Le soir s’étirait mollement. Les journées reprenaient en longueur et la douce langueur qu’apportait la chaleur offrait aux jeunes assez d’éclat pour sortir le nez de leur révision. Tel le printemps, les étudiants bourgeonnaient dans le parc ou dans les bars. Les examens avaient été difficiles et laborieux et ne faisaient que commencer, pour certains. Entre son emploi pour O’Malley, son double cursus et les soirées auxquelles elle se devait d’assister pour faire connaître son nom, Lucie n’avait plus eut une minute pour se détendre.

Avoir une belle plume demeurait une chose, garder le poids plume en constituait une autre ! Sa mère n’avait eut de cesse de lui répéter ô combien la ligne et l’apparence restaient crucial dans un monde aussi superficiel que celui d’aujourd’hui. Aussi, la jeune femme se réservait toujours une demi-heure pour rejoindre la salle de musculation et pratiquer un peu de sport. Dérouiller muscles et articulations lui procurait sa dose d’hormone pour se détendre. A cette heure plutôt tardive et pour un soir habituellement réservé aux soirées alcoolisées, Lucie savait que peu de monde se perdrait à la musculation.

Armé d’une tenue adaptée, soit une paire de basket, un short et un T-shirt assez prêt du corps pour lui éviter toute peine de mouvement, Lucie enfila ses écouteurs. Sans prêter attention à l’extérieur, enfermée dans sa bulle, Lucie passa sous le nez de quelques mâles occupés à leur gonflette. Habituellement, aucun d’entre eux ne perdait son temps à la contempler. Il fallait avouer qu’aujourd’hui, elle ne portait pas son pantalon trop large et son T-shirt bien trop vieux pour avoir l’air de quelque chose. Non, elle avait même prit le temps de redresser ses cheveux de façon à ce qu’ils cascadent délicatement sur ses épaules. Pour la première fois de son existence, Lucie venait de se faire siffler. Le tout fut si inattendu que réaliser que l’acte lui était destiné lui demanda un effort surhumain. Du coin de l’œil, Lucie avait parfaitement repéré Rayan, non loin de l’amas de mâle en rut qui la contemplait d’un air étrange. Bah quoi ? Elle allait faire du sport ! Peut être qu’elle devrait plutôt rejoindre les deux trois filles bodybuildé au fond… Est-ce que c’était des filles ? Lucie pivota doucement la tête sur le côté. Non… peut être… enfin possiblement. Les deux femelles la contemplèrent un instant pour mieux lui faire signe d’approcher.

« Bonsoir. »

Le guet-apens semblait tout tendu. Non, elle allait faire comme si elle n’avait rien entendu. Se faire donner des conseils par une femme ressemblant à un homme et qui la regardait comme la dernière des sucreries sur terre pouvait l’effrayer, mais en réalité, elle avait plutôt l’attention d’attirer quelqu’un d’autre. Aussi, elle se contenta de sourire à la femme à muscles d’acier et monta sur l’un des vélo de salle. Et musiiiiique !

