« Qu'est-c'que ça peut te faire ? », brailla-t-il juste avant de tourner les talons. Non, Rayan ne se rendait pas à la salle de sport dans le but de plaire à tout le monde qui pourrait le voir, certes, il était le stéréotype du mec qui aimait son corps plus que n'importe qui d'autre et qui ne cessait d'en prendre soin, mais cela allait naturellement de paire avec la belle gueule qu'il avait. Le sport en général, car oui, le delta n'était pas qu'un simple adepte du sport en salle, ni même en chambre, le basket était une grande passion qu'il avait, tout comme courir dans les parcs que la ville pouvait offrir, ainsi qu'à la plage. C'était un moyen pour le jeune homme de se vider l'esprit, de penser à autre chose qu'aux galères qu'il pouvait rencontrer sur tous les plans de sa vie. Emotionnellement indisponible, des amitiés qui se fracassaient la figure, une jalousie inexplicable pour tous les hommes approchant de trop près une certaine bêta, une réputation menaçait par l'homme qu'il était vraiment, seuls ses études et son boulot lui donnait de quoi être fier. La séance était terminée, il allait se changer en quatrième vitesse dans le but de regagner sa maison de confrérie afin d'y prendre une douche et de partir travailler. Une fois dans l'ascenseur, le blondinet ne put que pousser un soupir lorsqu'une personne, plus du tout inconnue à ce jour, s'y engouffra en dernière minute. Évidemment, il détourna le regard afin d'éviter de s'énerver. Cette garce était aussi énervante que ne pouvait l'être Lucie, mais pourtant, elles avaient toutes deux leur manière bien propre pour le faire sortir de ses gongs. Levant les yeux au ciel et les faisant tourner dans leurs orbites, Rayan était à deux doigts de régler son compte à cette prétentieuse. Certes, il n'avait jamais frappé une femme, contrairement aux hommes où il s'est déjà donné à cœur joie dans plusieurs batailles, mais pour ce soir, il se sentait capable de faire un petit effort afin de régler son compte à la gamine qui ne cessait d'ouvrir son clapet. Un doigt menaçant se pointa finalement vers la jeune femme, et le rouge monta bien vite aux joues du bras-droit. « Alors de une, ma p'tite, appelle-moi encore une fois King Kong et j'te jure que... » Les lumières s'éteignent et l'ascenseur s'arrête, tout comme l'étudiant qui ne prononce plus un mot. C'est un comble, vraiment, le Rayan est devenu claustrophobe suite à son passage dans l'armée. Il supportait les cages d'ascenseur en apparence, mais avait toujours la boule au ventre au moment où il montait à l'intérieur. Alors maintenant qu'il faisait nuit noire... « Probablement. » Si le delta ne meurt pas avant. Oui, il avait envie de réduire à néant la vie de cette misérable fille qui se prenait pour la reine du monde alors qu'elle ne valait pas un clou. La tension grimpa en flèche et le delta pouvait sentir ses mains devenir moites de secondes en secondes. « Ok... merde, fais chier. C'est pas cool là... » En apparence, il avait l'air d'un gros dur, mais nombreuses étaient ses peurs qu'il gardait au plus profond. « Attends, bouge pas. » Les mains tendus, il avança à tâtons dans la direction de la demoiselle, une main se posant sur une certaine partie du corps de l'étudiante qu'il pensait être son biceps. « Pour quelqu'un qui fait du sport, t'as les muscles un peu mous. » Encore fallait-il que le Clives touche les muscles de la demoiselle, et non pas son sein, comme il était actuellement en train de le faire. Glissant sa main dans la poche de son short, il empoigna son téléphone. Evidemment. « Comme par hasard, y'a pas de réseaux dans ces endroits de merde. » La poisse totale. « J'dois pisser... » Histoire de rajouter une couche aux problèmes qu'il avait déjà à être enfermé dans le noir avec une si mauvaise compagnie.

A croire que le timing avait été prémédité, que quelqu’un s’amusait d’eux et qu’ils n’étaient que des pions dans une boite. Lucie fouina dans ses poches en quête de son portable. Peut être pourrait-il au moins les éclairer. Mais Rayan lui ordonna de ne pas bouger. Etrangement, la demoiselle s’immobilisa. Pourquoi avait-on toujours le réflexe de ne pas bouger lorsque quelqu’un l’ordonnait. A croire que c’était inscrit dans l’instinct de survie. Pourquoi ne devait-elle pas… ?

