phrase à la rigolade. Je n'aimais pas la voir gênée comme cela, et je l'aurais volontiers secouée pour qu'elle lâche le morceau.

« Ça va délicieusement bien si je dois le dire de cette manière, puis-je en dire autant de toi ? »

Je la jaugeais du regard. Ce n'était pas de mon style de m'intéresser aux autres mais Mes' était un cas à part, elle m'intriguait.

« Tu dois aller en cours ? »

Bosser pour réussir, tout donner pour être la meilleure. La jeune femme pouvait parfaitement comprendre ce qu’il pouvait ressentir, quelque part c’était exactement ce qu’elle faisait ! Toujours être au top, c’était sa façon à elle d’oublier ce qu’il s’était passé quelques années plus tôt. Certains déprimaient et se faisaient suivre par des Psychologues ou autre, elle ? Elle avait choisi ses études comme échappatoire à ses problèmes plutôt que de trouver quelqu’un avec qui en parlait, pourquoi faudrait-il parler pour aller mieux. Elle allait très bien, n’avait aucun problème de quelque sorte. La jeune femme avait juste revu ses priorités, il n’y avait aucun mal à vouloir réussir sa vie professionnelle, le reste n’est qu’illusions futiles. Pourquoi faudrait-il qu’elle passe son temps à s’amuser comme les gens de son âge. En quoi boire des litres d’alcool pouvait l’aider à s’intégrer dans une Société. Elle n’avait pas besoin de ça pour être heureuse, tout comme elle n’avait pas besoin de compagnie masculine pour survivre.

Bon d’accord, sur le dernier point, la discussion était ouverte ! Après tout, avant son agression la jeune Thêta avait tout de la jeune femme désirable qui pouvait avoir ce qu’elle voulait. Bêta dans l’âme, elle ne regrettait pas cette période et pourtant certains aspect de son ancienne vie lui manquait. Pouvoir passer d’agréable moment sans ressentir un quelconque stress ou une angoisse profonde de ce qu’il pourrait se passer…

- J’imagine que tu as raison.

Elle avait souri à son tour, après tout Jules ne lui avait fait aucun mal bien au contraire. C’était elle le problème comme à chaque fois qu’un homme l’approchait ! La demoiselle avait replacé une mèche qui lui passait devant les yeux avant de porter son regard sur le jeune homme en essayant de cacher sa gène du mieux qu’elle pouvait.

- Oui ça va. J’suis juste un peu… Surmenée on va dire, j‘ai eu un examen cette semaine et tu sais c’que c’est, révisions et j’en passe.

Elle se serait bien excusée d’être partie si vite la dernière fois, mais ça aurait été ramenée ce sujet sur le tapis et elle n’était pas certaine de vouloir connaître sa réaction.

- En fait, j’ai une heure à perdre avant mon prochain cours de développement.

Un nouveau sourire sur le visage de la Miss lorsqu’elle avait croisé le regard de Jules et puis à force de se triturer l’esprit, la jeune femme avait fini par lancer:

- Pour l’autre jour, j’suis désolée de m’être enfuie de la sorte. J’avais un truc important à faire et…

Commencer par s’excuser avant d’aller plus loin. Après tout, Jules était une personne qu’elle appréciait particulièrement… Le genre d’homme qu’elle n’aurait eu aucun mal à fréquenter avant son agression…

Mon côté studieux était presque une caractéristique innée. Aussi loin que je me souvienne, j'avais toujours été celui avec les meilleures notes, qui bossait plus que tous les autres et qui rendait tous les devoirs, même ceux facultatifs. Je ne vivais pratiquement que pour travailler et suivais les cours avec une assiduité que l'on ne pouvait dénier, surtout ces dernières années car l'énergie mise dans le travail devait augmenter avec le niveau de difficulté des études. L'histoire de l'art n'était pas pour les baba cools ou les flemmards comme certains pouvaient l'imaginer, mais au contraire, on y retrouvait les artistes passionnés et les bosseurs invétérés. Comme moi. Mais détrompez vous, je ne passais pas ma vie à faire ça, en effet, il y avait une autre chose qui me tenait particulièrement à coeur : les filles. Oui, c'était le boulot et les filles, rien de plus rien de moins, peut-être une petite fête de temps à autre mais pas de débauche totale. Je trouvais les gens qui se « bourraient » particulièrement dégoûtants, et je n'étais moi même jamais allé au delà du stade « pompette » de la chose.

Les filles n'aimaient pas les garçons bourrus qui les abordaient en leur faisant des compliments sur leur poitrine ou leurs fesses, elles aimaient les garçons distingués et avenants qui semblaient être le parfait petit ami à présenter à son papa. Je faisais partie de cette dernière catégorie, merci dieu, et la plupart des femmes succombaient à mon charme. Cependant, je n'avais pas encore trouvé celle qui ferait de ma vie un bonheur complet. Orianne avait semblé être la bonne mais elle ne voulait décidément pas de moi, ce qui laissait place à la « chasse ».

Mais Jules a toujours raison ma chère, ne l'aviez vous pas compris ?

Je prenais un air pompeux et formel tout en me rappelant de notre dernière rencontre. Qui s'était, par ailleurs, assez mal passée .. Je pensais que la jeune femme me donnait tous les signes pour que j'ose me jeter à l'eau et lui faire des avances, mais elle m'avait planté là comme on le ferait avec un vulgaire homme de basse classe. Mais comme ce n'était pas la première ni la dernière chose que je remarquais d'étrange dans son comportement, je me demandais fortement si elle n'avait pas vécu une sorte d'expérience traumatisante qui l'aurait amenée à se comporter de cette manière.

Ah les examens ! Tu sais que je suis toujours là si tu as besoin de moi, j'excelle dans des matières autres que celles que j'étudie ..

Je lui lançais un sourire qui se voulait réconfortant mais elle avait l'air toujours gênée. Il ne fallait pas être gêné avec moi, même si j'étais franc et que je manquais de tact, je ne voyais pas pourquoi cela arriverait avec Mes'. Elle était toujours gentille, je ne voyais pas pourquoi je ne le serais pas avec elle.

Superbe, nous allons pouvoir discuter un peu.

Je n'osais pas la toucher de peur de voir sa réaction, et gardais ma posture de garde, les bras le long du corps, droit comme un piquet.

Bah ! Je ne te crois pas, et ce n'est pas en me mentant que tu vas te sortir de cette histoire. Je ne te harcèlerai pas mais je dirais que ce n'est pas joli joli d'inventer des excuses pour Jules le magnifique ..