L'entraînement entre mâles venait de s'achever, et le plus dominant du groupe, dernier arrivé au sein de l'université et bras droit de la confrérie Delta, resta un instant allongé sur le banc de musculation sur lequel il se trouvait actuellement. La fatigue était de mise ces derniers jours, si bien que Rayan n'avait que très peu mis les pieds dans un bar ou dans une boîte de nuit depuis quelque temps maintenant. Le début de la dépression se faisait sentir pour l'étudiant en littérature qui ne savait plus vraiment sur quel pied danser. Les cours, le boulot, la famille, le sport, les soirées. Trop de données à additionner dans une seule journée, si bien que le blondinet avait fini par laisser tomber cette dernière partie afin de consacrer plus de temps à sa mère adoptive d'une part, et à quelques conquêtes d'autre part. Le décalage horaire semblait être une donnée inconnue et le Delta avait passé bon nombre de ses dernières soirées à téléphoner à la femme qui l'a élevé, restée en Israël, afin de lui parler. Il mettait un point d'honneur quant au fait d'entretenir au mieux leur relation de mère-fils et ce ne sont pas ces milliers de kilomètres de distance qui le feront flancher, il a d'ailleurs tout prévu depuis quelques jours pour la revoir et le début des prochaines vacances annonceraient leurs retrouvailles imminentes. Quant au second point, l'étudiant s'afférait à mettre le feu à certaines étudiantes, mais passait également la plupart de ses nuits auprès d'un certain Marc dans le secret le plus total, bien évidemment. Quelques sifflements plus tard et Rayan ouvrit les yeux tout en se redressant. Blonde aux jambes incroyables, un corps à en faire trembler plus d'un et... le visage de la honte. Lucie. Tandis qu'elle passait telle une hypnotisante louve, le bras droit se contenta de détourner le regard en épongeant la sueur qui coulait sur son visage à l'aide d'une serviette. Un instant plus tard et les colosses s'éloignaient vers le vestiaire, prêts à se doucher avant de partir faire la fête jusqu'au bout de la nuit, une invitation qu'avait déclinée Rayan un instant plus tôt, alors qu'il avait prévu d'aller voir le dernier Spider-Man au cinéma, tout seul, comme un grand. Il aurait bien emmené son frère, mais il se doutait bien que tard dans la nuit, Kenzo aurait de bien meilleures occupations avec la femme qui partageait sa vie. Se redressant enfin du banc, le blondinet retira son tee-shirt couvert de transpiration dans un geste des plus lents, ce qui engendra cette fois-ci, les sifflements des quelques demoiselles présentes dans la salle. Son regard se posa malgré tout sur la jeune Lucie qui venait de grimper sur un vélo. Il ne lui avait plus adressé la parole depuis qu'elle lui avait renversé dessus un maudit verre de lait, et ne l'avait toujours pas pardonné malgré le gâteau qu'elle lui avait par la suite laissé. Intérieurement, il ne cessait de la maudire encore et encore, cette femme était un pot de colle ambulant doublée d'une maladroite qu'il se devait à tout prix d'éviter afin de maintenir une parfaite image de lui. Bien que cette image se voie, un tantinet, tâchée depuis quelque temps, mais il s'en sort tout doucement, les rumeurs concernant une possible relation avec Lubja, qui d'ailleurs n'existe pas, vont de bon train. Les questions fusent dans son esprit, mais une charmante brunette lui passant devant le nez attire toute son attention. « Et, une minute chérie, tu marches beaucoup trop vite à mon goût. » L'attrapant par le poignet, il attire la demoiselle contre son torse chaud et sculpté à la perfection, plongeant son regard ébène dans les yeux bleus de l'étudiante. Possible que Rayan mette de côté sa soirée cinéma au profit de cette demoiselle.

Plus elle pédalait et plus Lucie réalisait que ce n’était pas sur un vélo qu’elle pédalait le plus mais dans sa vie. Les poings serrés sur les poignées offraient la prise idéale à la machine pour calculer la progression en flèche de son rythme cardiaque. Son aîné avait honte d’elle. Lucie le savait mais au-delà de cette réalité, elle comprenait qu’elle avait bafoué la mémoire de sa sœur. Misty avait toutes les raisons de lui en vouloir, de ne pas venir la voir, de se cacher derrières des messages et photographies. Jamais de toute son existence, Misty n’avait eut la langue de sa poche. La tête haute crachait son venin à tout intrus à son bon vouloir. Misty était celle qui aurait dû survivre et non l’inverse.

Et en un battement de cil, Lucie avait quitté son vélo pour rejoindre une brune à la culote trempée et perturbée par le contact physique. Pas le temps de s’accommoder à la situation. Tout se déroulait comme un rêve. Qu’aurait fait Misty ? Comment aurait elle réagit ? Qu’aurait elle dit ? Lucie la connaissait si bien autrefois. Mais que serait elle devenue par la suite ? Qui serait Misty durant l’adolescence ? Qui serait elle, maintenant adulte ? Trêve de questionnement. Misty serait forte, sûre d’elle et pleine d’énergie. Misty demeurait la meilleure des deux. Le contenu de la bouteille d’eau de Lucie se vidait sur le derrière de Rayan. Bien sûr, elle était trop petite pour la déverser sur le sommet de son crâne.