La main sur son sein poussa les joues de Lucie vers le rouge pivoine. Heureusement, le noir sauvait son rôle de reine des abeilles. Rayan l’aurait probablement mise à nue s’il avait remarqué le changement de comportement. Qui n’aurait pas compris qu’elle n’était rien d’autre qu’une petite vierge facilement intimidée par un contact physique ? Ca n’avait pas été désagréable, presque trop plaisant d’ailleurs, et fugace. Luttant de toutes ses forces contre l’envie de reculer, Lucie inspira profondément pour reprendre ses esprits. Il suffisait d’appuyer sur le bouton de son portable pour faire jaillir un faisceau de lumière salvateur.

« T’es qu’un pervers ! Si tu crois que tu peux trouver toutes les excuses les plus pitoyables pour me tripoter les seins et sortir ton pénis, tu remballes. » Grogna Lucie en sentant un frisson parcourir sa colonne vertébrale.
Lucie avait toujours été tactile et douce. Les câlins, les caresses dans les cheveux ou autres marques de tendresse lui plaisaient. Maintenant qu’elle avait grandi, plus personne ne semblait vouloir lui en octroyer. Aussi, une forme puissante de frustration venait de voir le jour, une toute nouvelle tension bien différente de celles habituelles. Lucie colla sa main sur les fesses de Rayan pour les pincer avec force.

« Dis donc pour un beau gosse, t’as le nez vachement bombé ! » Railla Lucie dans une imitation des propos du Delta sur ses seins ou son biceps.

Pour la première fois de sa vie, Lucie faisait face à des envies et émotions qu’elle ne comprenait pas. Le geste avait été spontané, mué par une envie de toucher qu’elle n’arrivait pas à contrôler. Ne parlons pas d’amour ou de sentiments aussi purs que le monde le prétend. Non, Lucie ressentait du désir, une forme de sensualité naissante qui la perturbait. Comment gérer ça ? Qu’est-ce que c’était ? Pourquoi est-ce que Rayan provoquait cet effet ? Pourquoi est-ce que son esprit ne cessait de renvoyer des flashs de son torse nu et saillant ou encore de son postérieur ? Elle ne pouvait pas ressentir ça. C’était mal et elle ne savait ni comment satisfaire ce désir, ni comment se débarrasser de lui. Ca ne pouvait pas être elle.

« Misty. » Fini par souffler la blonde. « Misty White. »

Maintenant, le Delta pourrait faire le lien avec Lucie. Son véritable nom restait Lucie White Da Russo mais la jeune étudiante se doutait que Rayan ne connaissait pas son identité en entier. Ainsi, elle décida de lui mâcher le travail en lui fournissant plus d’indice : son accent français notamment. Pourquoi connaîtrait-il le nom d’une fille qu’il ne supportait pas ? Dans un nouveau soupir, l’Epsilon appuya sur le bouton de secours de l’ascenseur. Le geste puisait sa source dans une profonde volonté de changer les contenus de son esprit plus que de réellement tenter un appel au secours vers l’extérieur. D’ailleurs, aucun son ne sembla provenir de l’appel. Pas de générateur de secours ?

« J’espère que l’on ne va pas être bloqué là toute la nuit. » reprit la jeune femme d’un ton blasé. « J’ai des amis qui sont restés coincé des heures dans un ascenseur. T’imagine si le système de sécurité lâche, on s’écrabouille sur le sol comme des crêpes. »

Lucie n’avait jamais été effrayée par les espaces confinés ou même le noir. Elle avait confiance et elle eut presque raison. La voix dans le haut parleur vînt à leur secours.

« Ici, Otis service et dépannage. Nos techniciens sont actuellement occupés, veuillez rester calmes et patienter. »

Comment ça occupé ? Qu’est-ce qu’ils faisaient exactement ? Alors qu’elle s’apprêtait à pester pour que quelqu’un se décide à venir les sortir de là, un sifflement se fit entendre depuis l’appareil et la conversation sembla interrompue. Soirée de merde ou pas, elle était seule avec Rayan.


 

Pourquoi le monde entier ne voyait en lui qu'un pervers ? Il n'était, après tout, qu'un être humain parmi tant d'autres, mais son nom de famille semblait lui avoir collé une étiquette dont il ne pouvait à présent plus se débarrasser. Le Harabo était un être qui pouvait se montrer parfaitement doux et attendrissant, bien qu'un peu énervant sur les bords, certes, mais il n'était pas méchant en soi. Le Clives, au contraire, était tel un animal, une véritable bête sauvage qui avait ce besoin constant de se retrouver au sommet de la chaîne alimentaire. Rayan l'avait très bien compris le jour où il a rencontré William, son père. Mais après tout, bien que le delta soit un très grand amateur de chaire, il n'était pas non plus du genre à sortir ses atouts comme bon lui semblait, il fallait d'abord que la fille en vaille la peine, ainsi que le coup d'œil, ce qui n'était en rien le cas de celle qui lui faisait actuellement face. « Tu crois peut-être que j'sais où j'pose mes mains quand j'suis dans le noir ? » Le blondinet avait retiré sa main en un quart de seconde à peine, fronçant les sourcils devant la jeune femme. Elle ne le connaissait pas, alors pour qui le prenait-elle ? Les étiquettes qu'on lui attribuait, était si souvent désabusés que cela frisait le ridicule. Homosexuel ? Non, bisexuel, nuance. Pervers ? Non plus, il aimait tout simplement les plaisirs de la vie et le ridicule prônait dans le fait que tout le monde restait figé sur la première impression que les autres reflétaient. Autrement dit, ils étaient deux à être ridicules dans cet ascenseur. Il ne sursauta ni ne haussa les sourcils au moment où la main de la jeune femme vint à pincer son arrière-train. Évidemment, qu'il avait ressentit le pincement, mais ces derniers temps, il avait eu l'habitude que les filles ne cherchent à le tripoter, allez savoir pourquoi, sans aucun doute les efflux de l'été qui jouaient déjà sur les hormones des demoiselles. « Faut bien qu'il y en ait un de nous deux qui ait quelque chose de bombé, comme c'est pas ton cas... » Pas de fesses, pas de poitrine, même monsieur avait des pectoraux plus importants, d'un plat et d'un ennui à en faire pleurer plus d'un. Mais Rayan avait bien conscience que son nez était des plus parfait, la blondinette était en tort et ne savait plus quoi inventer pour se défendre. La vie doit être dure lorsque l'on est moche, un souci que n'a guère le delta. « Rayan... Harabo. », murmura-t-il après avoir analysé pendant quelques secondes le nom de celle qui l'accompagnait dans la galère qu'il était actuellement en train de vivre. Le blondinet ne cessait de chercher un potentiel lien avec Lucie, mais hormis leur ressemblance, rien ne venait à frapper son esprit. Après tout, il ne connaissait pas le nom de famille de l'étudiante qui avait osé la demander en mariage du tac au tac. Des folles, ces femmes. Quant au fait qu'il n'avait pas cherché à dévoiler sa véritable identité, Rayan avait ses raisons. Il ne voulait pas d'étiquettes en plus lorsqu'elle apprendra qu'il était le fils de William et le neveu de Noah. Si toutefois, cette fameuse Misty connaissait les deux hommes. « Bon, si tu tiens vraiment à faire la conversation, évite ce genre de sujets, tu seras mignonne. » Le pauvre est déjà assez claustrophobe comme ça et intérieurement, l'étudiant en littérature se jura que plus jamais il ne prendrait l'ascenseur, même pas pour se balader à travers les étages de Shark Publications. Il deviendra le nouveau Flash, à ce moment-là. Rayan inspira un grand coup au moment où une voix métallique résonna dans la boîte de métal. « Rester calme et patienter... j'aimerais bien les voir, ces bouffons, enfermés dans un stupide habitacle de métal et dans le noir ! » Le grand blond recula jusqu'à la paroi de l'ascenseur et s'écrasa sur le sol, pâle comme un mort alors que son teint était d'un naturel bronzé. Sûr qu'il allait très bientôt faire un malaise, à ce rythme-là. « Sinon, tu ne connais pas une certaine Lucie... Lucie... Jeneconnaispasdutoutsonnom ? » Ouais, fallait bien meubler la conversation, qui sait pendant combien de temps ils resteraient cloitrés dans cet espace réduit.