« Oups… pardon… J’ai fais exprès ! » Annonça une voix que Lucie eut de la peine à reconnaître. Aucun tremblement, aucune hésitation et un débit assez élevé pour se faire entendre. Incroyable. Elle ne cherchait pas s’excuser à de multiples reprises, ne tentait pas de réparer son erreur. Au contraire, elle en assumait les faits et les revendiquait. « Cherche pas, le bleu ! Elle n’est pas pour toi. »

Aussitôt Misty attrapa le bras de la brunette avant de lui adresser un sourire tranquille. Doucement, sa main tapota l’avant bras de la jeune femme comme pour la rassurer. Sans plus attendre, elle attira la nouvelle cible de Rayan vers les vélos pour l’inciter à laisser le Delta tout seul. La jeune femme commença à expliquer quelque chose à l’oreille de sa nouvelle connaissance. Visiblement, c’était hilarant ! Aurait-elle conscience qu’elle venait de draguer une fille à la barbe de Rayan Harabo ? Non mais la brune ne semblait pas choquée et au vu de son regard coulant sur la poitrine de Lucie, elle n’était pas insensible à l’idée.
 

Et maintenant, il se tenait là comme le plus parfait des idiots, le short, le caleçon et les fesses trempés, l'eau ruisselant le long de ses puissantes jambes pour venir se perdre dans ses chaussettes, mais également dans ses baskets. Le sol lui-même était couvert d'eau à l'endroit précis où Rayan se tenait. Et il ne faisait rien, il se contentait de fixer cette étrange créature, la bouche-bée. Elle ressemblait à Lucie, physiquement, c'était elle, vocalement, c'était une toute autre histoire. Pas de bégayement, pas non plus d'excuse en essayant de rattraper son coup, cette fille était... différente. Alors l'idée lui sauta immédiatement aux yeux. Lors de sa rencontre avec Meleya, la jeune femme lui avait avoué avoir une sœur jumelle, Aurea, complètement différente d'elle, et Rayan lui-même avait un jumeau avec lequel il pouvait sentir bon nombre de différences. Et si Lucie lui avait caché le fait qu'elle avait une sœur jumelle ? Possible. Il regarde un instant les deux femmes puis reporta toute son attention sur ses vêtements trempés. Ses baskets et ses chaussettes quittèrent son corps, son short suivit le mouvement, l'instant d'après et finalement, le sous-vêtement suivit le même parcours, mais cela fut le seul bout de tissu que l'étudiant en littérature garda dans sa main, s'en servant pour dissimuler la partie la plus intime de son anatomie. Oui, le Rayan se trouvait à présent à poil au beau milieu de la salle de musculation. En même temps, on l'avait cherché. La tête haute et la démarche digne de ce nom, il s'avança vers les deux femmes et pointa un doigt menaçant sur la brunette qu'il avait accosté un peu plus tôt. « Toi, fiche le camp de là. » Évidemment, elle ne se le fit pas répéter et le delta put enfin poser son regard sur la blondinette qui semblait sortir tout droit d'un autre univers. Un monde parallèle, en quelque sorte. Alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la bouche afin de s'exprimer, il fut stoppé dans sa lancée par des gloussements incessants dans son dos. Evidemment, certaines ne se faisaient pas prier pour admirer les fesses parfaitement musclées de monsieur le bras droit. Qu'est-c'que vous voulez ? Soit on est parfait, soit on ne l'est pas, et Rayan n'est rien de plus que la personnification du mot perfection. « Quant à toi... Le cheveux terne, pour pas changer... Le regard... amusé, la démarche certaine, ça sent l'arrogance à plein nez, rien à voir avec cette écervelée de Lucie... » Elle n'aurait pas pu changer en si peu de temps, pas cette fille qui avait renversé son verre de lait et qui avait tenté de lécher la chemise du delta pour rattraper le coche. Celle-là, c'était une tigresse, une prédatrice en puissance, la version presque féminine de Rayan, bien que celle-ci avait déjà un prénom, celui d'Arielle. « Alors ? Cousine ? Sœur ? Elle aurait dû t'apprendre à ne pas chasser sur mon territoire, petite. T'es loin de faire le poids, même en me mettant à poil. » Ça augment son sex-appeal, à l'Apollon qu'il est. Le delta eut envie de croiser ses bras contre son torse en adoptant son air détaché, mais il se souvient bien vite que sa main était occupée à maintenir son caleçon qui dissimulait son entre-jambe. Dommage, il n'avait pas l'air trop crédible, mais peu importe. Des réponses, maintenant.

Il était nu. Et c’est à peine si Lucie frémit ou se choqua. De la provocation à l’état pure et sa réaction face à cette dernière fut d’adresser un sourire railleur à Rayan. Bien. L’attention semblait accaparée ! Mission accomplie. Son bras à présent esseulé retomba le long de son corps alors qu’elle adressait un sourire rassurant à la brunette. Non, il ne lui arriverait rien.