En réalité, le geste demeurait purement humoristique, même si elle admettait avoir envie d’une chose qu’elle ne parvenait à identifier. En touchant son postérieur pour affirmer être sur le nez, elle imitait l’idiotie de Rayan lorsqu’il avait tripoté sa poitrine en affirmant tâter son biceps. Aux yeux de Lucie, les deux demeuraient parfaitement idiots et elle se moquait ouvertement de lui par ce biais. Visiblement, il n’avait pas compris, ou ne cherchait pas à comprendre. A moins que sa réponse ne soit trop complexe pour qu’elle, elle puisse la saisir.

« Ca me dit quelque chose ce nom. » Souffla-t-elle pour elle-même.

Sans rire ! Le nom du garçon qu’elle traquait si fortement qu’elle pourrait sembler folle ne pouvait que lui dire quelque chose. En réalité, il était quelqu’un auquel elle tenait beaucoup. Alors qu’elle réfléchissant, ou faisait mine de le faire, Rayan se plaignait d’être coincé dans l’ascenseur. Certes, elle consentait que la situation n’avait rien d’amusant. Néanmoins, la plus jeune trouvait son avantage dans cette situation. Passer du temps avec son Rayan pourrait être utile. Peut être pourrait elle mieux le connaître, savoir quel était ses goûts, ses préférences et avoir une réelle conversation avec lui.

« C’est solide. » Rassura Lucie en tapant du pied pour prouver à Rayan que la cage restait bien accrochée à sa place.

L’idée pouvait paraître idiote dans le fond et aussitôt, la blonde s’arrêta. Le regard posé le jeune homme assit au sol, elle se mordit la lèvre. Il pouvait rêver pour que ses excuses s’éternisent plus longtemps. Misty avait son orgueil. Le portable braqua sa lumière sur le Delta. Cette lueur ne parviendrait pas à aveugler qui que se soit mais elle permettait à Lucie de détailler le jeune homme.

« Lucie. » Marmonna Misty comme si l’illumination venait de lui tomber sur le coin de la figure. « C’est ma jumelle…»

Dans un nouveau soupir, Lucie se calla dos contre la paroi de l’ascenseur. Se faire passer pour Misty s’avérait plus complexe qu’elle n’avait pu l’imaginer. En réalité, elle ne l’avait jamais imaginé. La demoiselle se retrouvait coincée par ses propres idées et démons. Aussi, la blonde se tenait le plus loin possible du président de confrérie. Trop de choses lui échappaient pour qu’elle ne prenne le risque de se griller auprès de Rayan. Et puis, cette chaleur dans son bas ventre ne la quittait pas. L’ensemble devenait intenable. L’Epsilon ne comprenait plus ce qui lui passait par la tête ou ce qu’elle voulait. Perturbée, elle se contentait de se tenir dans le noir et de maintenir Rayan à la lumière.

« Alors c’est toi le gars que ma sœur convoite. » Annonça-t-elle en analysant Rayan sous toutes les coutures. « Je ne te voyais pas comme ça. Au vu de la façon dont elle te décrit, je pensais que t’étais un intello en littérature. »

Comme s’il y avait un physique particulier pour être doué en littérature.

Installé à même le sol, les doigts de Rayan se mêlaient et s'entremêlaient nerveusement. Les paumes devinrent, de plus en plus, moites et son pouls ne cessait d'accélérer. Son cœur avait quelques ratés au milieu de sa poitrine, de quoi lui couper le souffle à plusieurs reprises. Le visage était devenu blanc comme un linge, mais la pénombre de la pièce ne laissait rien paraître pour l'heure, une chance pour le delta qui n'aurait pas à refléter tant que ça, une pitoyable image de lui. À chaque nouvelle seconde qui venait à s'écouler, Rayan avait l'impression que le sol s'affaissait sous ses pieds. N'était-ce que le fruit de son imagination où l'ascenseur descendait-il petit à petit, les câbles prêts à lâcher et les faisant s'écraser plus bas ? Il ne réagit que très peu, au moment où Misty lui avoua être la sœur jumelle de Lucie. Au fond, il l'avait ressenti, mais ça lui faisait bizarre de savoir qu'il y avait d'autres jumeaux dans le coin et les questions se bousculèrent au portillon de son cerveau. Leur relation, leur histoire, quant au caractère, il en avait une maigre idée. L'instinct de curiosité faisait irruption en flèche, même si le delta ne laissait rien paraître. Il ne fallait pas croire qu'il accordait une quelconque importance à Lucie et au reste de sa famille alors qu'il fuyait cette dernière comme la peste. « Elle me convoite, vraiment ? À croire que le message est mal passé. T'auras qu'à lui dire que j'suis pas intéressé, apparemment, elle ne l'a pas très bien compris. » Devait-il la confronter une fois encore histoire d'encastrer sa tête dans un pot de confiture pour qu'elle comprenne une bonne fois pour toute qu'il n'était en rien intéressé ? Les femmes et Rayan, cela se résumait à des nuits torrides sans lendemain, une nouvelle partenaire à chaque nouvelle séance sportive, pas de place pour les sentiments. Le bras droit n'était guère fait pour la vie de couple ou l'amour en général. Ses doigts s'entrecroisèrent finalement tandis qu'il baissait le regard, la lumière du portable de Misty toujours braqué sur lui. Il se sentait tel un prisonnier que l'on cuisinait au cours d'un interrogatoire. Mais finalement, les paroles de la demoiselle firent rouler ses yeux dans leurs orbites. « On peut être calé en littérature et être en prime un Dieu vivant. Le hasard fait parfois bien les choses, la preuve. » Certes, cela n'est pas donné à tout le monde, mais Rayan a eu cette chance, alors autant en tirer tous les avantages, l'on ne pouvait pas en dire autant de son frère à qui il manquait plus d'une case. Encore et toujours des préjugés à son égard, bien sûr. « T'étudies aussi la... les singes ? La biologie ou j'sais pas trop quoi ? À moins que pour ta part, tu ne sois le genre croqueuse d'hommes et que les études sont la dernière de tes priorités, contrairement à ta sœur. » Attendez, que venait-il de dire ? Évidemment, cela donna bien rapidement des idées au jeune Clives qui, avant que la pensée ne vienne à passer la barrière de ses lèvres, ne prononçaient les mots que dans le but d'apaiser une âme perdue et souffrante. Il fallait dire qu'en de telles circonstances, et Misty n'en avait très certainement pas conscience, cette dernière pourrait parfaitement obtenir tout ce qu'elle désirait du blondinet. « Dans ce cas, on pourrait peut-être s'entendre. » Un fin sourire narquois se dessina sur son visage, mais cela n'apaisa guère la tension ressentit au plus profond de son être, à l'endroit précis où son cœur se tordait, encore et encore, criant de douleur d'être enfermé dans pareil endroit, sans savoir combien de temps il y resterait.

Il ressemblait à un petit garçon dans cette position. Il avait peur. L’odeur de cette émotion se ressentait dans toute la cage. Etrangement, et probablement pour des besoins de survie de l’espèce, la crainte d’un être se transmettait à l’autre pour l’avertir d’un danger.  Néanmoins, Lucie ne s’effrayait jamais pour du noir ou des espaces clos. Combien de mauvais tours lui avait-on joué lorsqu’elle était gamine ? Les enfants se montraient particulièrement cruels envers les êtres différents d’eux-mêmes. Elle, elle avait toujours était un monstre et pour se protéger du monstre à deux têtes, les autres gamins l’enfermaient avec sa sœur dans les toilettes, les placards, le cave et autre recoin peu réjouissant. Jamais, Lucie n’avait eut peur. En revanche, elle paniquait devant le moindre petit être à plus de quatre pattes : les insectes, arachnides et autres réjouissances. Lucie savait une chose sur la peur et les hommes. Ne jamais leur dire quand on devinait qu’ils avaient peur. Les mâles avaient tendance à mal le prendre. De plus, face à une grosse frayeur, il convenait de changer le sujet, l’esprit de la personne pour éviter de créer une spirale de peur qui ne ferait que grandir au fur et à mesure.

« Je ne lui dirais rien du tout. » Annonça Lucie d’une voix claire sans être tranchante. « Et puis, je suis sûre que tu es le genre à apprécier quand une fille te courtise. »

Hors de question de jouer les messagers avec elle-même. De plus, il ne savait pas ce qu’il voulait, hormis se faire désirer. Aussi, ce genre de propos sonnait creux. Evidemment qu’il ne voudrait pas d’elle dans l’immédiat. Il ne la connaissait pas. L’amour se construit. Le coup de foudre n’existe pas.