Un sourcil se redressa à l’énonciation de ses cheveux alors que la tête continuait à se tenir fièrement droite et haute. Qu’il aille se faire foutre celui là. Sans prendre la peine d’ouvrir la bouche, Lucie commença doucement à tourner autour de Rayan afin de s’assurer de l’état physique de monsieur. Mollet, dos, pectoraux, fesses… rien ne lui échappa. Si elle voyait un homme pour la première fois à poils, elle n’en laissa rien paraître. Non, Misty aurait déjà vu nombre d’hommes tomber à ses genoux. Des hommes bien mieux que Rayan lui-même. Le sommet, la crème des crèmes se serait pliée aux bonnes volontés de Misty pour avoir une chance de la séduire. Intelligente, belle, le porte feuille garnie et assez de connaissances pour obtenir ce qu’elle désire. Qui aurait pu lui résister ?

« Pas mal… » Fini-t-elle par consentir dans un haussement d’épaule. « … pour ce qui est de l’emballage. Le reste laisse à désirer. Tu n’as jamais remarqué ? Un beau et gros papier et finalement dedans...»

Aussi, elle soupira avant de lever les yeux au ciel. Qui elle était ? Il osait poser cette question ? Alors lui aussi, tout comme elle-même, ne la reconnaissait pas ? Autant en jouer ! S’il pensait fréquenter quelqu’un d’autre, peut être aurait elle une chance de conserver une place dans son entourage. Pour finir, la chose qu’elle était devenue pouffa doucement derrière un ou deux doigts. Rien de moqueur, non, juste de l’amusement. Si l’acte ne se voulait pas dégradant pour Rayan, il lui ôta une grande partie de sa crédibilité. L’hilarité trouva sa source dans un constat des plus anodins. Il ne pouvait probablement pas se payer une seule des machines ici présente alors que la famille Da Russo avait subventionnée une grande partie de l’université. Comment Rayan pouvait-il penser un instant que cette salle devenait son territoire alors qu’il ne possédait rien ? Elle, elle était chez elle !

« Tu es mignon, le bleu. » Consenti Lucie comme si elle parlait à un gamin à qui l’on accordait trop de condescendance. « Mais ici, vois tu, on se présente avant de demander à quelqu’un de le faire ! »

Bien sûr, le prendre au sérieux lui accorderait trop de crédit et le contredire lui conférerait trop de poids. Des deux, Lucie restait la plus jeune et pourtant, elle s’autorisait le droit à faire une leçon de moral à Rayan. S’il voulait lui parler, il devrait se plier à ses règles. Quant à Lucie et les questionnements de Rayan à ce sujet, aucune réponse ne lui fut accordée. Néanmoins, prétendre ne pas le connaître lui fournissait l’information nécessaire pour en déduire qu’elle n’était pas Lucie.

 