« Au départ, je voulais faire médecine. Jusqu’à ce que je réalise que je n’aimais pas suffisamment les hommes pour les sauver. » Déclara la blonde sans tiquer. Ce propos là, Misty l’avait tenue, des années plus tôt. Précoce, elle avait haït les autres, ses semblables lorsqu’elle avait réalisé l’étendu des maux qu’autrui pouvait fournir.  « J’ai arrêté ma première année de médecine pour me focaliser sur la biologie. Certaines matières portent sur le comportement animal. »

L’étude du comportement animal comportait plusieurs branches mais Misty ne tenait pas à entrer dans le sujet. L’un comme l’autre finirait par s’ennuyer.

« Je suis le genre de fille qui n’aime pas être continuellement comparée à sa sœur, jumelle ou pas. Pour le reste, je te laisse le découvrir par toi-même. »

Plus le temps passait et plus Lucie perdait le fil, ne prenant plus la peine de veiller sur son accent français ou braquer son portable sur Rayan.

« Evidemment qu’on va bien s’entendre. On aura survécu à l’épisode de l’ascenseur, de quoi resserrer les liens non ? »

Délicatement, Lucie vînt poser ses fesses à côté de Rayan, dos contre la cage d’ascenseur. Après tout, si les dépanneurs prenaient des heures à arriver, autant s’installer confortablement.

« Tu ne saurais pas chanter par hasard ? » Demanda Lucie en tournant à nouveau son portable en direction de Rayan, comme pour l’examiner à nouveau. « Parce que si tu as un talent quelconque pour faire passer le temps, se serait le bon moment pour le faire savoir. » Annonça la jeune femme en fouinant sur son portable pour chercher un potentiel réseau internet, téléphone ou n’importe pour joindre l’extérieur

« Je capte la radio…. » Ajouta-t-elle dépité alors qu’un vague grésillement se faisant entendre. Nous sommes sauvés...

L'espace d'un instant, le blondinet espérait que son message d'alerte silencieux arriverait jusqu'à son frère jumeau. Ils avaient rapidement eu ce lien étrange qui les faisait se sentir si complémentaire, l'un ressentant la souffrance de l'autre d'une manière ou d'une autre, l'un sentant toujours quand l'autre se trouvait dans une situation délicate et aujourd'hui, plus particulièrement, Rayan espérait que son frère ressentirait l'étouffement et la peur qui était en train de se frayer un chemin en lui. « Tout dépend de la fille, faut pas qu'elle soit trop moche non plus. Ni trop... collante. Ou pire encore, les deux en même temps. » En d'autres termes, qu'elle soit le portrait craché de Lucie. Certes, le blondinet ne pouvait renier le fait que la jeune femme avait un certain charme, mais elle était trop naïve, trop timide, trop maladroite à son goût, une liste de défauts qu'il avait su remplir en à peine cinq minutes, montre à la main, de quoi lui couper l'envie ne serrait-ce que de la croiser. Évidemment, le jeune homme était, comme tout bon delta qui se respecte, bien heureux lorsqu'il se faisait courser par quelques demoiselles au physique fort avantageux, mais il ne fallait pas croire non plus qu'il allait accorder la moindre importance à l'une d'entre elles. Dans le meilleur des cas, elle aurait le droit d'atteindre le nirvana au cours d'une seule et unique nuit, et les choses s'arrêteront là. Il l'écoutait, parce qu'il n'avait absolument rien d'autre à faire et que ce moyen-ci lui permettrait peut-être d'oublier sa peur des espaces confinés le temps que quelqu'un ne vienne à les sortir d'ici. « Et certains humains ne sont pas si éloignés que ça du monde animal, tu fais d'une pierre deux coups. » Étudier les animaux pour mieux étudier les hommes. Rayan lui-même se considérait la plupart du temps comme un fauve enfermé dans une cage qu'il ne fallait, évidemment pas, ouvrir, au risque de lâcher un monstre qui bousculerait tout sur son passage avant de tout détruire et tout tuer. Pour le moment, l'Israélien n'avait jamais eu ce problème d'être comparé à son frère, il n'y avait que Meleya qui tenait à dire que Kenzo était bien meilleur que lui sur tous les points, mais ça, c'était simplement parce qu'elle était aveuglée par cette chose plus qu'idiote que l'on appelait communément l'amour. Encore un truc pour les esprits faibles. Le delta n'était cependant pas convaincu que Misty et lui finiraient par s'entendre uniquement parce qu'ils avaient tenu plusieurs minutes, enfermés dans un espace clos, il en fallait beaucoup plus au jeune homme qui n'était pas d'un naturel à se faire des amis. Un loup solitaire, voilà ce qu'il était au plus profond de lui. Il n'avait besoin de rien, ni de personne, bien que son frère soit devenu une personne indispensable à sa vie, au même stade que sa mère adoptive. « Moi, chanter ? Tu plaisantes ou quoi ? À part faire du play-back ou chanter sous la douche, vaut mieux éviter sinon t'auras les oreilles qui vont se mettre à saigner. » Si Rayan a de multiples talents, il n'a en rien l'âme d'un chanteur, pire qu'une casserole ambulante. Et voilà que Misty capte la radio, tu parles. « Ouais. Enfin, à part faire un bruit bizarre, il ne sait pas faire grand-chose, ton téléphone. » Poussant un soupir, le blondinet passe une main nerveuse dans sa chevelure digne d'un hérisson que l'on aurait agrafé sur sa tête. « En plus, j'ai genre trop la dalle, j'pourrais avaler une tonne de chocolat. » Ou une tonne de bonbons, ou peu importe de quoi il s'agit, du moment que monsieur Harabo avait quelque chose à se mettre sous la dent. « J'monterais bien sur le toit de l'ascenseur, mais c'est toujours à ce moment-là qu'il décide de se remettre en marche, et j'tiens à ma vie. », lança-t-il finalement après avoir jeté un coup d'œil au plafond de l'habitacle.

Moche ? Lucie redressa un sourcil avant de tendre le bras pour pincer celui de Rayan. La protestation ne se fit pas attendre. Son corps n’avait jamais été aussi bien emballé que celui de bêta passant plus de dix heures devant le miroir ou à faire du shopping, mais il demeurait parfaitement bien sculpté.

« Hey ! C’est pas de ma faute si tu ne vois la beauté que dans des plastiques de top model. Mais dis toi que si au petit matin tu as fuis, c’est sûrement parce que sans maquillage, sans super sous vêtement pour remonter la poitrine ou galber le cul, tes conquêtes ne valent pas autant que moi. » Pesta la demoiselle avant de secouer son portable dans l’espoir de faire tomber une ou deux ondes apte à capter le réseau. « Oui, tu peux aussi ajouter handicapé social à ta liste de défaut. »

Soudain, la jeune femme sembla particulièrement absorbée par une réflexion. Soudain, elle pivota pour faire face à Rayan. Les lèvres formèrent aussitôt une Duck face alors que ses doigts tiraient ses yeux.

« Je’chuis chûre que tu me trouves vachement plou chexy cômme cha. » Annonça-t-elle dans une mauvaise imitation de mannequin anorexique.

Le milieu fermé du mannequinat ne lui avait jamais été réellement fermé. Sa mère, une artiste Européenne avait défilé pour les plus grandes marques, avaient participés à de grands évènements et organisait à présent bons nombres de manifestations autour de la mode. Madame White n’avait jamais été connu sous ce nom mais sous celui de Miss, pour le lancement de sa marque. Gamine, Lucie trainait dans les pattes de sa mère, des grandes robes et des mannequins fumant et s’abreuvant de café pour mieux éviter de manger. Vomir son repas, se gaver de pilules… la routine. Lucie se souvenait très bien des fausses excuses avancées par les différents partenaires de sa mère pour refuser Lucie lors de défilé. La vérité était simple. Les cicatrices sur le corps de Lucie ne permettraient jamais à la tête blonde d’entamer une carrière. Dieu merci, pensait aujourd’hui la jeune femme. Le sourire s’étira. Il allait la prendre pour une folle. King Kong allait se fâcher.

« J’sais King Kong… L’homme est un animal. »Approuva-t-elle en hochant la tête de haut en bas.

Les doigts pianotèrent son portable en écoutant d’une oreille discrète le discours et plaintes de Rayan. Elle aussi avait faim. Pire qu’un enfant, le blondinet ne cessait de râler. Les yeux roulèrent dans leur orbite alors qu’elle poussait le vice plus loin.

« Je parie que tu auras mouillé ton pantalon avant qu’on ouvre les portes de l’ascenseur. »

Un sourire carnassier prit possession de ses lèvres. Elle espérait bien que non. Le sex appeal de Rayan serait à jamais entaché avec cet évènement. Mais l’idée de le provoquer un peu la titillait continuellement depuis qu’elle était coincée avec lui dans ce foutu ascenseur.