Il était plus qu'évident que l'égo de Rayan était à son apogée au moment où la demoiselle présente devant lui commença à admirer ses formes. Il n'avait rien à cacher, cela va de soit, un corps parfaitement entretenu jour après jour, seul son dos pouvait être entaché de quelques griffures que l'une de ses conquêtes avait pu lui administrer, deux nuits plus tôt. Sans compter la petite cicatrice à l'arrière de son mollet gauche, souvenir gravé dans sa chaire de son passage à l'armée. Elle n'était pas immédiatement visible au premier coup d'œil, il fallait s'y attarder avant de se rendre compte qu'une balle s'était logée dans cette partie de son corps fut un temps. Il y avait anguille sous roche, s'était clair. Lucie n'aurait jamais tourné autour de lui de la sorte, au pire, elle se serait crevée les deux yeux pour ne pas avoir à poser son regard sur le corps presque nu du delta, mais celle-ci était particulièrement... tenace. Une proie de choix pour le chasseur qu'il était. « C'est toujours mieux lorsque l'emballage plait. L'envie se fait alors plus forte quant à savoir ce qu'il se cache derrière pareille merveille. Et mieux vaut ne pas se fier à une première impression, au risque de passer à côté de quelque chose qui pourrait vous plaire. » Bien que Rayan savait pertinemment que chez lui, rares étaient les traits qui pouvaient plaire aux autres. Froid, distant, manipulateur, impulsif, la liste des défauts se faisaient longues contrairement aux qualités qui pouvaient être comptées sur les doigts d'une main. Mais le delta se méfiait du monde qui l'entourait, il n'avait cessé de souffrir encore et encore au cours de son enfance et c'est ainsi forgé ce caractère d'ordure qui lui collait à présent à la peau. Rares étaient les fois où il se montrait gentil et tendre, rares étaient également ceux qui lui connaissaient ce côté angélique qui ne cessait de se faire dévorer par le monstre qui sommeillait en lui. Les yeux de l'Israëlien roulèrent dans leurs orbites. Pour qui se prenait-elle ? Elle n'était définitivement pas Lucie, sans doute un double maléfique, un peu comme Rayan l'était à côté de son jumeau, Kenzo. L'un le jour, l'autre la nuit, bien que Kenzo avait également un côté sombre en lui, il était loin, bien loin d'égaler celui du bras droit. « Comme si tu étais capable de fixer les règles comme bon te semble. Heureusement pour moi, il semblerait que j'ai eu une bien meilleure éducation que la tienne. » Sur ce point, il était irréprochable, bien qu'il n'appliquait pas toujours les conseils de sa mère, laissant plutôt son sale caractère prendre le dessus. Elle avait toujours sur canaliser son fils, mais elle était restée en Israël et ne pouvait plus contrôler l'étudiant en littérature comme elle avait toujours su le faire. « Honneur aux dames, donc. J'ai peut-être tout du plus grand salopard de l'université, mais je sais encore m'adresser aux femmes comme il le faut. » Contrairement aux pimbêches dans ton genre. La galanterie était l'une des rares qualités qu'il possédait, mais il ne fallait pas croire qu'il agissait avec tout le monde de la sorte. Ici, c'était juste pour montrer que cette pauvre fille n'allait guère arriver à marcher sur les plates-bandes du jeunes Clives. Ne jamais laisser les femmes prendre le contrôle, règle de base, sans quoi, vous êtes bons pour vous faire bouffer.

Rayan ne semblait encombré ni par le regard de Misty sur ses fesses, ni par celui des autres. La nudité ne se portait pas facilement pourtant. Lucie en serait incapable. Se cacher derrière des vêtements demeurait plus aisé! Lui, il s’exhibait laissant les autres admirer l’emballage….  En parlant de ce fameux emballage, un publicitaire ou les autres personnes se fiant au marketing approuveraient la théorie du Delta. Cependant, Lucie fonctionnait à l’instinct. Il parlait pour elle et lui soufflait des indications qu’elle aurait dus plus souvent écouter.  Néanmoins, elle préférait le taire pour rester la fille correcte et docile que le monde lui demandait d’être. Cette fois, tout était différent. Ici, Misty avait sa place et elle avait toujours ignoré les attentes des autres. Plaire oui, mais se vendre non. La langue bien pendue et les griffes acérées, Misty avait su se tailler une place de choix dans la cours de l’école. Personne n’aurait jamais osé embêter le monstre à deux têtes qu’elles étaient.

« Heureusement pour moi, je préfère me fier à ma première impression. Actuellement, je ne vois qu’un gorille. Lui aussi est bien foutu oui, mais il a une petite tête dont la taille s’accorde parfaitement avec celle de son entrejambe, vois-tu ? » répondit Lucie d’un ton qui ne laissait rien paraître de son malaise.

Le vice la poussa plus loin, adressant un clin d’œil malicieux, presque joueur, à son interlocuteur. La jeune femme se rangeait parmi les adeptes du monde animal et de ses lois et règles. L’ Epsilon estimait que les animaux s’organisaient plus simplement et plus clairement que les humains. Aussi, elle n’hésitait pas à regarder les mœurs primitives des congénères à poils, à plumes ou à écailles de la planète pour mieux comprendre le monde des Hommes. Il semblerait que la méthode puisse fonctionner. Bien sûr Rayan constituait un cas qu’étude plus intéressant et sexy que n’importe quel animal trop poilu présent sur Terre.