« Tu sais, il suffit de penser à des cascades d’eau qui chutent, des glaçons en train de fondre… Quoi ? Ne me regarde pas comme ça. Je m'ennuie. Je ferais n'importe quoi pour m'occuper. Quand je m'ennuie, je deviens chiante. Et là, c'est que le début.»

Rassurant n'est-ce pas?

En guise de mécontentement suite au pincement que venait de lui offrir Misty, Rayan poussa un grognement avant de repousser soigneusement le bras de celle qui venait de l'agresser. D'où elle osait toucher sa peau de bébé naturellement hâlée ? Personne ne touche au sublime corps de Monsieur Clives-Harabo sans en payer le prix, autrement dit, la suppression immédiate du membre ayant eu l'audace de se poser sur son corps de rêve. Cela n'était donc qu'une question de temps avant que Misty ne vienne à se faire couper les deux doigts qui avaient osé pincer la peau du grand blond. « Alors là, t'as complètement faux sur un point. Parce que si j'abandonne mes conquêtes avant qu'elles ne se lèvent le matin, c'est uniquement parce que je suis un handicapé social. » Le Delta se considérait sentimentalement indisponible depuis bien des années. Préserver ses sentiments restait une grande priorité à ses yeux, mais c'était également là un moyen de ne pas faire souffrir les personnes auxquelles il tenait tant. Rayan n'était en rien le genre d'homme qu'il fallait fréquenter. Agressif, intrépide, borné et surtout impulsif, il n'était en rien l'homme idéal, contrairement à son frère jumeau qui visait très bientôt le mariage. Mieux valait ne pas fréquenter de trop le jeune Harabo. « Oh mon Dieu, quelle horreur ! J'aimerais qu'on me crève les yeux sur le champ. » Cette tête qu'affichait la jeune femme... Même une tête de chat écrasée par un camion serait bien plus agréable à regarder que la face que lui présentait actuellement Misty. Un grognement, tout ce qu'il y a de peu rassurant, s'échappa d'entre les lèvres du jeune étudiant. Le tigre près à bondir sur sa proie et à lui faire passer un mauvais quart d'heure. King Kong. Ce surnom était d'une débilité profonde et exaspérait littéralement Rayan. Il aurait un tas de surnom à donner à son tour à l'alien qui se tenait à coller d'elle, mais il n'en faisait rien... Pour le moment, il s'abstenait, mais si elle continuait sur cette voie, rira bien qui rira le dernier. « Même pas en rêve. » Il ne fallait pas croire que l'assistant allait se laisser aller devant la jeune femme, hors de question, il avait une image de lui à préserver, image déjà bien entachée sous la surface, ceci dit, mais personne n'avait vraiment besoin de le savoir. Tout cela ne servirait qu'à détruire l'étudiant en littérature à petit feu. Fronçant les sourcils, Rayan se retenait de lâcher une remarque des plus cinglantes, celle qui consistait à avouer à Misty qu'elle était chiante depuis le départ. « Ecoute, si j'ai envie de pisser, j'me gênerai pas pour le faire, dans le coin, juste là. Alors t'es gentille, tu t'occupes de ta propre vessie. », lança-t-il tout en poussant un large soupir, les yeux se levant vers le plafond et sa noirceur totale. Il ferma les yeux, le temps de quelques secondes seulement avant de tourner son visage vers celui de la demoiselle. Sans crier garde, ses doigts se posèrent sous le menton de la demoiselle, son visage se penchant vers le sien pour enfin, plaquer ses lèvres contre les siennes, y mettant toute la passion dont il était capable de faire preuve. Le tout dura quelques secondes à peine, jusqu'à ce que le blondinet ne se rende compte de ce qu'il venait de faire. Ainsi, leurs visages se séparèrent bien rapidement et un ricanement, fort gêné, éclata légèrement dans la cage d'ascenseur. « Pardon. C'est... Merde, j'sais pas ce qui m'a pris. C'était sans doute pour que t'arrêtes d'être chiante et que tu serves enfin à quelque chose. » Première raison. La seconde, parce qu'il fallait se l'avouer, la Misty n'était pas si désagréable à regarder que cela. Mais elle restait quand même bien chiante !