« Il y a des choses qui se méritent. Tu sembles aimer le défi alors, prouve moi que tu as la tête pleine et je pourrais envisager l’idée que tu es loin du gorille. » Proposa-t-elle en redressant un sourcil avec malice. «  A poils, le tout risque d’être cruellement complexe. »

Rien n’était jamais acquit. Lucie le savait. Misty avait toujours raffolé d’idées saugrenues, des douces manipulations et autres subterfuges pour obtenir ce qu’elle désirait. Sans Misty, Lucie aurait raté une bonne partie de son enfance. Sa sœur avait su sortir les griffes sans jamais se faire prendre. Un talent que Lucie espérait savoir manier à son tour. Actuellement, la jeune femme se sentait renaître, pleine de vie, entière et comblée. Faire revivre Misty, la sentir, la voir et l’être lui avait manqué. Avec elle, Lucie aurait pu toucher les étoiles. Elles avaient toujours été plus fortes à deux. Quelle idée que de finir seule ! Comment avait-elle pu vivre sans sa moitié ? C’était compliqué de se faire à l’idée. Elle avait mis du temps mais à présent, elle aimait toujours. La faire revivre ressemblait à un hommage, certes, mais lui brisait le cœur.


 

Le bras-droit des delta avait su enchainer les jobs, et même les accumuler, en plus de ces cours de littérature. Un jeu d'enfant pour un gamin qui souhaiter s'intégrer en terre inconnue, faire connaître son nom et principalement, se faire une place dans la vie d'un être dont la présence lui avait été privée pendant vingt-deux années. Tout d'abord barman, le jeune Harabo avait su se faire une place dans un club de striptease en marchant simplement dans la rue. Se pavaner torse nu jour après jour à la plage et croiser le gérant du club dans lequel il avait travaillé n'avait été qu'une formalité, se déshabiller devant des minettes en chaleur l'avait également été. Rayan détenait un corps à en faire tomber plus d'une et il en avait conscience, raison pour laquelle il s'était tourné vers ce job minable qui lui permettait d'encaisser un pactole plus que correct, alors non, s'exhiber à poil n'était guère un problème pour l'Israélien. Cependant, la remarque qui s'en suivit ne fut guère à son goût. Comment pouvait-elle juger alors que la partie du corps dont elle parlait, restait dissimulée sous un vêtement trempé qu'il tenait fermement dans sa poigne ? Ça le tuait, tout comme cette comparaison ô combien minable. Le comparer à un être poilu alors que pas un poil trônait sur son torse... « Wahou, alors, t'es du genre à soulever la jupe des animaux pour voir ce qui se cache en dessous. C'est carrément... dégueulasse. » À croire que la demoiselle était une pro' dans le domaine de mater les parties intimes de ceux et celles qui l'entouraient et Rayan ne guère en savoir d'avantage. L'image sur cette fille était déjà toute faite et ne changerait certainement en rien. Le défi, ou peu importe comment cela s'appelait, que la blondinette lui lança fut ô combien mal pris. Il y avait des limites quant à ce que le delta voulait faire et il n'allait très certainement pas se plier en quatre pour une personne qu'il méprisait dés le premier regard. Certes, il faisait plus qu'attention à l'image qu'il donnait de lui, cachant sa véritable identité derrière une forme humaine plus ou moins étrange. Il se mentait à lui-même pour mieux mentir aux autres, bien qu'au fond, il savait qui il était. « Tu sais, j'ai vraiment rien à prouver quant à la taille de mon entre-jambe ou quant à mon taux de QI, qui cela dit doit nettement être supérieur que le tien, à qui que se soit, notamment pas au petit peuple dans ton genre. J'suis pas là pour plaire aux autres, surtout pas à toi, parce que t'en vaux vraiment pas la peine. » Comme toutes les autres, à dire vrai. Les femmes, Rayan les avait toujours détestées depuis plusieurs années maintenant, et c'est pour cette raison qu'il aimait tant les faire souffrir, jouer d'elle jusqu'à leur briser leur cœur, il n'en ressentira jamais le moindre scrupule. Se pavaner tel un coq n'est qu'une armure derrière laquelle il dissimule un passé un tantinet sombre et qu'il se refuse d'évoquer depuis son arrivée sur le sol américain. Son cœur, il ne l'a ouvert qu'à son frère et encore, Kenzo ne connait que peu de choses se cachant sous la surface de cette tête de mule qui lui sert de jumeau. Finalement, l'étudiant tourna les talons, déambulant une dernière fois, nu, dans la salle avant de gagner le vestiaire et d'enfiler des vêtements secs. Un nouveau short, un simple sweat-shirt à capuche et ses baskets, le tour était joué. Quittant le vestiaire, il s'apprêta également à quitter la salle. Personne n'avait à lui dire ce qu'il avait à faire, ou celui qu'il devait être, certainement pas une minette de quinze ans qui pétait plus haut que son cul sous prétexte qu'elle a des billets pleins les poches.

Il ne comprendrait jamais rien, pas plus qu’elle ne parvenait à s’attacher à certains détails. Lucie demeurait la principale dans cette affaire. Misty avait périt des années plus tôt et la faire revivre ne faisait d’elle qu’un pâle zombie. Cependant, Lucie gardait au fond certains héritages, certains actes, certaines formes de pensées complexes. Lucie avait été imprégnée par la philosophie de Misty. Des raisonnements avaient vu le jour sous l’influence de sa sœur. Mais si Lucie se changeait en un être doux et attentionné, ce n’était que pour faire face à une évidence. Elle n’avait pas le temps, pas le temps de se disputer, de se chamailler pour des broutilles et des détails d’enfants. Sa sœur avait péri trop jeune, puis Emily et d’autres encore. Personne ne pouvait savoir si demain annonçait leur fin dans ce monde. Aussi, Lucie aimait tout pour mieux en profiter. Cependant, Misty avait toujours vu les choses autrement. Les autres ne possédaient pas assez d’éclat pour requérir leur intérêt. Ils étaient mous, lents et fade face à l’intelligence hors norme de Misty.

« Mes études. » Termina-t-elle au moment où le Delta prononça un jugement hâtif sur la passion de Lucie concernant les animaux. Dégueulasse, avait-il dit.

A la suite des propos du bleu, comme elle se plaisait le nommer, elle redressa un sourcil sceptique. Son argument frôlait le ridicule. Le savait-il seulement ? Il ne pouvait la narguer de manquer d’intérêt et prétendre ne pas vouloir lui plaire. Les faits avaient été réalisés. Il se trouvait dans une salle de sport à sculpter son être pour le plaisir des yeux. Pour preuve, il se pavanait à poils devant tous comme s’il leur offrait le plus beau cadeau.

« Dans ce cas, que fais-tu ici ? » Interrogea-t-elle alors qu’il sembla la prendre au pied de la lettre et qu’il tournait les talons. Lucie le regarda partir. Il serait embêtant de louper le spectacle, même si elle avait raté son approche. Tant pis. Inutile de faire de lui sa baleine blanche. Ils ne se comprendraient jamais. Pire encore, Lucie s’en voulait. Alors qu’elle partait rejoindre les quelques filles un peu plus loin, elle réalisa que Rayan avait réussi là où tous avaient échoué durant des années. Elle avait eut honte d’elle-même. Durant toute sa vie, Lucie s’était assumée comme la fille maladroite et timide. C’était elle. Ses limites, ses capacités et ses envies ne lui avaient jamais échappé. Aujourd’hui pourtant, Lucie n’avait pas été assez bien pour faire face à Rayan. Cette sensation l’avait poussée à changer d’identité, à devenir Misty et à en jouer le rôle. Elle avait troqué son identité pour plaire, pour être quelqu’un de mieux et plus intéressant. Avoir honte de soi-même s’avérait plus douloureux qu’elle ne laissa paraître. Se détester pour ce que l’on avait fait causait plus de douleur encore. Des regrets ne suffiraient pas pour effacer les blessures qu’elle s’était infligée. Misty lui manquait. Depuis le jour où elle avait tourné la page, Lucie avait bâclé son devoir de mémoire, enfouit au fond d’elle la douleur. Aujourd’hui, cette dernière devenait intenable. Elle avait besoin de sa sœur.

Finalement, elle n’avait plus le cœur à faire du sport. A son tour, Lucie rejoint les vestiaires, récupéra ses affaires. Sans prendre le temps de se changer, elle tourna les talons. L’ascenseur. Se faufilant à la dernière minute entre les portes, elle tourna la tête vers l’être à côté d’elle.

« Oh ? King Kong ! » Nouveau surnom pour Rayan. « J’ai envoyé ta paire de fesses sur Facebook pour voir si quelqu’un pouvait me donner ton nom. » taquina-t-elle en lui adressant un clin d’œil.

Evidemment qu’elle ne l’avait pas fait ! Mais lui faire croire serait plus amusant. De toute façon, son portable n’avait plus de batterie. Soudain, la lumière se coupa dans la cage et l’ascenseur s’immobilisa.

« C’est maintenant que tu vas me tuer ? » demanda Lucie entre la plaisanterie et la trouille de se faire massacrer dans une foutue boite en fer bloquée entre deux étages.